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leur demandent la paix et ne peuvent l'obtenir. Heureux par tant de succès, les Athéniens affermissent leur domination sur les Ioniens et surles Thraces, en s'assurant même la possession de Byzance. La plus grande part dans ces victoires était avec raison attribuée à Alcibiade, qui en peu de temps avait, disait-on, pris ou détruit deux cents galères. Il revint à Athènes, le front chargé de lauriers et justifié par la victoire; mais son retour, qui eut lieu le jour néfaste des Plyntéries, fêtes dans lesquelles les prêtres lavaient avec mystère la statue de Pallas, fut considéré comme un augure sinistre pour sa nouvelle expédition.

Les Doriens lui opposèrent pour adversaire Lysandre, de la race des Héraclides, qui joignait à la rudesse spartiate l'esprit délié des autres Grecs, n'était pas moins bon politique que vaillant guerrier, et faisait indifféremment usage de la force ou de la perfidie. Son mot favori: On attrape les enfants avec des jouets et les hommes avec des parjures, rappelle ce diplomate moderne qui disait que la parole avait été accordée à l'homme pour déguiser sa pensée. Huit cents Milésiens se rendirent à Lysandre, sur la foi d'un serment, et il les fit égorger. Servile envers les orgueilleux Asiatiques, il prenait sa revanche en se montrant hautain jusqu'à l'arrogance avec les siens; dans la Perse, il attisait le feu des discordes, afin que le sang versé affaiblît d'autant l'ennemi, et, en Grèce, il se livrait à toutes les iniquités qu'il pouvait commettre impunément.

L'armée que les Péloponésiens s'étaient hâtés de réunir de nouveau après la bataille de Cyzique s'était amollie par son contact avec les Perses à Éphèse; car les descendants de Léonidas, liés étroitement avec les Perses, avaient adopté, pour base de leur politique, de conserver l'amitié tantôt de Tissapherne, tantôt d'Artabaze, tantôt de Cyrus, le dernier fils de Darius Nothus. Ce jeune homme, âgé de seize ans, était venu gouverner l'Asie Mineure, déployant beaucoup d'habileté et d'intentions droites. Le rusé Lysandre eut l'art de gagner ses bonnes graces; il le courtisait avec assiduité, admirait les jardins qu'il plantait de ses propres mains, et, par cette adroite séduction, il sut l'amener à favoriser les Spartiates et à augmenter de trois à quatre oboles la paye que leurs hommes de mer (1) recevaient du roi de Perse. Les Athéniens, aulieu

(1) Les négociations qui eurent lieu alors nous apprennent que l'on donnait chaque mois 90 oboles par tête aux soldats, c'est-à-dire trois oboles par jour ou une demi-drachme, et 108 mines par vaisseau; ce qui indique que chaque vaisseau était monté par 240 hommes. La flotte, qui comptait à cette époque 90 voiles, portait donc 21,600 hommes. Voir THUGydide, VIII, 29.

HIST. UNIV.

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Lysandre.

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de monter eux-mêmes leurs navires, stipendiaient des mercenaires, au prix de trois oboles par jour, somme égale à celle qui, dans leur ville, suffisait à l'entretien d'un homme pauvre. Alcibiade avait même fait diminuer cette solde, de sorte que beaucoup de marins désertèrent pour s'enrôler sur la flotte péloponésienne, où l'on payait presque le double. Sur ces entrefaites, Lysandre attaqua les Athéniens dans les eaux de Samos et leur fit éprouver une défaite.

Il n'en fallut pas davantage pour discréditer Alcibiade; destitué du commandement, il s'exila de lui-même sur les côtes de Thrace; on mit alors à la tête de l'armée dix généraux, au nombre desquels était Conon, qui, par la suite, acquit une grande célébrité.

A la même époque, Lysandre, dont l'année légale était expirée, avait dû résigner le commandement à Callicratidas, général d'une haute habileté, mais dont les mœurs d'une austérité antique le rendaient peu agréable aux Spartiates de son temps. Lysandre, qui omentait les mécontentements, le desservit près de Cyrus, et ce prince refusa de le recevoir. Il boit, répondirent les courtisans quand Callicratidas demanda audience. N'importe, reprit le Spartiate; j'attendrai qu'il ait fini.

On n'épargna pas les railleries à cette candeur, qui parut de la rusticité; il s'éloigna donc de Cyrus en déplorant les misères de la Grèce réduite à mendier le secours des étrangers. Ne se fiant plus alors qu'à sa seule valeur, il investit Méthymne et s'en empara; puis il vainquit Conon devant Mitylène et l'assiégea dans le port. Cyrus, ayant appris à mieux connaître Callicratidas et regrettant ses mauvais procédés à son égard, lui fit passer des subsides abondants; mais les Athéniens accoururent avec la flotte alliée et battirent, aux îles Arginuses, près de Lesbos, la flotte spartiate : Arginuses. la défaite de Callicratidas fut suivie de sa mort. Comme on invitait ce général à éviter la rencontre de forces si supérieures aux siennes, il répondit que Sparte pourrait équiper une nouvelle flotte, au cas où elle perdrait celle qu'il commandait; mais que, son honneur une fois perdu, rien ne pourrait le lui rendre. Il oubliait que, si dans l'un des plateaux de la balance se trouvait son honneur, l'autre portait le salut de sa patrie.

Bataille des

Une partie de la flotte athénienne fut envoyée contre celle qui bloquait Conon devant Lesbos; le reste alla au secours des bâtiments endommagés qui couraient le danger de couler bas, et eut mission d'ensevelir les morts. Mais, lorsque la première escadre arriva, les Spartiates avaient déjà pris le large, et la tempête em

pêcha l'autre d'accomplir son pieux office. La flotte revint donc à Samos; Athènes, lorsqu'elle apprit cette nouvelle, accusa les généraux d'attentat religieux, et six d'entre eux furent condamnés à mort par le jugement le plus inique, et malgré les protestations de Socrate. Les malheurs qui frappèrent Athènes dans la suite semblèrent un châtiment de ce méfait public.

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La défaite que les Spartiates avaient éprouvée leur fit sentir la nécessité des services de Lysandre; il reparut donc à la tête de leur flotte, aimé des soldats et riche des subsides de Cyrus. Il fit voile pour l'Hellespont, désireux de se mesurer avec les Athéniens. Quoique exilé, Alcibiade vint, au risque de sa vie, avertir ses concitoyens du péril qui les menaçait ; ils ne l'écoutèrent point, et leur flotte, surprise dans les eaux d'Egos-Potamos, essuya une déroute complète. Trois mille prisonniers furent égorgés par le Défaite d'Évainqueur; au nombre de ces prisonniers se trouva Philoctète, qui, dans la confiance de la victoire, avait proposé de couper la main droite à tous les Péloponésiens que l'on prendrait. Lysandre, lui ayant demandé quel traitement il croyait mériter, obtint pour réponse: Celui que nous t'aurions fait subir à toi-même, si nous avions été vainqueurs.

gos-Potamos.

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Prise

Ce fut ainsi qu'Athènes perdit l'empire de la mer, qu'elle avait conservé soixante-douze ans. Ses alliés rivalisèrent d'empressement pour faire leur soumission à Sparte; quelques-uns, qui hésitèrent, y furent contraints par la force. La garnison laconienne, qui jamais n'était sortie de Décélie, vint alors assiéger Athènes, devant laquelle arriva bientôt Lysandre avec la flotte, et dans tout l'orgueil de la victoire. Les Athéniens se défendirent six mois avec une inexprimable valeur; mais ils n'avaient pas même la paix dans leurs murs, où Théramène et les débris des QuatreCents songeaient moins à sauver la patrie qu'à faire triompher l'aristocratie. Les alliés du Péloponèse voulaient que la ville fût rasée jusqu'aux fondements; Sparte consentit à lui accorder des conditions aux termes desquelles les fortifications du Pirée et les murailles qui le réunissaient à la cité, seraient démolies; les Athéniens devaient en outre livrer toutes leurs galères, à l'exception de huit, renoncer à toutes les prétentions sur les autres villes, révoquer la sentence d'exil prononcée contre les partisans des Septembre. institutions aristocratiques, marcher à la suite de Sparte dans toute guerre offensive ou défensive, et recevoir d'elle la forme de son gouvernement. Ces conditions étaient aussi dures qu'inévitables. Le jour anniversaire de la bataille de Salamine, Athènes ouvrait ses portes à l'ennemi, et le voyait renverser ses murailles,

d'Athènes.

incendier sa flotte; c'en était fait pour elle des triomphes et des fêtes.

Telle fut, après vingt-sept années, la fin de la guerre du Péloponèse; avec elle finit aussi la grandeur d'Athènes, sur laquelle nous arrêterons encore un moment nos regards avant de suivre le cours des événements.

Économie politique.

CHAPITRE XIV.

DE LA GRANDEUR ET DE LA DÉCADENCE D'ATHÈNES.

La Grèce, une fois sortie de la lutte contre la Perse, avec le sentiment entier de ses propres forces, développa largement ses institutions, qui, dans leurs immense variété, avaient toutes pour but la liberté, l'action, le perfectionnement de la vie individuelle et publique.

Il serait avantageux de connaître les constitutions de tous les États grecs, d'autant plus que la vie publique s'y confondait avec la vie privée, dans l'intérêt commun. Les États se composaient de la cité avec son territoire, et, par suite, les constitutions étaient municipales; ils ressemblaient donc aux républiques italiennes du moyen âge plutôt qu'aux royaumes modernes. Tous étaient libres, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas une personne qui ne fût soumise à la juridiction du peuple; l'État n'était pas une grande machine mue par une volonté unique, mais un individu moral vivant par luimême, et dont les forces propres déterminaient le mouvement. Il était donc de suprême importance de développer ces forces dans les particuliers comme dans l'État.

Les abus deviennent plus vexatoires dans les petits États, qui, dès lors, regardent les institutions régulières comme le fait capital. Les Grecs, en effet, se les procurèrent de bonne heure, et avant que les questions politiques fussent discutées au point de vue spéculatif; c'est donc le caractère pratique qui prédomine dans leurs législations.

Selon leurs idées, la commune est un être qui veut se gouverner lui-même. Aussi, loin de chercher les formes de cette souveraineté dans les formes constitutionnelles, ils ne voulurent pas même détruire les institutions antérieures ; les constitutions et les chartes modernes ne rappellent donc pas le système politique des Grecs, qui admettait, au contraire, tout ce qui regarde la vie privée et se fonde sur l'éducation et l'instruction.

La souveraineté réside dans tous les citoyens ou dans certaines classes. Dans les démocraties, tous participaient également à l'assemblée des citoyens et aux droits de juridiction; nous n'examinons pas si les pauvres en étaient exclus. Dans les États aristocratiques, ce droit était héréditaire, comme dans certaines familles de Sparte, ou plus souvent commun à tous les nobles et aux riches. Les richesses consistaient toujours; en biens-fonds, d'autant plus que l'industrie était dans l'enfance; on s'étudiait à prévenir leur accumulation dans les mains d'un petit nombre.

Le droit de cité, qui avait une grande importance, était déterminé par des lois précises; tantôt il suffisait d'avoir reçu le jour d'une mère citoyenne, tantôt d'une mère et d'un père citoyens, tantôt il fallait jusqu'à deux ou trois générations (1). On était plus facile à l'égard des colonies, et d'autres villes obtenaient ce titre pour des masses d'habitants; mais parfois, dans les colonies, les citoyens se divisaient en tribus à l'exemple de la métropole, ce qui faisait naître des troubles.

A Sparte et dans la Crète, d'origine dorique, les habitants de la ville se considéraient comme supérieurs à ceux de la campagne; il n'en était pas ainsi ailleurs. Les citoyens se classaient selon l'origine, c'est-à-dire la tribu, ou selon le district qu'ils habitaient, ou bien selon les richesses, c'est-à-dire selon qu'ils combattaient à pied ou à cheval.

Les assemblées étaient partout constituées d'après cette division; la législation, le choix des magistrats et la juridiction suprême regardaient les assemblées générales. Afin d'empêcher que la multitude y prévalût, on introduisit dans quelques-unes le système représentatif; mais ce système ne pouvait se développer dans des constitutions municipales. On aima mieux attribuer les plus graves affaires à un corps supérieur (conseil, Bouλ), périodiquement élu ou composé de vieillards (yepoucía). Les magistrats chargés du pouvoir exécutif devaient rendre compte au peuple de leur administration. Les conditions d'éligibilité étaient de nature différente; mais, comme l'exercice des magistratures était onéreux, elles devinrent presque un privilége des riches.

La juridiction n'était pas distinguée par la constitution; elle variait selon les pays, au point qu'il n'est pas toujours possible d'en apercevoir la raison. Les causes étaient publiques (pa) ou civiles (díxn); Platon dit : « Si un particulier, lésé par

(1) ✓ Dans les bons États, on n'accorde pas le droit de cité aux artisans » 'H dè βελτίστη πόλις οὐ ποιήσει βάναυσον πολίτην. ARISTOTE, Polit., III, 5.

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