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sément le nom d'une ville de la côte du Pérou : Payta. Le chef de ce territoire était un des plus puissants lorsque nous arrivâmes, et nous fit une des plus vives résistances que nous eussions jamais eu à soutenir dans ce pays. Une montagne élevée, qui domine les terres de Payta, porte le nom de Mou, qui en polynésien signifie montagne, et, comme nous le verrons, le langage de ces indigènes présente une forte proportion de mots polynésiens.

Dans le courant de ce mémoire, nous aurons souvent l'occasion de revenir sur des analogies semblables dans les noms des pays qui ont été parcourus par le courant polynésien; il ne m'a point suffi des quelques mots que je viens de citer pour me croire autorisé à tirer mes conclusions.

Nous avons vu que Zuniga mit encore en évidence ce fait linguistique des mots doubles dans les langues chilienne et polynésienne : lemolemo, colocolo, etc.; à la Nouvelle-Calédonie, nous trouvons la même chose dans un grand nombre de mots: goegoe, pelou pelou, koullé koullé, kourou kourou, etc.

Ellis, dans son savant traité, s'exprime encore formellement en ce qui regarde le langage (t. I, p. 119 et 178), et il reconnaît une très-grande analogie entre le polynésien et les langues du Nouveau-Mexique, et de certaines parties de l'Amérique du Sud.

J'emprunte à l'illustre Alexandre de Humboldt, dans son ouvrage sur les langues kawi (t. III, p. 429), un de ses plus remarquables paragraphes sur la question qui nous occupe:

<«< Enfin, dit-il, pour citer un exemple frappant de l'affinité des caractères grammaticaux, la double forme de la première personne du pluriel, indiquant que la personne à qui l'on s'adresse est comprise dans le nous ou bien en est exclue, a été rencontrée dans un grand nombre de langues américaines et avait même été considéré jusqu'ici

comme un caractère spécial à ces langues. Ce caractère se rencontre cependant dans la plupart des langues que nous considérons ici, dans celle des Malais, dans celle des îles Philippines et dans celles de la Polynésie. Dans les langues polynésiennes, il s'étend même au duel, et telle y est d'ailleurs sa forme particulière, que si nous pouvions nous guider uniquement par des considérations logiques, il faudrait regarder ces langues comme étant le berceau et la véritable patrie de cette forme grammaticale. Hors de la mer du Sud et de l'Amérique, je ne le connais pas ailleurs que chez les Mandchoux. »

Morenhout, Marsden, d'Urville sont cependant d'un avis contraire et n'ont jamais trouvé, disent-ils, un seul point d'affinité entre ces langues. Quant à M. d'Eichthal, auquel nous devons une étude linguistique très-complète de la question, non-seulement il a trouvé des ressemblances entre le polynésien et l'américain, mais il fait longuement ressortir les analogies du caribe et de la langue océanienne, ce qui vient encore à l'appui des observations de Zuniga, d'Ellis et de Lang.

V.

PROBABILITÉS DES MIGRATIONS AMÉRICAINES DÉDUITES
DES MOEURS ET COUTUMES GÉNÉRALES.

Nous sommes ici sur un terrain très facile, et pas un seul auteur n'a touché la question sans trouver entre l'Américain et le Polynésien une ressemblance des plus frappantes; je dis plus, tout observateur, parcourant le nouveau monde et l'Océanie, a dû être frappé de la similitude de la plupart des usages de ces peuples; aussi serait-il trop long d'établir ici en détail cette liste comparative, je me contenterai de donner la nomenclature des traits les plus saillants qui se retrouvent chez les deux peuples, en commençant ce résumé par le chapitre si intéressant que le Rev. Lang y consacre:

1° Division bien tranchée en castes;

2. Réunion du pouvoir temporel et spirituel;

3° Langage vulgaire et langage de cérémonie;

4° Méthode identique pour la division des propriétés ; usages de greniers à vivres nommés tabou à la NouvelleZélande et tambo au Mexique;

5o Taxes prélevées par les chefs; à Tahiti, Pomaré III, père de la reine actuelle, provoqua même une rébellion par ses impôts exorbitants;

6o Les travaux de l'industrie mexicaine sont identiques à ceux de tous les Polynésiens;

7° Amour des ornements de plume, similitude de ces ornements au Mexique et en Polynésie;

8° L'étoffe végétale des Tahitiens est la même que le papier des Mexicains;

9o Culture de la terre au moyen d'un pieu;

10° Monuments religieux et sacrifices humains;

11° Cases mexicaines et polynésiennes, sans fenêtres et à une seule ouverture étroite;

12o Des ruines de temples, pyramides, tombeaux, fortifications se rencontrent en Amérique au nord et au sud de l'équateur; leur architecture massive est identique à celle des monuments semblables dont on trouve les débris en Polynésie et qui indiquent une civilisation ancienne. Lang s'étend tout au long sur ce sujet, et rappelle qu'à Tonga il y a un tombeau formé de pierres très-grosses, qui ne sauraient provenir de l'île qui est exclusivement coralligène et ne contient pas une pierre grosse comme un œuf;

13° L'écriture parlante usitée par les Américains et les Polynésiens.- J'ajouterai, à cet égard, que je possède des bambous sur lesquels ont été gravés avec les dents d'un coquillage et par les indigènes les principaux détails d'une de nos expéditions à la Nouvelle-Calédonie, Quant aux Malais, longtemps avant l'arrivée des Portugais, ils possédaient une écriture alphétique;

14° Anthropophagie chez les Américains et les Polynésiens;

15° Réunions en conseil avant de prendre une décision; grande éloquence naturelle.

Les analogies précédentes ont surtout été constatées entre les Polynésiens et les aborigènes civilisés d'Amérique, les Mexicains et les Péruviens; voici maintenant les ressemblances qui existent entre les Polynésiens et les peuplades sauvages du nouveau monde :

1° Les indigènes du Brésil pensent avec les Polynésiens que les souffrances du corps viennent de la présence d'un mauvais esprit ;

2° Suspension des cadavres;

3o Les maories de la Nouvelle-Zélande, comme certaines tribus d'Amérique, mangent les cadavres des chefs;

4o La vengeance est honorée chez les deux peuples ; ils la pratiquent par la ruse et la trahison : l'un arrache la chevelure de son ennemi et la suspend dans son wigwam; l'autre en conserve le crâne qu'il étale au sommet d'une perche devant la porte de sa hutte;

5. Les Néo-Zélandais, les Néo-Calédoniens considèrent comme impures les femmes qui allaitent et les relèguent dans des cases spéciales; ainsi agissent certaines tribus de l'Amérique;

6o Le cava est à Tahiti une boisson fermentée tirée d'une racine, pendant qu'au Brésil et dans la Guyane on fabrique une boisson semblable au moyen d'une racine nommée cassava, singulier rapprochement de nom et d'usage;

7° Pêche du poisson par l'empoisonnement des eaux à l'aide de certaines écorces qui, à la Nouvelle-Calédonie, est celle d'un euphorbiacée.

Mærenhout, qui professe une opinion différente de la nôtre, cite les remarquables rapprochements qui existent entre les mœurs polynésiennes et américaines (vol. II,

p. 241 et suiv.). Bien qu'ils présentent des analogies que nous n'avons pas citées, nous croyons la liste précédente suffisamment longue pour qu'il nous soit permis de n'en pas faire l'analyse.

Ellis, dans ses Polynesian researches, cite encore de nombreux traits de ressemblance entre les deux peuples qui nous occupent; au point de vue du visage, de la couleur de la peau, du tatouage, des sépultures, de la forme et de la structure des masses pyramidales de pierres servant de temples ou de tombeaux, de l'usage du poncho semblable au vêtement polynésien nommé tipouta, des parures de plumes et de fleurs, du nom de dieu Tiou en Amérique, Tii à Tahiti, de la légende qui fait descendre les Incas du soleil pendant que le Tii tahitien en descendait aussi, etc.

M. d'Eichthal, dans ses Études que nous avons citées, établit dans un long chapitre la plus grande similitude de détails entre les modes de sépulture chez les Américains et les Polynésiens; nous trouvons les mêmes faits à la Nouvelle-Calédonie, sauf que dans cette île, suivant que l'élément polynésien domine plus ou moins dans une tribu, on voit s'établir dans ces usages des variantes plus ou moins grandes. Cet auteur rappelle encore l'opinion du docteur américain Mittchell (Société des antiquaires d'Amérique, 1817) qui, après avoir constaté une analogie évidente entre les usages américains et polynésiens, croit pouvoir affirmer que la race des anciens habitants de l'Amérique du Nord, aujourd'hui disparue, n'était autre que la race polynésienne; il s'appuie principalement sur l'examen de plusieurs momies, débris d'un peuple disparu, que l'on trouvait dans des cavernes dans des conditions identiques à celles où se rencontrent les momies polynésiennes des Marquises, et vêtues d'étoffes identiques.

Je terminerai ici l'examen de cette question, il sortirait du cadre de cette note d'y accumuler tous les faits qui

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