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énergique, persévérant, mais dur et implacable. Peut-être les sept collines étaient-elles occupées par autant de villes pélasgiques ou étrusques, lorsqu'une bande de pâtres sabins les assujettit. Rome, bâtie sur le Palatin, détruisit la ville de Rémurie, sa sœur, qui la brava; Quiris s'élevait sur le Quirinal; de là les Quirites et Numa. Que les premiers habitants ou dominateurs fussent Sabins, c'est ce que démontre le poëme historique qui fait régner le Sabin Tatius avec Romulus, et succéder Numa à ce dernier, ce qui amena la réunion des deux collines.

Dans le vallon intermédiaire, on construisit comme limite le temple de Janus à la double face, afin qu'il veillât sur l'une et l'autre ville; les portes du temple restèrent ouvertes en temps de guerre, afin qu'elles pussent se secourir mutuellement, et fermées durant la paix', afin que des communications indiscrètes ne troublassent pas la bonne intelligence. Pour opposer aux Étrusques ou aux Albains une résistance plus vigoureuse, elles contractèrent réciproquement des mariages, formèrent un sénat unique, une seule assemblée élective, et conyinrent de n'avoir qu'un roi, choisi tour à tour dans l'une et dans l'autre ville, ce qui fit dire: Populus Romanus Quirites, et ensuite, Populus Romanus Quiritium.

Ces deux peuples unis formaient les deux premières tribus des Ramnenses et des Titienses, auxquelles vint s'ajouter la troisième, celle des Lucères, composée des Albains que Tullus Hostilius transporta sur le mont Cœlius. Les cent sénateurs que Tarquin l'Ancien adjoignit aux deux cents en exercice furent pris dans cette dernière tribu et appelés patres minorum gentium.

Les dieux furent mis en commun, ce qui fit créer trois flamines, le flamine Dial ou de Jupiter, le flamine Martial ou de Mars, le flamine Quirinal ou de Quirinus (Romulus). Les vestales, qui d'abord n'étaient que deux, furent portées au nombre de quatre; puis Tarquin l'Ancien en créa deux autres, qu'il prit dans les familles des nouveaux sénateurs (1).

Les noms que l'on nous a fait apprendre comme ayant appartenu à des rois ne sont probablement que des désignations appellatives de caractères idéalisés. Romulus, en effet, est un demi-dieu, et Numa s'entretient avec les dieux, ce qui trahit la personnification mystique. Ces dieux-rois pourraient donc représenter deux époques successives, l'une héroïque, l'autre sacerdotale. Romulus reçoit le jour de Mars, le dieu sabin, et d'une prêtresse de Vesta,

(1) DENYS D'HALICARNASSE, III, 67. Il mérite d'être pris en considération plus que PLUTARQUE dans la Vie de Numa.

HIST. UNIV. T. - II.

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Romulus.

divinité pélasgique. Banni de sa patrie (1), il construit sa forteresse sur une hauteur, au pied de laquelle vient se réfugier la plèbe, dont la faiblesse est protégée et dominée par les hommes forts, qui s'adonnent à la guerre, tandis qu'elle s'occupe des métiers divers et du travail des champs. La première occasion de guerre naît de la tentation ordinaire aux peuples encore incultes, du désir de se procurer des femmes (2): Mais les femmes, qui se rappro

davantage de la nature des races septentrionales, acquièrent de la dignité; elles résistent d'abord, puis elles se font mědiatrices de paix entre leurs pères et leurs maris, ce qui commence à inspirer dans Rome le respect pour le sexe le plus faible. Les fiancées sont entraînées hors de la maison paternelle, avec une feinte violence; une fois mariées, elles n'ont d'autre occupation que de filer lä laine; les hommes leur cèdent le pas dans les rues; on ne doit dire ou faire rien d'inconvenant en leur présence; elles ne peuvent être citées devant les juges qui prononcent la peine capitale (2). C'est ainsi que sont indiquées, comme des concessions et des transactions mutuelles, les lentes acquisitions du temps et les effets du mélange des races.

Dans les guerres, on acquiert des territoires qui se partagent entre les patriciens, et les vaincus, réduits en esclavage, sont condamnés aux travaux pénibles. La nation romaine est donc divisée en deux classes, comme tous les peuples de l'antiquité : les conquérants et les vaincus, les gouvernants et les sujets, les patriciens et les plébéiens. Néanmoins, les vaincus ne tombèrent point aussi bas qu'ailleurs; aussi, au lieu de deux castes aux limites infranchissables, nous trouvons plutôt deux partis politiques, se disputant dès le principe la prépondérance, jusqu'à la formation de cette classe plébéienne, mais libre, sur laquelle se fonde la puissance de Rome. La guerre contre Tatius finit par une de ces transactions que nous avons rencontrées chez toutes les nations; néanmoins, en voyant le nom de Romains se changer en celui de

(1) Les fondateurs de peuples, si l'on peut s'exprimer ainsi, sont, pour la plupart, bannis et persécutés : témoin Hercule, Thésée, le Normand Roger, fondateur de la monarchie sicilienne, etc. Les Sabins racontaient qu'une jeune fille des environs de Réate, fécondée par Mars Quirinus, avait donné naissance à Modius Fabidius, qui fonda Cures en compagnie de vagabonds. DENYS D'HALIC., II, 48. C'est une louve qui allaita Romulus, et le loup était sacré chez les Sabins, de même qu'il le fut chez les Romains.

(2) Le rapt des Sabines a pour pendants ceux d'Hélène, de Proserpine, d'Europe; des amantes de Rama et de Krishna, dans les poëmes indiens; de Brunhild, dans les Niebelungen, etc.

(3) Plutarque, Vie de Romulus, 17, et Questions romaines, 87.

Quirites, et un Sabin succéder à Romulus, nous sommes porté à croire que Rome fut subjuguée par ces voisins aborigènes.

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Numa Pompilius, bien que Sabin, a tout le caractère sacerdotal de l'Étrurie; peut-être personnifie-t-il une peuplade sacerdotale, qui serait venue civiliser les guerriers de Romulus Quirinus. Dans l'incertitude des origines romaines, ce que l'érudition saisit toujours le mieux sont les faits nombreux attribués à l'Étrurie : cérémonies du culte souvent confondues avec celles de l'État; législation religieuse, qui pénètre dans la législation civile et politique, dont elle règle les droits et les formes concentrées dans les mains d'une aristocratie sacerdotale, sont des choses étrusques, de telle sorte que la Rome primitive est le meilleur commentaire de l'Étrurie antique. Les lettres et les cérémonies toscanes furent, dit, on, introduites sous Numa avec l'année de douze mois; le culte du dieu Terme consacra la propriété, et le peuple fut distribué en corps de métiers (1). On commence à rédiger des annales, comme on le faisait dans les villes d'Étrurie, et la farouche cité des Romains-Sabins prend un aspect religieux; toute justice se fonde sur les dieux, comme il arrive à l'origine des peuples, quand toute chose se fait par les dieux et pour les dieux. La maison appartint aux Lares, la tombe aux Mânes; le mariage fut un dieugénie, les criminels furent consacrés (2) à la divinité vengeresse, le fils impie aux dieux des pères, à Cérès l'incendiaire des moissons; les guerres aussi furent sacrées.

Plusieurs ressemblances, et surtout la vénération pour le boeuf (3), ont induit quelques savants à supposer que la religion fut apportée à Rome par des prêtres indiens ; d'autres la font venir de la Grèce ; selon nous, elle dérive d'une source plus ancienne et commune, modifiée par les croyances nationales et par la nature du peuple. Les Romains n'eurent dans le principe que deux Lares seulement, Vesta et la Pallas troyenne, divinités pélasgiques; ils admirent ensuite le Latin Janus et le Sabin Mars, dieu de la guerre

(1) L'exercice des arts mécaniques était pourtant défenda (DENYS D'HAL., IX), et, sauf quelques-uns de ceux qui avaient trait à la guerre, tous les autres étaient abandonnés aux esclaves.

(2) C'est la formule des Douze Tables: Sacer esto.

(3) Schlegel émet cette opinion. Dans Pline, VIII, 45, et dans Valèré-Maxime, VIII, 1, 8, il est fait mention d'un citoyen qui fut accusé et mis à mort pour avoir tué un bœuf de labour, afin de régaler un homme de mauvaise vie. Varron dit, de Re rust., Il, 5 : A bove aratore antiqui manus ita abstineri voluerunt, ut capite sanxerint, si quis occidisset. Voy, aussi Cicéron, de Nat. deor., 63; et Élien, Hist. div., V, 14.

Numa. Prêtres.

et père de leur fondateur, en conservant à côté d'eux toute une génération de divinités champêtres. C'est par là que la religion romaine se distingue déjà de la mythologie grecque; puis, nouveau témoignage de supériorité, elle attribue à tous les dieux des fonctions analogues à la conservation et au perfectionnement de l'homme. L'introduction des trois grandes divinités étrusques, qui n'eut pas lieu sans luttes, fut un acte important.

Les augures, que l'on consultait au moyen de rites regardés par le culte ancien et nouveau comme supérieurs à celui des dieux, proscrivirent l'un après l'autre les autels qui empêchaient d'étendre l'enceinte du nouveau temple; mais il fut impossible d'obtenir l'éloignement de Terme et de Jeunesse, deux divinités appartenant à cette religion des génies propre aux anciens Italiens.

Lorsque la famille des divinités fut complétée à Rome après l'expulsion des rois, nous la trouvons composée des douze dieux Consentes, six mâles et six femelles : Jupiter, Neptune, Vulcain, Apollon, Mars, Mercure, Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diane, Vénus, appelés aussi grands, nobles, célestes, dii majorum gentium. Les dii selecti ou intermédiaires, dont le culte paraît remonter à l'âge des Tarquins, sont Saturne, Rhéa, Janus, Pluton, Bacchus, le Soleil, la Lune, les Parques, les Génies, les Pénates. Viennent ensuite les dieux inférieurs, divisés en indigetes et semones : aux premiers appartenaient Hercule, Castor, Pollux, Ellée, Quirinus; aux autres, Pan, Vertumne, Flore, Palès, Averruncus, Rubigus. On y ajouta plus tard des êtres moraux et des divinités empruntées aux nations soumises (1).

(1) Le plus grand nombre des divinités romaines de premier ordre ont des noms grecs, plus ou moins modifiés. Il est inutile de faire mention de Bacchus, Hercule, Latone, Thémis, Proserpine, Esculape, Pollux, Castor, du Soleil, des Heures, des Muses, des Grâces, des Nymphies, de la Lune (apocope de Σeλývn), etc. Mais, pour s'en tenir aux dieux de premier ordre, il est facile de faire dériver Jupiter de Ζεὺς πατήρ, Juno de Ζήν οι Διώνη, Apollo ou Phæbus des appellations identiques, Vesta d'Eoτía, Cérès d'Epa, avec la gutturale. Quant à Mars, il viendrait d'Apns avec adjonction de l'M; Neptunus de véw, výxw, j'ondoie; dans le dialecte éolien, π prend souvent la place de oo, et la terminaison autre unus est commune à Portunus, Vertunus, Tribunus, etc. Consus, nom de Neptune, viendrait de Пóvtos, le K prenant souvent la place du л, de лéντε vient quinque. Vénus ne dériverait pas de venire ni de feo (racine de fatus, femina), mais de εὐναῖν, εὐνήεσσα, οι εὔνους; Vulcanus, de φλέγω et pλó, racine de fulgeo, fulgo, fulmen; Mercurius ne serait pas tiré de merx, mais de 'Epu, par transposition, comme forma de μoppń, et avec la finale xoupo; ou xýpv; Minerve, de son épithète 'Evάpea, par allusion aux dépouilles de l'ennemi, qui lui étaient dédiées, avec I'M préfixe et le digamma éolique, MevάpFeα. Voy. A. HURTUNG, Die relig. der Römer; Erlangen, 1836, 2 vol. in-8°.

comme

La religion romaine fut toujours aride, prosaïque et toute politique, à la différence de celle des Grecs; en Grèce, elle est libre, indépendante, tandis qu'à Rome les patriciens la renferment dans un système combiné tout à leur avantage. L'Ancile, bouclier de Mars tombé du ciel, le Palladium, le sceptre de Priam, le char de Jupiter, venu de Véies, les cendres d'Oreste, la pierre conique, le voile d'Hélène ou d'Iliona, constituaient sept gages sacrés de l'existence et de la prospérité de Rome (1). La ville avait deux noms, exprimant force et fleur (2), plus un troisième qui restait secret. Les seuls patriciens avaient le privilége des auspices, qui sanctifiaient la propriété, les mariages, les jugements; des souvenirs historiques se rattachaient à toutes les fêtes, afin d'associer la religion, la politique et la morale.

Avec Tullus Hostilius l'histoire se détache des dieux et se fait humaine; peut-être retrace-t-elle le temps où la fierté latine prévaut sur la domination sacerdotale. Horace tue sa sœur, et le père exerce le droit patriarcal en absolvant le fratricide. Métius Suffétius est écartelé; Albe, détruite par la ville sa fille, lui cède la suprématie qu'elle avait exercée dans une ligue de cités italiques, premier fait qui révèle déjà le système de Rome, de s'affilier les peuples étrangers, en les absorbant dans la cité, et d'envoyer des colonies sur le territoire conquis. Mais Tullus Hostilius, qui voulait usurper les fonctions du sacerdoce et s'immiscer dans les rites fulguraux, est tué d'un coup de foudre ou par la vengeance sacerdotale.

Ancus Martius se présente avec une double physionomie; il fait en même temps des conquêtes et des constructions (2), civilise, communique les religions et introduit à Rome les Étrusques.

(1) CANCELLIERI, Le sette cose fatali di Roma antica.

(2) Roma, Flora. On prétend que son troisième nom, celui qui restait mystérieux, était Amor, anagramme de Roma, afin d'exprimer la sainte union qui devait exister entre les citoyens. Les pontifes seuls pouvaient le prononcer dans les sacrifices, et malheur à eux s'ils l'eussent révélé au peuple ! Le nom de Flora était sacerdotal; il fit instituer les fêtes Florales, Floralia, et donner plus tard son nom à Florence. Le nom civil et vulgaire de Rome venait peut-être de púμn, force, ou bien de ruma, qui, dans le latin primitif, signifiait mamelle, et qui nous rappelle le figuier ruminal sous lequel furent nourris Romulus et Rémus. G. Schlegel, se souvenant de l'oulap ápoúpns d'Homère, admet cette dernière étymologie, en l'appliquant aux collines qui s'élèvent au milieu de la Campagne romaine.

(3) Il ouvre le port d'Ostie, et longtemps après nous trouvons les Romains sans marine; il publie les mystères de la religion, et pendant des siècles encore ils furent ignorés des plébéiens; il établit les Latins sur le mont Aventin, et une loi rendue longtemps après distribue entre les plébéiens les terres de l'Aventin,

Tullus. ર Hostilius.

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