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Tu règnes sur mon cœur,

toi! Viens là, mes amours ;

Viens, je te donnerai pour tes pages des fées
Couvertes d'ambre et d'or, et de perles coiffées,
Elles t'iront chercher, dans l'abime des eaux,
Mille joyaux sacrés que n'ont point vus les hommes;
Puis elles chanteront, durant tes légers sommes
Sur un doux lit de fleurs caressé de roseaux;
Et je saurai si bien, par ma toute-puissance,
Épurer, en jouant, aux flammes d'un éclair,
Les éléments grossiers de ton humaine essence,
Que tu prendras le vol d'un jeune esprit de l'air!
Hola, Fleurs de pois, Mite, et Graine de moutarde,
Et Toile d'araignée! allons, et qu'on ne tarde!

(Quatre Fées se présentent.)

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Quatr. Fée. - Et moi, reine. Où faut-il aller?

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Voilà mon roi

Et le vôtre. Soyez aimables et polies
Pour ce fils de la terre, et faites-vous jolies;
Chantez autour de lui; dansez devant ses pas.
D'abricots savoureux, de la grappe des treilles,
De mûres au sang noir et de pêches vermeilles,
Et de figues toujours composez ses repas.
Dérobez tout leur miel aux fécondes abeilles,
Pour tempérer son vin de Crète ou de Naxos :
Et dévalisez-les de leurs cires pareilles,
Dans leur cuisse gonflée, à la moelle des os,
Pour en faire un flambeau, nocturne météore,
Que vous allumerez à l'œil du ver luisant,
Et qui caressera d'un rayon complaisant
Le songe ou le réveil du mortel que j'adore!
Des insectes, de l'ombre et du silence amis,
Arrachez doucement les ailes bigarrées,
Pour écarter, avec leurs gazes colorées,
Les longs dards de Phœbé de ses yeux endormis.
Esprits, inclinez-vous comme devant un mage,
Et d'un culte divin prodiguez-lui l'hommage.
·Salut, mortel, salut !

Salut!

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Portez-le sous mon myrte en berceau..... Prenez garde......
Bien... La lune d'un œil humide nous regarde,

Et, quand son chaste front laisse tomber des pleurs,
C'est qu'elle plaint, hélas! la jeunesse des fleurs,
Si rapide sourire, ou qu'elle se lamente

Sur quelque vierge en peine et qui devient amante.
Dors, mon enfant, je vais t'enfermer dans mes bras!
Allons, dispersez-vous, sylphides, fuyez toutes.
Ainsi le chèvre-feuille en amoureuses voûtes
Se courbe et s'entrelace... Oh! va, tu m'aimeras!
Ainsi dans ses anneaux la liane avec force
De son sauvage époux emprisonne l'écorce.
Oh! j'ai soif de ton souffle embaumé. Laisse-moi
Boire ce pur nectar de ta lèvre chérie...

Je donnerais, vois-tu, pour un baiser de toi,
Tout mon royaume de féerie!

>> On ne saurait croire comme toute cette poésie est délicieuse dans Shakspeare! Puissé-je du moins avoir donné l'envie de l'y aller chercher à quelques personnes sagaces qui devinent une douce ressemblance à travers un portrait grossier, et une taille divine sous un informe domino!

>> Enfin Obéron, après avoir obtenu son nain par subterfuge, lève le charme qui pesait sur les yeux de la reine et changeait son cœur. Ils reprennent l'un pour l'autre leur premier et immortel amour, et vont håter les trois noces athéniennes ; puis ils s'évaporent avec tout leur peuple de fées et d'esprits; car le vent du matin se lève et le coq a chanté. »

ÉMILE DESCHAMPS.

On a reproché à cette pièce le défaut d'intérêt. Mais n'at-elle pas tout celui qu'un conte de fées peut avoir? Il ne faut pas aller chercher dans les aventures d'Hermia et d'Hélène l'histoire d'une passion profonde, avec toutes les alternatives de la haine et de l'amour, de la jalousie et de la vengeance; de pareils traits ne conviennent pas à des personnages qui figurent à côté de ces esprits vifs, enjoués et badins, qui se nourrissent de rosée et se reposent sur la corolle des fleurs.

D'ailleurs, les malheurs aussi bien que le bonheur des amants sont on partie l'ouvrage du génie Obéron, et l'on ne peut éprouver un sentiment d'intérêt profond pour la victime d'une misère humaine quelconque, quand l'auteur qui nous la représente est forcé, pour la soulager, de recourir à une intervention surhumaine. Chez Shakspeare, les événements purement humains sont abandonnés à leur cours naturel le meurtrier traîne avec lui ses remords et son châtiment; le spectre dans Hamlet, et les sorcières dans Macbeth, quoique donnant l'impulsion principale à l'action, n'interviennent jamais dans le dénoùment; ils font agir leur héros; ils le poussent et le dirigent, sans jamais seconder ou retarder ses entreprises; les résultats seraient les mêmes avec ou sans leur intervention.

L'épisode où le poëte nous représente tous ces artisans d'Athènes exerçant leur industrie est un caprice de l'imagination la plus enjouée. Peut-on concevoir en effet rien de plus grotesque et de plus bizarre que cette troupe de comédiens, que Bottom et ses ridicules compagnons? Quoi de plus plaisant que ce tisserand histrion qui nous informe qu'il n'est point Pyrame, mais Bottom le tisserand, et que Snug le menuisier n'est point un líon, mais un homme comme les autres hommes? Ce n'est pas là le seul trait de satire que lance le poëte contre les chausseurs de cothurne et de brodequins : leur ignorance et leurs ridicules sont très-sévèrement critiqués dans Hamlet; leur présomption et leur vanité sont admirablement mises au jour par Bottom qui, en sa qualité de premier acteur pourrait seul remplir les rôles principaux, et qui, bien qu'il ait une figure douce, ayant les airs et les manières d'un gentilhomme aimable, peut également rugir comme un lion, et roucouler comme une colombe.

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Oberon. Je brûle de savoir si sur l'herbe émaillée
Titania ravie au jour s'est éveillée;

Je brûle de savoir quel objet s'est offert

A son premier regard, quand son œil s'est ouvert.
Quel que soit cet objet, il faut qu'avec démence
Elle l'aime. Voici mon sylphe qui s'avance.

Eh bien! folâtre esprit, quels lieux as-tu hantés,
Quels jeux prépares-tu dans ces bois enchantés ?...
Puck. Le charme a réussi; notre reine est éprise

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D'un monstre qu'elle croit un dieu dans sa méprise.
Tandis qu'elle dormait dans un calme profond,
Des artisans grossiers, des malotrus qui font
Les travaux les plus vils aux échoppes d'Athènes,
Dans ces bois en plein air parodiaient les scènes
D'une pièce qu'on doit représenter le jour
Où Thésée à l'hymen enchaînera l'amour.

Le plus lourd, le plus niais de ces joueurs de drame,
Celui qui doit remplir le rôle de Pyrame,
Dans ce rôle un instant paraissant s'oublier,
Abandonnant la scène, a fui dans un hallier.
Je l'ai suivi; d'après l'arrêt qui le condamne,
J'ai planté sur sa tête une autre tête d'âne.
Cependant il a dû répondre à sa Thisbé,
Et sur la scène alors revenant absorbé,
L'acteur est apparu avec sa double tête;
Tous ont fui consternés. Ainsi l'oiseleur jette
L'épouvante au milieu d'une troupe d'oisons;
Ainsi, quand le chasseur traverse les moissons,
Au bruit de son fusil dont leur troupe est frappée,
Les corneilles des bois, à la tête huppée,
Poussent un cri perçant, se lèvent, fendent l'air,
Et volent en désordre au champ où fuit l'éclair.
Telle dans son effroi cette troupe bouffonne
Disparaît, l'un heurtant le fuyard qu'il talonne,

L'autre tombant sur l'autre en criant: Meurtre! ou bien

Invoquant le secours du peuple athénien.

Diverti par leur trouble et leurs fausses alarmes,

Contre eux de chaque objet je me suis fait des armes;

Les ronces des taillis, les buissons épineux

Déchirent leurs habits et s'acharnent sur eux;
L'un n'a plus de chapeau, l'autre plus de ceinture,
Tous laissent des lambeaux. Ainsi je les torture,

Et les éloignant tous sur l'aile de la peur,
J'ai gardé seulement Pyrame, cet acteur

Dont la métamorphose a dissipé la bande.

Le hasard a voulu, car le hasard commande,
Qu'alors Titania, rouvrant ses yeux au jour,

Vit ce monstre, et pour lui ressentit de l'amour.

Mme LOUISE COLET.

Cette pièce a été reprise trois fois en Angleterre depuis 1763

au théâtre de Covent-Garden, mais toujours sans succès. En effet, ce n'est point une pièce écrite pour les yeux, mais pour l'imagination; ces êtres aériens échappent quand on veut les toucher. Il y a, dans la représentation d'une pièce bien jouée, un charme qui identifie en quelque façon dans notre esprit la scène et l'acteur qui la représente avec la pièce elle-même; ce charme ne peut exister, pour le drame dont nous parlons, qu'autant que nous aimons à le contempler dans notre jeunesse, comme un conte de fée, ou, dans un âge plus avancé, comme un beau poëme dramatique. Le poëte peut donner à un « être aérien une habitation et un nom, » et nous pouvons le suivre dans ses diverses opérations; mais jamais aucun acteur, quelque habile qu'il soit, ne pourra personnifier les aimables fées de Shakspeare; elles sont trop vaporeuses, trop aériennes pour être représentées par les enfants de la terre; toute tentative pour les faire vivre sur le théâtre, tout le talent d'un acteur pour l'entreprendre, quoi qu'il fasse, enfin tout l'art possible, ne pourront jamais donner un corps au Rêve d'une Nuit d'été.

Quoique dépourvue de cet intérêt qu'inspire une peinture bien faite de la vie réelle, ce petit poëme de Shakspeare, ne le cède à aucune des plus célèbres productions de cet auteur. L'imagination y est d'un bout à l'autre captivée par des scènes d'une création puissante et d'une exquise poésie, entremêlée des sentiments les plus délicats et animées par la gaieté la plus folle et la bonne humeur la plus enjouée. C'est à la lettre un rêve d'une nuit d'été, une belle vision, qu'on peut supposer occuper l'esprit pendant une belle soirée.

Les principaux caractères du style sont, autant que le sujet l'exige, la douceur et la délicatesse; les comparaisons sont prises des fleurs, des étoiles, de la rosée, des fruits, en un mot de tout ce qui est aimable et riant dans la nature.

Shakspeare profite même de cette circonstance du milieu de la nuit pour faire sur la vie, sur les hommes, sur les mœurs, quelques-unes de ces observations profondes qui distinguent toutes ses productions. Qui n'admire ce commentaire qu'il fait sur cette passion qui maîtrise la jeunesse dans les vers pathétiques sur l'amitié des femmes, commençant par ces mots : Injurious Hermia! que nous aimons à reproduire dans les beaux vers de madame Louise Colet ?

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