Imatges de pàgina
PDF
EPUB

Et quand les dieux offroient un Élysée aux sages,
Étoient-ce des palais? c'étoient de verds bocages;
C'étoient des prés fleuris, séjour des doux loisirs,
Où d'une longue paix ils goûtoient les plaisirs.

beau,

Ouvrons donc, il est temps, ma carriere nouvelle;
PHILIPPE m'encourage, et mon sujet m'appelle.
Pour embellir les champs simples dans leurs attraits,
Gardez-vous d'insulter la nature à grands frais.
Ce noble emploi demande un artiste qui pense,
Prodigue de génie, et non pas de dépense.
Moins pompeux qu'élégant, moins décoré que
Un jardin, à mes yeux, est un vaste tableau.
Soyez peintre. Les champs, leurs nuances sans nombre,
Les jets de la lumiere et les masses de l'ombre,
Les heures, les saisons, variant tour-à-tour
Le cercle de l'année et le cercle du jour,
Et des prés émaillés les riches broderies,

Et des riants coteaux les vertes draperies,
Les arbres, les rochers, et les eaux, et les fleurs,
Ce sont là vos pinceaux, vos toiles, vos couleurs:
La nature est à vous; et votre main féconde
Dispose, pour créer, des éléments du monde.

Mais avant de planter, avant que du terrein
Votre bêche imprudente ait entamé le sein,
Pour donner aux jardins une forme plus pure,
Observez, connoissez, imitez la nature.

N'avez-vous pas souvent, aux lieux infréquentés,
Rencontré tout-à-coup ces aspects enchantés
Qui suspendent vos pas, dont l'image chérie
Vous jette en une douce et longue rêverie?
Saisissez, s'il se peut, leurs traits les plus frappants,
Et des champs apprenez l'art de parer les champs.

Voyez aussi les lieux qu'un goût savant décore;
Dans ces tableaux choisis vous choisirez encore.
Dans sa pompe élégante admirez Chantilli,
De héros en héros, d'âge en âge embelli.
Beloeil, tout à la fois magnifique et champêtre,
Chanteloup, fier encor de l'exil de son maître,
Nous plairont tour-à-tour. Tel que ce frais bouton
Timide avant-coureur de la belle saison,
L'aimable Tivoli d'une forme nouvelle

Fit le premier en France entrevoir le modele.
Les Graces en riant dessinerent Montreuil.
Maupertuis, le Désert, Rincy, Limours, Auteuil,
Que dans vos frais sentiers doucement on s'égare!
L'ombre du grand Henri chérit encor Navarre.
Semblable à son auguste et jeune déité,
Trianon joint la grace avec la majesté.

Pour elle il s'embellit, et s'embellit par

elle.

Et toi, d'un prince aimable ô l'asyle fidele, Dont le nom trop modeste est indigne de toi, Lieu charmant! offre-lui tout ce que je lui doi,

Un fortuné loisir, une douce retraite.

Bienfaiteur de mes vers, ainsi que

du poëte,

C'est lui qui, dans ce choix d'écrivains enchanteurs,
Dans ce jardin paré de poétiques fleurs,

Daigne accueillir ma muse. Ainsi du sein de l'herbe
La violette croît auprès du lis superbe.
Compagnon inconnu de ces hommes fameux,
Ah! si ma foible voix pouvoit chanter comme eux,
Je peindrois tes jardins, le dieu qui les habite,
Les arts et l'amitié qu'il y mene à sa suite.

Beau lieu, fais son bonheur! et moi, si quelque jour,
Grace à lui, j'embellis un champêtre séjour,
De mon illustre appui j'y placerai l'image.
De mes premieres fleurs je lui promets l'hommage:
Pour elle je cultive et j'enlace en festons

Le myrte et le laurier, tous deux chers aux Bourbons;
Et si l'ombre, la paix, la liberté m'inspire,

A l'auteur de ces dons je dévouerai ma lyre.
Riche de ses forêts, de ses prés, de ses eaux,
Le Germain offre encor des modeles nouveaux.
Qui ne connoît Rhinsberg qu'un lac immense arrose,
Où se plaisent les arts, où la valeur repose;
Potzdam, de la victoire héroïque séjour,

Potzdam, qui, pacifique et guerrier tour-à-tour,
Par la paix et la guerre a pesé sur le monde;
Bellevue, où, sans bruit, roule aujourd'hui son onde

Ce fleuve dont l'orgueil aimoit à marier

A ses tresses de jonc des festons de laurier;
Gosow, fier de ses plants, Cassel, de ses cascades;
Et du charmant Vorlitz les fraîches promenades?
L'eau, la terre, les monts, les vallons, et les bois,
Jamais d'aspects plus beaux n'ont présenté le choix.
Dans les champs des Césars la maîtresse du monde
Offre sous mille aspects sa ruine féconde:
Par-tout entremêlés d'arbres pyramidaux,

Marbres, bronzes, palais, urnes, temples, tombeaux,
Parlent de Rome antique; et la vue abusée
Croit, au lieu d'un jardin, parcourir un musée.
L'Ibere avec orgueil dans leur luxe royal

Vante son Aranjuez, son vieil Escurial,

Toi sur-tout, Idelphonse, et tes fraîches délices.
Là ne sont point ces eaux dont les sources factices,
Se fermant tout-à-coup, par leur morne repos
Attristent le bocage, et trompent les échos:
Sans cesse résonnant dans ces jardins superbes,
D'intarissables eaux, en colonnes, en gerbes,
S'élancent, fendent l'air de leurs rapides jets,
Et des monts paternels égalent les sommets;
Lieu superbe où Philippe, avec magnificence,
Déficit son aïeul, et retraçoit la France.

Le Batave à son tour par un art courageux
Sut changer en jardins son sol marécageux.

Mais dans le choix des fleurs une recherche vaine,
Des bocages couvrant une insipide plaine,
Sont leur seule parure; et notre œil attristé
Y regrette des monts la sauvage âpreté:

Mais ses riches canaux et leur rive féconde;

De ses moulins dans l'air, de ses barques sur l'onde,
Des troupeaux dans ses prés les mobiles lointains;
Ses fermes, ses hameaux, voilà ses vrais jardins.
Des arbres résineux la robuste verdure,

Les mousses, les lichens qui bravent la froidure,
Du Russe, presque seuls, parent le long hiver;
Mais l'art subjugue tout: le feu, vainqueur de l'air,
De Flore dans ces lieux entretient la couronne,

Et Vulcain y présente un hospice à Pomone.
Par ses hardis travaux, tel le plus grand des czars
Sut chez un peuple inculte acclimater les arts.
Heureux si des méchants l'absurde frénésie
Ne vient pas en poison changer leur ambrosie;
Et si de Pierre, un jour, quelque heureux successeur,
Sans craindre leur danger, sait goûter leur douceur!

Le Chinois offre aux yeux des beautés pittoresques, Des contrastes frappants, et quelquefois grotesques, Ses'temples, ses palais richement colorés,

Leurs murs de porcelaine, et leurs globes dorés.

Vous dirai-je quel luxe, aux rives ottomanes,

Charme dans leurs jardins les beautés musulmanes?

« AnteriorContinua »