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dient recherché dans les mets et les parfums. La Fable et l'histoire sont d'accord pour vanter les troupeaux immenses et les fromages de la Sicile. Les chevaux, surtout ceux d'Agrigente, étaient trèsestimés, et si nombreux que la cavalerie dans les armées siciliennes était le dixième de l'infanterie.

Le surnom de grenier de l'Italie indique quelle était la fertilité du sol, attestée d'ailleurs par la valeur de là dîme en froment. d'une année, sous la préture de Verrès (1), estimée à 9,000,000 de sesterces (2). Après la bataille de Trasimène, Hiéron fit don aux Romains de trois cent vingt mille boisseaux de froment et de deux cent mille boisseaux d'orge (3). Indépendamment de cette richesse, elle abondait en niétaux et en objets de luxe qu'elle échangeait contre des denrées. Rome elle-même, déjà habituée aux triomphes, s'émerveilla des richesses trouvées lors du sac de Syracuse. Nous avons dit combien cette ville était peuplée; Agrigente, Géla, Himère, Léontium, Lilybée, Catane, ne l'étaient pas moins en proportion. Denys réunit soixante mille ouvriers dans les seuls environs de Palerme.

beaux-arts.

La Sicile cultiva les belles-lettres avant la Grèce. La poésie Littérature et pastorale y fut trouvée par Stésichore; Épicharme inventa la comédie, et Sophron les mimes; Corax et Lysias furent les premiers maîtres de rhétorique, et le dialecte doriqué y eut son plus grand développement. Nous avons des médailles siciliennes qui remontent jusqu'à cinq siècles avant notre ère. Celles de Gélon sont des plus belles qui existent; puis viennent celles de Sybaris, de Crotone, de Rhégium et de Tarente. Les Spartiates firent faire, par Léarque de Rhégium, une statue en bronze en plusieurs morceaux réunis au moyen de clous, l'an 178 de Rome. En 214, Daméas de Crotone exécuta pour l'Altis de l'Élide la statue de l'athlète Milon.

Les bas-reliefs découverts, il n'y a pas longtemps, à Sélinonte (4), sont un magnifique témoignage de l'antériorité de la

(1) CICERON, Verrines, II, 70. Voy. aussi l'Économie politique des Romains de M. DUREAU DE LA MALLE, t. II, p. 379.

(2) Environ 1,800,000 fr.

(3) Aujourd'hui encore que la Sicile est si mal cultivée, on calcule qu'elle exporte pour neuf millions de grains, quatre de soie, un et demi en oranges et citrons, deux en huiles; sans compter la soude, le thon mariné et le soufre, qui est son or.

(4) PISANI, Memoria sulle opere di scoltura in Selinunte ultimamente scoperte; Palerme, 1824. HARRIS et GELL, Sculptured metopes discovered amongst the ruins of the temples of the ancient city of Selinus. Harris mourut dans sa première jeunesse, par suite d'une maladie qu'il contracta en explorant ces ruines. J. HITTORF et ZANTH, Architecture antique de la Sicile; Paris,

Ruines de
Sélinonte.

Sicile sur la Grèce dans la culture des beaux-arts; car cette ville ne subsista que deux cent quarante-deux ans, et tomba avant de s'être ressentie de l'influence étrangère. Un amas de ruines colossales avait depuis longtemps fixé l'attention des antiquaires et du vulgaire, qui le désignait par le nom de Piliers des géants. C'était là, à ce qu'il paraît, que s'élevait, sur la haute colline la plus voisine, l'ancienne acropole; on y a fait dernièrement des fouilles qui ont amené la découverte de plusieurs temples doriques, dans l'un desquels étaient des métopes précieuses, antérieures à celles d'Égine, et d'autres sculptures qui font aujourd'hui l'ornement du musée de Palerme (1).

Les temples, au nombre de sept, sont tous, à l'exception du plus petit, entourés de colonnes doriques des premiers temps. Dans deux de ces temples, les colonnes à double rang qui soutiennent le portique de la façade, le pronaos fermé comme une chambre, et les murs du sanctuaire se prolongeant sans pilastres ni colonnes, offrent des dispositions qu'on ne retrouve que dans les monuments égyptiens. Dans les métopes dont nous venons de faire mention, la monotonie des têtes, les barbes en pointe, les yeux fendus et droits comme ceux des oiseaux, les bouches, les cheveux, les draperies, révèlent des procédés rituels, et indiquent le passage entre le style égyptien et l'art grec.

La Sicile possédait encore d'autres temples fameux, notamment celui d'Éryx, renommé pour ses esclaves sacrées, ses hiérodules, dont le trafic lui rapportait d'immenses richesses, et dont la beauté est rappelée par les charmes des femmes du mont SaintJulien, où l'on voit encore les colombes fidèles à la déesse des Amours.

Au milieu d'une solitude s'élève le temple de Ségeste, qui a cent soixante-dix-sept pieds de longueur, et soixante-quatorze de largeur; il est entouré de trente-six colonnes doriques de vingt-huit pieds d'élévation et de six de diamètre, aussi fortes qu'il le fallait pour supporter un entablement gigantesque de onze pieds. Tout porte le caractère d'une antiquité antérieure à là civilisation grecque.

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1827 et suiv. - MARTELLI, Le antichità dei Siculi; Aquila, 1830. - SERRA DI FALCO, Le antichità della Sicilia; Palerme, 1834-37.

(1) « On croit voir l'ouvrage des géants, et l'on se trouve si petit auprès de ces constructions et de leurs moindres détails qu'on ne peut comprendre comment des hommes ont pu préparer et mettre en œuvre ces masses énormes, que l'œil a peine à mesurer: chaque colonne est une tour; tout chapiteau, un rocher. » (DENON) Les colonnes ont plus de dix pieds de diamètre; un morceau d'architrave, resté cutier, a vingt-quatre pieds de longueur d'un seul bloc.

On attribue aussi aux Géants, c'est-à-dire à une époque trèsreculée, les murailles et les temples d'Agrigente: l'un de ces temples est consacré à Junon Lucine, avec un portique de trente-quatre colonnes doriques; l'autre, aussi dorique, est dédié à la Concorde et subsiste encore comme le plus beau monument de la Sicile. Le temple d'Hercule a péri; celui de Jupiter Olympien, le plus grand de tous, est resté enseveli sous les décombres presque jusqu'à nos jours, jusqu'à ce que les fragments exhumés et les statues des Géants (1) soient venus montrer combien de merveilles restent encore à découvrir, combien d'antiques grandeurs à interroger.

CHAPITRE XXVIII.

ILES ITALIENNES DU SECOND ORDRE.

La Sardaigne, la Corse et l'île d'Elbe, étendues comme elles sont, et voisines de la terre ferme, durent être peuplées de bonne heure.

On fait dériver le nom de Sardaigne de sarad, plante du pied ; c'est par la même raison que les Grecs l'appelèrent Ichnusa (2). Ses premiers habitants furent probablement les Libyens et les Ibériens, qui, sous la conduite de Norax, y fondèrent la première ville, appelée Nora. Les Grecs, bien que, selon leur usage, ils attribuassent à leurs anciens héros la civilisation de cette île, n'y vinrent que tard, quand ils bâtirent les villes de Caralis, aujourd'hui Cagliari, et d'Olbia. Les Phéniciens et les Carthaginois y formèrent des établissements de commerce, et détruisirent l'ancienne religion, pour y substituer le culte voluptueux et sangui

(1) D'après FAZELLI, de Rebus Siculis, Palerme, 1558, trois de ces colosses étaient encore debout en 1400, et ils figuraient en effet dans les armoiries de la ville de Girgenti, dont la légende est : Signat Agrigentum mirabilis aula Gigantum.

(2) Ἴχνουσαν ἐκάλεσαν, ὅτι τὸ σχῆμα τῇ νήσῳ κατ ̓ ἴχνος μάλιστα ἔτιν ἀνθρώπῳ, parce qu'elle a la forme du pied d'un homme. (PAUSANIAS, X, 17). Le même Pausanias, au même endroit, dit que les Libyens furent les premiers qui y vinrent avec leurs vaisseaux, πρῶτοι δὲ διαβῆναι λέγονται ναυσὶν εἰς τὴν νῆσον Λίβυες. Ils avaient Sardus pour chef, ajoute-t-il. Ottf. Müller voudrait qu'on lût Aéyves, sans en déduire le motif. Ce Sardus, qui donna son nom à la Sardaigne, était, suivant la Fable, fils de l'Hercule libyen.

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naire de leurs dieux (1). Les naturels, tyrannisés par eux (2), ne purent endurer leur joug; vêtus de peaux et de leur mast úrga, armés du poignard et du bouclier, ils abritèrent dans les cavernes de leurs montagnes leur sauvage indépendance (3). Les Étrusques s'y établirent aussi; puis les Romains, sous la domination desquels l'île compta jusqu'à quarante-deux villes, dont dix seulement existent aujourd'hui. Les Sardes étaient dès lors robustes et gais, braves jusqu'à la témérité, d'une imagination vive, ardents en amour et implacables dans la haine.

Nous avons parlé ailleurs des Nuraghes, monuments coniques, destinés probablement à servir de tombeaux. Nous ajouterons que les premières sardoines furent trouvées dans la Sardaigne. Selon Dioscoride, il y croissait une plante dont la racine, lorsqu'on en mangeait, causait la mort avec des convulsions de la face ressemblant à celles du rire : c'est de là qu'on aurait dit un rire sardonique.

La Corse, appelée anciennement Théramné, puis Collista par les Phéniciens, ensuite Thera par les Spartiates ou Phocéens d'Asie, Cyrnos ou Corsis par les Grecs, et Corsica par les Romains, située entre l'Italie, l'Espagne et la France, semble destinée à être le centre des relations les plus importantes. Les Pélasges habitèrent peut-être cette île, où ils trouvèrent des Ligures et des Ibères. Les Étrusques la dominèrent et bâtirent Nicéa sur le Golo; puis une colonie de Phocéens, après que les Perses eurent détruit leur patrie, y fonda Aléria. Ces Phocéens devinrent assez puissants pour tenir tête aux Étrusques et aux Carthaginois; ils remportèrent la victoire, mais ils la payèrent chèrement au prix de quarante de leurs vaisseaux et d'un grand nombre d'hommes, qui, conduits à Agylla en Toscane, y furent massacrés. La peste ayant éclaté peu après dans cette ville, l'oracle de Delphes, qu'on envoya

(1) Voy. MUNTER, Appendice à son ouvrage sur la religion des Carthaginois : Ueber sardische Idole.

(2) Polybe, dans son premier livre, nous représenté l'ile de Sardaigne comme très-florissante quand les Romains y abordèrent. Aristote, au contraire, dans son livre de Mirabilibus, ch. 105, dit que les Carthaginois avaient détruit en Sardaigne tous les arbres fruitiers, et défendu, sous peine de la vie, aux habitants, de s'occuper d'agriculture. Une contradiction aussi manifeste ne peut nullement s'expliquer; mais Beckmann, dans l'édition qu'il a faite de cet ouvrage, a démontré qu'une pareille assertion ne s'appuie que sur quelque tradition vague, et qu'elle est démentie par la concordance des faits.

(3) On trouve dans l'îlot de San-Antioco ( Énosis), près Sulchi, des milliers de tombeaux, qui servent aujourd'hui de cabanes aux habitants. Il en est de même dans l'île de Gozzo.

consulter, répondit que les habitants devaient apaiser les mânes des Phocéens égorgés; ce qu'ils firent en instituant des jeux annuels, et la maladie cessa.

Les Phocéens, s'apercevant héanmoins qu'ils ne pourraient se maintenir dans l'île, émigrèrent en Italie et sur les côtes de la Gaule. Diodore de Sicile (1) atteste que les esclaves corses surpassaient tous les autres en vigueur et en intelligence. Strabon (1) raconte, au contraire, que « si parfois un général romain, péné¬ « trant dans l'intérieur du pays, y surprenait un lieu fortifié et « emmenait à Rome quelques esclaves, c'était un spectacle sin« gulier que de voir leur air farouche et leur stupidité. Ou ils dédai<< gnaient de vivre, ou, restant dans une apathie absolue, ils las<< saient leurs maîtres, et leur faisaient regretter le peu d'argent « dépensé pour les acheter. » Peut-être Strabon interprétait-il ainsi les effets de cet amour indomptable de liberté que ce peuple conserva toujours, et auquel il dut de garder tant d'originalité dans son caractère et ses mœurs. Polybe (3) nous dépeint l'aspect àpre de cette contrée couverte de forêts, où paissaient librement de nombreux troupeaux, obéissant au son connu du cor des pâtres. Lorsque ceux-ci voyaient des navires s'approcher de l'île, ils sonnaient du cor, et les bêtes accouraient; du reste, elles ressemblaient à des animaux sauvages.

L'île d'Elbe, formée de quelques montagnes émergées des eaux et nommée Æthalia par les Grecs, Ilva par les Romains, était célèbre pour le fer qu'on en tirait de temps immémorial. Aristote, ou l'auteur, quel qu'il soit, des choses merveilleuses à entendre, rappelle ses mines de fer, dit populonien, parce que c'était à Populonie que se trouvaient les fours de fusion. Strabon assurait que le métal s'y reproduisait idée qu'il avait empruntée à d'anciens naturalistes. Elle fut soumise aux Étrusques, qui possédèrent aussi la fumante Lipari, nid de pirates, d'autres îlots de l'archipel Tyrrhénien et quelques îles de l'Adriatique.

Les Phéniciens avaient introduit à Malte et dans d'autres iles leurs fabriques, dont ils transportaient les produits dans la Grèce et l'Italie.

(1) Diodore de Sicile, V, 13.

(2) STRABON, V, page 224.

(3) POLYBE, XII, 3 et 4.

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