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Dion en Italie, garda Platon prisonnier dans sa cour, et dispersa leş pythagoriciens, leurs amis. Mais Dion, avec l'aide des Corinthiens, s'empara de Syracuse, renversa Denys, et se mit à la tête de l'État.

Quand il proclama la délivrance du pays, il monta sur un piédestal ou était gravé un cadran solaire, ce qui fit dire au vulgaire : Comme le soleil est mobile, la domination de celui-ci ne saurait durer. En effet, l'Athénien Callippe, après avoir feint de lui être très-attaché, l'assassina et s'empara de l'autorité; mais, l'année suivante, l'usurpateur fut dépouillé du pouvoir par Hipparinus, fils d'Aristomaque, qui domina jusqu'en 350, laissant une mémoire souillée.

Au milieu des factions toujours inquiètes, Denys parvint à se faire un parti, et remonta sur le trône après dix ans d'exil. Lą crainte de retrouver dans le fils de Dion les vertus du père le poussa à corrompre les mœurs de ce jeune homme, qui, honteux de ses propres déportements, mit fin lui-même à ses jours. Pour empêcher les Syracusains de sortir pendant la nuit, Denys permit aux malfaiteurs de dépouiller ceux qu'ils rencontreraient; il accorda aux femmes tout pouvoir dans leurs maisons, afin qu'elles lui révélassent les complots de leurs maris. Des flatteurs poussèrent la bassesse au point d'affecter de se heurter contre les meubles, parce que le tyran avait la vue basse. L'espèce n'en est pas perdue.

Quelques citoyens généreux, que la tyrannie avait contraints d'abandonner Syracuse, allèrent fonder Ancône; d'autres songèrent à délivrer leur patrie du tyran et à la soustraire aux menaces des Carthaginois. Ils demandèrent à cet effet des secours à CorinTimoléon. the, qui leur envoya Timoléon, grand capitaine et non moins grand citoyen. Son frère Timophane, nommé au commandement des troupes de Corinthe, avait usurpé le pouvoir; Timoléon, n'ayant pu le déterminer à y renoncer, décida deux de ses amis à lui donner la mort. Les uns exaltèrent sa grandeur d'âme, les autres le traitèrent d'assassin. Maudit par sa mère, il résolut de se laisser mourir de faim; mais, renonçant à cette résolution désespérée, il se retira des affaires publiques et s'en alla pleurer dans la solitude. Après douze ans, il revint à Corinthe, où il vivait en simple particulier, lorsqu'on lui proposa de secourir les Syracusains; il accepta en disant que sa conduite prouverait s'il fallait l'appeler fratricide ou tyrannicide.

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Timoléon aborde à Syracuse avec vingt vaisseaux, montés par sept cents hommes seulement. Icétas, qui, après avoir vaincu Denys, le tenait bloqué dans Ortygie et s'était emparé de l'auto

rité, tente (vainement de corrompre l'austère Corinthien. Timoléon, fortifié par de nouveaux adhérents, défait Icétas et le condamne à mort, démolit la forteresse de l'Ile, repaire des tyrans, et contraint Denys de se retirer à Corinthe, où il se fit maître d'école pour gagner sa vie. Timoléon marche ensuite contre les Carthaginois; leur général Magon, saisi d'une terreur panique, prend la fuite, puis se donne la mort pour échapper au supplice de la oroix, qui attendait à Carthage le général vaincu. Il délivre de même Engyum et Apollonie de la tyrannie de Leptinus, triomphe de Mamercus et d'Hippon, tyrans de Catane et de Messine, rétablit dans Syracuse le gouvernement républicain, et réunit dans une confédération, sous les lois de Dioclès, les cités affranchies et reconnaissantes. La liberté qu'il leur a rendue est consolidée par une nouvelle victoire sur les Carthaginois, commandés par Amilcar et Asdrubal; Timoléon enjoignit aux Carthaginois de reconnaître l'indépendance de toutes les villes de la Sicile, et bientôt la paix fit renaître la prospérité et renouvela la population.

Timoléon, ce modèle accompli du héros républicain dans l'antiquité, fit juger les statues des rois précédents; on ne trouva digne d'être conservée que celle de Gélon, représenté en simple citoyen. Après cela, il déposa le commandement, et rentra dans la vie privée; mais l'autorité de ses conseils dirigea la marche des affaires. Devenu aveugle, les magistrats allaient le consulter; il était l'objet des plus grands honneurs, et l'assemblée du peuple retentissait d'applaudissements lorsqu'il exposait son opinion. Il mourut dans un âge très-avancé, sans s'être laissé entraîner par l'ambition, et sans avoir encouru l'ingratitude populaire. Quand il fut déposé sur le bûcher, le héraut s'écria : Le peuple de Syracuse, reconnaissant envers Timoléon pour avoir détruit les tyrans, vaincu les barbares, rendu leurs franchises à beaucoup de villes, donné des lois aux Siciliens, a décrété de consacrer deux cents mines (1) à ses funérailles, d'honorer tous les ans sa mémoire par des concours de musique, des courses de chevaux et des jeux gymniques.

Il s'était proposé la réforme de l'organisation politique du pays, non d'après le système de Pythagore et de Platon, mais d'après les idées doriennes dans toute leur sévérité; il trouva malheureusement un obstacle dans les mœurs, qui, corrompues comme elles l'étaient, ne pouvaient être refrénées que par la vertu et l'exemple de Timoléon. A peine, en effet, eut-il fermé les yeux,

(1) Environ 18,400 francs.

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Agathocle. que tout fut bouleversé au dedans comme au dehors; Agathocle, audacieux aventurier, profita des circonstances pour s'élever, par la violence et la ruse, de la boutique du potier à l'autorité suprême. Il sut la conserver longtemps, en affectant la popularité, en abolissant les dettes, en distribuant des terres, en refusant le diadème et des gardes, en se montrant accessible à tous; mais en même temps il exterminait les exilés et les aristocrates des différentes cités.

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A l'exemple de Denys, il méditait l'occupation de la Grande Grèce et l'expulsion des Carthaginois; mais ceux-ci, dispersés d'abord par la tempête, reviennent bientôt sous les ordres d'Amilcar, le battent, et mettent le siége devant Syracuse.

Que fait alors l'intrépide Agathocle? Devançant la pensée de Scipion, il débarque avec une partie de son armée sur la côte d'Afrique; comme Guillaume le Conquérant en Angleterre, il brûle ses vaisseaux, pour ne laisser à ses soldats d'autre chance de salut que la victoire, et continue la guerre pendant quatre ans, au milieu des atrocités et des trahisons. Bomilcar, qui aspirait à dominer dans Carthage, ne lui opposait qu'une faible résistance; mais, ses projets ayant été découverts, il expira sur la croix. On rappela Amilcar, qui, dans ce moment même, tombait sous les coups des Syracusains. Agathocle, qui avait pris le titre de roi, informé que les cités grecques de la Sicile s'étaient révoltées, accourut en toute hâte, abandonnant son armée en Afrique, comme Bonaparte abandonna la sienne en Égypte. La chance alors tourna contre ses troupes, qui, furieuses de se voir délaissées, égorgèrent ses deux fils et se rendirent aux Carthaginois. Agathocle, pour se venger, fit massacrer en Sicile les parents des coupables; puis la paix intervint, et les parties belligérantes se retrouvèrent dans leur premier état.

Agathocle fit aussi des excursions en Italie, attaqua Crotone, vainquit les Bruttiens, saccageant le pays et se retirant avec le butin. Personne ne saurait dire, avec Timée, qu'il ne dut son élévation qu'à la fortune; mais il souilla par des cruautés sanguinaires les brillantes qualités de son esprit. La tranquillité intérieure qu'il maintint d'un bras de fer prouve qu'il connaissait bien son pays, et son débarquement audacieux devant Carthage prouve qu'il ne connaissait pas moins ses adversaires. Aussi, lorsqu'on demandait à Scipion lequel des hommes de guerre avait à son avis montré le plus d'habileté dans la conception de ses plans et la plus judicieuse hardiesse dans leur exécution, il nommait Agathocle et Denys l'Ancien.

Archagate, son neveu, l'empoisonne et lui succède; mais, peu de temps après, il est lui-même assassiné par Ménon, qui tente de se faire proclamer par l'armée. Assailli par un autre Icétas, il se réfugie parmi les Carthaginois; cet Icétas gouverna pendant neuf ans sous le titre de stratége de la république. Tynion s'empare ensuite du pouvoir, qui lui est disputé par Sosistrate.

Au milieu de ces désordres, de nouveaux tyrans avaient surgi dans presque toutes les cités. Les étrangers, qui avaient combattu à la solde d'Agathocle, favorisés par les dissensions et les tyrannies diverses, s'emparent de Messine, et, charmés de la position de cette ville, s'y établissent sous le nom de Mamertins; puis, soutenus par une légion romaine qui avait fait à Rhégium ce qu'ils venaient d'accomplir à Messine, ils subjuguent les États voisins. Les Carthaginois poussent leurs excursions jusqu'aux portes de Syracuse; cette ville appelle alors à son aide Pyrrhus, roi d'Épire, qui avait épousé Lanassa, fille d'Agathocle: ses expéditions trouveront leur place dans l'histoire romaine.

La jalousie arma les Agrigentins contre Syracuse, qui les vainquit. Ils gardèrent la neutralité durant les hostilités avec les Grecs; mais, quand les Carthaginois envahirent la Sicile, Agrigente fut détruite, dépouillée de ses trésors et de son luxe; elle se releva lentement d'un coup si rude, et s'en ressentit toujours. Timoléon lui inspira une vigueur nouvelle, et, au temps d'Agathocle, elle avait acquis assez de puissance pour se mettre à la tête de la ligue formée contre ce tyran; mais elle succomba dans la lutte. Après la mort d'Agathocle, elle eut pour tyran Phintias, qui fut assailli près d'Hybla et vaincu par le Syracusain Icétas. Les Carthaginois firent d'Agrigente leur place d'armes en Sicile, lors de leur guerre avec les Romains, qui finirent par s'en emparer. Girgenti n'occupe aujourd'hui qu'une faible partie de l'emplacement sur lequel s'étendait l'ancienne ville d'Acragas, Agrigentum. Mais des restes nombreux de son antique magnificence, des tombeaux d'hommes, de chiens et de chevaux dont les rues étaient ornées, les ruines de temples admirables, attestent quelle fut jadis la grandeur de la patrie d'Empedocle.

Les autres villes de la Sicile furent comme les satellites des deux cités principales. Léontium, ville voluptueuse au territoire des plus fertiles, était fameuse par ses vins. Taormine jouissait des mêmes avantages; parmi les ruines douloureuses qui en attestent la magnificence, on admire son théâtre, dont les voûtes et les niches, disposées avec beaucoup d'art pour multiplier la voix des acteurs, répètent encore le cri d'admiration des étrangers et le gémissement

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Commerce silicier.

de ceux qui l'habitent actuellement. On y jouit d'une perspective sans égale : d'un côté la mer vers laquelle la plaine s'abaisse en pente douce, de l'autre la campagne s'élevant par degrés jusqu'aux cimes fumantes du mont Gibel, dont le nom constate les conquêtes sarrasines (1). Catane dominait magnifiquement sur son golfe jusqu'à ce qu'elle fut bouleversée par l'Etna. Hybla, bâtie par les Grecs de Mégare, était renommée pour son miel, rival de celui d'Hymette. Camarine était infectée par un marais qui en défendait les approches, et dont le desséchement la rendit salubre, mais en la laissant à la merci des Syracusains, qui la détruisirent. Empédocle obtint plus de succès, en donnant de l'écoulement aux eaux des marécages dont Sélinonte était environnée, et ses habitants, en reconnaissance d'un tel service, lui élevèrent des temples. Éryx attirait un grand concours d'étrangers par le culte voluptueux qu'elle rendait à Vénus; elle s'élevait sur la cime d'un mont, au pied duquel se trouvait Égeste, dont les Romains changèrent le nom en celui de Ségeste, effrayés d'un nom de sinistre présage par sa ressemblance avec Egestas; ce fut ainsi qu'ils changèrent Maleventum en Beneventum. Himère était célèbre pour ses bains chauds et pour avoir donné le jour à Stésichore. Enna, défendue par de fortes murailles, au milieu de sites riants, célébrait solennellement chaque année les fêtes de Cérès, déesse qu'elle avait vue naître, et dont la fille avait été enlevée lorsqu'elle cueillait des fleurs dans les champs d'alentour.

Nous ne suivrons pas ces villes dans leurs vicissitudes particulières, préférant recueillir le peu de renseignements qui nous sont restés sur le trafic de la Sicile. Les Phéniciens et les Carthaginois y firent d'abord un commerce d'exportation; puis les colonies grecques y développèrent l'industrie. Les fables dont nous avons parlé prouvent que la Sicile cultivait, dès la plus haute antiquité, le blé, l'olivier et l'oranger..

Diodore attribue la prospérité d'Agrigente aux envois d'huile qu'elle faisait en Afrique, où ce produit manquait encore. Dans les temps historiques, Anaxilas introduisit les lièvres en Sicile, et Denys, le platane (2). Le safran et le miel de l'ile jouissaient d'une grande réputation, et ils étaient d'autant plus précieux qu'on ne connaissait pas le sucre, et que les épices et les couleurs pour la teinture étaient rares; aussi le safran passait pour fournir, après la pourpre, la plus belle couleur, outre qu'il entrait comme ingré

(1) Djebel, montagne.

(2) Théophraste, IV, 17 — PLINE, XII, 5.

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