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pérature tout différent. En somme et malgré les variations de direction et de vitesse observées à diverses époques, les courants de l'océan Glacial se partagent en deux grandes branches superficielles, de direction contraire et se compensant l'une l'autre. La branche froide, ou le courant polaire, dirigé du nord-est au sud-ouest, occupe presque tout l'espace compris entre Terre-Neuve, le Groenland et les îles Spitzbergen. La branche chaude du Gulf-stream s'avance bien sur la côte occidentale des Spitzbergen jusqu'à une très-haute latitude, mais le courant froid le recouvre déjà sur une étendue considérable près de l'île Baeren, pour le laisser reparaître un peu plus haut après l'avoir séparé en deux branches, dont l'une va à l'orient pour rejoindre peut-être la mer libre des côtes de Sibérie, en passant au nord de la Nouvelle-Zemble. Par contre, un autre courant froid vient aussi de ce côté, allant de l'est à l'ouest, échouant une partie de ses glaces flottantes sur le grand récif, entre les Spitzbergen et l'île Baeren, traversant avec le Gulf-stream pour se porter vers le Groenland et se joindre à la grande masse des eaux polaires.

Entre les îles Spitzbergen et l'île Baeren, les montagnes sous-marines montent jusqu'à 20 mètres de la surface sur certains points. Par suite, les grands glaçons d'origine terrestre qui y échouent, amenés par le courant froid de l'est, y déposent des amas de rochers et de décombres pareils aux moraines terminales de nos glaciers des Alpes. Ces accumulations de pierres constituent de véritables moraines sous-marines, parmi lesquelles l'expédition allemande a recueilli de beaux échantillons de roches polies et striées par la glace en mouvement et charriées par la mer à de grandes distances de leur point d'origine. Cette découverte est du plus vif intérêt pour la géologie et l'étude des dépôts erratiques. Quant aux montagnes sousmarines sur lesquelles s'arrêtent ces dépôts, elles ne re

lient pas seulement les Spitzbergen à l'île Baeren; mais elles se prolongent jusqu'au nord de la Norvége, et forment du groupe des Spitzbergen une sorte de prolongement de la péninsule scandinave. Les sondages effectués par les savants suédois, de 1861 à 1868, accusent une profondeur moyenne de 200 brasses pour la mer entre la Norvége et l'île Baeren: une seule fois la sonde y est descendue à 271 brasses, et, de l'île Baeren aux Spitzbergen, la profondeur est encore moindre, puisqu'on n'y a pas trouvé plus de 180 brasses au maximum. Au contraire, sur tout le littoral du nord et de l'ouest des Spitzbergen, l'Océan descend à des profondeurs énormes : le fond s'est trouvé à 1370 brasses à 60 milles de distance du groupe des Sept-Iles, et à 2650 brasses à 150 milles des côtes occidentales, entre 76 et 79 degrés de latitude. Le mont Blanc et toute la chaîne des Alpes disparaîtraient en entier dans ces abîmes.

Que de choses nous pouvons apprendre de ces sondages! Tout d'abord ils mettent en évidence, avec l'absence de grands icebergs au nord des Spitzbergen, l'existence d'une mer profonde aux abords du pôle arctique. Puis les magnifiques travaux entrepris, de 1861 à 1868, par les expéditions suédoises, sous la direction de MM. Nordenskjöld et Torell, nous ont révélé tout un monde nouveau, avec une multitude d'espèces animales diverses, à des profondeurs jusqu'ici inconnues. A la suite des recherches de Forbes dans le bassin de la mer Égée, les naturalistes ont pensé que le nombre des espèces animales vivant au sein des mers diminue progressivement à partir de la surface, et qu'à 300 brasses de profondeur la vie est impossible. Mais voici qu'en 1861, au moment même où M. Alphonse Milne Edwards annonçait en France l'existence, dans les eaux de la Méditerranée, à une profondeur de 1000 brasses, de différents mollusques acéphales vivant avec des gastéropodes et de nombreux

coralliaires, le docteur Torell découvrit, à la même profondeur, au sein même de l'océan Glacial, une profusion inattendue d'animaux dont personne ne soupçonnait l'existence dans ces abîmes où toute trace de lumière a disparu et sous l'énorme pression de 200 atmosphères. Dès le premier coup de sonde, jeté à 2000 mètres de profondeur et au delà, les filets se remplirent, dans la mer au nord des îles Spitzbergen, d'une multitude de mollusques et de coquillages des genres Tellina, Yoldia, Astarte, Tritonium, mêlés d'Annélides aux vives couleurs, telles que des Terebella, des Nephthys, des Phyllodoce, tandis que de singuliers crustacés, de la famille des Cuma, fourmillaient dans l'argile mêlée de sable amenée du fond des mers. La première expédition allemande n'a pas poussé ses sondages à plus de 400 brasses, mais la mission nouvelle, qui parcourt en ce moment le bassin polaire, a déjà fait des observations à plus de 1200 brasses avec des appareils spéciaux, et s'occupe avec un soin particulier de l'étude du monde animé du fond des mers. Je ne terminerai pas d'ailleurs, à l'occasion de la lutte déplorable dans laquelle nous sommes engagés contre l'Allemagne, sans appeler l'attention de la Société de géographie sur l'expédition actuelle des Allemands au pôle nord, afin de sauvegarder les navires qui la composent, comme nous avons fait pour l'expédition de la Novara lors de la guerre d'Italie. Non-seulement la science est neutre, mais nous devons la considérer comme l'aliiée de tous les peuples, comme une médiatrice dans les sanglants conflits qui nous divisent, et seule capable d'atténuer de plus en plus les maux qui en résultent pour l'humanité !

NOTA. Les tableaux, préparés par M. C. Grad, des observations faites par le capitaine Koldewey, seront publiés ultérieurement. (Réd.)

LA MOSQUÉE D'AZRET (4), DANS LA VILLE DE TURKESTAN

PAR MIR-SALIKH-BEKTCHOURINE (2)

Orenbourg, 19 février 1866.

La mosquée d'Azret existe depuis quatre cent soixantetrois ans. Sans atteindre à la perfection comme harmonie, ce merveilleux édifice peut être compté parmi tout ce qu'il y a de plus beau en fait de constructions de ce genre. La mosquée se trouve sur le rempart de la ville et possède une cour à elle, entourée d'une haute muraille de terre glaise. Les angles de cette muraille sont munis de bastions en briques cuites et garnis de canons de rempart. La cour est partagée en deux moitiés dans la première, se trouve maintenant le poste principal, et l'intendant y a son logement, formé de la demeure de l'ancien khakime (commandant) de Turkestan et de sa famille; la mosquée se trouve dans l'autre partie.

L'aspect extérieur de la mosquée est celui-ci : Sur le devant deux hauts minarets; sur l'un d'eux monte tous les vendredis, par un escalier à vis intérieur, l'azantchéï, pour appeler les fidèles à la prière. Les deux minarets sont reliés par un mur de pierre formant la façade de la mosquée; c'est dans ce mur encore que se trouve placée la porte d'entrée. La mosquée est surmontée de deux coupoles sans revêtement. Sur le mur de façade, il s'est con

(1) Extrait des Archives de la guerre de Saint-Pétersbourg, et traduit du russe par Paul Voelkel.

(2) Azret, ou, plus correctement, Khazret-Khodja-Akhmed-Yaçavi, grand saint mahométan et chef de la secte à laquelle appartiennent tous les Mahométans de l'Asie centrale, les Turcs et tous les Musulmans sujets russes, mourut en 514 (de l'ère mahométane, c'est-à-dire en 1120 après J. C.). La mosquée qui se trouve sur sa tombe ne fut élevée que 284 ans après sa mort.

servé, jusqu'à nos jours, plusieurs traverses en saillie, sur lesquelles étaient probablement des échafaudages quand on a construit la mosquée.

Au dedans, la mosquée d'Azret est divisée en trois parties. Dans la première se trouve une salle immense sous une coupole. Cette salle a 16 sagènes de haut. A droite et à gauche, sont, de chaque côté, quatre pièces remplies de tombeaux. Dans la partie antérieure de la mosquée, une porte conduit à gauche dans la mosquée, pour les assemblées, qui forme la seconde division; le service n'y a lieu qu'une fois par semaine, le jour de djoumy (vendredi). Au milieu, est une grande pièce abritant les tombeaux d'Azret et de sa famille; à droite de cette dernière, s'étend une longue galerie, avec un petit jour au fond et qui est également remplie de tombeaux. Dans cette galerie se trouve l'entrée d'une grande salle oblongue où est le puits.

En dehors de la mosquée, une coupole surmonte un édifice rond et revêtu d'une mosaïque en carreaux vernis. Tamerlan aurait eu l'intention, d'après la tradition, d'en faire un tombeau et d'y déposer le corps de son arrièrepetite-fille (1), mais la mort l'en aurait empêché.

La mosquée d'Azret est construite en excellentes briques cuites, avec du plâtre. Pour relier les murs, on a fait usage de fortes solives. Toutes les portes sont de bois. Le haut de la grande salle, sous la coupole, est d'un travail ravissant, en plâtre. Extérieurement, toute la mosquée, jusqu'au haut des coupoles, est revêtue de trèsbelles mosaïques en carreaux vernis. Sur la corniche supérieure, en carreaux bleu foncé, il y a, tout autour de la mosquée, une inscription figurant, en gros caractères arabes rouges, un texte du Coran; sur plus d'un point cette inscription a été dégradée par le temps. Tout ce

(1) Il en sera question plus bas.

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