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le sacrifice du Fils de Dieu, sa résurrection et son ascension, précédée par la désignation de son vicaire dans ce monde, qui est chargé du soin des âmes et des clefs du royaume des cieux, le souverain pontife déclare que, successeur, quoique indigne, de ce vicaire, il veut opérer le salut du roi et de la nation tartare, et que ne pouvant être partout, il délègue ses pouvoirs aux religieux, porteurs des présentes, afin qu'ils leur fassent connaître les dogmes de la religion chrétienne. En finissant, Innocent IV les exhorte à recevoir les envoyés avec bienveillance, ou plutôt à l'honorer lui-même en leurs personnes (1).

L'autre lettre était conçue en ces termes : « Comme << non-seulement les hommes, mais encore les ani<< maux dépourvus de raison, et même les éléments << de l'univers sont unis ensemble par certaines lois « d'affinité, à l'exemple des esprits célestes dont les «< chœurs ont été établis dans une harmonie perpé<«<tuelle par le créateur de toutes choses; nous sommes, « à bon droit, forcés de nous étonner grandement << que vous ayez fait invasion, comme nous l'avons << ouï dire, dans un grand nombre de pays chrétiens <«<et autres; que vous les ayez horriblement désolés « et ravagés, et que, dans vos fureurs incessantes, << portant partout vos mains dévastatrices, vous ayez « brisé tous les liens de l'affinité naturelle et passé << tout le monde indistinctement au fil de l'épée, sans épargner ni l'âge ni le sexe. Désirant donc, à l'exemple du Dieu de paix, voir tous les hommes

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(1) Odor. Raynal., ann. 1245, no 16, p. 538. Wadding, Annales minorum, tom. III, p. 116.J

« réunis dans la crainte du Seigneur, nous vous aver<«< tissons et prions de cesser absolument de per<< sécuter les chrétiens, et d'apaiser la colère de la majesté divine, provoquée par tant d'offenses, en << vous soumettant à une pénitence convenable. Car, << si jusqu'à cette heure le Dieu tout-puissant a permis que les nations tombent devant votre face, sous la fureur de vos coups, cela ne doit pas vous << donner de l'audace pour pousser plus loin vos cruau«tés. Dieu, quelquefois, omet pendant un temps de <«< châtier les superbes; mais s'ils négligent eux-mêmes << de s'humilier, il ne manque pas de les punir de leurs iniquités dans ce monde, en leur réservant dans << l'autre une vengeance plus complète. » Innocent IV termine cette lettre en faisant l'éloge de Jean de Plan-Carpin et de ses compagnons. Il prie les Tartares de les bien accueillir, de leur fournir des provisions et des gardes pour le retour. Enfin, il leur demande assez naïvement de lui faire connaître, dans leur réponse, ce qui a pu les exciter à détruire les autres nations, et quels sont leurs projets pour l'avenir (1).

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Quelques jours après la remise de ces lettres, qui furent traduites en langue mongole, russe et arabe, Batou fit conduire Jean de Plan-Carpin et Benoît de Pologne à la Syra-Ordou, ou Horde Jaune. Ils partirent le jour de Pâques, accompagnés de deux Tartares qui avaient ordre de les faire voyager en grande diligence. Ces intrépides missionnaires étaient si faibles l'une et l'autre, qu'ils pouvaient à peine se tenir à che

(1) Quid vos ad gentium exterminium moverit aliarum, et quid ulterius intendatis per eosdem fratres plenarie intimetis..... (Odor. Raynald., ann. 1245, n°18, p. 540.)

val, et qu'ils durent se faire serrer les membres avec des bandelettes pour résister à la fatigue (1). Ils n'atteignirent la résidence impériale que le 22 juillet, environ cinq mois après leur entrée sur le territoire mongol, près du Dniéper.

II.

Lorsque les envoyés du saint-siége arrivèrent à la Horde Impériale, le khan tartare Ogotaï était mort. Sa veuve Tourakina, investie de la régence jusqu'à l'élection du successeur, n'épargnait rien pour faire proclamer Couyouk, dans le Kouriltaï ou assemblée générale. Comme Couyouk ne se mêlait pas ostensiblement des affaires avant l'élection, il ne reçut point les missionnaires ambassadeurs. Il se contenta de les faire héberger, et puis, après quelques jours de repos, il les envoya à sa mère l'impératrice régente, Tourakina, qui occupait une magnifique tente de soie blanche.

Cependant le jour fixé pour l'élection de l'empereur était arrivée. Le Kouriltaï avait été convoqué non loin d'un beau lac, dans un endroit nommé DalanDaba, ou les Soixante dix Collines. La convocation de cette assemblée générale avait mis en mouvement tous les princes de l'Asie : les routes qui conduisaient de toutes les parties de ce continent au centre de la Tartarie étaient couvertes de voyageurs; les princes

(1) Ce procédé est fréquemment employé par les voyageurs orientaux, comme une précaution contre les douleurs occasionnées par une cheváuchée rapide.

du sang s'y rendaient avec une nombreuse suite militaire... On vit arriver au lieu fixé pour l'élection Utjuken, avec ses quatre-vingts fils; la veuve de Toulouï, accompagnée de ses enfants; les descendants d'Ogotaï, de Djoutchi et de Tchagataï, suivis des chefs de leurs troupes particulières; les gouverneurs militaires et civils des possessions mongoles en Chine, Argoun et Massoud, l'un gouverneur général de la Perse, l'autre du Turkestan et de la Transoxiane, ayant à leur suite les princes et les seigneurs de ces contrées; le sultan du Roum, Rok-ud-din; le grand-duc de Russie, Yaroslaw; deux princes nommés David, qui se disputaient la couronne de Géorgie; le frère du souverain d'Alep; les ambassadeurs du khalife de Bagdad; ceux des princes d'Ismaïl, de Moussoul, du Karss et du Kerman; tous apportant des offrandes magnifiques et rivalisant par la richesse et la pompe de leurs équipages. Au milieu de cette foule de personnages environnés de tout l'éclat du luxe asiatique et l'ambition et la vanité mettaient en mouvement, deux moines européens se faisaient remarquer par la simplicité de leurs vêtements et la modestie de leur maintien. C'étaient deux enfants de saint François d'Assise envoyés par le pape pour prêcher l'Évangile à ces fiers barbares, les détourner de faire la guerre aux chrétiens, et leur apprendre à chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice.

que

On voyait en ce lieu, nommé Syra-Ordou, deux mille tentes blanches, à peine suffisantes pour loger cette affluence de princes, de seigneurs et d'ambassadeurs, qui n'attendaient que le moment de se prosterner devant le nouveau monarque. Les marchands

de la Perse, de l'Inde et de la Chine y étaient accourus en grand nombre, avec les productions les plus précieuses des diverses contrées de l'Asie. Les environs du camp impérial étaient remplis d'une multitude innombrable, dont l'agitation et l'immense tumulte donnaient à cette assemblée un aspect grandiose et terrible. Les princes du sang et les généraux se réunissaient dans une grande tente qui pouvait contenir deux mille personnes; elle était entourée, à quelque distance, d'une balustrade couverte de peintures. Les membres de l'assemblée s'entretenaient d'affaires jusqu'au milieu du jour; puis ils se mettaient à boire avec excès du lait de jument fermenté, et chaque jour ils se revêtaient d'habits d'une autre couleur que le souverain leur faisait distribuer. Les religieux eux-mêmes reçurent un jour des vêtements brochés d'or et de soie qu'ils mirent par-dessus leur robe de bure.

Les électeurs du Kouriltaï, cédant enfin à l'influence de la régente Tourakina, furent d'avis qu'il fallait élire Couyouk, et lui donnèrent unanimement leurs suffrages. Celui-ci feignit, selon l'usage, de refuser la dignité suprême; après une longue résistance, il déclara qu'il acceptait l'empire, mais à condition que le trône serait assuré à sa postérité. On signa alors l'acte suivant : Jusqu'à ce qu'il n'existe plus de ta race qu'un mor<«< ceau de chair tel que l'herbe qu'on y aurait frotté répugnerait à un bœuf, nous ne donnerons à per<«< sonne autre la dignité de khan. » Aussitôt qu'on eut lu cet acte, une immense acclamation ébranla les airs, on inclina devant Couyouk des baguettes terminées par des touffes de laine écarlate; les membres de l'assemblée lui rendirent hommage par neuf pros

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