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Que l'une de vos sœurs sur moi veille dans l'ombre,
Mais avant, toutefois, d'aller dans la nuit sombre
Cherchez vos ennemis;

Chantez, qu'un air de fée à mon gré se prolonge,
Et ce charme puissant fera descendre un songe

Sur mes yeux endormis !

Mme AMABLE TASTU.

Le chant est également dans le caractère de cette mythologie, et s'adapte admirablement à la vérité et à l'essence de la poésie. Il empêche l'approche de tout insecte ou reptile qui aurait pu nuire au repos d'un être aussi délicat et aussi petit, et l'on invoque Philomèle pour qu'elle vienne ajouter ses accords délicieux à la douce mélodie des voix des fées :

Choeur de Fées.

Bercez, bercez la jeune souveraine,

Doux bruit des vents, du feuillage, des eaux,
Doux rossignols, bercez, bercez la reine,

Bercez la reine et charmez son repos.

Prem. Fée. Je veille ici; fuyez, impurs reptiles,

Sec. Fée.

Choeur.

Souples lézards, vous, insectes agiles,
Cuirassés d'or!

N'agite plus, folâtre sauterelle,

L'herbe nouvelle;

Faible grillon, tais-toi, la reine dort.

- Pour en former des parures légères,
Je cours ravir aux jeunes primevères,
Tous leurs rubis.

Ces tendres fleurs, frêles joyaux des fées,
Sont mes trophées;

Et notre reine en sème ses habits.

Bercez, bercez la jeune souveraine,

Doux bruit des vents, du feuillage, des eaux;
Doux rossignols, bercez, bercez la reine,
Bercez la reine et charmez son repos.

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Pour l'agiter, sur sa tête sacrée,

Je m'armerai de l'aile bigarrée

Des papillons;

Ou lui cachant la nocturne lumière,
De sa paupière

J'écarterai ses importuns rayons.

Sec. Fée. J'irai chercher les aigrettes mobiles,

Brillant duvet de ces globes fragiles

Que les amants

Soufflent parfois d'une inquiète haleine,

Choeur.

Et que la plaine

Voit fuir moins vite, hélas! que leurs serments.
Bercez, bercez la jeune souveraine,

Doux bruit des vents, du feuillage, des eaux;
Doux rossignols, bercez, bercez la reine,
Bercez la reine et charmez son repos.

Mme AMABLE TASTU.

De toutes les considérations précédentes, nous pouvons conclure que la patrie du système populaire mythologique des fées en Angleterre fut la péninsule scandinave; qu'après son admission dans ce pays il subit graduellement diverses modifications de l'influence du christianisme, de l'introduction des associations classiques, de la prédominance des mœurs féodales; et qu'en dernier lieu deux systèmes s'établirent, l'un en Écosse, fondé sur la partie la plus sombre et la plus terrible de la mythologie gothique, l'autre en Angleterre, construit il est vrai sur le même modèle, mais converti par le génie de Shakspeare en une des plus délicieuses créations d'une imagination badine. Il a rendu populaire en Angleterre un système de mythologie féerique dont la tradition était obscurcie, sinon perdue; tel a été le succès du poëte en étendant et coloriant les germes de la féerie gothique, en donnant à ses minces agents de nouveaux attributs et un nouveau pouvoir, en revêtant leur ministère des images les plus légères et les plus exquises, que ses caractères et ses portraits sont tellement séduisants, tellement liés entre eux, qu'ils sont parvenus jusqu'à nous avec toute leur grâce et leur naïveté première.

Il est vrai que le canevas qu'il a d'abord étendu s'est ensuite déployé, et que de nouveaux groupes ont été introduits; mais on a invariablement suivi l'esquisse et le mode de coloris qu'il a employés. Il suffira au lecteur de jeter les yeux sur quelques passages principaux du poëme intéressant dont nous faisons l'analyse pour voir avec quelle grâce, avec quelle fécondité d'invention et quel charme d'expression il a présenté sous un jour nouveau, orné et embelli ces fantômes de la mythologie gothique.

Les fées de Shakspeare étaient non-seulement les amies et les protectrices de la vertu, mais elles punissaient aussi les crimes

la sensualité, contrairement à l'idée qu'on avait alors de leur origine infernale; elles étaient les patronnes déclarées de

la piété et de la prière. Ce grand génie a répandu sur toutes ces créations imaginaires une telle variété d'images dans la description qu'il fait du caractère et des personnes, des mœurs et des occupations de ses fées, qu'il semble que le pinceau du poëte fut lui-même enchanté.

D. O'SULLIVAN.

LA TEMPÊTE.

Après Macbeth, la Tempête est sans contredit la plus belle production du génie de Shakspeare. Jamais le sauvage et le merveilleux, le pathétique et le sublime ne furent plus artistement ni plus gracieusement combinés avec les saillies brillantes d'une imagination enjouée, que dans ce drame enchanteur et si plein d'attraits. Il est à remarquer, qu'il renferme, quant au plan et à l'unité d'action, toutes les qualités d'un poëme classique de l'ordre le plus élevé; les règles de l'art y sont exactement observées. En effet, l'action principale est le rétablissement de Prospero dans ses premières dignités; les épisodes sont l'union de Ferdinand et de Miranda, la punition temporaire du coupable, et la réconciliation de tous les personnages. L'action est simple, entière et complète. Le lieu est une petite île et, pour la plupart du temps, la grotte de Prospero ou son voisinage immédiat; le poëte a soin de nous informer deux fois, dans le dernier acte, que le temps employé à la représentation n'a pas excédé trois heures. Cependant, dans ce court espace de temps, on voit, sans aucune violation de probabilité, les incidents les plus extraordinaires se succéder, et le plus singulier assemblage de caractères que l'imagination, dans son humeur la plus

capricieuse, ait jamais enfantés. Un magicien possédant le pouvoir le plus terrible et le plus étonnant; un esprit aérien beau et bienveillant; un lutin hideux et méchant, réunissant la nature du sauvage, du démon et de la brute; une femme jeune et aimable qui n'a jamais vu d'autre homme que son père; voilà les habitants d'une ile qui n'est fréquentée que par les créatures fantastiques du nécromant Prospero.

Une grandeur solennelle et mystérieuse enveloppe ce personnage depuis sa première apparition jusqu'à la fin. A la magie vulgaire du temps se joint en lui une certaine dignité morale, une sagesse philosophique qui lui donne une élévation et un air de sublimité dont on ne l'aurait pas cru d'abord susceptible.

La simplicité exquise, l'ingénuité, la confiance sans bornes de Miranda, unies à la plus grande douceur, et une amabilité parfaite de caractère, répandent sur les scènes entre elle et Ferdinand un calme et une fraîcheur angéliques. La conception de ce personnage si singulièrement placé n'est pas moins frappante que la manière dont il est soutenu dans toute la pièce.

Quant au portrait si gracieux, si inimitable d'Ariel, quelle langue pourrait en faire un digne éloge? Toutes ses pensées, toutes ses actions, ses passe-temps, ses occupations ne peuvent convenir qu'à un être de la plus haute sphère, d'une nature plus sublime, plus éthérée que la nature humaine. Les paroles mêmes qu'il profère, ou plutôt qu'il chante, semblent avoir rapport à des choses qui ne sont point de notre monde, et forment des sons qui n'appartiennent point à la terre. A cette essence élégante et sylphique le poëte oppose Caliban, monstre né sorcier, une des plus étonnantes productions d'un esprit inépuisable dans la création de tout ce qui est nouveau, original et grand. Engendré d'un diable et d'une sorcière, difforme, prodigieux et obscène, ne respirant que malice, sensualité et vengeance, ce composé effrayant, cependant, par la vigueur poétique de son langage et de ses pensées, intéresse l'imagination. L'expression de ses passions ou de ses malédictions est couverte des images tirées de tout ce qu'il y a d'horrible, de mystérieux ou de repoussant; même dans ses moments de gaieté, il soutient son caractère en alternant ou unissant, mais avec une admirable harmonie, le style barbare, grotesque et romantique.

Voici l'analyse de ce drame et le portrait de Miranda, par l'élégant traducteur de Lucrèce et de Milton, M. de Pongerville.

« Prospero, duc de Milan, préférant le savoir cabalistique à l'art de régner, se laisse détrôner par son frère Antonio. Banni, errant sur la mer avec son enfant, la jeune Miranda, Prospero aborde une île déserte qui appartenait à une espèce de sauvage amphibie nommé Caliban, fils monstrueux d'un génie anéanti par les esprits des airs. Prospero asservit ce Caliban, qui devient son esclave. Dans l'île, un esprit aérien était enfermé dans l'écorce d'un arbre; la science magique de Prospero le délivre. Celui-ci se nomme Ariel, et se consacre par reconnaissance au service de Prospero. Caliban est le serviteur grossier attaché à la terre; Ariel, pure intelligence, exécute les volontés de son maître dans les airs. Ces deux personnages, par un admirable contraste, représentent l'abrutissement de l'ignorance et du vice et la légèreté vive et brillante de l'intelligence. Miranda, dans son désert, choyée par l'amour de son puissant père, devient à quinze ans une merveille de beauté, d'innocence et de grâces. Alonzo, parvenu au trône de Naples, son fils Ferdinand, Antonio, l'usurpateur de Milan, et Sébastien, frère du roi, traversent la mer. Prospero l'apprend par son art; il commande à son serviteur Ariel de soulever une tempête qui jettera dans l'île sa famille coupable. L'ordre s'exécute; les voyageurs, séparés par le naufrage, sont à leur insu portés sur la rive. Ferdinand devient le compagnon d'esclavage de Caliban; il est soumis à de rudes travaux. Miranda l'aperçoit; elle le plaint, le contemple et le protége. Inspiré par Prospero lui-même, un violent amour les embrase tous deux. Le roi de Naples, Sébastien, Antonio et leur suite errent dans une autre partie de l'île, surveillés par des esprits invisibles. Le perfide Antonio conseille à Sébastien de tuer le roi pendant son sommeil. Ariel, envoyé par Prospero, éveille le roi; les traîtres remettent l'exécution de leur forfait à la nuit suivante. Les voyageurs, pressés par la faim, se placent à une table que plusieurs fantômes avaient couverte de mets; mais Ariel, sous la forme d'une harpie, leur reproche leurs forfaits, leur annonce que les dieux vengent ici le crime qu'ils ont commis envers Prospero; puis il disparaît au bruit du ton

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