Imatges de pàgina
PDF
EPUB

303.

17 novembre.}

450

SIXIÈME ÉPOQUE.

de simplicité a reçu désormais un Cyrus, un Sésostris, un autocrate
qui prétend, par le mystère et par la pompe dont il s'entoure, com-
mander le respect aux gens de guerre et la soumission au peuple.

Deux empereurs et deux Césars multipliaient ces apparences
fastueuses, ainsi que les employés, les serviteurs, et tous ceux dont
le luxe réclame l'office. Les quatre cours rivalisant entre elles
de splendeur, d'une part les intrigues s'accrurent, et de l'autre,
les impôts; aussi, tant que l'empire subsista, les plaintes ne cessè-
rent pas sur l'aggravation des taxes. Si les mesures nécessaires à
la tranquillité intérieure et à la défense extérieure étaient désor-
mais plus promptes, le sentiment de l'unité s'affaiblissait, et les
esprits se préparaient au partage qui s'effectua plus tard, et d'un
seul empire en fit deux.

Bien que la faute retombe sur Dioclétien comme auteur du système nouveau, il est juste de dire qu'il apporta, dans toutes ses réformes, de la modération. Il continua à faire au peuple les distributions accoutumées; mais en voulant, durant une famine, taxer les denrées à un prix peu élevé, il ne réussit qu'à l'augmenter. On lui dut de splendides constructions à Carthage et à Milan, indépendamment de celles de Nicomédie et des thermes dont il embellit Rome, magnifique édifice où trente mille personnes pouvaient prendre le bain, et auquel il réunit la bibliothèque de Trajan. Sa mémoire ne serait donc pas restée aussi odieuse, s'il n'eût persécuté les chrétiens avec une extrême férocité.

Ce fut avec justice qu'il s'attribua dans la vingt-unième année de son règne les honneurs du triomphe; et le peuple de Rome, en voyant porter les images de fleuves et de villes perses non encore subjugués, celles des fils et de la femme de Narsès, put encore se faire illusion sur l'éternité du Jupiter Capitolin.

Mais les Romains pouvaient-ils voir de bon œil celui qui avait ravi à leur cité le privilége d'être la capitale du monde ? La magnificence même dont s'entourait Dioclétien disparaissait devant celle des triomphes de Carin et d'autres encore; aussi décochaient-ils contre l'autocrate des mots piquants, insupportables pour son 1; novembre. orgueil; il en montra tout son dépit en quittant brusquement les sept collines, sans attendre le jour très-prochain de son entrée en fonctions comme consul.

S'étant alors dirigé vers les provinces illyriennes, il contracta en les parcourant une maladie qui le mit à deux doigts de la mort.

Dioclétien,

Il guérit cependant, mais, ne se sentant plus assez fort pour Abdication de soutenir le fardeau de l'empire, il résolut d'abdiquer; non par philosophie, comme les Antonins, ni par lassitude des contrariétés éprouvées, comme Charles-Quint, mais par une pensée de bien public.

Du haut d'un trône élevé au milieu de la plaine, près de Nicomédie, il déclara sa résolution au peuple et aux soldats, en nommant Césars Maximin et Sévère. Le même jour, Maximien abdiquait à Milan, pour tenir le serment par lequel il s'y était engagé antérieurement envers son collègue. Dioclétien se retira dans un palais splendide qu'il avait fait construire à Salone, aux lieux où s'éleva depuis Spalatro (1). Il y vécut neuf ans dans une condition privée, respecté et consulté par les princes auxquels il avait cédé l'empire. Il s'écriait souvent: Maintenant je vis, maintenant je vois la beauté du soleil. Quand Maximien, qui s'était retiré dans la Lucanie, le pressa de reprendre le pouvoir, il lui répondit : Tu ne me donnerais pas semblable conseil, si tu voyais les belles laitues que j'ai plantées de mes mains à Salone. Quand il lui arrivait de réfléchir aux dangers qui environnent un souverain: Que de fois, disait-il, deux ou trois ministres s'accordent pour tromper le prince, qui, séparé du reste des hommes, parvient rarement à être informé de la vérité, ou même ne la sait jamais! Ne voyant, n'entendant que par les yeux ou les oreilles d'autrui, il confère les emplois à des hommes vicieux ou incapables, néglige les gens de mérite; et, bien qu'il soit sage, il reste en proie à ses courtisans corrompus.

Cependant les troubles qui s'élevèrent dans l'empire, les malheurs de sa femme et de sa fille, quelques injures reçues de ses successeurs, troublèrent sa solitude; on dit même qu'il se donna la mort.

A peine la main robuste qui avait longtemps tenu les rênes de l'Etat ne se fit-elle plus sentir, que les discordes, admirablement réprimées jusque-là, recommencèrent à agiter l'empire, qui, durant

(1) La cathédrale de Spalatro est bâtie sur l'emplacement d'un temple d'Esculape. Celui de Jupiter fut aussi transformé en église. Il reste encore du palais de Dioclétien, d'une construction très-solide, un portique soutenu par des colonnes de granit, à l'entrée duquel est un sphinx. On voit aussi à Spalatro les ruines d'un grand aqueduc fait de blocs énormes, et trois belles portes. En 1828, l'empereur d'Autriche a assigné des fonds pour former un musée des an tiquités trouvées tant à Spalatro qu'à Salone.

305.

I mai.

313. Mai.

Constance
Chlore.

Galère,

dix-huit ans, fut disputé entre différents princes. Constance et Galère avaient succédé avec le titre d'Auguste à Maximien et à Dioclétien le premier et le plus âgé des deux continua à gouverner Ja Gaule, l'Espagne et la Bretagne, avec une douceur généreuse et modeste; il voulait, disait-il, que ses sujets fussent riches, plutôt que l'État. On raconte (1) que Dioclétien envoya un jour vers lui pour se plaindre de ce qu'il n'avait pas d'or en caisse. Constance invita les députés à revenir sous quelques jours pour avoir sa réponse. Dans cet intervalle, il informa les principaux habitants de ses provinces qu'il avait besoin d'argent, et ils lui en apportèrent à l'envi. Alors, montrant ces trésors aux envoyés, il les pria de rapporter à Dioclétien qu'il était le plus riche des quatre princes; seulement, ajoutait-il, il laissait ces richesses en dépôt dans les mains du peuple, considérant son amour comme le trésor le plus sûr et le plus abondant d'un souverain. Après le départ des députés, il renvoya l'argent à qui il appartenait. Au plus fort de la persécution il donna asile aux chrétiens, dont la reconnaissance le porta aux nues. Si nous devons en croire Eusèbe, il arriva que Constance, feignant de vouloir aussi persécuter les chrétiens, enjoignit aux officiers du palais et aux gouverneurs des provinces d'opter entre leur foi et leurs fonctions. Quelques-uns, pour avoir abjuré, furent réprimandés par lui et destitués, attendu que, traîtres envers Dieu, ils devaient trahir le prince plus facilement encore : il accorda, au contraire, sa confiance et des emplois supérieurs à ceux qui avaient écouté la voix de leur conscience, de préférence à leurs intéréts. Par un rescrit qui, inséré au code, mériterait d'être adopté par ceux qui lui ont emprunté tant de lois tyranniques, il rejette les libelles anonymes, « ne sachant pas soupçonner un citoyen qui n'a pas d'accusateur, mais seulement un grand nombre « d'ennemis (2). ›

[ocr errors]

>>

Galère, au contraire, homme vaillant, mais rusé et arrogant, passe pour avoir mis en œuvre de bas artifices pour déterminer Dioclétien à persécuter les chrétiens, et ensuite pour le faire abdiquer. Maximin, son neveu, grossier dans ses paroles et dans ses actions, gouverna en qualité de César l'Égypte et la Syrie; Sévère, l'autre César, l'Italie et l'Afrique : Galère, qui dominait sur ces deux princes ses créatures, et sur Constance, dont la

(1) EUSEBE, VIII, 13, 17; et Vie de Constantin, II, 13.
(2) Code Théodos., lib. VI, De famosis libellis.

santé était chancelante, se flattait de rester seul maître de l'empireet de le transmettre à sa famille. Mais dans les foyers de son collègue était né celui qui devait renverser ses projets.

Constance avait épousé en premières noces une femme de con- Constantin. dition obscure, mais d'une grande piété, nommée Hélène, dont il eut Constantin, auquel probablement elle donna le jour à Naïssus, ville de la Dacie. Soit par égard pour une nouvelle épouse, soit par défiance envers elle, il envoya son fils à la cour de Dioclétien. Celui-ci, séduit par les rares qualités de ce jeune homme, beau, généreux, affable, dont une mâle prudence tempérait l'ardeur juvénile, en le rendant cher au peuple et aux soldats, le fit élever avec soin. Galère en prit de la jalousie; et lorsque Dioclétien eut à nommer deux Césars, il écarta Constantin, au grand déplaisir des légions. Devenu Auguste, il eut toujours l'œil sur lui, et l'aurait fait périr s'il n'eût redouté l'armée, qui lui était favorable, et si d'ailleurs il n'eût échoué dans ses projets de trahison. Constance ayant appelé son fils près de lui, Galère lui opposa mille obstacles; mais il parvint à s'échapper; et, ayant rejoint Constance, il fit heureusement avec lui la guerre dans la Bretagne aux Pictes et aux Calédoniens.

tance. 506.

25 juillet.

A la mort de Constance, Constantin fut salué empereur par les Mort de Cons soldats, et, selon l'usage, il adressa à l'autre Auguste, ainsi qu'aux Césars, sa propre image, avec les insignes de l'empire. Galère, malgré le courroux qu'il en ressentit, se décida, pour éviter la guerre civile, à lui envoyer la pourpre, en lui donnant le titre de César, et à Sévère celui d'Auguste.

28 octobre.

Cependant les cruautés de Galère, sa longue absence, et un recensement des richesses de chacun, fait avec une rigueur qui recourait même à la torture pour obtenir l'aveu des biens cachés, avaient déterminé un soulèvement général de l'Italie. Maxence, Maxence. fils de Maximien et gendre de Galère, se fit proclamer Auguste. Quelques-uns ont cru qu'il avait été supposé par sa mère; laid du reste, vicieux, abhorré, il gagna les gardes prétoriennes à prix d'argent. Les Romains, par l'espérance de se délivrer de Galère, les Païens, par celle de relever l'ancien culte, lui prêtèrent aide et appui. Alors Maximien, sortant de sa retraite, reprit en main les affaires, et reçut comme collègue de son fils les hommages du peuple et du sénat.

Sévère accourut de Milan pour réprimer ces usurpateurs; mais son armée, qui durant un temps avait obéi à Maximien, passa du

307.

I mars.

côté du vieil empereur. Il se trouva alors assiégé dans Ravenne, et réduit à céder la pourpre à son rival, qui lui promit la vie, et la lui arracha ensuite. Maximien, tranquille de ce côté, voulut s'assurer de l'amitié de Constantin; il lui donna done en mariage sa fille Faustine avec le titre d'Auguste.

Sur ces entrefaites, Galère avait pénétré en Italie; mais en voyant l'immensité de Rome, ou plutôt la constance avec laquelle elle employait ses richesses contre celui qui voulait les lui ravir, il n'osa l'assiéger, et se retira à Terni; puis, se défiant des dispositions de son armée, il rebroussa chemin, exerçant plus de ravages que n'auraient pu le faire les barbares eux-mêmes.

Maximien, se voyant moins considéré qu'il n'aurait voulu, chercha à supplanter son propre fils; mais, trompé dans son attente, il se rendit près de Galère, les uns disent pour l'exciter contre Maxence, d'autres, pour épier une occasion de le trahir. Quoi qu'il en soit, Galère donna pour successeur à Sévère Licinius son ami, comme lui valeureux et ignorant, et même ennemi du savoir, mais, de plus, avare et débauché, malgré sa vieillesse : à cette nouvelle Maximin, qui gouvernait ou plutôt opprimait l'Égypte et la Syrie, prit aussi le titre d'Auguste. Voilà donc six empereurs présidant aux destinées du monde romain : Constantin et Maxence en Occident, Maximin et Licinius en Orient; Maximien que soutenaient les premiers, et Galère qui avait de son côté les deux autres; tous n'étant retenus dans leur désir d'en venir aux mains que par la crainte qu'ils avaient les uns des autres. Maximien, repoussé par Galère, se réfugia auprès de Constantin, et déposa de nouveau la pourpre; mais il voulut bientôt la reprendre. Profitant du moment où Constantin était occupé à combattre les Francs, il répandit le bruit de sa mort, ouvrit le trésor d'Arles, et, à force de largesses, en invoquant des souvenirs glorieux, il souleva les aulois et tendit la main à Maxence. Mais Constantin, qui ne tarda Mort de Maxi- pas à survenir, l'assiégea dans Marseille; et quand il le tint en son pouvoir, il ne lui laissa que le choix de son genre de mort.

308.

mien.

310.

Galère, moins malheureux que son collègue, partagea son existence entre les travaux d'utilité publique, les plaisirs et les cruautés. Habitué au sang par ses persécutions contre les chrétiens, il montrait, en général, tant de barbarie, que celui qui, condamné à périr, était décapité sans quelque aggravation de peine, se considérait comme heureux. Jaloux du savoir et de l'indépendance,

« AnteriorContinua »