Imatges de pàgina
PDF
EPUB

Je désigne par Australasie les terres géologiquement anciennes qui bornent la Polynésie à l'ouest, et dont le noyau est la Nouvelle-Hollande; les Australasiens deviennent donc pour moi les habitants de ces contrées anciennes, et ils y vivaient déjà pendant que la Polynésie, exclusivement formée de roches nouvelles, volcaniques ou coralligènes, était en voie de formation.

[ocr errors]

Ce vaste archipel australasien, par sa flore d'une richesse et d'une variété sans exemple, retrace parfois si bien les flores anciennes, que l'on est porté à admettre que cette terre est une de celles qui, malgré les siècles et les bouleversements géologiques qui ont passé sur elle, a su le mieux conserver les types primitifs; ses fougères arborescentes ont tout à fait rappelé aux paléontologues les familles qui vivaient à l'époque si reculée du carbonifère; la faune actuelle s'y distingue aussi par son originalité, c'est le cygne et les cacatoès noirs, les émus, l'étrange ornithorynque et surtout les marsupiaux, que les naturalistes de l'Europe connaissent seulement pour les avoir trouvés à l'état fossile,à partir du trias, où le microlestes antiquus non-seulement est un marsupiau, mais encore, le premier vivipare commençant cette série mammologique qui s'est éteinte partout ailleurs que sur le continent australasien. Le marsupiau ne se retrouve pas à la Nouvelle-Zélande et à la Nouvelle-Calédonie, soit que ces terres ne leur présentent pas des conditions d'existence suffisantes, soit que leurs habitants, qui livrent à tous les animaux une guerre acharnée, aient pu les détruire sur ces îles relativement petites. La Nouvelle-Zélande nous offre encore ses bizarres Apterix; la Nouvelle-Calédonie, le Rhynochaetos jubatus et le N'dio, oiseaux d'assez forte taille, et qui, semblables à l'Autruche, se servent surtout de leurs ailes pour la défense, mais jamais pour s'élever dans les airs.

Si je m'appesantis sur ces faits, c'est que, concordant

avec la géologie, ils indiquent bien l'ancienneté des terres australasiennes; par contre, les jeunes îles de la Polynésie, bien loin de posséder des plantes et des animaux de genres nombreux et spéciaux, n'ont qu'une faune et une flore ordinairement pauvres, qui ne présentent que des genres semblables à ceux des continents anciens environnants ou qui en sont dérivés.

Je signalerai encore, dans ces pays, qui se trouvaient vierges de cultures, un fait que l'on peut considérer comme indiquant, jusqu'à un certain point, l'ancienneté d'un pays, je veux parler de la relation constante qui existe entre la végétation et la nature du sol qu'elle recouvre en Australasie, les lois relatives de la flore et de la nature des terrains sont si bien observées, qu'un œil exercé peut bientôt, à la seule inspection des arbres et des plantes qui recouvrent une colline, ou une étendue de pays plus ou moins vaste, dire sûrement la nature géologique du terrain sous-jacent. En serait-il de même si, depuis de longs siècles, ces terrains n'avaient pu faire sélection des végétaux qui leur conviennent le mieux, permettant ensuite à ces arbres gigantesques de croître les uns après les autres, et d'élever à des hauteurs prodigieuses ces troncs immenses, dont l'âge égale peut-être celui de quelquesunes des îles volcaniques qui vont nous occuper. Ainsi, les faits géologiques nous démontrent qu'un continent tertiaire ou quaternaire s'est effondré sous les flots du Pacifique. Les causes qui ont pu y contribuer, séparément ou simultanément, sont : 1° un affaissement graduel, comme nous en avons encore tant d'exemples dans ces parages; 2° une série de secousses volcaniques abaissant le niveau des terres ; 3° l'usure à la longue sous les influences réunies du soleil, des pluies et des courants marins qui corrodent les rivages.

Mais si, dans cette partie du monde l'équilibre semble pour un moment détruit, il ne pouvait tarder à se rétablir;

les feux souterrains et les zoophytes s'en chargèrent; les premiers, en créant ces pitons élevés qui, dominant de plusieurs milliers de mètres les plaines liquides, ont dû souvent servir de phares sauveurs pour les pirogues égarées des émigrants polynésiens; les seconds, en créant ces surfaces que la mer bat de toutes parts et recouvre parfois dans sa colère, tristes abris où la fatigue, les privations attendaient ceux que le sort y jetait. C'est ainsi que se forma et que se forme encore cet ensemble de pics volcaniques ou de plateaux coralligènes que nous appelons l'Océanie; de sorte que, dans ces parages, l'homme, après avoir assisté à la disparition d'un continent, en voit un autre se dresser sur ses débris submergés. Au reste, cet exemple ne serait pas le seul cataclysme important auquel l'homme ait assisté, la tradition d'un déluge chez tous les peuples en est un témoignage; l'Atlantide, cette terre disparue aujourd'hui et que les prêtres égyptiens décrivirent à Solon, n'est-elle pas une nouvelle preuve de ces puissantes oscillations du sol qui faisaient dire au poëte :

Vidi ego quod fuerat quondam solidissima tellus
Esse fretum; vidi factas ex æquore terras;

Mais si c'est à notre époque géologique que les terres qui dominaient l'océan Pacifique se sont effondrées et si le continent nouveau poursuit encore sa formation, il ne faudrait point croire que le moment de sa naissance soit proche de nous; j'ai parcouru en Océanie plusieurs de ces terres récentes, et j'ai pu constater que nos unités de temps employées pour dire leur âge seraient bien près de n'être que des infiniment petits, des îles volcaniques telles que les Fidji, par exemple, conservent à peine les traces de leur origine, bien qu'elles soient exclusivement formées de tufs, de basaltes, de scories,... les courants de lave et les cendres n'existent nulle part à la surface, les

seuls cratères que l'on remarque ne sont plus que des ruines informes; il m'a été, en outre, assuré que des couches de combustibles se trouvent sur l'une de ces îles, dont tous les matériaux sont cependant venus liquides des profondeurs d'un cratère; ce fait, tout extraordinaire qu'il soit, ne serait point nouveau en Océanie où j'ai pu m'assurer par des échantillons et divers témoignages qu'un fait semblable existe à Rapa; dans cette île, située par 27° 38′ de latitude sud et 146° 30′ de longitude ouest du méridien de Paris, qui sert de dépôt de charbon aux navires de la Compagnie des paquebots de la côte américaine à Wellington (Nouvelle-Zélande), on a rencontré, reposant sur une coulée de basaltes, une couche de lignites de 1,50 d'épaisseur; une éruption nouvelle ou un mouvement du sol semble avoir mis fin à la formation de ce combustible, et cependant ici, comme aux Fidji, on ne trouve plus ni cratères, ni courants de lave superficiels. Si nous additionnons maintenant le temps qu'il a fallu pour créer cette épaisse couche de combustible, les roches volcaniques qui l'ont précédée et l'ont suivie, et enfin la dénudation complète des cratères friables qui accompagnaient les dernières éruptions, nous arrivons à un total immense, et pourtant il est démontré que ces roches sont contemporaines de celles qui forment la base des îles polynésiennes, qui n'en diffèrent habituellement qu'en ce que chez elles les volcans se sont éteints beaucoup plus tard et même parfois sont encore actifs.

Si nous arrivons maintenant aux îles coralligènes, nous trouvons que plusieurs d'entre elles remontent aussi à une très-haute antiquité, puisqu'elles ont pu assister à plusieurs séries de mouvements du sol qui les ont élevées, inclinées, etc.; telles sont, par exemple, les trois îles Loyalty, dont la surface est de 200 000 hectares et que trois mouvements successifs ont exhaussées verticalement de plus de 80 mètres au-dessus du niveau de la mer, pen

dant que leur surface s'est recouverte d'un humus assez épais et que des arbres immenses s'y dressent au milieu d'antiques forêts! Mais s'il nous est permis par les études qui précèdent de nous rendre compte de l'antiquité des iles polynésiennes, la tâche devient plus ardue si l'on veut en faire de même pour les peuples qui les habitent aujourd'hui; aussi, à cet égard, les ethnographes sont-ils beaucoup moins d'accord que les géologues; ceux-ci cependant jettent un peu de jour sur la question, en apprenant que l'homme était antérieur à la formation de ces iles et qu'il habitait même sur le continent qui les a précédés, d'où nous pouvons déjà conclure avec certitude: Que les habitants actuels de la Polynésie y sont arrivés par migrations.

Ce premier fait étant acquis, nous allons rapidement rechercher quelles sont les conditions les plus logiques qui ont pu présider à la marche de ces migrations en Polynésie, nous basant sur les phénomènes physiques que présente actuellement l'Océanie et qui n'ont pas dû subir de variations importantes depuis que l'archipel polynésien a pris le relief que nous lui connaissons.

II.

LES PREMIERS ÉMIGRANTS EN POLYNÉSIE. CES AUX MIGRATIONS DE L'Est a l'ouest. PANSION DE LA MIGRATION AMÉRICAINE.

- TENDAN

GRANDE EX

Les îles de la Polynésie qui sont situées dans le voisinage des grands continents anciens, tels que l'Amérique, l'Australasie, l'archipel Indien, ont servi à recueillir les navigateurs qui en arrivaient chassés par les vents ou des circonstances particulières. C'est ainsi que se peuplèrent d'abord les contours de la Polynésie, le mouvement se continua ensuite vers l'intérieur du cercle, mais alors dans des conditions différentes, car, les premiers habitants des fles orientales se portèrent rapidement vers

« AnteriorContinua »