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PRÉFACE.

Après un séjour de quatorze années en Chine, en Tartarie et au Thibet, nous avons essayé de faire connaître ces contrées intéressantes, en racontant une de nos longues pérégrinations dans la haute Asie. Nos récits ayant obtenu du public un accueil des plus bienveillants, nous venons aujourd'hui jeter un coup d'œil rétrospectif sur l'histoire de ces peuples si peu connus et si dignes de l'être; compléter, s'il est possible, au point de vue religieux, les notions que nous en avons données.

Nous savons que plusieurs personnes eussent désiré trouver, dans la relation de nos voyages, le tableau des missions catholiques dans l'extrême Orient. Un sujet si plein d'intérêt et d'une aussi vaste étendue ne pouvait entrer dans le plan que nous nous étions tracé. Nous voulions seulement décrire les curieux pays que nous avions visités, et faire connaître les peuples au milieu desquels nous avions vécu, nous ré

r. I.

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servant de faire plus tard les recherches nécessaires, afin de tracer ensuite une esquisse de la propagation du christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, depuis l'apostolat de saint Thomas jusqu'à nos jours.

Tel est le travail historique dont nous entreprenons la publication. De même qu'en parlant des peuples et des pays de la haute Asie, nous n'avons pas laissé alors de fixer quelquefois nos regards sur les œuvres des missionnaires répandus dans ces lointaines contrées, ainsi, aujourd'hui, en même temps que nous raconterons plus particulièrement les laborieux voyages, les combats, les triomphes et les martyres des apôtres de l'Évangile, nous étudierons encore les Tartares, les Chinois et les Thibétains des siècles passés; nous aurons souvent l'occasion de les comparer avec les populations que nous avons naguère si longuement visitées ; plus d'une fois il nous sera facile de reconnaître dans leurs mœurs, dans leurs pratiques religieuses, les traces d'un enseignement chrétien, et d'y recueillir l'histoire traditionnelle des longs efforts, des luttes opiniâtres de nos devanciers.

On connaît peu les nombreuses tentatives qui

ont été faites dans les premiers siècles de notre ère, et principalement au moyen âge, pour introduire le christianisme au sein de la vieille civilisation chinoise, et parmi les tribus alors si remuantes, si belliqueuses de la Tartarie et du Thibet. Nos grandes histoires modernes s'occupent peu, dans leurs récits, de ces peuples fameux de la haute Asie; et cependant ces lointains pays, aujourd'hui presque presque entièrement oubliés, n'ont-ils pas été autrefois le théâtre des plus gigantesques événements, des révolutions les plus étonnantes? Quelles secousses terribles n'ont pas imprimées à la terre les incroyables conquêtes de Tchinguiz et de Timour! Quels drames! quels mélanges de nations!

Et puis, au milieu de ces incomparables bouleversements, le phénomène inouï de cette antique civilisation chinoise s'avançant d'âge en âge, à travers mille révolutions, toujours appuyée sur elle-même, n'empruntant rien aux autres peuples, léguant au contraire à l'Occident la boussole, la poudre à canon, l'imprimerie; merveilleuses découvertes qui, fécondées par le génie européen, ont donné une impulsion si vive à notre civilisation, pendant que leurs premiers inventeurs végètent encore

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dans leurs vieilles institutions, dans leurs routines séculaires. Il nous sera facile, dans le cours de notre récit, de suivre les traces de ces grandes découvertes, de démontrer qu'elles nous sont venues primitivement du plateau de la haute Asie.

L'Europe, après avoir longtemps reçu la lumière de l'Orient, est destinée par la Providence à régénérer les Asiatiques, dont la sève intellectuelle et morale paraît épuisée. Tout sentiment religieux et politique va tous les jours s'affaiblissant de plus en plus au sein de ces nombreuses populations; nous assistons au trépas et à la décomposition de l'Asie. Qui ranimera les membres de ce grand cadavre? Qui s'emparera de ces vieux éléments pour les vivifier?

Il est hors de doute que les destinées de l'humanité sont désormais entre les mains de la race européenne. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un regard sur ce qui se passe dans le monde, de voir les nombreuses colonies des peuples chrétiens s'avancer et s'étendre insensiblement dans les hautes régions de l'Asie. Il est écrit dans la Genèse que Noé, prophétisant les destinées des races futures, dit à ses trois enfants : « Que Dieu dilate les possessions de Japhet, et

« qu'il habite dans les tabernacles de Sem (1).

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Tout ce que nous voyons nous autorise à penser que les enfants de Japhet ne tarderont

pas à recueillir l'héritage qui leur a été légué, après le déluge, par le testament de Noé. Cependant, il ne faut pas se le dissimuler, il y aura une lutte acharnée; ce ne sera pas sans se débattre énergiquement que la vieille Asie se laissera absorber par l'Europe.

La guerre de Crimée a été un événement d'une haute signification. L'empire ottoman menaçait de s'écrouler; un monarque voisin, un formidable enfant de Sem, étendait déjà son bras puissant pour s'emparer des débris du croissant... Mais l'épée de l'Europe a refoulé les convoitises du csar asiatique. Durant ce drame mémorable, la France a été vue occupant toujours le rang qui lui appartient. Durant les péripéties de la guerre, comme dans les conclusions de la paix, elle n'a pas permis qu'aucune autre nation prévalût sur elle, ni en sagesse, ni en courage. Elle a glorieusement relevé son

(1) Dilatet Deus Japhet, et habitet in tabernaculis Sem. (Gen., ch. IX, † 27.)

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