C'EST CI LA LETTRE QUE LI ROIS THIEBAUT DE NAVARRE ENVOIA A L'ESVESQUE DE Thunes. Heures de Marguerite, femme de Charles d'Anjou; Ms. de la Bibliothèque de Sainte-Geneviève, in-4o, B B. 1. 23, folio 198 recto.) Tibaut, par la grâce de Dieu, rois de Navarre, de Champagne et de Brie coens pa[la]zins, à mesire O, évesque de Thunes, saluz et lui tout. Sire, j'é receue vostre lettre, en laquele vous me priez que nous vous feissons asavoir l'estat de mon chier seigneur Louys, jadis rois de France. Sire, du commencement et du miliu savez-vous plus que nous ne fesons; mès de la fin vous poon-nous tesmoignier par la veue des eauz', que onques en toute nostre vie ne veimes si sainte ne si dévote fin en homme du siècle ne de religion, et autel 2 avons-nous oï tesmoignier à touz ceus qui la virent. Et sachiez, sire, que dès le dimenche, à eure de nonne, jusques au lundi après tierce, sa bouche ne cessa de jour et de nuit, par toutes parties, l'espace de deus eures, de louer Nostre-Seigneur et de prier pour le pueple qu'il avoit là mené; et là où il avoit jà perdue une partie de la parole, crioit-il aucune foiz en haut : Fac nos, Domine, prospera mundi despicere et nulla ejus adversa formidare, ct molt de foiz crioit-il en haut Esto, Domine, plebi tue sanctificator et custos. Après l'eure de tierce, il perdi ausi comm[e] du tout la parole; mès il regardoit les genz molt débonèrement et sourrioit aucune foiz; et entre eure de tierce et de midi fist ausi cum semblant de dormir, et fu bien 316 LETTRE DU ROI THIBAUT A L'ÉVÊQUE DE TUSCULUM. les eauz clos l'espace de demi-liu. Après il ovri les euz et regarda contre le ciel, et dist cest vers Introibo in domum tuam, adorabo ad templum sanctum tuum. Onques puis il ne parla; et entour eure de nonne, il trespassa. Et dès l'eure qu'i trespassa, jusques en lendemain qu'en le fendi, il estoit ausit biax et aussint vermauz1, ce nous sembloit, com il estoit en sa pleine santé; et sembloit à molt de genz qu'i vossit 2 rire. Après, sire, ses entrailles furent portées à Mont-Royal, en l'esglise près de Palerne, là où Nostrê-Sires a jà commencié à fère molt de granz miracles por lui, si cum nous avons entendu par l'arcediacre de Palerne, qui l'a mandé par sa lettre au roy de Secile. Sires, li cuers de lui et li cors demeurent encore en l'oost li pueples en nule manière ne veut soufrir qu'il en feut porté *. Aussi beau et aussi vermeil. - Qu'il voulût. * Une lettre semblable, mais plus étendue, a été publiée par D. Martene, le P. Daniel et dans la Bibliothèque des croisades. Voy. l'Histoire des croisades, de Michaud, 4e édition, tom. V, pag. 90. Voyez encore l'Histoire littéraire de la France, tom. XXI, pag. 808-810, LES REGRÈS DE LA MORT S. LOYS. (Manuscrit de la Bibliothèque impériale, ancien fonds du Roi, no 7218, folio 540 verso, col. 1.) L'en dit que tout à tens huche cil à la porte, Je di que droiz est mors et léautez estainte, A cui se porront mès les povres genz clamer 4, Diex souffri por lui mort, il l'a por lui soufferte: 1 Hucher: appeler. 2 Orez: (vous) apprendrez. 3 Mieudres: meilleurs. Clamer: réclamer. - 5 Seut: avait coutume, solebat. - 6 Turtre : tourterelle. Coulon: 317 Por noz péchiez, je croi, le nous à Diex toloit: Hé! bon roi Loéys, ci de pesme 5 novele. Hé! bon roy Loéys, vostre grant léauté Se Diex n'i met conseil, ne l'aurons mès autel 6. Hé! bon roi Loéys, miréor 7 de justice, 10 Hé! bon roi Loéys, malbaillis est li mondes. Hé! bon roi Loéys, vostre establissement Vos aviez les boules et les geus desfendu. Hé! bon roi Loéys, cil Diex qui tout pardone Hé! bon roi Loéys, en vostre charité Vous estiiez si plains de grant humilité Hé! bon roi Loéys, hom de ferme créance; Hé! bon roi Loéys, mal lor est avenu, Qu'il auront en lor gueule fain sovent et menu. Hé! bon roi Loéys, com diverse jornée ! Hé! bon roi Loéys, la tere avez tenue Boules bals, danses -2 Port: porte subj.) -3 Done: don. — Que nul homme ne pouvait.-5 Meschéance: malheur. -6 Fameillex: affame. |