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des droits les plus sacrés ne doit être attribuée qu'aux séductions d'une fausse politique; que ni le monarque, qui crut expier les plus doux péchés de sa jeunesse en réunissant tous ses sujets dans la même croyance, ni la femme adroite qui erut devoir l'affermir dans ce dessein de peur d'être soupçonnée de favoriser une secte dans laquelle elle était née, n'eurent jamais ni dans le cœur ni dans l'esprit les sentimens persécuteurs dont les protestans se virent les victimes; que les violences qu'on leur fit éprouver, vers la fin malheureuse de ce beau règne, furent autant de surprises faîtes à la religion du roi et à son autorité; que ce ne fut que pour soutenir son crédit déjà chancelant que Louvois crut devoir employer ces moyens de persécution dont il dérobait sans cesse l'atrocité à son maître, en ne lui montrant que la liste des conversions fausses ou vraies qu'il obtenait journellement à ce prix.

Plusieurs de ces vérités ont été, ont dû être ignorées de la plupart des historiens de Louis XIV; elles étaient enfouies dans les dépôts des divers départemens, et surtout de celui du ministre qui est chargé des affaires de la religion prétendue réformée. Ils ont été ouverts à M. Rhulière. Il a rassemblé dans ces divers dépôts tous les documens qui pou vaient jeter quelque jour sur cette œuvre de ténèbres; il y a joint les anecdotes éparses dans les Mémoires de la Maison de Nouilles, dans les Lettres de madame de Maintenon, dans les Souvenirs de madame de Caylus, sa nièce; et c'est en rassemblant, en dis

cutant et en comparant ces circonstances déjà connues avec celles qui ne l'étaient pas, que cet écrivain a composé un ouvrage qui nous a paru répandre un jour tout-à-fait nouveau sur cette partie importante de l'histoire de Louis XIV.

Il résulte de tous les faits recueillis par l'auteur que Louis XIV fut conduit, sans le savoir, à persécuter ses sujets protestans, parce qu'on avait accusé sa maîtresse d'être de cette secte, et parce que la chute de sa rivale nécessitait son ministre à servir les vues que madame de Maintenon se crut obligée d'embrasser.

Du logement des gens de guerre à leurs exactions il n'y avait qu'un pas, surtout dans un temps où la discipline ne fesait que de naître, et ce pas, Louvois le franchit bientôt.

C'est dans l'intervalle qui sépara ces exécutions militaires des persécutions plus directes auxquelles ce ministre ne tarda pas de livrer les protestans, que M. de Rhulière place l'époque où Louis XIV. pensa, pour la première fois, à révoquer l'édit de Nantes. Toutes les lettres des évêques, des commandans et des intendans des provinces assuraient ce monarque qu'il n'y avait plus de protestans dans son royaume; ce résultat était l'objet essentiel d'un mémoire sur lequel il avait inscrit bon à revoir, et que la secte moliniste lui avait présenté dans un de ces momens où il retournait de la volupté à la dévotion. Louis, trompé alors par tous les agens de son autorité, par les conseils même de l'attachement le plus intime, et

surtout par l'orgueil qui dominait sur toutes ses passions, ne douta plus que tous ses sujets protestans n'eussent adopté le culte que sa faveur annonçait qu'il leur était important de préférer, et, dans l'ivresse de sa gloire et de sa dévotion, il fit promulguer la malheureuse loi de 1685. Le préambule même de l'édit annonce que le roi était persuadé qu'il n'y avait presque plus de protestans en France; cette loi détruit leur culte et leurs priviléges, mais on n'y trouve encore aucun article qui les prive de leur état civil; ce ne fut qu'après la dernière infidélité qu'il fit à Dieu, pour madame de Montespan, que ce monarque, pour expier cette vieille faiblesse, et croyant abattre entièrement les restes expirans de l'hérésie, résolut enfin la révocation de l'édit de Nantes, proposée plusieurs années auparavant dans ce mémoire des Jésuites resté enfoui depuis si longtemps dans le dépôt du ministre qui avait alors le département de la religion prétendue réformée.

Après nous avoir rendu compte de cette suite d'incidens, de mesures si diverses, de surprises de toute espèce qui conduisirent un roi estimé sage à persécuter des sujets qui avaient le malheur de ne pas penser comme lui, M. de Rhulière nous offre le tableau plus connu des faits qui furent la suite de la révocation de l'édit de Nantes; ce détail n'a de curieux que quelques fraginens de la correspondance de Louvois, et des exécuteurs de ses ordres dans les provinces. Une particularité pourtant assez digne

de remarque, c'est que ce fut dans ce temps de persécution que commença la liaison de madame de Maintenon avec le célèbre archevêque de Cambray, alors l'abbé de Fénélon; les duchesses de Beauvilliers et de Chevreuse, toutes deux filles de Colbert, et qui, n'ayant jamais fait leur cour à madame de Montespan, étaient devenues à ce titre de la société intime de madame de Maintenon, approchèrent d'elle l'abbé de Fénélon, l'oracle de ces deux sœurs et de toute leur famille. Nous regrettons de ne pouvoir transcrire ici les fragmens de plusieurs lettres, recueillies par M. de Rhulière, de cet homme que les siècles modernes peuvent opposer à tout ce que l'antiquité nous offre de plus grand dans la conduite morale; elles respirent cette sensibilité, cet amour des hommes, ces sentimens de tolérance que Fénélon développa depuis d'une manière si touchante dans l'ouvrage immortel qu'il fit pour M. le duc de Bourgogne, dont il ne tarda pas à diriger l'éducation. Simple abbé alors, et envoyé comme missionnaire par madame de Maintenon, qui goûtait sa douceur et commençait à admirer son esprit, il exhortait sa protectrice à inspirer au roi la méfiance des conseils durs et violens et l'horreur pour les actes d'autorité arbitraire. Sa mission fut bientôt colomniée par les Jésuites; le Père de La Chaise le fit rayer de la feuille des bénéfices où madame de Maintenon l'avait fait inscrire pour l'évêché de Poitiers, et le roi prit dès-lors quelques fâcheuses impressions contre lui. Cette sorte de défaveur n'empêcha pas

Fénélon, peu de temps après son retour à la Cour, d'être admis dans la plus intime confiance de madame de Maintenon.

Ainsi, c'est à l'esprit de tolérance de Fénélon, à ses liaisons avec madame de Maintenon, que l'on doit imputer le changement si prompt qui se fit en elle, justifié par ce qu'elle mandait dans ce temps à Villette son parent: Vous êtes converti, ne vous mélez plus de convertir les autres. Louis XIV et son conseil changèrent alors de principes; sans infirmer par aucune déclaration expresse l'édit révocatoire, on autorisa par des ordres secrets les intendans et les commandans des provinces à déroger en faveur des calvinistes aux rigueurs de la nouvelle loi; on ralentit les persécutions, le zèle des convertisseurs fut moins ardent, et Louis XIV, quoiqu'il se renfermât dans un silence presque absolu sur ce sujet, dit alors à madame de Maintenon qu'il lui revenait beaucoup de plaintes des missionnaires.

M. de Rhulière se propose de donner une suite à ce premier volume. En attendant, on ne peut que lui savoir infiniment de gré de tant de recherches aussi utiles que curieuses; ce sont des matériaux importans pour ceux qui voudront écrire cette époque de Louis XIV. Si plusieurs faits rappelés dans ces Eclaircissemens historiques étaient déjà connus, l'auteur a le mérite de les avoir classés avec plus d'ordre et de justesse qu'ils ne l'avaient jamais été. Le style manque quelquefois d'élégance et de précision, mais il est presque toujours simple et

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