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morales des hommes, ils ont nivelé et confondu ensemble tous les ordres qu'ils ont trouvés, même sous l'arrangement grossier et maladroit de la Monarchie, genre de gouvernement pour lequel le classement des citoyens (auquel les anciens Législateurs mettaient tant de prix ) n'est pas d'une si grande importance que dans une République. Il faut avouer cependant qu'un tel classement est bon dans toute espèce de gouvernement et qu'il compose une forte barrière contre les excès du despotisme, aussi-bien qu'il est un des moyens nécessaires dans l'action des Républiques et pour assurer leur durée. Faute d'avoir pourvu à quelque chose de cette espèce, si le projet actuel de République venait à s'écrouler, on perdrait avec lui tout ce qui pourrait servir de caution à une liberté modérée.... On ne peut pas jouer un jeu plus désespéré.

La sensibilité de M. Burke paraît avoir été vivement touchée de la situation pénible où se trouve la Reine de France, et le rapprochement qu'il fait du moment actuel avec l'époque où il la vit pour la première fois, il y a seize ou dix-sept ans, nous paraît trop intéressant pour ne pas en recueillir ici les principaux traits.

.« Jamais, dit-il, une vision plus céleste n'apparut dans cet orbite qu'elle semblait à peine toucher. Je la vis au moment où elle paraissait sur l'horizon l'ornement et les délices de la sphère dans laquelle elle commençait à se mouvoir; elle était, ainsi que l'étoile du matin, brillante de santé,

de bonheur et de gloire. O quelle Révolution ! quel cœur serait donc le mien, si le souvenir d'une si juste élévation rapproché du spectacle trop affreux de sa chute ne faisait pas naitre en moi les plus fortes émotions! Que j'étais loin d'imaginer, lorsque je la voyais réunir aux titres de la vénération ceux que donne l'enthousiasme d'un amour distant et respectueux, qu'elle dût jamais être obligée de porter et de cacher dans son sein cet antidote aigu que le courage sait employer dans les plus grands maux !... Dans une Nation de galanterie, dans une Nation composée d'hommes d'honneur et de chevaliers, je croyais que dix mille épées seraient sorties de leurs fourreaux pour la venger même d'un regard qui l'aurait menacée d'une insulte! Mais le siècle de la chevalerie est passé; celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé, et la gloire de l'Europe est à jamais éteinte. »

L'espèce de chaleur poétique que respire tout ce morceau ne prend-elle pas un caractère imposant dans une bouche aussi respectable que celle de M. Burke? Les fragmens qu'on vient de lire suffisent sans doute pour donner l'idée de l'esprit dans lequel son ouvrage est écrit; nous bornerons donc ici notre extrait, mais nous pourrons bien revenir un autre jour sur la dernière partie de ses réflexions.

Mémoires secrets sur les Règnes de Louis XIV et de Louis XV. Par feu M. Duclos, de l'Académie française, Historiographe de France. Deux volumes in-8°.

On ne saurait douter de l'authenticité de cet ouvrage; il tient un milieu fort intéressant entre le genre des Mémoires particuliers et celui d'une Histoire générale. Quand feu M. Duclos fit paraître son Histoire de Louis XI, on dit que l'auteur y laissait trop apercevoir que tout ce qu'il apprenait à ses lecteurs, lui-même ne l'avait appris

de la veille. On trouvera dans ces nouveaux que Mémoires ce qu'il sut pour ainsi dire toute sa vie, ce qu'il sut mieux que personne; très-répandu dans la société, M. Duclos a connu personnellement la plupart des personnages qu'il a entrepris de peindre à la postérité. Le morceau le plus neuf et le plus curieux est celui qui termine le second volume, c'est l'histoire des causes secrètes de la guerre de 1756.

M. de Choiseul-Gouffier, notre Ambassadeur à Constantinople, vient d'envoyer à M. l'abbé Barthélemy un monument précieux; c'est une grande pierre trouvée près d'Athènes, sur laquelle est gravé le compte de la dépense faite du temps de Périclés pour les Théories, c'est à dire pour les Fêtes des Dieux. Les caractères sont assez bien conservés, et notre illustre Académicien ne tardera pas à nous en donner l'explication.

Facéties philosophiques tirées des manuscrits de feu M. le baron d'Holbach.

Essai sur l'art de ramper, à l'usage des Cour

tisans.

L'homme de Cour est sans contredit la production la plus curieuse que montre l'espèce humaine. C'est un animal amphibie dans lequel tous les contrastes se trouvent communément rassemblés. Un philosophe danois compare le courtisan à la statue composée de matières trèsdifférentes Nabuchodonosor vit en songe. «La tête du courtisan est, dit-il, de verre, ses che» veux sont d'or, ses mains sont de poix-résine, » son corps est de plâtre, son cœur est moitié de >> fer et moitié de boue, ses pieds sont de paille, >> et son sang est un composé d'eau et de vif>> argent. >>

que

Il faut avouer qu'un animal si étrange est difficile à définir; loin d'être connu des autres, il peut à peine se connaître lui-même ; cependant il paraît que, tout bien considéré, on peut le ranger dans la classe des hommes, avec cette différence néanmoins que les hommes ordinaires n'ont qu'une âme, au lieu que l'homme de Cour paraît sensiblement en avoir plusieurs. En effet, un courtisan est tantôt insolent et tantôt bas; tantôt de l'avarice la plus sordide et de l'avidité la plus insatiable, tantôt de la plus extrême

prodigalité, tantôt de l'audace la plus décidée, tantôt de la plus honteuse lâcheté, tantôt de l'arrogance la plus impertinante, et tantôt de la politesse la plus étudiée; en un mot c'est un Protée, un Janus, ou plutôt un Dieu de l'Inde qu'on représente avec sept faces différentes.

Quoi qu'il en soit, c'est pour ces animaux si rares que les Nations paraissent faites; la Providence les destine à leurs menus plaisirs; le Souverain lui-même n'est que leur homme d'affaires; quand il fait son devoir, il n'a d'autre emploi que de songer à contenter leurs besoins, à satisfaire leurs fantaisies; trop heureux de travailler pour ces hommes nécessaires dont l'Etat ne peut se passer. Ce n'est que pour leur intérêt qu'un Monarque doit lever des impôts, faire la paix ou la guerre, imaginer mille inventions ingénieuses pour tourmenter et soutirer ses peuples. En échange de ces soins les courtisans reconnaissans payent le Monarque en complaisances, en assiduités, en flatteries, en bassesses, et le talent de troquer contre des grâces ces importantes marchandises est celui qui sans doute est le plus utile à la Cour.

Les philosophes, qui communément sont gens de mauvaise humeur, regardent à la vérité le métier de courtisan comme bas, comme infâme, comme celui d'un empoisonneur. Les peuples ingrats ne sentent point toute l'étendue des obligations qu'ils ont à ces grands généreux, qui, pour tenir leur Souverain en belle humeur, se

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