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De toutes les miniatures représentant des sujets relatifs au texte du Credo (elles sont au nombre de quinze petites et dix-sept grandes ), celle-ci est la seule qui soit historique et qui nous offre une scène des croisades. Toutes les autres sont bibliques et relatives à des sujets de l'Ancien et du Nouveau Testament.

C'est en examinant cette miniature et en la comparant avec celle qui se trouve en tête du manuscrit no 2016 des Mémoires de Joinville, que j'ai été frappé d'une circonstance qui m'a encore confirmé dans l'opinion que Joinville est l'auteur de ce Credo.

On y yoit, en effet, d'un côté, les guerriers sarrasins ayant tous l'épée hors du fourreau, précédés par un petit vieillard appuyé sur ses béquilles et par l'un des Sarrasins, qui interpelle les prisonniers chrétiens; de l'autre côté, on remarque parmi les prisonniers chrétiens désarmés deux qui sont placés au premier rang. Le plus avancé est le comte de Bretagne, qui répond au guerrier sarrasin, et le second (le seul des chevaliers chrétiens qui soit coiffé d'un capuchon) ne peut être autre que Joinville; car, par un singulier hasard, il a la tête couverte d'un capuchon ou chaperon, et c'est aussi d'un chaperon qu'est couverte la tête du chevalier représenté sur la première feuille du manuscrit n° 2016, dont nous avons donné la reproduction très-exacte; or, ce chevalier auteur du livre qu'il offre à Louis Hutin est évidemment Joinville : ce dont on ne saurait douter à la vue des broies qui recouvrent son manteau, et qui sont les armoiries de Joinville.

Ce capuchon faisait donc partie de son costume ordi

naire. En effet, le procès-verbal dressé lors de l'ouverture du caveau contenant les restes du sire de Joinville (voy. ci-dessus Dissert. IV, p. LXXX) dit qu'il était représenté sur son tombeau « couché, les mains jointes, « et semblait revêtu d'un capuce de bénédictin, etc. »

Enfin la certitude devient complète lorsqu'on lit dans les Mémoires, un peu avant le passage emprunté au Credo, que l'émir chez lequel on le conduisit quand il fut fait prisonnier lui permit de se revêtir d'une couverture que lui avait donnée madame sa mère, et d'un chaperon que quelqu'un alla lui chercher. Or, parmi les chrétiens prisonniers que représente la miniature, un seul est revêtu de cé chaperon; il est donc impossible de ne pas reconnaître à ce signe l'intention qu'eut Joinville de se faire distinguer au milieu des prisonniers par tous ceux qui liraient le Credo ".

Dans le manuscrit, chaque mot du Credo est écrit en rouge et les commentaires sont écrits en noir, conformément à l'instruction qu'il en avait donnée au rubricateur :

« Vous qui regardez cest livre troverez le Credo en letres vermeil

les, et les prophéties par euvres et par les paroles en lettres noires. >> Conformément à cette prescription, les premières paroles du

Credo:

« Je crois en Dieu le pere tout-poissant,

« Le creator du ciel et de la terre. »

sont écrites en lettres vermeilles.

I

Voyez page 98 de notre édition.

2 Telle est aussi l'opinion de M. Paulin Paris; et il a bien voulu me la confirmer dans sa lettre du 11 mai.

Le commentaire qui les explique est accompagné d'une grande miniature représentant Dieu le Père assis sur son trône, tenant le globe du monde en main; il accueille les bonnes âmes qui s'avancent vers lui, et précipite les mauvaises, qui tombent du ciel la tête en bas.

Voici le commencement du commentaire, écrit en lettres noires :

<< Sa grande poissance poez veoir en la creation du monde que vous « veez ci-après pointe, car il n'est nus qui poist faire la plus petite de << toutes ces creatures; creerres en cil qui fait de noient aucunes choses, etc. >>

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La suite du Credo est accompagnée d'un grand nombre de miniatures de diverses grandeurs. Au-dessous de ces mots du Credo, écrits en rouge et fut enseveli, on voit représenté Jonas à moitié avalé par un gros poisson: et le commentaire ajoute :

« La profesie de l'œuvre de ce qu'il fut mis au sépulchre, si est de << Ionas que vous veez ci point, qui fu mis on ventre de la baleine; «< car autretant come Jonas fu ou ventre de la baleine, tant fu li filz Dieu ou sépulchre.

Ailleurs, deux miniatures représentent, l'une cinq femmes qui s'avancent joyeuses tenant une lampe de la main droite, et une coupe dans la main gauche.

L'autre miniature nous montre cinq autres femmes dont le visage et l'attitude annoncent la tristesse; elles n'ont point de lampe et tiennent leur coupe renversée.

Enfin, au-dessous de ces mots par lesquels le Credo se termine et la vie perdurable. Amen, on lit ces paroles :

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« Nous devons croire fermement que li saint et les saintes qui trespassés sont, et li prodhome et les prodefemmes, auront vie et joie

«< perdurable és cieux et seront à la table de Nostre-Seigneur, laquelle

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"

joie vous verrez point ci-après un petit (un peu), selonc ce que l'apocalipse le devise. >>

Nous nous bornerons à ces indications sur le Credo de Joinville. Nous aurions désiré reproduire en entier ce monument littéraire, qui offre un véritable intérêt sous plusieurs rapports; mais le format de notre édition s'opposait à la représentation figurée des miniatures, qui ne sauraient être séparées du texte qu'elles accompagnent et expliquent.

XII.

NOUVELLES RECHERCHES

SUR LES

MANUSCRITS DU SIRE DE JOINVILLE,

PAR PAULIN PARIS,

MEMBRE DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-Lettres.

Dans les premières années du XIVe siècle, un chevalier de la province de Champagne écarté depuis longtemps du mouvement des cours, mais dont les anciens faits d'armes et de prud'homie n'étaient pas oubliés de la génération nouvelle, prit une résolution qui devait immortaliser son nom. Il avait joui de la familiarité de saint Louis; et saint Louis était demeuré pour lui l'objet d'une affection respectueuse, que l'assentiment universel de la grande république chrétienne avait encore exaltée; il avait suivi le roi dans ses dangers extrêmes, et toujours il était resté le témoin de sa vertu, de son courage héroïque : il crut donc avoir le droit d'adresser aux enfants de son ancien maître le récit de tout ce qu'il savait mieux que

CLXVIII

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