Imatges de pàgina
PDF
EPUB

Communications, etc.

NOTICE SUR ANDROS, PAR M. MEYSSONNIER, GÉRANT DU CONSULAT DE FRANCE A SYRA.

COMMUNICATION DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(Direction des consulats et affaires commerciales).

Syra, le 8 décembre 1869.

Andros, aux sources abondantes (hydroussa Andros) est une des principales Cyclades. Depuis Tournefort, qui la visita sous la fin du règne de Louis XIV, elle a peu été explorée. Les savants français, qui accompagnèrent l'expédition de Morée, n'ont, que je sache, rien écrit sur cette île. J'ai donc cru pouvoir vous intéresser en vous en parlant.

Au dire d'Hérodote, les habitants des Cyclades sont en général de race pélasgique; ils furent plus tard appelés Ioniens, par la même raison que les douze villes ioniennes fondées par les Athéniens. Thucydide dit aussi qu'ils étaient Ioniens et sortis d'Athènes. Les Andriens sont donc essentiellement d'origine grecque. Les chefs de la colonie conduite à Andros se nommaient Cencethus et Eurylochus. L'île est située entre les 37° et 38° degrés de latitude, à dix milles au sud-est du cap Mantello. La ville principale, également appelée Andros, se trouve dans la partie nord-est sur des rochers arides, au pied desquels vient battre la mer. Cette ville, d'ailleurs, n'est à proprement parler, qu'un gros bourg, qui compte un peu plus de 2000 âmes; l'île entière renferme d'après les autorités du pays 28 000 habitants. Le climat est des

રા

plus agréables; l'hiver s'y fait cependant un peu sentir quand règnent les vents du nord, et que les plus hautes montagnes se couvrent de neige. L'esprit maritime est très-développé chez les Andriens, qui vivent sur les côtes. Dans le port principal, il existe dans ce moment cent cinquante capitaines marchands, dont les navires vont en Russie prendre des chargements de blé qu'ils portent soit en France soit en Angleterre.

Les principales productions sont les citrons et la soie. On y sèche des figues, qui ont une certaine renommée dans les Cyclades. Chaque citronnier, en pleine venue, peut porter de 1000 à 1500 citrons, qui se vendent en moyenne, de 11 à 13 francs le mille. La culture des oliviers est, comme dans le reste de la Grèce, assez répandue; mais l'ignorance complète des Andriens dans l'emploi des engrais ne permet de retirer des oliviers. qu'une récolte tous les deux ans. Les vers à soie donnaient, il y a peu d'années, un revenu très-considérable qui enrichissait les habitants, et leur procurait une aisance inconnue dans la Grèce continentale; malheureusement la maladie, qui a ravagé nos magnaneries en France, a fait sentir aussi ses funestes effets à Andros, et la récolte de cette année a été presque nulle; c'est, d'ailleurs, le sort de cette industrie en Grèce. Grâce aux recherches et aux travaux de M. Pasteur, on possède aujourd'hui en France un procédé qui a triomphé du mal. Le moyen indiqué par M. Pasteur, me paraît assez simple, pour pouvoir être employé même par les paysans illettrés d'Andros. L'école française d'Athènes possède les éléments pour répandre dans ce pays les meilleurs procédés, qui rendraient bientôt l'aisance perdue. Il s'agirait de conserver, parmi les graines des vers à soie, celles qui examinées au microscope, auraient été déclarées saines. J'ai eu l'occasion de m'entretenir dernièrement avec un des membres de la section des sciences, qui fait partie de notre école

d'Athènes; il venait de parcourir plusieurs des Cyclades. Ce jeune savant m'a dit que créer une éducation modèle serait chose des plus faciles. Les mûriers, d'ailleurs, sont très-répandus à Andros. Une autre maladie fait craindre à ces insulaires de voir tarir la seule ressource qui leur reste maintenant. Les citronniers eux-mêmes sont atteints d'un mal sous l'action duquel le citron tombe flétri avant sa maturité; ce fruit devient amer et impropre à tout emploi. Les citronniers, frappés de cette maladie, ont les racines noires, exhalant une odeur fétide. Ce fléau ne serait-il pas dû à l'envahissement des racines par des champignons microscopiques, analogues à ceux qui ont produit un si grand ravage sur les pommes de terre et sur la vigne? L'examen au microscope des racines, permettrait, peutêtre, de se rendre compte exactement de la nature de la maladie, et de l'arrêter. Les vergers, qui entourent le bourg d'Andros, sont couverts d'orangers, de pêchers et d'abricotiers. Quelques carrés de pommes de terre se montrent çà et là et indiquent que ce précieux tubercule viendrait très-facilement dans l'île. Il serait à souhaiter que cette culture se répandît en Grèce : elle procurerait aux habitants et aux animaux un aliment sain et d'une facile préparation. En se rendant du bourg sur la côte N.-E., on suit des gorges où partout l'on rencontre des citronniers et des mûriers, qui forment de véritables bois. De nombreux villages, autrefois très-aisés, sont disséminés sur tout le parcours; Messaria, résidence de l'aristocratie, et Pytrofas, sont les plus considérables. A mesure qu'on monte sur la chaîne qui divise l'île en deux parties presque égales, les citronniers disparaissent peu à peu et font place aux mûriers seuls.

Au sommet de la montagne, au-dessus de l'emplacement de l'ancienne ville, on rencontre une source abondante qui arrose une partie de l'île; l'origine de cette source, située à une si grande hauteur, a semblé de tout

temps merveilleuse, et les habitants, encore aujourd'hui, sont persuadés qu'elle vient de Carysto (île d'Eubée). D'après M. Gorceix, membre de l'école française d'Athènes, il est facile, en examinant la direction des couches du terrain, de se rendre compte de l'existence de cette source. Des brouillards continuels couvrent le sommet de la montagne, et y entretiennent une humidité considérable; le jour de son passage, il vit même tomber à cette hauteur une pluie assez abondante, tandis que le reste de l'ile en était complétement exempt. La fraîcheur qui règne dans ces parages permet de cultiver la vigne sur les flancs de la montagne, où la sécheresse l'empêcherait de se développer. Ne trouverait-on pas là l'explication de la tradition attribuant à l'eau de cette source la vertu de donner de la force aux vins?

Sur le versant nord-est, on rencontre plusieurs villages, dont l'un appelé Pyrgos occupe l'emplacement de l'ancienne ville. On n'en voit plus de traces; là devaient s'élever des temples en l'honneur de Bacchus, principale divinité de l'île. Il existe une tour vénitienne, qui rappelle seule, avec quelques sculptures italiennes, l'occupation par les Francs. Plusieurs familles portent des noms italiens; aussi le type grec s'est-il un peu modifié, par l'introduction d'un sang étranger. Tous les villages de la partie nord-est sont entourés, comme Andros, d'une forêt de citronniers et de mûriers, qu'arrosent de nombreux ruisseaux. Plus loin, en face de Carysto, se trouve le village de Gavrio composé d'environ trente maisons. Il possède un port d'un excellent mouillage, qui pourrait recevoir de gros bâtiments; mais il faudrait qu'on y fit quelques travaux, peu dispendieux du reste, qui le préserveraient de l'ensablement, et lui donneraient une plus grande profondeur. Il me semble que la population maritime aurait mieux fait de se grouper autour de Gavrio qu'à Andros, qui manque de port. Près de Gavrio appa

SOC. DE GÉOGR. - FÉVRIER 1870.

XIX.

11

raissent des assises de marbre, en général de couleur grise; M. Gorceix en a vu de blanchâtres, qui pourraient servir à une exploitation fructueuse. Les rochers qui constituent l'île se composent de micaschiste et de gneiss.

Dans ce moment il règne en Grèce une espèce de fièvre métallique qui m'a fait me demander si l'île d'Andros ne serait pas, elle aussi, riche en minerais; mais, au dire des personnes les plus compétentes, on n'y trouve rien qui puisse tenter les mineurs; çà et là on aperçoit dans les champs des fragments de limonite (je parle surtout des environs de Gavrio), dont l'exploitation n'offre pas de grande chance de succès. Ce qui peut-être a éloigné les habitants du port de Gavrio, c'est que dans son voisinage les plantations ne réussissent pas; les paysans, pour obtenir un peu d'orge et de blé, sont obligés de retenir les terres à l'aide de murailles. Si vous parcourez la partie de l'île qui regarde l'Eubée, vous franchirez plusieurs vallons semblables à ceux des environs de la ville d'Andros. Au sud-est, du côté de Tinos, la terre est encore moins fertile; on n'y trouve qu'un seul village important, celui de Corthi; les seuls arbres que l'on y rencontre sont groupés autour du village, et comme les pentes y sont trèsroides, il n'a même pas été permis aux cultivateurs de retenir les terres avec des murailles, comme le pratiquent les Gavriotes. Là quelques bestiaux sont parqués dans de misérables champs et constituent la seule richesse des habitants de Corthi.

Comme aspect général, l'île d'Andros est moins riante et moins cultivée que celles de Naxos et de Tinos; mais, comparée aux rochers de Syros et de Youra, elle semble d'une grande fertilité. Les croupes arrondies de la chaîne de montagnes qui constitue l'île, la nature du sol, rappellent, ce me semble, une partie du plateau central de la France, et je crois que les Andriens feraient bien d'essayer de planter des châtaigniers et certaines essences

« AnteriorContinua »