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<< gnements peu héroïques. Ses causeries, peu retenues, res<< semblent parfois à des chroniques de bivouacs, telles que « les vieux grenadiers en débitaient, sous l'Empire, aux « jeunes soldats. Joinville parle au profit de ceux qui l'ont « connu, et qui s'intéressent à lui ou à son maître; il n'a << souci des autres, et on reconnaît qu'il ne songea point aux << lois de la rhétorique ni aux règles de la littérature, telles << qu'on les puisait dans les livres de l'antiquité. Il allait de<< vant lui, se plaisant en ses histoires, au jour le jour de sa << pensée.

« Quant à Froissart, chroniquer est pour lui une pro<< fession dont il s'acquitte avec habileté : moins élevé peut« être que ses devanciers, mais orné d'une teinte légère des « lettres antiques; décrivant complaisamment, se contentant « parfois de la vraisemblance, recherchant l'effet de son. « récit, il ignore l'art d'émouvoir, parce qu'il ne s'émeut << jamais. Il peint avec vérité, mais petitement, comme les « enlumineurs des miniatures de ses manuscrits, et rend la « forme extérieure des choses, au moyen d'un langage par« fois diffus, toujours un peu lourd, rarement élégant, et << rebelle d'ordinaire à l'originalité de l'auteur. Il arrivait « trop tard ou trop tôt pour exploiter, au profit de sa gloire « littéraire, un idiome dur, mais robuste, ou un parler << froid, mais plus souple.

« Ces trois hommes, à des époques diverses, transmirent « au français des allures différentes, et certains moyens a nouveaux de dépeindre les idées. Ils enseignèrent à souder << ensemble plusieurs membres de phrase; ils donnèrent du « souffle à la période, du mouvement et de la concentration « à la pensée.

« Le mieux servi par le langage, c'est le premier. Son

<< style est le plus nerveux, mais son vocabulaire, assez << restreint, le cède en richesse et en précision à celui de « Joinville, le plus foncièrement français des trois. Ces « chroniqueurs sont dépourvus de méthode; la philosophie « est étrangère aux deux premiers, ce qui les subordonne << aux véritables historiens; mais elle ne les égare pas, << comme il arrive au plus moderne, et la nature les dirige «< sûrement, surtout Ville-Hardouin, qui n'a pas d'autre << guide. >>

IV.

TOMBEAU ET ÉPITAPHES.

Joinville fut inhumé dans la chapelle qu'il avait fondée en 1263 dans l'église de Saint-Laurent de Joinville, attenante au château.

Vers 1629, lorsque le chapitre de Saint-Laurent de Joinville fit reconstruire le chœur de cette église, on retrouva au milieu d'anciennes constructions le mausolée de Joinville.

Longtemps on n'avait eu que des transcriptions infidèles de l'épitaphe que Joinville fit placer en 1311 sur la tombe de Geoffroy, son grand-père; c'est seulement en 1739 que le père Merlin, jésuite, l'a lue et transcrite lettre à lettre, après avoir fait fondre avec de l'eau chaude et enlevé avec une éponge la cire ou le mastic qui remplissait le creux des lettres. Ce monument, contemporain de Joinville, puisqu'il n'est postérieur que de deux années à l'époque où il écrivit ses mémoires, rédigés en 1309, nous donne un exemple du style et de l'orthographe d'alors; mais comme la copie du P. Merlin diffère en quelques endroits

1 Observations historiques et critiques sur l'abbaye de Clairvaux, par le P. Merlin, jésuite. (Mémoires de Trévoux pour le mois d'août 1739, seconde partie, p. 1885.)

de celle qu'a donnée Ménard (p. 282), « qui la dut, nous << dit-il, à l'obligation du sieur Camusat, chanoine de « Troyes, qui la lui a communiquée avec quelques autres << titres anciens de la maison de Joinville, » je les place toutes deux en regard :

COPIE DU P. MERLIN.

« Diex sires tous poussans, je vous proie que vous faices bone mercy à Jofroy, signour de Joinville, qui ci gist, cui vous donastes tant de grâce en ce monde, qui vous fonda et fit plusours esglises de son tans: c'est à sçavoir, l'abie de Cuiré', de l'ordre de Cités; item l'abie de Jauvillier, de Premontrei; item, la maison de Maacon, de l'ordre de Grantmont; item, la Prioulei, dou Val de Onne 2, de Moleimes; item, l'esglise de Saint-Lorans dou chastel de Joinville; dont tuit cil qui sont issu de ly doivent avoir esperance en Deu, que Deus l'a mis en sa compaignie, pour ce que li saint témoignent qui fait la maison Deu en terre, atufie la seue (édifie la sienne) propre maison en ciel. Il fut chevalliere li meudres de son tans, et ceste choze aparu és grans frais (sic) qu'il fit de sà mer et de là, et pour ce la séneschaucie de Champaigne fut donée à lui et à ses hoirs, qui despui l'ont tenue de lui. Issi3 Jofroy qui fut sires de Joinville, qui oist

L'abbaye d'Escurey.

COPIE DE MÉNARD.

Diex sires tous poissans, je vous pri que vous faciez bonne mercy à Joffroy, seignor Joinville, qui cygist: cui vous donnastes tant de grace en ce monde, qui vos funda plusours eglises de son temps. Premiers, l'abbaye de l'Escure, de l'ordre de Cistiaulx. Item l'abbaye de Joinuille, de l'ordre de Premonstré. Item la maison de Mâcon, de l'ordre de Grantmont. Item la priousté, dou Val Doune de Molesmes. Item l'eglise de Saint-Lorent dou chastel de Joinuille. Dont tuit cilz qui sont issus de li, doibvent auoir esperance que Diex l'a mis en sa compagnie; quar li sains tesmoignent, qui fait maison Diex en terre, il acquier prope maison ou cil. Il fut cheualiers li milurs de son temps. Et ce apparut par les grands fais qu'il fit deçà la mer et delà. Et pour cela senescalcie de Champaigne en fut donnée à li et à ses hoirs, qui depuis l'ont tenue de lui. Ilcilz Joffroy, qui fut sires de Joinuille, qui fut en Acre,

2 Le prieuré des filles de Valdonne, dépendant de l'abbaye de Moleimes, transféré depuis à Charenton.

3 Une note du P. Merlin dans le manuscrit du doyen des chanoines de Joinville dit que issi a la même signification que le mot latin inde, c'est-à-dire que Geoffroi IV était issu de Geoffroi III,

(étail) en Acre, liquex fut peire à Guillaume qui gist en la tonbe cuverte de plomb, qui fut évesques de Langres, puis arcevesques de Rains, et freires germains Simont, qui fut sires de Joinville et seneschaus de Champaigne, liquex refut dou nombre des bons chevaliers pour les grans prie d'armes oult de så mer et de là, et fut avec le roi Jehan d'Acre 1 à panre Damiette 2. Icis Simons fut peire de Jehan, signour de Joinville et seneschaus de Champaigne, qui encor vit, liquex fit faire cest escrit (l'an mil trois cens unze3), auquel Deus doint ce qu'il seit que besoin li est à l'âme et au cors! Iseis Simons refu freires à Jofroy Troullard, qui refu sires de Joinville et séneschaus de Champaigne, liquex, par les grains fais qu'il fit de så mer et de là, refu en nombre des bons chevaliers; et pour ce qu'il trespassa en la Terre Sainte sans hoir de son cors, pour ce que sa renomée ne périst, en aporta Jehan sires de Joinville, qui ancor vit, son escu, après ce qu'il out demoré en service dévot de le saint roy outremer pacé de six ans : liquex Roys fist audit signour mont (sic) de biens. Lydis sires de Joinville mist l'escu à Sainct-Lorans, pour ce qu'on

fut peres à Guillaume, qui gist en la tumbe couuerte de plomb, qui fut euesque de Langres, puis archeuesque de Reins, et frères germains Simon, qui fut sires de Joinuille, et séneschals de Champaigne : et fut du nombre des bons chevaliers, pour les grands prix d'armes qui out deçà la mer et delà. Et fut auec le roy Jean à prendre Damiette. Ilcilz Simons fut peres à Jehan, segnour de Joinuille et séneschal de Champaigne, qui encore vit et feist faire cet escrit l'an mil CCC. et XI, auquel Diex doint salut à l'ame, et saintey au corps. Icilz Simons refut frères à Joffroy Troulart, qui refut sires de Joinuille et séneschalz de Champaigne. Liquelx Troulart, pour les grands fais qu'il fit deçà la mer et delà, refut au nombre des bons cheualiers. Et pour ce qu'il trespassa en la terre, sans hoirs de son corps, pour ce que redonnee ne périst, en apourta Jehan cilz sires de Joinville son escu, après ce qu'il demeure ou seruice dou saint roy de France Loys, outre mer, l'espace de sept ans. Liquelx rois fit audict signour mout de biens. Lydis sires de Joinuille mit son escu à Saint-Lorent, afin que on priat pour ly. Ouquel escu apert la

' Jean de Brienne, roi de Jérusalem.

2 Il résulte de cette épitaphe que Simon de Joinville, père de Jean, assista à la prise de Damiette par Jean de Brienne, roi de Jérusalem en 1219. La fin de l'acte, du mois de juin 1218 (lettre C), nous apprend, en effet, qu'il était sur le point d'entreprendre ce voyage d'outre-mer, et l'acte D prouve qu'il était déjà parti, au commence. ment du mois de juillet de ladite année 1218.

3 Cette date est omise dans l'imprimé; elle se trouve dans les copies manuscrites, et elle est généralement adoptée.

Le texte donné par Ménard porte sept ans.

g.

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