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bler à la fois toutes les nations de l'Europe et de l'Asie. Aussi verrons-nous bientôt ces mêmes Mongols, qui daignaient à peine recevoir les ambassadeurs des autres peuples, et qui ne leur laissaient que l'alternative de la soumission ou de la destruction, descendre à faire eux-mêmes les premières avances aux princes chrétiens et surtout aux rois de France, qu'on était accoutumé, dans l'Orient, à regarder comme les plus puissants de tous.

IV.

Houlagou, qui avait quitté la Syrie pour aller monter sur le trône impérial, laissé vacant par la mort de Mangou-Khan, arriva trop tard et trouva la place prise. Koubilaï, son frère, avait été proclamé empereur en 1260. Ce fut ce prince qui au Cathay, c'est-à-dire au nord de la Chine, déjà soumis par les Tartares, joignit le Mangy ou Chine méridionale. Il essaya même la conquête du Japon mais son entreprise n'eut d'autre résultat que le désastre de sa flotte. Plus heureux sur d'autres points, il rendit tributaires le Tong-King, la Cochinchine, le Pégu, assujettit le Thibet et le pays qui sépare le cours du Gange des fleuves de l'Asie orientale. Aucun document ne peut faire apprécier Koubilaï et son vaste empire aussi bien que le voyage du Vénitien Marco-Polo, dont nous parlerons plus loin.

Pendant que Koubilaï étendait ses conquêtes au fond de l'extrême orient, l'empire mongol se divisait

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dans l'Asie occidentale, et il en résulta un curieux revirement dans les relations des Tartares de la Perse avec les Francs. Le premier missionnaire qui était venu trouver un chef mongol avait couru les plus grands dangers, puisqu'il fut question de l'écorcher et de renvoyer sa peau remplie de paille à l'apostole, c'est-à-dire au pontife romain. Les envoyés de saint Louis avaient été traités avec moins de barbarie, mais reçus cependant avec orgueil et insolence. Les succès des mamelouks avaient grandement modifié le ton et les allures des Mongols. La victoire remportée par le sultan d'Égypte sur Kitou-Boga, à la Fontaine de Goliath, contribua sans doute à faire sentir à Houlagou les avantages qu'il pouvait attendre de l'alliance des chrétiens. En effet, à peine en eut-il reçu la nouvelle, qu'il rassembla une armée, convoqua les rois d'Arménie et de Géorgie, et envoya des émissaires en Orient auprès des princes francs, pour qu'ils eussent à marcher contre le sultan d'Égypte et les autres musulmans. Il est difficile d'imaginer quelle eût été l'issue de cette expédition, à laquelle la mort de Houlagou vint mettre obstacle. Les Francs se flattaient que, dans le cas où elle eût réussi, la terre sainte leur eût été abandonnée par les Tartares, qui n'auraient fait aucune difficulté pour leur en confier la garde, à cause de l'extrême chaleur de ces contrées, à laquelle ils ne pouvaient s'accoutumer. Ils espéraient aussi être exempts de tributs et de redevances, comme les chrétiens d'Arménie et de Géorgie; mais on ne leur eût sans doute accordé les mêmes faveurs qu'aux mêmes conditions, c'est-à-dire qu'ils eussent été obligés de reconnaître le pouvoir du khan et de

le suivre à la guerre, dans quelque partie de ses États qu'il eût voulu porter ses armes.

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Houlagou mourut dans son quartier, sur le bord du Tchogatou, au mois de février 1265, âgé de quarantehuit ans. Il fut enseveli sur te sommet d'un îlot situé au milieu du lac d'Ormia, où il avait fait bâtir une forteresse qui recélait ses trésors. Quelques mois après mourut aussi Doghouz-Khatoun, qui avait tenu le premier rang parmi les femmes de Houlagou. « Cette << princesse, dit l'historien Raschid, née dans le chris<< tianisme, que professe la nation kéraïte, à laquelle << elle appartenait, protégeait constamment ses coreligionnaires, et, par égard pour elle, Houlagou fa<< vorisait, distinguait les chrétiens, qui, profitant de «< cette époque de prospérité, bâtirent des églises << dans toutes les provinces de sa domination. A l'entrée « de l'Ordou de Doghouz-Khatoun, il y avait toujours «< une église de laquelle retentissait le son des clo«< ches. » La mort de Houlagou et celle de son épouse furent vivement déplorées par les chrétiens d'Asie. « Au «< commencement du carême, s'écrie Bar Hebræus (1), << mourut Houlagou, dont la sagesse, la magnanimité, les hauts faits, ne souffrent point de parallèles. « L'été suivant, la reine très-fidèle, Doghouz-Khatoun, quitta ce monde. Par la disparution de ces deux <«< astres, qui étaient les protecteurs de la foi chré<< tienne, les chrétiens sur toute la terre furent plon«gés dans le deuil. » Un autre écrivain du temps (2)

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(1) Bar Hebræus, Dyn., XI, p. 542.

(2) « Le grand et pieux roi, le maître du monde, l'espoir des chré<< tiens, Houlagou-Khan, mourut en l'an 1265. Il fut bientôt suivi de sa

va jusqu'à les comparer à Constantin et à Hélène. Ces étranges exagérations prouvent combien étaient grandes les souffrances des chrétiens, puisque les moindres témoignages de bienveillance suffisaient pour leur inspirer de tels accents de reconnaissance.

Houlagou eut pour successeur son fils Abaga. Quoiqu'il eût placé un musulman à la tête de son conseil, il fut néanmoins particulièrement ami des chrétiens, soit par politique, soit par condescendance pour sa femme, qui était chrétienne. Houlagou, peu de temps avant sa mort, avait demandé en mariage une fille de l'empereur de Byzance. Michel Paléologue lui avait accordé une de ses filles naturelles nommée Marie, dont la mère était de la famille Diplovatatzi. Théodose de Ville-Hardouin, archimandrite du couvent de Pantocrator (1), ou, selon d'autres (2), Euthymius, patriarche grec d'Antioche, fut chargé de la conduire au roi des Tartares. A son arrivée à Césarée, la princesse apprit la mort de Houlagou. Néanmoins, elle continua son voyage et arriva à la cour d'Abaga, qui l'épousa. Marie devint ainsi souveraine des Mongols. Elle avait tant à cœur la gloire et les intérêts de la religion, qu'elle demanda à son père deux peintres pour orner l'église grecque de Tauris.

<< respectable épouse, Doghouz-Khatoun. Le Seigneur sait qu'ils n'étaient «< guère inférieurs à Constantin et à sa mère Hélène. Comme Houlagou << aimait beaucoup les chrétiens, toutes les nations qui font profession « de la vraie foi lui obéirent volontairement et lui furent d'un très

« grand secours. » (Hist. des Orpėlians, dans les Mémoires sur l'Arménie de M. Saint-Martin, tom. XI, p. 123 et 152.)

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(1) Du Cange, Anc. Bysant., p. 235. — Pachymères, tom. III, p. 1044. (2) Aboulfaradje, Chron. syr., p. 567. - Bar Hebræus, p. 567.

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Les sentiments de piété de la femme d'Abaga n'eussent peut-être pas été pour ce prince une raison suffisante de se joindre aux Occidentaux; mais le sultan d'Égypte, empressé de venger sur les chrétiens les maux qu'ils avaient attirés aux musulmans, avait, sans perdre de temps, attaqué le roi d'Arménie, après avoir mis le siége devant Antioche. Ainsi, l'un des vassaux du roi des Mongols et la plus puissante des principautés fondées par les croisés se trouvaient menacés en même temps, et le danger commun faisait un devoir aux chrétiens et aux Tartares de se réunir. L'Europe voyait avec joie la puissance musulmane aux prises, en Égypte, avec une nation formidable qui avait étendu ses frontières jusqu'aux confins de la Syrie. Moins elle était disposée, à cette époque où l'enthousiasme pour les croisades s'était presque éteint, à faire des efforts pour secourir les colonies syriennes, plus elle aimait à compter sur l'assistance des armes mongoles. D'un autre côté, les effets de la division de l'empire de Tchinguiz-Khan commençaient à se faire sentir. Non-seulement les princes tartares de Perse ne disposaient pas, comme souverains, de forces égales à celles dont ils avaient précédemment eu le commandement comme généraux, mais les royaumes qui avoisinaient leurs États à l'orient et au nord, loin d'être, ainsi qu'autrefois, leurs auxiliaires, reconnaissaient déjà des intérêts opposés aux leurs. Le sultan d'Égypte sut d'ailleurs exciter contre eux la jalousie des khans du Kiptchak, et conclut avec ceuxci un traité, par lequel ils s'engageaient à entrer sur la terre d'Abaga toutes les fois que ce dernier attaquerait les Égyptiens. Pour balancer l'effet de cette

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