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Paix de Cimon 449.

Mort de

Cimon.

Cimon, à qui la victoire se montrait fidèle, répara ces désastres, et, méditant l'importante conquête de Chypre, il assiégea d'abord Salamine. Alors Artaxerxès, las de cinquante années d'une guerre désastreuse, demanda la paix et l'obtint : il fut stipulé que toutes les colonies grecques en Asie resteraient libres; que les flottes perses se tiendraient à trois jours de distance de la côte occidentale; qu'aucun de leurs vaisseaux ne pourrait naviguer ni sur la mer Égée ni sur la Méditerranée; que les Athéniens évacueraient Chypre et n'inquiéteraient plus les États du grand roi. Telles étaient les conditions dictées par une ville grecque à l'empire le plus puissant.

Cimon ne vit pas la conclusion de cette paix, son œuvre; il mourut des suites d'une blessure. Général des plus heureux sur le champ de bataille, il ne fut pas moins habile à négocier les traités et à se concilier la bienveillance de l'ennemi. Riche de douces vertus, bienveillant, modeste, loyal, il s'obstina glorieusement dans le dessein de chasser les Perses de l'Europe, et de ramener la paix parmi les Grecs sa perte ne prouva que trop combien son influence eût été nécessaire à la concorde publique.

448.

CHAPITRE XIII.

GUERRE DU PÉLOPONÈSE.

Comme les eaux s'élancent aussitôt que la digue qui les retenait se rompt, ainsi les jalousies mal dissimulées se déchaînèrent à la mort de Cimon. Une fois qu'il eut mis hors de combat l'ennemi commun, le sentiment commun s'éteignit. Athènes n'est plus nécessaire, et, depuis le traité avec Artaxerxès jusqu'à la bataille de Chéronée, se succèdent cent onze années de paix au dehors et de carnage au dedans.

La trêve de cinq ans durait encore, lorsque les Delphiens disputèrent aux autres Phocidiens la possession du fameux temple d'Apollon. Les Spartiates prêtèrent aux premiers l'appui de leurs armes ; les Athéniens, par le conseil de Périclès, se mirent du parti des seconds. Périclès avait dissuadé ses concitoyens de faire la guerre aux Béotiens, et, comme elle fut malheureuse, sa popularité s'en accrut tellement qu'il ne lui manquait que le nom de roi; il savait d'ailleurs la conserver en prodiguant les deniers publics en fêtes et en magnificences. Les villes alliées, qui se voyaient con

traintes de payer pour les plaisirs d'Athènes le triple de ce qui avait été convenu, passaient des plaintes aux menaces, et Périclès n'en tenait pas compte, convaincu que, si elles osaient redresser la tête, il saurait les dompter et les surcharger encore d'impôts. En effet, Thasos, Naxos, Égine, Eubée, Samos et d'autres îles plus petites s'insurgèrent; mais, ne se rappelant pas que la force réside dans l'union, elles furent vaincues l'une après l'autre par Périclès, démantelées, obligées de recevoir garnison athénienne et de payer. Périclès, à la tête d'une flotte de cent voiles, longeait les côtes du Péloponèse, et parcourait le PontEuxin pour inspirer une haute idée d'Athènes, qui portait aux nues son héros en gouvernant sa patrie à son gré, il ne lui faisait pas sentir les inconvénients inhérents au gouvernement populaire, évitait avec soin toute imprudence, et cherchait à faire croire qu'à lui seul était due la grandeur d'Athènes.

Le parti aristocratique n'avait jamais cessé de lui faire obstacle, et Thucydide était un de ses principaux adversaires. Inférieur à son rival sur le champ de bataille, supérieur à lui dans les délibérations, il succomba néanmoins; exilé par l'ostracisme,il laissa les nobles sans crédit et son rival arbitre suprême du gouvernement. Périclès prit à tâche de faire triompher la démocratie dans les villes alliées, et notamment à Samos, qui, après neuf mois de siége, lui ouvrit ses portes et paya les frais de la guerre; ce fut ainsi qu'il remplit le trésor par ses triomphes, etrendit Athènes forte au dedans, respectée au dehors.

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444.

441.

Comme pour attester la suprématie de sa patrie, il invita les Grecs à envoyer à Athènes des députés, afin de délibérer sur les moyens d'accomplir les voeux faits aux dieux pour l'expulsion de l'étranger. Les États les plus éloignés se rendirent à son appel; mais ceux d'Europe, s'apercevant que par cette démarche ils reconnaîtraient Athènes pour capitale et pour siége de leurs délibérations, se crurent insultés, et les germes de mécontentement fermentèrent davantage. Le premier résultat de cette disposition des esprits se manifesta dans le différend entre Corinthe et Corcyre, Guerre sa colonie, qui, enorgueillie par ses richesses, supportait impatiemment la dépendance. Les Corinthiens, ayant expédié à Épidamne (Durazzo), colonie de Corcyre, des secours contre les incursions des barbares, les Corcyréens se tinrent pour offensés; ils armèrent quarante navires, défirent les Corinthiens près d'Actium, reprirent Épidamne, firent main basse sur les Corinthiens qu'ils y trouvèrent, ravagèrent leur territoire et celui de leurs alliés, sans épargner l'Élide, terre sainte de la Grèce.

entre Corinthe et Corcyre.

435.

434.

433.

Siége de
Potidée.

433.'

Après ces exploits, les Corcyréens, craignant une vengeance, demandèrent du secours à Athènes, qui s'empressa de le leur accorder, joyeuse qu'elle était d'humilier les provinces septentrionales et de se concilier une île qui pouvait favoriser des projets déjà formés sur la Sicile et l'Italie, et défendre le passage aux navires qui viendraient en aide au Péloponèse. En effet, bien qu'après de courtes hostilités, la trêve avec Sparte eût été renouvelée pour trente ans, on pouvait facilement prévoir qu'elle ne durerait guère entre deux cités avides de domination. Les Athéniens, ne voulant pas toutefois rompre ouvertement avec les Corinthiens, se bornèrent à faire avec Corcyre une ligue défensive; lorsque celle-ci fut attaquée, ils expédièrent dix galères, qui, réunies aux cent dix de cette île, remportèrent une victoire signalée.

Les Corinthiens, n'ayant plus dès lors d'autre désir que de trouver des ennemis aux Athéniens, excitèrent Perdiccas II, roi de Macédoine, à s'affranchir de la dépendance d'Athènes, et Potidée, la clef de ses possessions en Thrace, à lui refuser le tribut. Les Athéniens accoururent pour faire rentrer cette ville dans le devoir; les Péloponésiens la soutinrent, une bataille s'ensuivit, et Potidée fut assiégée par les Athéniens.

A un grief il en succède bientôt mille. Mégare se plaint de ce qu'Athènes, afin de la punir d'avoir donné asile aux fugitifs, lui a fermé ses ports et veut l'affamer; Égine, d'être réduite en esclavage; d'autres ont aussi leurs offenses à alléguer, et Corinthe les pousse à porter leurs doléances à Sparte. Les hommes prudents de cette dernière ville répugnaient à s'attirer sur les bras toute la puissance athénienne; mais ceux qui désiraient la guerre eurent le dessus. Ce fut à Corinthe que se réunirent les députés des sept républiques du Péloponèse (Argos et l'Achaïe gardant la neutralité) et des neuf États de la Grèce septentrionale, à l'exception de l'Acarnanie, de quelques villes de la Thessalie, de Naupacte et de Platée qui restèrent fidèles à Athènes : la guerre fut résolue pour délivrer Potidée.

L'orage réveilla Athènes, qui s'aperçut du péril où l'avait jeté son Périclès. Les poëtes satiriques se mirent à le harceler sans relâche, dénonçant comme la cause de cet incendie Aspasie, l'âme de Périclès et les délices de ceux qui la payaient; elle était irritée contre les Mégariens de ce qu'ils lui avaient enlevé deux jeunes filles de sa suite : Pour trois coureuses, disait Aristophane, on met la patrie sur le bord du précipice. Anaxagore, le maître de Périclès, fut accusé d'impiété et condamné à mort; l'éloquence du

disciple fit commuer la sentence, et le philosophe en fut quitte pour l'amende et l'exil. Le grand sculpteur Phidias, créature de Périclès, se vit imputer d'avoir détourné une partie de l'or qui lui avait été confié pour la statue de Pallas, et de s'être représenté lui-même ainsi que son protecteur; on le condamna également. Des amis de Périclès on passa bientôt à lui-même; il fut appelé à rendre compte des trésors dont il avait eu l'administration; mais il s'en tira, selon les uns, en faisant voir combien il vivait pauvrement dans sa maison, selon d'autres, en offrant de payer de ses deniers tous les monuments érigés dans Athènes, à la condition qu'il y ferait inscrire son nom. La vanité athénienne ne voulut pas y consentir, et le peuple, satisfait de la justification, n'en devint que mieux disposé pour Périclès, qui put faire décider la guerre, et distraire ainsi de la pensée de lui demander des comptes (1).

Les Thébains rompirent les premiers la trêve, en attaquant Platée, restée fidèle aux Athéniens, qui envoyèrent des troupes pour la soutenir. La mine préparée depuis longtemps n'attendait que cette étincelle pour éclater. Sparte descendit dans la lice

(1) Thucydide, le plus grand historien de l'antiquité, a raconté la guerre du Péloponèse; il dit (I, 22): « Pour ce qui est des événements de la guerre, je ne m'en suis rapporté ni aux informations du premier venu, ni même à mon opinion personnelle; j'ai cru ne devoir rien écrire sans avoir soumis à l'investigation la plus exacte chacun des faits, tout aussi bien ce que j'avais vu moimême que ce que je connaissais par ouï-dire. Il était difficile, d'ailleurs, de découvrir la vérité; car ceux qui avaient assisté aux événements ne s'accordaient pas dans leurs rapports, et les dires des deux parties variaient suivant les inclinations personnelles et la mémoire de chacun. Peut-être aussi ces récits, dé. pouillés de tout merveilleux, paraîtront-ils moins agréables à la lecture; mais il me suffira qu'ils soient jugés utiles par ceux qui voudront connaître la vérité sur le passé et préjuger les événements, ou identiques, ou analogues, qui naîtront dans l'avenir du fonds commun de la nature humaine. Cet ouvrage est plutôt un bien légué à tous les siècles à venir qu'un jeu d'esprit destiné à charmer un instant l'oreille. »

Voilà l'histoire devenue le patrimoine de l'humanité.

Voyez aussi Diodore, de la moitié du XIIe livre à la moitié du XIIIe, et vers la fin du XVe où il arrive à la bataille de Mantinée, quand Xénophon lui succède avec ses Helléniques, la Retraite des Dix mille, l'Agésilas.

Pour connaître l'état de la Grèce, de l'Égypte et de la Perse à cette époque, il faut consulter surtout les Athenian Letters, or the epistolary correspondence of an agent of the king of Persia residing at Athens during the Peloponnesian war; Londres, 1741, 2 vol. in-4°. - On a dit que BARTHÉLEMY ne les connaissait pas; le sentiment des temps y est, au reste, beaucoup plus vrai que dans son Voyage du jeune Anacharsis.

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Voyez enfin LYTTON BULWER, Athens, its rise and fall; Londres, 1837, 2 vol. in-8°. C'est une peinture animée, faite d'après les meilleurs originaux.

431.

Finances d'Athènes.

comme la protectrice de la liberté grecque, ayant avec elle les principaux États de la terre ferme, le Péloponèse, Mégare, la Locride, la Phocide, la Béotie, les cités d'Ambracie et d'Anactorium, plus l'île de Leucade, alliés libres exempts de tout tribut. Athènes, puissance maritime, avait de son côté les îles de Chios, de Samos, de Lesbos, et toutes celles de l'Archipel, moins Mélos et Théra qui restaient neutres; Corcyre, Zacynthe, les colonies grecques de l'Asie Mineure et des côtes de Thrace et de Macédoine; en Grèce, les villes de Naupacte, de Platée et de l'Acarnanie, la plupart obéissant par force à sa tyrannie.

Une grosse flotte était nécessaire pour les maintenir dans le devoir, et son entretien réclamait des dépenses énormes. Périclès déclara qu'il avait en caisse six mille talents (1), outre les immenses richesses déposées dans les temples, et qui pouvaient être employées pour le bien public. Les revenus d'Athènes consistaient dans les six cents talents que payaient annuellement les alliés, dans le produit des douanes et des mines d'argent du mont Laurium, dans l'impôt sur les étrangers et dans la contribution des citoyens aisés; en outre, ceux de la première classe devaient équiper les navires, supporter les dépenses des jeux et des représentations théâtrales. On a évalué à deux mille talents (2) le revenu annuel d'Athènes; mais, d'un côté, les fonds de l'État se trouvaient dilapidés non pas tant par les malversations des comptables, que par les prétentions de la multitude, habituée par la condescendance de Périclès à vivre presque uniquement aux dépens de la république, et, de l'autre, par la rémunération assignée aux citoyens qui assistaient aux jugements et aux assemblées.

Sparte, au contraire, ignorait ce qu'étaient les finances; elle n'en reconnut le besoin que lorsqu'elle aspira à devenir une puissance maritime, et qu'elle changea en grandes entreprises les simples incursions auxquelles son ambition s'était bornée jusqu'alors.

Périclès pouvait disposer de douze mille soldats et de trois cents navires, sans compter les garnisons et les troupes des colonies; l'ennemi lui opposait soixante mille hommes; son plan de campagne devait donc consister à ne combattre que sur mer, à ne point se préoccuper des dégâts exercés sur le territoire, à ménager beaucoup la vie des soldats, à ne pas risquer de batailles d'un succès douteux. Lorsque Athènes n'était pas encore la capitale

(1) Environ 33,000,000 de fr.
(2) Environ 11,000,000 de fr.

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