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de sentir avec une fermeté noble mêlée d'une sage réserve, car elle y mettait toutes ces nuances, ce qu'elle devait à son sexe et à son rang, à sa naissance et à son époux (1).

Quand Louis XV fut attaqué de cette maladie qui devait l'emporter,la dauphine partagea les seuls sentimens qui, dans cette crise terrible, agitaient le coeur de son époux, la douleur de perdre un père qui, au milieu de ses plus grandes faiblesses,

(1) Madame la dauphine sentait pourtant parfaitement qu'il était pour tout autre des situations où l'on pouvait sans honte se rapprocher de la favorite. Un fils de madame Thibault, première femme de chambre de Marie-Antoinette, s'était battu en duel dans le parc de Compiègne, et avait eu le malheur de tuer son adversaire. La mère sollicita aussitôt les bontés de madame la dauphine en faveur de son fils, et, par cette puissante intercession, parvint à le soustraire à la sévérité des lois. Une personne de la cour s'étant permis de dire à la princesse que madame Thibault n'avait imploré sa protection qu'après avoir essuyé un refus de madame du Barry, madame la dauphine s'écria: Si j'étais mère, pour sauver mon fils je me jetterais aux genoux de Zamore. C'était le nom du petit nègre de madame du Barry. Parole touchante, bien digne de la mère qui, dans la plus solennelle circonstance, fit entendre un mot si sublime *.

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W.

* Parmi plusieurs traits qui peignent la bassesse du chancelier Maupeou auprès de madame du Barry, M. Lacretelle en cite un bien remarquable. « On prétend, dit-il, que ce magistrat jouait en simarre » avec Zamore, et qu'il supportait les plus impudentes espiègleries de cet enfant qui avait acquis de l'influence à la cour.

» Ce même nègre Zamore, continue-t-il, fut, pendant la révolu» tion, le dénonciateur de sa bienfaitrice, et la fit conduire à l'écha> faud par ses dépositions.

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(Note des nouv, édit.)

vertueuse terreur d'avoir à porter dans un âge

si jeune un fardeau si pesant. Des témoins oculaires m'ont retracé souvent le tableau qu'offrit Versailles le jour où le roi, touchant au terme de sa vie, avait rempli ses derniers devoirs de chrétien. C'était le soir; la famille royale et toute la cour étaient prosternées dans cette superbe et imposante chapelle du château. Le sacrement des autels était exposé: on chantait les prières de quarante heures, et l'on demandait encore à Dieu la guérison du monarque expirant. Tout à coup des nuages sombres voilèrent le ciel ; la nuit sembla envelopper de ses ténèbres toute la chapelle; un premier coup de tonnerre se fit entendre. Bientôt le sifflement des orages, les torrens de pluie qui battaient contre les fenêtres; les éclairs qui, de minute en minute, faisaient pâlir les flambeaux allumés sur l'autel, et lançaient un jour terrible dans une obscurité lugubre; tantôt le roulement sourd, tantôt les éclats menaçans de la foudre qui semblait déchirer le voile du temple; les chants de l'église qui continuaient à travers la tempête; l'impression de la terreur dans toutes les voix comme sur tous les visages; le ciel tonnant quand on invoquait un Dieu miséricordieux; cette guerre de tous les élémens, qu'il était impossible de ne pas associer par la pensée avec la destruction du plus puissant entre tous les hommes; la vue du jeune héritier, de sa jeune compagne, tous deux saisis, tous deux

fondant en larmes entre l'autel qu'ils imploraient en vain, le tombeau où ils voyaient descendre leur père, le trône où ils frémissaient de monter; enfin la sortie de la chapelle quand le service fut terminé, le recueillement, le silence profond au milieu duquel on n'entendait pas un son de voix, mais seu-lement des pas précipités, chacun s'empressant d'aller dans son intérieur respirer du poids dont il se sentait oppressé; cette scène que je crois avoir vue, tant elle m'a été vivement représentée sur le lieu, fut encore rangée entre les auspices menaçans sous lesquels allait s'ouvrir le nouveau règne (1).

(1) Il était de plus favorables auspices. Le matin même du jour où mourut Louis XV, et où le dauphin fut proclamné roi, il écrivit la lettre suivante à l'abbé Terray:

<< Monsieur le contrôleur-général, je vous prie de faire distri>> buer deux cent mille livres aux pauvres des paroisses de Paris, » pour prier pour le roi. Si vous trouvez que ce soit trop cher » vu les besoins de l'État, vous les retiendrez sur ma pension et » sur celle de madame la dauphine. Signé LOUIS-Auguste.

Quelque peu de foi qu'on ait aux augures, remarque la correspondance de Grimm, peut-on la refuser à celui-ci? Tout Paris en a été transporté et attendri jusqu'aux larmes. On a trouvé dans cette lettre, dont le style rappelle si bien celui de Henri IV, l'expression la plus sensible et la plus vive d'une piété vraiment filiale et d'une attention paternelle aux besoins du peuple. Un nouveau règne pouvait-il s'annoncer sous des auspices plus saints et plus heureux ?>>

ni

Le trait qui suit, rapportent les Mémoires du temps, peint la bonté de Louis XVI. On assure qu'il a dit à Monsieur et à M. le comte d'Artois : Je ne veux pas que vous m'appeliez ni roi, majesté : je perdrais trop en renonçant au titre de frère. (Note des nouv. édit.)

Il était commencé. Tandis que Louis XVI, par une lettre touchante, appelait au secours de sa jeunesse l'expérience des années et celle des affaires; tandis qu'il annonçait aux peuples sa nouvelle puissance par un premier bienfait (1), la reine consignait toute la générosité de son carac→ tère dans une réponse qui en rappelait une de ce roi, surnommé par les Français le Père du Peuple. Le marquis de Pontécoulant, major des gardes-du-corps, avait eu, du vivant dé Louis XV, le malheur de déplaire à la dauphine. Quoique l'objet ne fût pas bien grave en lui-même, la jeune princesse l'avait ressenti avec toute la vivacité de son âge, et avait été jusqu'à dire qu'elle ne l'ou

(1) La remise du tribut appelé le joyeux avénement. La reine se distingua par un acte semblable de générosité.

Il existait encore chez les Français un usage antique et galant dont les reines de France 'avaient désiré la conservation. A la mort du Roi, les Français payaient à la nouvelle reine un droit connu sous le nom de ceinture de la reine, Marie-Antoinette apprend que ce droit pèse sur les classes les plus infortunées ; que les privilégiés ont trouvé moyen de ne pas y contribuer; elle supplie le roi de s'opposer à sa perception. Cet acte généreux plaît à Louis XVI; et l'universalité de la nation applaudit au désintéressement, à la bienfaisance de la jeune reine. La poésie devait conserver le souvenir de ce sacrifice. Le comte de Coutourelle se fit l'organe du peuple reconnaissant; il adressa à la reine le quatrain que nous citons ;

Vous renoncez, charmante souveraine,

Au plus beau de vos revenus;

A quoi vous servirait la ceinture de reine?

Vous avez celle de Vénus.

W.

blierait jamais. Le marquis de Pontécoulant, qui n'avait pas oublié cette parole, ne vit pas plus tôt Marie-Antoinette sur le trône, qu'il se crut menacé d'un désagrément, et résolut de le prévenir : il alla remettre sa démission entre les mains du prince de Beauvau, capitaine des gardes, lui expliquant avec franchise le motif de sa douloureuse démarche; ajoutant qu'il serait au désespoir de quitter le service du roi, et qu'il se trouverait trop heureux si Sa Majesté voulait l'employer autrement. Le capitaine des gardes, qui voyait la douleur et connaissait le mérite du major, se charge de la démission; mais, avant de la présenter au roi, va chez la reine, lui expose l'amertume dans laquelle est plongé M. de Pontécoulant, l'utilité, l'ancienneté de ses services, et demande les ordres de la reine sur l'usage à faire de cette démission. La vue seule du prince de Beauvau eût inspiré une action généreuse, et Marie-Antoinette en avait le principe dans son propre coeur. « La reine, ré» pond-elle, ne se souvient point des querelles » de la dauphine, et c'est moi qui prie M. de >> Pontécoulant de ne plus songer à ce que j'ai ou>> blié. »

Je cours d'année en année, et je choisis un fait entre cent, pour montrer la bienfaisance qui se perpétue.

L'hiver fut rigoureux en 1776, et le roi de son côté, et la reine du sien, allaient en secret

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