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qu'il pratiquait indifféremment avec les Tao-ssé, les bouddhistes et les lettrés. Tel est l'effet de l'accord que les empereurs mongols, et de nos jours les empereurs mantchous, ont su établir entre les principes des sectateurs de Confucius qui n'adorent rien, et de l'idolâtrie banale des polythéistes de l'Inde et de la Chine qui adorent ce qu'on veut. « Il n'y a qu'une

religion, disent-ils; les sages de chaque pays en << ont fait varier la forme suivant les temps et les << lieux. >>>

Malgré les doutes que pouvait faire naître la conversion d'Abaga et de Koubilaï, le pape Jean XXI voulut vérifier un fait si important pour l'Église. Il se proposa d'envoyer avec les deux Vassalli plusieurs missionnaires en Tartarie; mais sa mort apporta du retard à ce projet, qui fut exécuté par son successeur Nicolas III. Ce pontife choisit dans l'ordre des Franciscains cinq religieux nommés Gérard de Prato, Antoine de Parme, Jean de Sainte-Agathe, André de Florence et Matthieu d'Arezzo. Ils étaient porteurs de lettres pour Abaga et Koubilaï, et avaient pour mission de travailler à la conversion des Mongols. Voici la lettre qui fut remise à Abaga par les envoyés de Nicolas III (1).

<< A l'excellent et magnifique prince Abaga, illustre roi des Tartares orientaux; qu'il marche dans la voie de la vérité!

« La sainte Église romaine a tressailli et tressaille dans le Seigneur pour les choses heureuses que les messagers de Votre Magnificence ont rapportées de vive

(1) Odor. Raynald., tom. IV, ann. 1278, no 18, p. 282. Wadding, Annales minorum, tom. V, p. 36.

voix et par écrit à notre prédécesseur le pape Jean et à nos frères les cardinaux. Les lettres disent que si une armée chrétienne débarque en terre sainte, vous promettez de pourvoir à ses besoins et de l'assister en personne, avec toutes vos forces, contre les ennemis de la foi chrétienne. Vous déclarez à la fin de ces lettres que nous devons ajouter foi entière à tout ce que ces envoyés nous diront de votre part; et ils nous ont dit des choses agréables à Dieu, agréables à notre prédécesseur et à ses frères, parmi lesquels je remplissais alors les fonctions du cardinalat. Quelle heureuse nouvelle et digne d'être célébrée avec un saint enthousiasme, puisqu'elle renferme le salut de tant d'àmes! Nous voulons parler de ce que notre très-cher fils en Jésus-Christ, votre oncle Koubilaï, grand khan, empereur et modérateur illustre de tous les Tartares, qui déjà a été baptisé, comme on l'assure, demande que l'Église romaine vous envoie quelques personnes capables de vous instruire, vous, vos fils et vos peuples, dans la religion chrétienne.

« Qu'elle se réjouisse donc notre mère l'Église, si, par la miséricordieuse clémence de Jésus-Christ son époux, il lui est donné de régénérer tant d'enfants dans les eaux du baptême! Que le pasteur de l'Église se réjouisse, si la chrétienté s'accroît en ces jours de peuples innombrables! à la vue du salut de tant de brebis égarées, quelle allégresse pour la cour céleste, qui, selon la parole évangélique, se réjouit davantage de la conversion d'un pécheur que de la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes! O heureux temps que les nôtres, si en ce jour nous pouvions fournir à la cour céleste le sujet d'un semblable bonheur ! Elles

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sont vraiment immenses et sublimes les choses que Votre Majesté nous annonce et nous promet. Évidemment le doigt de Dieu vous a touché, puisque tant de zèle enflamme votre cœur et vous porte à mettre au service du Christ, contre ses ennemis, votre propre personne, la force de votre peuple, votre empire tout entier avec sa puissance et ses ressources... » Le souverain pontife recommande ensuite vivement au prince tartare les missionnaires qu'il lui envoie et les chrétiens qui résident dans ses États.

La lettre que les envoyés de Nicolas III devaient remettre à Koubilaï-Khan était à peu près conçue dans les mêmes termes que celle dont nous venons de donner la traduction.

Par des lettres patentes portant la même date que sa réponse à Abaga, le souverain pontife confère aux cinq franciscains des pouvoirs très-étendus. Il les autorise à prêcher la parole de Dieu dans les pays soumis aux Tartares, à baptiser Abaga, ses fils, ses sujets, ou tous autres qui voudraient se convertir à l'unité de la foi chrétienne; à faire, soit collectivement, soit individuellement, tout ce qui peut contribuer à la gloire du nom de Dieu et à la propagation de la sainte foi (1).

On ne trouve pas dans les historiens de l'époque des détails suffisants pour apprécier les fruits de cette nouvelle mission chez les Tartares. La barbarie des Mongols, l'indifférence des Chinois, les préventions des idolâtres, la rivalité des nestoriens, qui avaient anciennement fait des progrès considérables dans ces

(1) Wadding., Annales minorum, tom. V, p. 40.

contrées, et puis l'ignorance où étaient ces missionnaires des langues et des usages des peuples qu'ils étaient chargés d'évangéliser, tout cela dut probablement opposer les plus grands obstacles à leur zèle. Cependant on peut conjecturer que leurs efforts furent loin d'être stériles; car, à cette époque, le provincial des franciscains établis en Hongrie écrivit au souverain pontife pour le prier d'envoyer un évêque en Tartarie, parce que, disait-il, « plusieurs frères qui << résident parmi les Tartares et leur prêchent la foi << de Jésus-Christ avec zèle et bénédiction en ont con<< verti un grand nombre (1). » Le pape Nicolas III chargea, en conséquence, Philippe, évêque de Firman et légat apostolique, de consacrer un évêque auquel il accordait tous les revenus qui dans ces contrées devaient appartenir au saint-siége. On ne connaît pas le nom de l'évêque que le légat Philippe envoya en Tartarie, et l'histoire n'a pas consigné les fruits de son ministère. Cette nécessité de créer de nouveaux siéges épiscopaux est seule une preuve que la religion chrétienne faisait des progrès considérables dans la haute Asie.

(1) Quam plures fratres ejusdem ordinis inter Tartaros commorantur, qui fidem Christi gratiosis studiis annunciantes eisdem, multos ex eis ad fidem ipsam, divina cooperante gratia, converterunt. (Wadding, t. V, p. 42.)

CHAPITRE VIII.

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I. Propagande nestorienne dans la haute Asie. — L'apostat Ahmed.
II. Argoun, khan de Perse. Sa lettre à Honorius IV. - Lettres de

Nicolas IV à Argoun, à la reine Touktan.

Bel. III. Nouvelles de la mission de Chine.

Argoun et Philippe le
Conversion de plu-

sieurs princes tartares. — Lettre du pape à Gazan, fils d'Argoun. Sa femme et son enfant condamnés à être brûlés vifs. Tentatives d'alliance entre les Tartares et les chrétiens. IV. Empire de Koubilaï. — Religions de la Chine. — Confucius. — Lao-tze. — Bouddha.

I.

Les succès des missions catholiques en Tartarie ne pouvaient cependant être comparés à la propagation du nestorianisme dans ces contrées. Non-seulement les nestoriens possédaient de nombreuses églises en Tartarie, mais ils s'étaient encore répandus dans tout l'empire chinois, où leurs disciples allaient se multipliant de jour en jour, comme nous l'apprennent leurs historiens et les témoignages de Marco-Polo. A Khanbalik ou Péking, dont Koubilaï avait fait la capitale de son empire, ils avaient une église métropolitaine qui dépendait du patriarche ou catholicos de Séleucie. En 1279 (1), le métropolitain de Chine étant mort, le patriarche Jean Denha s'empressa de lui envoyer un successeur. Il avait ordonné en cette qualité un certain Siméon Bar-Kalig, auparavant évêque dans

(1) Assemani, Bibliotheca orientalis, t. II, p. 256.

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