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ACCOMPAGNÉE

DE TRADUCTIONS ET D'IMITATIONS

EN PROSE ET EN VERS

Des passages les plus remarquables de : Le Roi Jean, Richard II, Henri IV, Ire et 11e partie; Henri V, Henri VI, Ire, 11e et IIIe partie; Henri VIII, le Roi Lear, Cymbeline, Troïlus et Cressida, les deux Gentilshommes de Vérone, Mesure pour Mesure, Beaucoup de bruit pour rien, Peines d'amour perdues, Comme il vous plaira, la méchante Femme corrigée, Tout est bien qui finit bien, le Conte d'hiver, les Méprises, Timon d'Athènes, Périclès, les joyeuses Commères de Windsor;

PAR

MM. DE CHATEAUBRIAND, Casimir DELAVIGNE, DUPATY, Alex. DUVAL, Guizot, Jay, DE JOUY, Nepomucène LEMERcier, de PongeRVILLE, VILLEMAIN, de l'Académie française; FAURIEL, LE BAS, NAUDET, Paulin PARIS, de l'Institut; ARTAUD, Casimir BONJOUR, CHARPENTIER, Philarète CHASLES, Charles COQUerel, Cretté, Émile DESCHAMPS, DUBOIS (du Globe), Paul DUPORT, J. FONTENELLE, Ernest Fouinet, GERUSEZ, LEROUX DE LINCY, Mennechet, MÉZIÈRES, DE MONTIGNY, NISARD, Amédée PICHOT, POUJOULAT, comte Jules DE RESSEGUIER, Léon DE WAILLY, etc.

Mesdames Louise Sw. BELLOC, comtesse DE BRADI, princesse de Craon, Louise COLET, Desbordes-ValmoRE, princesse Constance DE SALMDYCK, George SAND, Anaïs SÉGALAS, Amable TASTU, etc., et

D. O'SULLIVAN,

DIRECTEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE ANGLO-FRANÇAISE,
Professeur au college royal de Saint-Louis.

En publiant les chefs-d'œuvre de Shakspeare dans ma Bibliothèque Anglo-Française, j'ai cru n'y devoir com

prendre que Richard III, Roméo et Juliette, le Marchand

de Venise, Othello, Hamlet, Macbeth, Jules César et la Tempête. Plusieurs littérateurs, en partageant mon opinion, ont pensé qu'il serait bien de donner une analyse raisonnée de toutes les autres pièces, afin d'offrir une idée complète des travaux du tragique anglais. Depuis longtemps j'avais eu moi-même cette pensée, et je me proposais de la réaliser sous le titre d'Études sur Shak speare. J'ai donc été obligé d'abréger quelques-unes de ces notices, afin de les renfermer toutes dans un cadre plus étroit. En recourant à mes collaborateurs de la Galerie des Femmes de Shakspeare, j'ai dû sacrifier aussi plusieurs de mes notices, afin d'introduire ici celles de ces écrivains distingués.

Je dois ajouter que, le plus souvent, je n'ai fait qu'encadrer dans mes observations leurs remarques, traductions, ou imitations. En agissant ainsi, je crois donner une preuve convaincante qu'en plaçant à la tête de ma Bibliothèque les noms d'un grand nombre de célébrités littéraires, j'étais assuré de leur collaboration, et qu'à l'exemple de tant de publications, je ne les jetais point au public comme un appât trompeur.

D. O'SULLIVAN.

NOTICES.

Shakspeare ne tire pas de la mine de l'histoire des métaux précieux pour en altérer la pureté; il les frappe d'effigies et de légendes marquées à son propre coin : il en ôte la rouille, il les purifie et leur rend tout leur éclat; de sorte que l'histoire conserve sous sa plume le brillant de l'or le plus pur,

La vérité, partout où elle se manifeste, doit être sacrée : telle était la pensée de Shakspeare; aussi n'a-t-il pas porté une main profane sur ses autels. Il a compris que la tragédie, la majestueuse tragédie, est digne de se placer devant le sanctuaire de la vérité et d'être la prêtresse de ses oracles. Il n'a point ignoré non plus que tout ce que la religion a de saint et de sublime, tout ce qui est aimable ou grave en fait de vertu, tout ce qui excite la pitié dans la faiblesse et le sublime dans la force, ou le terrible dans la perversion de l'esprit humain, est du domaine de la tragédie. Sibylle et muse tout à la fois, elle tient ouvert le livre des destinées humaines, et elle est l'interprète de ses mystères. Ce n'est donc pas pour ridiculiser les chagrins sérieux de la vie réelle, qu'elle les revêt de ses riches et somptueux habits, et nous les présente comme des puissances évoquées de la poussière et des ténèbres, pour éveiller les sympathies généreuses, la terreur, ou la pitié des hommes. Ce n'est pas pour ajouter à la douleur que, comme source d'émotions, elle a une existence réelle en représentant les torts et les souffrances, le crime de lady Macbeth, le désespoir de Constance, les artifices de Cléopâtre et la détresse de Catherine; mais pour ajouter infiniment à l'effet moral, comme sujet de méditation et leçon de conduite.

Ces observations deviendront plus claires par l'examen des caractères suivants, que l'histoire nous a tracés.

LE ROI JEAN.

(La scène se passe en Angleterre.) Châtillon, ambassadeur du roi de France, Philippe Auguste, réclame de Jean-Sans-Terre, au nom de son souverain, le trône d'Angleterre pour le jeune Arthur Plantagenet de Bretagne. Jean refuse, et se dispose à défendre son usurpation par les armes. Alors survient Philippe Falconbridge, bâtard de Richard Cœur-de-Lion, création bizarre et chevaleresque qui jette de la vie et du mouvement dans tout le drame. Il suit le roi Jean en France, pour combattre Philippe Auguste, qui a promis à la reine Constance, mère d'Arthur, de replacer son fils sur le trône d'Angleterre. Mais, au lieu d'une guerre, c'est une fête qui s'ouvrira. Après des menaces de part et d'autre, Jean offre d'unir sa nièce à Louis, fils du roi de France. En apprenant ce traité dicté par la peur, Constance maudit les rois qui abandonnent son fils. Le nonce du pape reproche à Philippe de s'allier à un excommunié; la guerre se rallume, et Jean-Sans-Terre, vainqueur, livre le jeune Arthur prisonnier à Hubert, un de ses partisans, qui lui promet de håter sa mort. Constance est en proie au désespoir. Cependant, Hubert se laisse attendrir par les paroles du royal enfant; il lui laisse la vie : mais il faut que son oncle le croie mort. Constance vient de finir ses jours, en France, de douleur; et le fils de Philippe Auguste arrive en Angleterre pour combattre Jean. Les lords et le peuple murmurent contre l'usurpateur, et lui reprochent la mort d'Arthur. Le jeune prince s'est tué en voulant descendre des murailles de sa prison. Ranimé par Falconbridge, Jean-SansTerre se dispose à combattre les Français, qui, aidés de plusieurs seigneurs anglais, restent maîtres du champ de bataille. Tout à coup le roi Jean, atteint de souffrances que l'on attribue au poison, meurt. Son fils, le prince Henri, conclut la paix avec le Dauphin.

Shakspeare, comme tous les grands poëtes, dessine à larges traits ses créations. Souvent il les indique dans un vague qui échappe à l'esprit, mais qui, par un miracle dont le génie seul a le secret, s'identifie avec notre âme et s'y grave à jamais. Un seul vers, un seul mot parfois, nous peint une femme dans Shakspeare; l'on retrouve, dans sa poésie ces couleurs incisives quoique flottantes, d'où s'échappe, dans l'épopée du Dante, la Francesca di Rimini. Quelques accents suffisent aux grands poëtes pour donner un corps à leur idéalité; et ces formes qui nous semblent indécises, en les lisant, ont un charme infini dans le vaporeux lointain du souvenir. Ainsi, Shakspeare nous montre à peine Constance, et pourtant il nous la révèle tout entière. Constance, c'est un des plus beaux types de femme trouvés par le poëte tragique. Elle a inspiré Mérope et Jocaste dans leurs douleurs maternelles.

Qui n'a lu, dans nos vieilles chroniques, la vie touchante et la mort tragique d'Arthur de Bretagne? Constance, c'est la mère de ce royal enfant; elle veut lui rendre un trône; elle souffre de ses misères; elle implore pour lui l'appui des rois ; elle espère..... Elle passe par toutes les émotions, par toutes les angoisses; ses sentiments débordent en poésie sublime; quand les rois l'abandonnent, elle s'indigne comme une reine, elle se plaint comme une femme, elle pleure comme une mère; puis entourant son fils de ses bras, elle se précipite sur la terre et s'écrie:

<< Mon chagrin se revêt d'un orgueil légitime;
Car le malheur rend fière et roidit sa victime.
Que les rois maintenant s'assemblent sans pudeur
Devant la majesté de ma grande douleur.
Ma douleur, désormais immense et solitaire,
Est si lourde à porter qu'il n'est plus que la terre
Qui puisse sur son axe en soutenir le poids.
Seule avec ma douleur, sur son sein je m'asseois;
C'est le trône ou vivra ma royauté nouvelle;
Dis aux rois de venir se courber devant elle! »

Et plus loin:

«< Armez-vous, armez-vous contre ces rois parjures!
Cieux! voyez ma douleur, et vengez mes injures!
Une veuve vous crie: O cieux! déchaînez-vous,
Défendez l'orphelin ; tenez-moi lieu d'époux! >>

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