Tant aveint combatu, n'ont talent [de] juer; De or e de argent troverunt graunt plenté, Une gente conseilerunt tot pleinèrement Le Musoire prendre e aver à talent; Qar mult aveint le jour ben espleité, Et si Dieu plest de gloire, la matine ont pensé Le Musorie aler plus près. Qant lur gent unt assemblé, avaient grand besoin; ils avaient tant combattu qu'ils n'ont envie de jouer; ils tiennent conseil ensemble comment ils voudraient agir, s'ils devaient aler en avant ou là demeurer. Pendant ce temps-là ceux qui voulurent gagner, retournèrent à leurs logements, et trouvèrent grand avoir, bien plus que ma langue ne saurait démontrer ; D'or et d'argent ils trouvèrent grande abondance, plus qu'ils ne peuvent porter quand il fut pris. Certains conseillèrent tout uniment de demeurer jusqu'à ce qu'ils eussent plus de monde, qu'ils pussent aller avec plus d'assurance prendre Mansourah et l'avoir à leur gré; Car ils avaient le jour beaucoup marché, tué des Sarrasins et chassé de leurs logements, chevaux et armes, or et argent gagné, el Sarrasins tué, découpé et taillé en pièces. Et s'il plaît à Dieu de gloire, le matin ils ont pensé d'aller Plus près de Mansourah. Quand Dist li count de Artoise : << De folie parlez. Dist li meister du Temple, li bon chevaler : Et de touz partes le chastel de nostre ost asséger. Pur abatre meisons e murs aqasser, Et li soldan prender od tot sun graunt poar : Jà mur ne meison ne lur avera mester, Q'il ne soint demanglez od espeiez de asser. En cel manère les poümes touz aver. Nous comes mester de repos, nous avomes travailez. Honuré soit le roi Jhésu, qi si bien nous ad eadiez ! leur monde ils ont assemblé, le comte d'Artois dit : « De folie vous parlez. Nous ne craignons Sarrasin qui de mère soit né; nous pren. drons le château tout à nos volontés, ou ils seront tués (ceux) qui là seront trouvés. De cette manière nous les pouvons tous avoir. » Dit le maître du Temple, le bon chevalier : « Il serait très-profitable d'ici demeurer, de nous reposer nous-mêmes, de soigner nos blessés et de mettre notre sire le roi à même de passer (la rivière), et de nous loger tous autour de lui, et de toutes parts assiéger le château avec notre armée. Pendant ce temps-là nous pourrons pointer les engins pour abattre les maisons et briser les murs, et prendre le soudan avec sa grande puissance : ni mur ni maison ne leur sera d'aucun secours, qu'ils ne soient mis en pièces avec des épées d'acier. De cette manière nous les pouvons tous avoir. Nous avons besoin de repos, nous avons fatigué. Mère de Dieu de gloire! nous avons Saunz li n'ussumes ren conqis; il en soit honurez! » Dist li count de Artoise : « Avoi, dan Templer! Li meister du Temple respount curtoisement : « Pele de low ne portumes nent, ceo sevent bone gent. Nous seroms le primers, si le verret coment. » Li meister dist son avis e mult savement; Ke mult seet de guerre e bien nous aprent. Dist li count de Artoise, qe mult fust surqiders: bien travaillé; honoré soit le roi Jésus, qui si bien nous a aidés ! Sans lui nous n'eussions rien conquis; qu'il en soit honoré! » Dit le comte d'Artois : « Holà, sire Templier! toujours peau de Joup vous voulez avec nous porter. Vous deviez par raison avant tous aller, donner aux autres exemple de bien travailler. >> Le maître du Temple répond courtoisement : « Peau de loup ne portons-nous pas, ce savent les honnêtes gens. Vous ne serez jamais aussi prêts, maintenant allez-vous en nous serons les premiers, et vous verrez comment. » Dit le comte Longue-Épée : « Agissons sagement. Sarrasins sont cruels et sournois et félonnes gens. Le maître dit son avis et très-sagement; car il sait beaucoup de guerre et bien il nous apprend. » Dit le comte d'Artois, qui fut très-présomptueux : « Un pareil conseiller peut bien-être Anglais. Nous ne laisserons pas pour vos paroles ni pour votre argent que nous n'aillons chercher les Sarra Dist le count Long-Espée, qe fust touz jours légers; « Ore vous tirez mainetenant, qar jeo vois monters. Le meister du Temple brace le chivaux, Qant ils furent dedenz entré, si com poent, Lesserunt chaier les portez, qe très-bien fu gardé; sins par terre et par mer. » Dit le comte Longue-Épée, qui fut toujours léger; quand il ouit le mot, tout lui changea le cœur : « Tirez-vous maintenant (à l'écart), car je vais monter. Vous ne serez jamais aussi prêts, je serai le premier de lance et d'épée contre les ennemis fiers. » Ils lacèrent leurs heaumes et leurs chapeaux de fer, Mansourah ils veulent prendre et avoir du soudan, par le conseil du comte d'Artois qui fut présomptueux. Le maître du Temple éperonne le cheval, et le comte LongueÉpée déplie les cendals*. Ils sont les premiers, ils étaient trèsvaillants; ils entrèrent à Mansourah comme dans leur propre logis. Quand ils furent dedans comme ils pouvaient, les Sarrasins gardèrent toutes les portes, et tous en Mansourah étroitement veillèrent pour tuer les chrétiens, si faire le pouvaient. Ils laissèrent tomber les portes, qui très-bien furent gardées; et * Son étendard. Si unt trestous les kristiens dedenz les murs fermé. Et les vileins, par sinqe ensemble, à gros pères alèrent A noz firent graunt damage e ren esparnièrent. Les unt dedenz asailli e lur graunt poare. Si Dieu ne prenge cure, ore unt graunt mestere; En mileu de Musorie hy ad une chimine graunt, ils ont tous les chrétiens dedans les murs fermé. Devant eux fut le fleuve profond, long et large, derrière la herse qui très-bien fut barrée, de deux côtés les murs de hautes pierres de taille. Les Sarrasins de toutes parts les ont environnés (et attaqués) des arcs turos raides, de dards envenimés et d'épées longues de bon acier fourbi, et de grosses pierres, qu'ils eurent assez en abondance. Alors les Sarrasins nous donnèrent de grands coups. Et les vilains, par cinq ensemble, avec de grosses pierres allèrent, et de pesants marteaux (d'armes) les nôtres brisèrent, aux nôtres ils firent grant dommage et rien n'épargnèrent. Pour les assauts des chrétiens qui les assaillirent, Ils les ont dedans assailli et leur grande puissance. Si Dieu n'en prend cure, maintenant ils ont grand besoin; tout complétement ne pourront échapper sans aide de Dieu qui tout peut gouverner. Au milieu de Mansourah il y a un grand chemin de la porte jus |