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il procède, s'il produit de merveilleux effets? Il ne tient pas. compte du bon sens. C'est votre avis, ce n'est pas le nôtre. - Vous voulez en faire un chef d'école. Évidemment, et nous le voulons, parce que nul mieux que lui n'a ccmpris l'importance des théâtres. Il sait que le drame, sans sortir des limites de l'art, a une mission nationale, une mission sociale, une mission humaine, et il vous a dit que le poète a aussi charge d'âmes.

Ce qu'on reprocha surtout à l'Hernani à l'époque où cette pièce parut, c'est d'avoir mis, Charles-Quint en présence d'un bandit, et d'avoir souvent donné à ce bandit l'avantage sur le grand Empereur mais le public n'en fut pas trop choqué; c'était une grande hardiesse, et nous en convenons.

Il ne fallait rien moins que la révolution de Juillet 1830 pour suspendre la grande querelle des romantiques et des classiques; quand, en 1831 (14 août), parut Marion Delorme, les adversaires de M. Victor Hugo se montrèrent bien moins altiers et bien moins emportés.

Mais quand, en 1840, il fut question de faire de M. Victor Hugo un académicien, toutes les vieilles colères se réveillèrent les souvenirs d'Hernani furent évoqués, et on se mit à critiquer avec une nouvelle amertume toutes ses œuvres. A la vérité, Ruy-Blas, joué en 1838, n'avait pas dù faire espérer aux classiques la prochaine conversion de M. Victor Hugo. Ceux qui le poussaient à l'Académie disaient qu'il s'était amende; il n'en était rien assurément : des hommes comme M. Victor Hugo ne s'amendent pas; ils vivent et meurent avec leurs défauts et leurs qualités : c'est à prendre ou à laisser; mais il y eut dans le public un cri général de blame contre l'Académie. De hautes influences s'en mêlèrent ; la famille royale tout entière, moins le roi, qui prisait assez peu la littérature, quelle qu'elle fût, et qui ne trouvait jamais le moment de lire un drame ni même une ode, se prononça pour M. Victor Hugo.

Le Journal des Débats qui l'avait souvent combattu ainsi que la Revue des Deux-Mondes, se prononcèrent en sa faveur, et le chef d'école fut enfin reçu académicien en 1844

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Position des partis. -

Le projet adopté par le National. Unanimité des légitimistes pour le combattre. Discours de M. de Lamartine. La loi est adoptée à une grande majorité. - Discussion à la Chambre des pairs. - Affaires des lettres attribuées au roi.

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Les travaux des fortifications de Paris, commencés dans le mois de septembre 1840, sous le ministère de M. Thiers, vaient pas été interrompus.

Le nouveau ministère n'était pas fort désireux d'adopter le plan conçu et arrêté par M. Thiers; mais il se trouvait lié par sa position les puissances signataires de la quadruple alliance nous montraient toujours de la froideur, et on avait été obligé, ainsi que nous l'avons vu, de se prononcer pour ce qu'on appelait la paix armée.

Si le ministère avait suspendu les fortifications, on lui aurait reproché de laisser le pays à la merci de l'étranger, et le reproche aurait eu bien du retentissement, il fallait donc l'éviter; d'autre part, le roi tenait à avoir ses forts détachés. Il n'y avait pas moyen d'y songer, à moins de concéder l'enceinte continue. En cet état des choses, le ministère se résigna à laisser, en quelque sorte, M. Thiers maitriser la question.

Le 40 janvier, cet homme d'État fut à la Chambre un long et remarquable rapport sur l'utilité des fortifications de Paris. Toutes les objections y furent abordées, et la plupart résolues. Ainsi, M. Thiers démontra que le nouveau projet ne ressemblait en rien au projet si impopulaire de 1833, parce que, d'une part, les forts détachés se trouvaient contenus par l'enceinte continue, et que, d'autre part, ils seraient construits à des distances telles, que Paris ne pourrait jamais être réellement menacé.

La question des fortifications était complexe; évidemment elles pouvaient servir à défendre Paris, mais elles pouvaient aussi servir à le comprimer. Ceux qui tenaient avant tout à se mettre en sûreté contre l'étranger, devaient voter les fortifications; ceux qui mettaient la liberté au-dessus de tout, devaient les rejeter.

Il arriva qu'il y eut, dans cette question, une grande division dans chaque parti, le parti légitimiste excepté, car il fut unanime pour repousser toute fortification.

Les conservateurs ne se rallièrent pas tous à la loi de M. Thiers; ils la tenaient en défiance comme venant de lui, et comme ayant l'appui de toute la presse de l'opposition dynastique, et même celle du National.

Ce journal disait : « Oui, les fortifications peuvent servir à comprimer le pays, mais elles peuvent servir à le sauver, et, dans un cas extrême, elles ne resteraient pas entre des mains vacillantes ou corrompues. » Il soutenait aussi que les fortifications ne pouvaient pas empêcher la chute d'un mauvais gouvernement, lorsque son heure était marquée.

La presse départementale fut très-divisée dans la question des fortifications. Le Censeur de Lyon se prononça pour les fortifications sans les forts détachés, ce qui était le système de M. Arago; mais le Haro de Caen et d'autres journaux se prononcèrent contre toute fortification. Le Journal du peuple, qui était patronné par MM. Garnier-Pagès et de Cormenin, et dirigé par M. Dupoty, ancien rédacteur du Réformateur, prit parti pour le rejet de toute fortification.

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La discussion de cette loi commença à la Chambre le 21 janvier.

De tous les adversaires du projet, qui furent nombreux, aucun ne produisit une plus grande impression que M. de Lamartine.

Le discours qu'il prononça contre les fortifications était plein de fortes images, de puissantes inspirations, M. de Lamartine soutint que la force défensive de la nation était dans le courage même de ses habitants. « On ne se sauve pas, s'écria-t-il, derrière des fossés, des bastions et des murailles; on se sauve

au soleil, sur un champ de bataille, le plus loin possible de sa capitale, le plus loin possible de ses foyers, de ses enfants, de tout ce qui affaiblit les résolutions, de tout ce qui peut énerver le courage. » C'étaient là, comme on voit, de belles et nobles paroles, mais elles ne pouvaient pas détruire, dans les esprits, cette opinion vraie, que des fortifications peuvent servir au salut d'un pays. M. de Lamartine eut beau dire que la tactique moderne qui avait tout changé, mettait la mobilité des armées audessus des places fortes, il n'ébranla pas des convictions formées déjà depuis longtemps.

Nous ne le suivrons pas dans son argumentation, mais nous dirons que sa parole remua profondément l'assemblée, quand il aborda le point touchant la liberté, l'objection principale, ainsi que l'avait dit M. Thiers, et surtout quand on l'entendit dire que la liberté et le canon ne pouvaient pas vivre impu nément face à face, la voix du canon ayant toujours et par tout étouffé la parole des peuples libres.

Se plaçant ensuite dans cette hypothèse d'une révolution victorieuse et maîtresse absolue de Paris et de tous ses forts, il la présenta alors comme pouvant, concentrée dans Paris fortifié, violenter tous les principes, toutes les institutions, pour effacer les limites et les nationalités partout. M. de Lamartine fit voir ici une des frayeurs du parti auquel il appartenait; ce parti craignait qu'un jour la Révolution, devenant victorieuse à Paris, ne trouvât dans les fortifications un moyen formidable de répandre ses idées et de les faire accepter.

La discussion générale de la loi fut close le 26 janvier, on ne pouvait plus douter, ce jour-là, que son principe même ne fût adopté, car les débats n'avaient pas modifié les résolutions prises; restait la question de savoir si on tomberait d'accord sur le système à adopter, si quelque amendement ne viendrait pas déranger l'économie de la loi; cela était d'autant plus à craindre, que dans le cours de la discussion, le ministère s'était montré flottant et irrésolu ainsi, dans la séance du 22 janvier, le maréchal Soult, interpellé par un adversaire de la loi sur le changement qui s'était opéré dans ses opinions touchant les fortifications, fit clairement comprendre qu'il n'avait accepté

le nouveau projet que par pure convenance politique; et l'on put voir, par son discours, que son adhésion n'avait été ni complète, ni spontanée; le maréchal Soult inclinait toujours pour des travaux extérieurs à certaine distance de Paris; M. Thiers, pour éviter toute modification au système nouveau, vint déclarer formellement, dans la séance du 26, que la question de système portait avec elle toute la loi, car on était généralement d'accord qu'il fallait fortifier Paris, tandis qu'on différait sur les moyens. Il démontra que l'adoption de tout amendement qui aurait pour but de faire triompher isolément le système d'enceinte, ou celui des forts détachés, serait la ruine du projet; ce serait, dit-il, diviser les suffrages, et faire voter à quelques voix une loi qui doit être votée au moins à la presque unanimité. La question posée ainsi liait au projet tous ceux qui voulaient que Paris fùt fortifié, et il arriva que M. Arago et ses amis, qui tenaient à l'enceinte continue et repoussaient les forts détachés, durent voter le projet complet; il arriva aussi que certains partisans des forts détachés sans l'enceinte, votèrent l'enceinte et les forts, croyant qu'ils seraient utiles pour contenir la turbulence des Parisiens. Tous les amendements proposés furent rejetés.

La loi sur les fortifications rencontra à la Chambre des pairs une vive opposition, à la tête de laquelle se plaça M. le conte Molé; il la combattit comme n'appartenant pas aux idées nouvelles, comme contraire à l'expansion civilisatrice qui s'était manifestée en France sous le régime constitutionnel, et dit, qu'on rétrogradait jusqu'à l'Empire, qu'il avait pourtant servi, et dont il se faisait le détracteur. M. Molé trouva aussi dans cette circonstance un moyen de blâme contre le ministère qu'il représenta, comme ayant accepté le projet contrairement à ses propres convictions. Avec M. Molé se réunirent tous les pairs légitimistes, qui voulaient voir échouer la loi à tout prix; mais la majorité de la Chambre se prononça en sa faveur, et repoussa même un amendement de sa commission, qui la modifiait dans le sens de l'ancien système des forts detachés. C'est le 31 mars que son vote fut prononcé, et la loi fut adoptée à la majorité de 62 voix. Le nombre des votants était de 232.

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