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des biens sensibles, et pour les cyniques quand il ne ménageait les injures à personne.

Nous serions porté à placer à cette époque Horus, ou, comme d'autres l'appellent, Horapollon, que l'on a cru antérieur à Homère. Il n'était certainement pas égyptien, et il dut appartenir aux temps où la théologie égyptienne se mélangea avec celle des Grecs. Il écrivit sur les hiéroglyphes, non pour en donner la clef, mais pour expliquer les emblèmes et les caractères des dieux; ce en quoi il aida un peu les modernes dans leurs tentatives pour expliquer cette écriture mystérieuse.

CHAPITRE XXXI.

PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

C'est une erreur de croire que la science des docteurs catholiques ne comporte pas d'accroissements et de variété, liée comme elle l'est à une tradition supérieure. Si l'homme ne fait qu'accepter les affirmations divines, il est croyant, et rien de plus; mais s'il éclaircit les rapports entre cette tradition et les faits tant intérieurs qu'extérieurs de l'univers, sa foi devient scientifique. C'est ainsi que la théologie associe à l'élément divin l'élément humain, qui s'élance jusqu'aux limites de la certitude et parfois parvient à les franchir.

Les premiers écrivains chrétiens, plus occupés de la vertu que de la science, songèrent à exposer les dogmes de la foi, les préceptes de la morale, les rites du culte; la plupart de leurs ouvrages sont donc des catéchismes où respire l'ardeur de la conviction. Mais pour affermir la vérité ils durent combattre l'erreur, et montrer l'accord de la foi avec la raison, non-seulement en produisant les preuves historiques de la révélation, mais en établissant un système de spéculations rationnelles fondées sur celle-ci. Les saints Pères, considérant donc la philosophie et la religion comme dérivées de la même source, s'appliquèrent à les concilier à l'aide d'un éelectisme qui diffère de celui des néoplatoniciens, en ce que, au lieu de mettre d'accord les systèmes des diverses écoles, il leur donne pour règle à tous une loi supérieure, qui est la foi. Quelques-uns d'entre eux penchèrent vers les Orientaux, comme le font Denys l'aréopagite, saint Panthène, Tatien, Origène; d'autres vers les

Grecs, comme Justin, Tertullien, Lactance, Augustin. Ceux-ci firent peu de cas des épicuriens, des sceptiques, des stoïciens, des péripatéticiens, soit à cause de la morale corrompue qu'ils enseignaient, soit à cause du doute qu'ils répandaient dans les questions où l'homme a le plus besoin de certitude. Il est vrai qu'au moment où ils eurent des hérésies à combattre, ils adoptèrent la méthode logique d'Aristote; mais en général ils montrèrent plus de sympathie pour le platonisme, que l'on a dit être une anticipation ou une préparation au christianisme (1).

C'est qu'en effet Platon, se détachant de l'expérience extérieure et de la dialectique vulgaire, essaya, par une route inconnue aux Grecs, et à l'aide d'idées supérieures au monde sensible, de revenir vers le maître de la nature; il le chercha dans l'intuition et dans une réminiscence interne peut-être entendait-il par là un réveil de la conscience, un pressentiment de l'image divine inné dans l'homme; c'est là la pensée qui résout la question ontologique de la légitimité de nos connaissances, et fonde une philosophie de la révélation. Dieu est le fondement de la loi, selon Platon, qui propose aux citoyens de sa république idéale ces bases de la société : « Dieu, selon la tradition antique, ayant en soi le principe, la « fin et le moyen de toutes choses, opère constamment le bien selon << sa nature : il est toujours accompagné de la justice, qui punit les « violateurs de la loi divine : quiconque veut s'assurer une vie «< heureuse se conforme à cette justice, et lui obéit avec une humble « docilité. Mais celui qui s'enorgueillit de ses richesses, de ses hon«neurs ou de sa beauté, celui que sa jeunesse enflamme d'une in« solente présomption, comme s'il n'avait besoin de seigneur ni de « maître et pouvait conduire les autres, celui-là est abandonné de <<<Dieu, et met le désordre en lui-même, dans la maison et dans la cité. Que doit donc faire et penser le sage? Chercher les moyens d'être

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(1) Il a été nommé ainsi par saint Justin (L. cont. Gent.), par saint Clément d'Alexandrie (Stromat. VI) et par Eusèbe (Præpar. evang. XI). Numentus disait que Platon était Moïse s'exprimant en grec.

Qu'on ne me fasse pas dire pourtant que les saints Pères étaient platoniciens;

quelques-uns même combattirent tout à fait Platon, et saint Augustin se repent de l'avoir trop loué: Laus quoque ista qua Platonem, vel platonicos, vel academicos philosophos tantum extuli, quantum impios homines non opor· tuit, non immerito mihi displicuit. Retract. I.

Le jésuite F. BALTO a écrit la Défense des saints Pères accusés de platonisme; Paris, 1711.

<< au nombre des serviteurs de Dieu. Et quelle chose est agréable « à Dieu et conforme à sa volonté ? Une seule, selon l'antique et << invariable sentence qui nous enseigne que l'amitié ne naft qu'entre des êtres semblables. Dieu plutôt qu'un homme quelconque <doit donc être la mesure suprême de tout. Voulez-vous être ami « de Dieu ? mettez tous vos efforts à lui ressembler. »

Ne croirait-on pas entendre un des saints Pères? Il ne faut donc pas s'étonner si les docteurs chrétiens s'attachèrent à ce grand disciple de Socrate, non toutefois pour s'asservir à sa parole, mais par suite de l'étroite relation qu'ils trouvaient entre ses idées et celles du christianisme. Ils s'éloignaient de lut quand il ne suivait pas le droit chemin, parce qu'ils considéraient toujours la philosophie comme la servante (ancilla) de la théologie, la révélation comme la base de toute connaissance pratique et spéculative.

La révélation admise, tous les doutes logiques étaient éclaircis. Elle contient en effet la morale, c'est-à-dire, en tant qu'elle regarde les actions humaines; elle est faite au moyen de la parole, elle explique donc l'origine du langage; elle est faite par un être à d'autres êtres, elle atteste donc une variété d'existence; elle vient d'une source infaillible, elle présente donc le critérium de la certitude. C'est ainsi que l'Église argumentait, bien que certains Pères, conservant des habitudes d'école, demandassent à la science ce que, peut-être, la foi seule pouvait fournir.

tiellc.

Dieu et la religion avec le monde et l'homme sont l'objet principal de leur spiritualisme plus ou moins rationnel. Tout ce que nous pouvons concevoir de l'essence de Dieu nous ramène à l'unité Unité substansubstantielle, notion la plus élevée où puisse atteindre l'esprit humain. Cette unité, qui n'est susceptible d'aucun nom particulier, est indistincte, invisible, voilée, ne présentant à notre intelligence aucune qualité spéciale qu'elle puisse saisir. Cette idée, qui nous est apparue en tête de toutes les théologies antiques, est exprimée au début de l'Écriture sainte par ces mots : Je suis celui qui est, ou bien : Je suis l'être. Or puisque l'idée universelle de l'être sert d'appui à toute l'intelligence, et que nous ne pouvons rien affirmer sans la parole est, nous n'avons d'intelligence qu'autant que nous connaissons Dieu.

Ce n'est pas que les Pères confondissent par là toutes choses en Dieu, ils combattaient le panthéisme comme un système qui détruit la notion propre de l'Etre suprême, en supposant des émana

Création.

tions qui décomposent l'unité essentielle de la substance divine en autant de fractions qu'elle produit de corps en se subdivisant, et qui l'assujettissent au mal dans ceux-ci.

Ils disaient aux partisans du dualisme que, attribuer à la matière une éternité indépendante et nécessaire, c'est effacer la notion de Dieu en lui enlevant ses caractères propres et incommunicables, dont on ne peut trouver la raison dans l'essence de la matière, attendu que celle-ci, variable, divisible et accidentelle comme elle est, ne contient pas en elle le motif de sa propre existence, et suppose un terme immuable et antérieur. On ne saurait non plus admettre la coexistence du principe du mal; car alors la puissance, la sagesse, l'amour de Dieu demeurent limités. La puissance en effet se trouve entravée par un principe indépendant de sa nature; la sagesse ne peut dissiper les ténèbres essentiellement impénétrables de la matière, l'amour est combattu par l'esprit de haine infinie, de discorde, de destruction.

Ils concluaient de là que Dieu, par un acte de sa libre volonté, avait tiré du néant toutes choses; ils démontraient en outre l'absurdité des deux autres systèmes; avouant du reste que la manière dont les êtres finis avaient pu sortir de l'infini était un mystère insoluble pour l'esprit humain, qui est incapable d'embrasser les deux termes en se transformant en infini, de fini qu'il est.

Cependant l'un des métaphysiciens chrétiens essaya de sonder cet abîme, et dit que pour comprendre la création il fallait distinguer trois choses: Dieu, les êtres particuliers, et les participations, ordre de réalités intermédiaires. Comme être infini, Dieu ne peut être participé ; les êtres individuels, nécessairement finis, sont l'opposé de Dieu; les participations, vertus divines, comme la puissance, la bonté, la sagesse, la vie, existent dans les créatures à des degrés limités. En tant que propriétés divines, infinies, existantes en Dieu, elles sont Dieu lui-même; en tant que participées à des degrés divers, elles sont l'œuvre de Dieu et créatures; elles existent dès lors en dehors de lui: quant aux êtres individuels, elles sont leurs principes constitutifs, créés, et en même temps le principe de chaque création particulière.

Ainsi, bien qu'elles n'existent pas à perpétuité, comme la Divinité, on peut les croire créées avant le temps, si le temps est la mesure de la durée des êtres individuels auxquels ces propriétés sont antérieures. Or celles-ci se trouvant en dehors des individus,

comme existantes en Dieu, et hors de Dieu comme principe efficient de chaque être limité, elles constituent l'anneau entre le fini et l'infini (1).

Quelques-uns (Athanase, Méthodius, Augustin) soutenaient que la création avait été opérée dans le temps, d'autres de toute éternité (Clément d'Alexandrie, Origène), la qualité de créateur devant être éternelle comme les autres qualités de Dieu. Ils opposaient à la fatalité des astrologues et des stoïciens une providence générale et particulière, s'exerçant peut-être par le ministère des anges.

Mais le fini coexistant avec l'infini, comment le mal peut-il se retrouver mêlé avec le bien suprême? Question contre laquelle vient sans cesse se briser la raison, et qu'on ne saurait résoudre rationnellement que par le mystère d'une première faute qui a rompu l'harmonie entre nos propres facultés, et par la nécessité d'une expiation. Ainsi le mal moral n'est pas quelque chose de positif, mais l'absence du bien. Il ne provient pas de la nécessité, mais du libre arbitre des créatures intelligentes. Il est donc imparfait, et n'empêche pas que le bien prédomine dans l'ensemble de l'univers, qui tend vers Dieu. Que cette voix funeste, qui, supposant la nécessité, c'est-à-dire la divinité du mal, en fait l'apothéose, et, blasphémant le Créateur, révèle aux créatures la loi du péché, cesse donc de retentir. Quant à la question de savoir comment le libre arbitre se concilie avec un péché héréditaire, avec la grâce et avec la prédestination, ce sont des mystères dont les Pères se hasardaient à peine à soulever le voile.

La révélation fournissait la notion sublime de la Trinité : et bien qu'il vaille mieux pour l'homme s'en tenir à exposer le dogme sans l'expliquer, les Pères, et notamment saint Augustin (2), s'étudièrent à y chercher une analogie avec ce que la raison humaine peut concevoir de plus pur et de plus élevé. Mais il faut sur un pareil sujet une telle précision de paroles, que celui qui entreprendrait de résumer leurs opinions s'exposerait à tomber dans des erreurs que ces docteurs eux-mêmes ne surent pas éviter par

(1) SAINT PAUL a dit : Ex invisibilibus visibilia facta sunt (aux Hébreux, XI). Les Pères crurent donc préexistantes dans la pensée de Dieu les choses auxquelles Dieu, en les créant, ne fit qu'ajouter la réalité, que les substantiver.

(2) De Trinitate, VI,

10.

T. V.

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