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1684-1687 probité, ses mœurs antiques, son énergie, son Æt. 63-66 amour pour le bien public, lui avoient donné un tel ascendant sur le parlement, qu'il dominoit ce corps et le conduisoit à son gré. Son inflexibilité, et surtout la nature de son esprit vif, brillant, caustique, sa franchise sévère qui s'expliquoit sans ménagement, et souvent avec dureté, lui avoient fait beaucoup d'ennemis. Un tel caractère n'avoit aucune analogie avec celui de La Fontaine ; il formoit avec lui un contraste complet par ses défauts, et même par la plupart de ses vertus. Aussi notre fabuliste n'étoit pas très-lié avec de Harlay, qui cependant aimoit beaucoup ses fables, et les lisoit De Harlay sans cesse. De Harlay, voulant être le bienfaiteur d'un poëte qui faisoit ses délices, se chargea de son fils, et le prit chez lui pour l'établir. Peut-être La Fontaine se seroit tenu à une visite de remerciement qu'exigeoit impérieusement un pareil bienfait; mais madame de La Sablière lui fit entendre qu'il devoit un hommage public à un homme aussi généreux envers lui, et d'un aussi grand mérite, que le Dédicace de procureur-général. C'est alors que notre fabuliste écrivit la dédicace dont nous avons parlé. Mais, au La Fontaine risque d'être moins agréable à ce nouveau protecc'est Madame teur, il n'a pu s'empêcher de rendre à son amie, à de la compo- sa bienfaitrice, tout l'honneur de cette pensée :

se charge du

fils de La

Fontaine.

La Fontaine à

de Harlay.

avoue que

qui lui a dit

ser.

Iris m'en a l'ordre prescrit.

....

Cette Iris, Harlay, c'est la dame

A qui j'ai deux temples bâtis,

L'un dans mon cœur, l'autre en mon livre :

Voici ses propres mots, si j'ai bonne mémoire :
Acante, le public à vos vers applaudit;

C'est quelque chose, mais la gloire

Ne compte pas toujours les voix,

Elle les pèse quelquefois.

Ayez celle d'Harlay.

Vous pourrez en passant louer, m'a-t-elle dit,

La finesse de son esprit

Et la sagesse de son âme;

Mais, en passant, je vous le dis.

La Fontaine loue ensuite de Harlay par les qualités qui
le distinguoient particulièrement comme magistrat.

Au moindre des mortels votre porte est ouverte;
Nos vœux y sont ouïs, notre plainte soufferte:
L'équité sort toujours contente de ces lieux.
Que si la passion où l'intérêt nous plonge
Fait que quelque client y mène le mensonge,
Le mensonge n'y peut imposer à vos yeux,

De quelque adresse qu'il se pique 82.

1684-1687

Et. 63-66

avoit donné a

bonne éducation; mais il

plus de lui,

lay s'en fut

La Fontaine avoit fait donner à son fils une La Fontaine excellente éducation, à laquelle avoit présidé son son fils une ami Maucroix 83. Dès que M. de Harlay se fut chargé ne s'inquiéta de ce fils, son père ne s'en occupa plus, et, ce qui doit quand de Harun peu l'excuser, c'est qu'il ne s'occupoit pas de lui- chargé. même. Dupin, docteur en Sorbonne et auteur d'un grand nombre de savants ouvrages, a raconté à Titon du Tillet qu'un jour La Fontaine l'étant venu voir, il le reconduisoit sur l'escalier; dans le même ne, relativemoment, le fils de La Fontaine monta, et Dupin lui dit : «< Monsieur, vous voilà en pays de connoissance; allez dans mon appartement; je reconduis M. votre père. » La Fontaine ne fit pas grande attention à son fils, qu'il avoit cependant salué, et il demanda à Dupin, quel étoit ce jeune homme. « Quoi,

Distraction de La Fontai

ment à

fils.

son

1684-1687 lui dit-il, vous n'avez pas reconnu votre fils?» La FonEt. 63-66 taine, après avoir un peu réfléchi, lui répliqua d'un air tout embarrassé: « Je crois l'avoir vu quelque part 4.

Explication

de ce fait.

Antre anecdote relative a La Fontaine

et à son fils,

Nous avons transcrit le récit, que Titon du Tillet lui-même a fait de cette anecdote; mais nous ferons remarquer qu'on se plaît à exagérer les traits de distraction, afin de les rendre plus plaisants, et sans s'apercevoir que presque toujours ils deviennent alors invraisemblables, et même impossibles, à moins de supposer une véritable aliénation mentale. Dans l'anecdote que nous venons de raconter, par exemple, si, sans y rien changer, on se représente que La Fontaine, en passant rapidement sur un escalier, peut-être mal éclairé, eût une idée confuse que le jeune homme qu'il saluoit lui étoit connu, et que, préoccupé de cette idée, il ait répliqué à Dupin : « Je croyois bien, en effet, l'avoir >> vu quelque part, >> alors ce fait n'aura rien de surprenant, et pourra arriver à quelqu'un qui ne seroit ni distrait, ni préoccupé, et qui verroit tous les jours son fils. La personne à qui échapperoit involontairement une pareille naïveté seroit la première à en rire.

Le fait suivant n'est pas de la même nature. On prétend qu'il y avoit plusieurs années que La Fontaine et son fils ne s'étoient vus, lorsqu'on les fit rencontrer dans une maison, où l'on vouloit jouir du plaisir et de la surprise du père. La Fontaine ne se douta point que ce fût son fils. Il l'entendit parler, et témoigna à la compagnie qu'il trouvoit au jeune

per

Réfutée.

homme de l'esprit et de très-bonnes dispositions. 1684-1687 L'onsaisit ce moment pour lui dire que c'étoit son fils; E. 63-66 mais sans être plus ému: « Ah! répondit-il, j'en suis » bien aise. » Nous croyons cette anecdote imaginée à plaisir; c'est Montenault qui l'a racontée le premier 85, et long-temps après la mort de La Fontaine. Remarquons que Montenault ne nomme pas la sonne, chez laquelle se fit cette rencontre du père et du fils. Il est probable que c'est le fait véritable de ce qui se passa chez Dupin, qui donna lieu à l'invention de cette historiette. Perrault, d'Olivet, et Mathieu Marais, qui ont été contemporains de La Fontaine, n'en font point mention. Tous parlent de ses distractions; mais Mathieu Marais nous avertit de nous défier des contes ridicules qu'on a faits à ce sujet 86.

Les distracFontaine ang

tions de La

mentent avec

ge

raisons.

Il est certain cependant que La Fontaine fut toute sa vie distrait, et que ce défaut de son esprit dut d'autant plus augmenter avec l'âge que différent de Boileau et de Racine, qui cessèrent d'assez bonne heure d'éprouver le besoin de produire, il continua de faire des vers jusqu'à son dernier jour; telle- par plusieurs ment que quelques unes des plus belles fables qu'il ait composées, se trouvent dans le recueil qu'il fit paroître un an avant sa mort. La Fontaine, n'ayant jamais su se contraindre, dut, lorsque sa réputation eut préparé tout le monde aux égards et à l'indulgence envers lui, faire moins d'efforts encore pour plaire en société, lorsqu'il ne s'y trouvoit pas disposé.

1684-1687

On ne doit donc pas s'étonner du fait, raconté Et. 63-66 avec tant de prolixité par le chartreux un peu mondain, qui s'est caché sous le nom de Vigneul

Récit d'an de Marville. Il avoit, avec quelques uns de ses

diner donné

à La Fontaine

par Bonaven- amis, invité La Fontaine à dîner dans une petite

ture d'Argon

ne et ses amis. maison écartée, afin de jouir à l'aise de la con

Trait de distraction et

versation de ce célèbre poëte. La Fontaine, qui n'étoit connu dans cette société que de celui par qui on l'avoit fait inviter, fut exact à l'heure, et arriva à midi. Le dîner étant excellent, il mangea beaucoup, et but de même; puis s'endormit. Il se réveilla après trois quarts d'heure de somme; il fit des excuses, mais resta silencieux le reste de la soirée : ses convives, n'en pouvant rien tirer, le reconduisirent chez lui, étonnés (assez peu justement, suivant nous) de ne lui avoir rien entendu dire de spirituel, ni qui pût justifier sa grande réputation37. Un des traits les plus plaisants de distraction, et d'insouciance d'insouciance, de la part de La Fontaine, est celui Laine dans un qui a été raconté par Cotolendi: il a, je crois, échappé à tous les biographes de notre fabuliste, quoiqu'il se trouve consigné dans un livre imprimé de son vivant. La Fontaine avoit un procès, et restoit à la campagne, sans s'en inquiéter. Un de ses amis apprend que ce procès va être jugé le lendemain; il en prévient La Fontaine, et lui envoie en même temps un cheval, pour qu'il se rende de suite à Paris, et sollicite ses juges. La Fontaine se met en route; mais en chemin il s'arrête chez une de ses connoissances, qui demeuroit à une lieue de la capitale. Il est reçu

de La Fon

procès.

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