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concurrents, déjà en possession de nos dépouilles, et les Français résolus à les supplanter. Aux efforts des pourvoyeurs intéressés se joignit bientôt la préférence marquée de la haute société mexicaine pour certaines classes de nos produits, telles que les soieries, les modes, les spiritueux, la librairie, les articles de Paris.

Dès l'année 1843, la colonie française avait déjà reconquis tous ses avantages lorsqu'elle fut de nouveau mise en péril par le général Santa-Anna, qui venait de ressaisir les rênes du gouvernement. Le décret du 21 septembre, uniquement dirigé contre les Français, interdisait le commerce de détail aux étrangers, en exceptant seulement ceux qui accepteraient la naturalisation mexicaine, ou épouseraient une femme du pays dans le délai de six mois.

Malgré l'affreuse perturbation qu'une semblable mesure venait si brusquement jeter dans leurs affaires, nos résidents ne voulurent ni renoncer à leur nationalité, ni épouser des Mexicaines. Beaucoup placèrent leurs maisons sous des noms de complaisance, d'autres reprirent le chemin de la France.

Fort heureusement cette persécution se ralentit peu à peu, et les mesures prohibitives arrivèrent à ne plus s'exécuter qu'avec tiédeur. Ce décret de 1843 n'en avait pas moins causé la ruine d'un grand nombre de maisons françaises, et il rappelle encore l'une des plus mauvaises phases de la résidence de nos compatriotes au Mexique.

Peu après la reprise de leurs affaires, eut lieu la chevaleresque catastrophe du comte de Raousset-Boulbon, qui ne porta aucun préjudice à la colonie française. Loin de là, le patriotisme que nos nationaux déployèrent en cette circonstance ne fit que les grandir dans l'esprit des Mexicains.

Il en fut de même de leurs manifestations à l'occasion de nos succès durant les campagnes de Crimée et d'Italie.

Bien mieux, lors de la grande fête donnée par la colonie française, en souvenir de la prise de Sébastopol, la ville de Mexico voulut s'associer à nos démonstrations en offrant spontanément les locaux affectés aux réjouissances nationales.

Enfin, arriva l'intervention de 1861, dont nous ne saurions nous occuper ici, car il faudrait aborder un côté de la question qui m'est interdit dans cette enceinte. Je me bornerai à dire que, d'après mon évaluation, nos nationaux devaient être au nombre d'environ dix mille sur le territoire du Mexique au moment de l'intervention.

Ayant ouï dire que les autres étrangers établis au Mexique y étaient, pendant les époques des troubles, moins fréquemment pillés que les Français, quelques personnes en ont voulu conclure que nos résidents n'apportaient peut-être pas, dans leurs rapports avec les gens du pays, toute la condescendance désirable. Ce soupçon est tout à fait dénué de fondement, et nos succès, dans le commerce de détail, attestent nos bonnes relations avec toutes les classes de la population.

La vérité est que cette apparente prédilection pour nos compatriotes provient tout simplement de leur genre d'affaires le plus habituel.

Excepté les Espagnols qui y comptent quinze mille sujets, les autres résidents étrangers sont bien moins nombreux que nous au Mexique, et on ne les trouve pas disséminés partout comme les Français.

On ne sait point assez en France que la plupart des industries exercées dans le Mexique moderne y ont été implantées par des Français. Ce sont nos résidents qui y ont relevé la culture de la vanille, du tabac, du coton même, qu'avait perdue l'Espagne. A l'exception des sucreries, de quelques fabriques de tissus grossiers et du travail des anciennes mines d'argent, encore aux mains des Espagnols et des Anglais, les usines de toutes sortes

étaient, avant l'intervention, exploitées par les Français, qui, d'un autre côté, faisaient presque exclusivement le commerce au détail des marchandises exotiques.

Ainsi, nos résidents étaient répandus dans chaque province. Il n'était pas de ville où l'on ne rencontrât quelques magasins français, ornementés, badigeonnés, étiquetés de façon à provoquer l'attention des chalands.

Dès qu'ils étaient partout, et que l'on savait toujours où les trouver, il était naturel qu'ils fussent pillés plus souvent que leurs concurrents anonymes. Pour faire une récolte de piastres dans une localité quelconque, il suffisait de forcer les comptoirs français.

C'est une simple page de géographie historique dont je viens de vous faire l'exposé. Mon principal désir a été d'appeler votre intérêt sur ces courageux enfants de la France qui vont au loin servir leur pays par d'autres moyens que vous, sans doute, mais qui, néanmoins, deviennent d'utiles auxiliaires pour vous et les vôtres. Car ceux-là ne se sont point laissé mordre au cœur par Findifférentisme tout ce qui se rattache à la mère patrie leur est cher, et alors que des frères préférés absorbent toute son affection, ils demeurent bons Français quand

même.

Dans un second chapitre, si vous me le permettez, j'aurai l'honneur de vous dire quelques mots de l'extension et de l'influence de la race française dans le nouveau monde.

NOTE SUR LA RÉVISION ET LE PROLONGEMENT DE LA MÉRIDIENNE DE FRANCE, PAR C. MAUNOIR (1).

L'Académie des sciences de Paris a eu la gloire et l'honneur de projeter et d'entreprendre les premières expéditions scientifiques destinées à faire connaître la forme de la terre. En 1736, la Condamine, Bouguer et Godin furent envoyés au Pérou pour y mesurer un arc de méridien de 3 degrés d'amplitude; la même année, Maupertuis et Clairaut effectuèrent en Laponie la mesure d'un arc d'un degré. En 1750, la Caille mesurait un arc d'un degré environ au cap de Bonne-Espérance (2). Plus tard, en 1792, Delambre et Méchain, aidés de l'habileté technique de Borda et du génie de Laplace, exécutaient la mesure d'un grand arc de méridien compris entre Dunkerque et Barcelone, mesure dont les résultats ont servi à la détermination de la nouvelle unité de longueur ou base du système métrique. En 1805, Biot et Arago prolongèrent cette méridienne jusqu'à l'île de Formentera.

Vers la même époque, les ingénieurs anglais effectuaient la triangulation de la Grande-Bretagne, et calculaient la longueur du méridien de Greenwich par une amplitude de 9° 56′. Cette mesure pouvant être regardée en quelque sorte comme la continuation des opérations françaises, on songea bientôt après à réunir, à travers le détroit, les triangulations de la France et de l'Angleterre. Arago et M. Mathieu furent chargés d'exécuter ce travail, mais leurs observations ne furent pas publiées par suite

(1) Communication adressée à la Société dans sa séance du 6 mai 1870. (2) Les opérations de la Caille ont été récemment reprises par le savant astronome de la ville du Cap, M. Maclear.

d'un accident funeste qui en a fait perdre les résultats. Ce n'est qu'en 1861 et 1862 que la jonction des deux triangulations a pu être opérée, simultanément et séparément, par les ingénieurs anglais et par les officiers d'état major du Dépôt de la guerre.

Ce dernier travail accompli, la méridienne de France s'étend d'une manière continue depuis les îles Shetland jusqu'à l'ile Formentera, par une amplitude de 22° 40 qui se décompose ainsi des îles Shetland à Dunkerque, 10 degrés; de Dunkerque à Perpignan, 8° 20'; de Perpignan à Formentera, 4o 20'.

Une mesure d'une si grande étendue donne déjà des indications très-précieuses et très-approchées sur la forme de notre sphéroïde; mais elle peut être prolongée encore et fournir ainsi des données plus précises.

On sait, en effet, que les officiers espagnols ont commencé la triangulation de leur pays; les officiers français, de leur côté, ont exécuté, en Algérie, une chaîne de grands triangles du premier ordre qui s'étend des frontières de Tunis aux frontières du Maroc, et ils ont amorcé en outre une chaîne méridienne qui s'étendra d'Alger à Laghouat, à peu près sur le méridien de Paris. Si donc il est possible de relier entre elles, par-dessus le détroit, les triangulations de l'Espagne et de l'Algérie, on pourra prolonger la méridienne de France jusqu'aux extrêmes limites de nos possessions algériennes, et obtenir ainsi un arc mesuré d'une amplitude de 28 degrés environ.

Pendant longtemps on a douté de la possibilité d'exécuter le réseau de triangles qui doit relier l'Espagne à l'Algérie, mais le doute n'est plus permis. Le colonel Levret a montré par des calculs simples, en partant des altitudes approchées des sommets d'Espagne et d'Algérie, que la jonction des deux réscaux était mathématiquement possible (Note insérée dans le Mémorial du Dépôt de la guerre, tome IX). Mais, entre des appréciations théo

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