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Mémoires, Notices, etc.

RAPPORT

SUR

LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE

ET SUR

LES PROGRÈS DES SCIENCES GÉOGRAPHIQUES

PENDANT L'ANNÉE 1869

PAR CHARLES MAUNOIR
Secrétaire général de la Commission centrale.

Messieurs,

Dès son origine, la Société de géographie institua qu'il ki serait adressé, chaque année, un rapport sur les progrès des sciences géographiques, et vos secrétaires généRux ont toujours tenu pour un privilége le mandat qui leur en conférait la rédaction. Ce rapport ne devait pas être simplement un résumé des faits relatifs à la configuration de contrées récemment parcourues, un tableau des efforts, des souffrances, des deuils trop souvent, dont nous payons quelques millimètres de gravure sur le blanc de nos cartes. Ainsi limité, il aurait eu déjà sa raison d'être, mais de plus larges vues inspirèrent les fondateurs de notre Société. En effet, quand la dernière parcelle de terrain aura été explorée, quand la sonde aura révélé les lignes du fond des mers, quand nous connaîtrons en dé

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tail le domaine que limitent des plages, les sciences géographiques n'auront pas achevé leur œuvre. Enrichies alors de données innombrables, pourvues de moyens de progrès puissants ou ingénieux, conduites par un sens critique dont la finesse ira s'aiguisant, elles devront marcher de vérité en vérité jusqu'à l'intelligence des grandes lois de la vie terrestre, demander aux recherches d'un ordre supérieur des lumières sur la philosophie de la création. Sans attendre, d'ailleurs, pour placer si haut leur objectif, le jour où sera close l'ère des voyages de découverte, ces sciences ont déjà pris un développement du caractère le plus élevé; les phases annuelles en sont enregistrées depuis 1822, avec la mention des résultats conquis par les explorateurs et les travaux de notre association, dans les quarante-sept rapports que, jusqu'à ce jour, vous ont adressés vos secrétaires généraux. Le quarante-huitième rapport ne pourra signaler aucun de ces faits qui, d'emblée, accroissent considérablement le capital propre d'une science; néanmoins il constatera, pour l'année qui s'achève, des conquêtes de détail tout aussi nombreuses, des causes indirectes de progrès non moins puissantes que celles des précédentes années.

Mais, messieurs, l'exposé des succès et des espérances doit être précédé du chapitre toujours trop étendu de nos pertes. La mort a fait parmi nous, cette année, plus d'un vide regrettable pour la science et pour notre Société. En premier lieu, vous avez vu succomber le docteur Martin de Moussy; ses titres scientifiques ont été appréciés dans le suprême adieu qu'en votre nom, M. Malte-Brun fut chargé de prononcer sur sa tombe. Par la Description géographique et statistique de la Confédération argentine, Martin de Moussy appartient à cette pléiade de voyageurs français qui a éclairé de si vives lueurs la géographie de l'Amérique du Sud. Dans le champ de notre vie intérieure, ceux d'entre nous dont il fut depuis 1862

le collègue à la Commission centrale ont toujours rencontré en lui le concours du zèle le plus éclairé, le plus chaud, le plus soutenu. Son caractère liant, son obligeance aussi prévenante qu'elle était gracieuse, lui avaient conquis d'unanimes sympathies; c'est un devoir triste et doux pour votre rapporteur d'en consigner ici l'expression.

M. Malte-Brun a consacré au comte d'Escayrac de Lauture, membre de la Société depuis 1851, et membre de la Commission centrale depuis 1853, l'hommage d'une notice où sont retracés avec autant de compétence que d'exactitude les titres de ce voyageur à notre souvenir Un esprit original, hardi, plein d'imprévu, faisait d'ailleurs, du comte d'Escayrac de Lauture une de ces personnalités qui surprennent et qui laissent trace dans la mémoire.

Nous ne saurions oublier, en des pages consacrées à l'expression de nos regrets, Son Excellence le marquis de Moustier, ministre des affaires étrangères; sa libérale initiative, en mettant à la disposition de la Société les documents consulaires qui pouvaient offrir quelque intérêt géographique, a fourni à votre recueil mensuel un précieux apport de données recueillies dans tous les pays du globe. Le marquis de Moustier témoignait à notre œuvre un intérêt dont il lui aurait certainement donné des gages s'il n'avait été enlevé peu de temps après son admission parmi nous. Ajoutons qu'il était particulièrement versé dans la connaissance des populations de l'Empire ottoman. Au commencement de cette année vous est parvenue, sans autres détails, la nouvelle de la mort d'un voyageur auquel vous deviez une carte du nouveau Calebar, publiée par le Bulletin en 1866. M. Charles Girard, au moment où il a été emporté par la maladie, se préparait à s'engager de nouveau dans l'intérieur du pays qu'arrose le Tschadda,

Le lieutenant-colonel Pinet-Laprade, qui avait été admis au nombre des membres de la Société en 1864, alors qu'il venait d'être nommé gouverneur du Sénégal, a succombé à la dernière épidémie qui a ravagé Saint-Louis. C'était un officier distingué et bien digne d'hériter de la difficile tâche qu'avait si habilement poursuivie son prédécesseur, le général Faidherbe.

Un jeune géologue, M. Auguste Dollfus, dont les débuts semblaient promettre un brillant avenir, nous a été tout récemment enlevé. M. Jules Marcou, notre collègue, nous a donné, dans le Bulletin, un aperçu de cette vie si courte, mais si intelligente et si généreusement vouée à la science.

Parmi ceux de nos collègues qui appartiennent au corps consulaire, nous avons vu mourir, encore jeune, M. Jablonsky, chancelier du consulat de France à Zanzibar. Il était l'auteur d'une notice courte, mais nourrie de faits, qui figure au Bulletin de novembre 1866, sous le titre de Géographie de l'ile de Zanzibar. Ce travail, qui était de nature à autoriser vos espérances, légitimera aussi vos regrets.

Enfin, vous avez encore perdu, parmi ces hommes qui considèrent comme un devoir d'esprit de s'associer aux efforts de quelque Société scientifique, M. le comte d'Herculais d'Allois, membre de la Société depuis 1851; M. le docteur Vaquez, qui en faisait partie depuis 1854; M. Edmond Marey Monge, qui avait été admis en 1861; M. Desclozeaux, ancien recteur de l'Académie d'Aix, et qui était des nôtres depuis 1863.

A l'étranger, en Belgique, est mort l'un de nos collègues qui consacra une longue vie et une grande fortune au culte des sciences et en particulier de la géographie; c'est Philippe van der Maelen, fondateur et directeur de l'établissement géographique de Bruxelles, d'où sont sorties des cartes dignes, par leur importance, de figurer à côté des productions de la grande cartographie officielle.

Sans parler d'un atlas universel en 400 feuilles (1827), et d'un atlas de l'Europe en 165 feuilles (1829-1830), l'établissement dirigé par Philippe van der Maelen a produit une carte de la Belgique à 1/80000 en 25 feuilles (18371853), et une carte du même pays à 1/20000 en 250 feuilles (1846-1854). Pendant plusieurs années, ces cartes ont été, pour la Belgique, l'équivalent de notre grande carte d'état-major; elles ne seront absolument remplacées qu'après l'achèvement des magnifiques œuvres du Dépôt de la guerre de Bruxelles. Philippe van der Maelen était, depuis 1825, membre de notre Société.

Enfin, messieurs, les noms du chevalier de Martius, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences de Munich, et du chevalier Ferdinand de Luca, viennent s'ajouter au relevé des pertes de cette année. Le chevalier de Martius était, vous le savez, un voyageur naturaliste des plus éminents. L'origine de sa renommée se rattache à l'histoire des premières explorations scientifiques du bassin de l'Amazone. En compagnie du regretté Spix et d'Agassiz, alors au début de la brillante carrière qu'il poursuit, de Martius visitait, de 1817 à 1820, ces contrées aussi curieuses pour la géographie que pour l'histoire naturelle. C'est surtout comme botaniste qu'il s'est distingué, mais il fut aussi l'un des hommes les plus érudits dans la connaissance de l'ethnographie des peuplades de l'Amérique méridionale. Vous n'avez pas oublié, sans doute, qu'il vous adressa, en 1868, l'un des derniers travaux qu'il ait faits sur ce sujet, en l'accompagnant d'une intéressante lettre à notre secrétaire général honoraire, M. MalteBrun. Le docteur Pruner-Bey vous donna, plus tard, un compte rendu substantiel de cet ouvrage intitulé: Contributions à l'ethnographie et à la linguistique de l' Amérique, et spécialement du Brésil. Nous nous honorions, depuis 1853, de voir M. de Martius figurer sur la liste de nos membres correspondants étrangers.

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