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Dans une assez longue digression sur l'influence que la Religion et les Dames pourraient avoir sur le bonheur de la société, M. d'Estaing conseille aux Dames de prendre pour guide dans leur première législature madame Necker et madame de La Fayette. « Elles sont surtout savantes, dit-il, dans le grand art de faire le bien avec discernement.... La vertu ne leur a caché aucun de ses trésors; elles possèdent au suprême degré ce que les recherches de la réflexion et la continuation de cette habitude, qui n'a jamais laissé échapper une occasion, peuvent accumuler de connaissances et d'expériences. La confiance du riche irait comme celle du pauvre au-devant de leurs décisions la pauvreté et le vice, fléaux qui absorbent tant de moyens, seraient attaqués par un héroïsme irrésistible; ce serait une circonstance aussi heureuse que frappante dans l'histoire de la Révolution, que , que de voir les compagnes des deux grands hommes qui en supportent le plus terrible fardeau tracer à leur sexe, d'une main sûre, les principes d'une telle association. On n'apercevrait dans ces deux femmes célèbres et si intéressantes d'autres vues personnelles en le faisant que le même sentiment qu'elles ne peuvent cacher dans tout ce qu'elles pratiquent, celui de contribuer à la gloire de leurs époux. Ah! si la postérité jugeait trop sévèrement de nos mœurs, ce trait seul nous rendrait la gloire de la pureté des premiers âges. »

M. d'Estaing termine ses réflexions.par un vœu

pour la transportation des criminels, et ce vœu est accompagné d'idées touchantes. « L'habitude du bien existe comme celle du mal; c'est une douce contagion que celle de la paix de l'âme. La vie patriarcale des Colonies, l'abondance du né-. cessaire, l'oubli des superfluités, celui de ses fautes que tout ne reproche plus, redonnent l'orgueil de la vertu; un autre climat, une nature différente n'offrent point aux remords de ces témoins muets qui, en déposant contre le criminel, l'avilissent à ses propres yeux. Forcé à l'obéissance, s'il peut apprendre à rougir, il redeviendra honnête; s'il ne désespère pas de luimême, si les rayons de l'estime réchauffent son âme, il redeviendra un homme, etc. »

PARMI le grand nombre d'imitations ou de suites que l'on a données de la Folle Journée, ou du Mariage de Figaro, nous croyons devoir distinguer les Deux Figaro, comédie en cinq actes représentée dernièrement au Théâtre du PalaisRoyal, ci-devant des Varietés amusantes (1). Quoique ce Théâtre ne soit pas de ceux qu'on appelait autrefois Théâtres royaux, nous aurions à craindre d'être soupçonnés de principes anticonstitutionnels, de passer au moins pour de vrais aristocrates en matière de spectacle et de goût, si nous négligions de vous faire connaître les ouvrages qui ont eu quelque succès sur ce nouveau Théâtre, même sur le dernier des tréteaux de la Foire, d'autant plus qu'il n'en est aucun qui ne soit aujourd'hui dans le sens le plus rigoureux de la Révolution.

Les Deux Figaro sont d'un acteur de la troupe de Bordeaux, du sieur Martelli, ci-devant avocat, et tellement estimé pour sa conduite et ses mœurs,

(1) La nouvelle salle qu'occupe cette troupe a été construite M. Louis, l'architecte qui a bâti celle de Bordeaux. Elle est toute par entière en pierre et en fer, et l'on assure qu'elle a coûté à M. le duc d'Orléans près de deux millions. Ce n'est pourtant pas un monument de grand style, mais le plan en est singulièrement ingénieux, la distribution agréable et commode; et quant à la décoration de l'intérieur, elle n'est que trop riche, trop recherchée, et forme un contraste presque ridicule avec le genre des ouvrages qu'on y a vu représenter jusqu'ici.

que, malgré la nouvelle profession qu'il avait embrassée, ses anciens confrères ne l'ont point rayé de leur tableau.

Figaro, jaloux et dégoûté de Suzon, est venu à bout de brouiller le comte Almaviva avec sa femme, et la maîtresse et sa suivante ont été reléguées dans un château assez éloigné de celui d'Aguas Frescas. Un certain don Alvar, ancien camarade de Figaro, mais qui à la mort de son père a retrouvé des titres qui le constituent gentilhomme, s'est introduit chez le comte Almaviva; il est amoureux de sa fille qu'il n'a jamais vue, ou plutôt d'une dot immense dont il apprécie parfaitement tout le mérite. Figaro sert ses projets, et dix mille écus doivent être le prix du mariage de don Alvar avec la fille du comte Almaviva. Figaro feint de désapprouver ce mariage pour le faire réussir; le comte n'attend plus que sa femme et sa fille pour le conclure. Telle est à-peu-près toute l'action des deux premiers actes. Ce qu'on y trouve de plus neuf et de plus gai, c'est une scène où deux pauvres auteurs viennent consulter Figaro sur le plan d'une comédie qu'ils se proposent de faire. Figaro donne à l'un d'eux le fonds même de l'intrigue qu'il conduit, lui peint les principaux personnages d'une manière peu flatteuse pour le comte Almaviva et pour don Alvar. En attendant la suite des incidens qu'il promet de fournir incessamment à son protégé, il critique d'une manière assez amère le talent et le caractèremoral de l'auteur de la Folle Journée:

malgré l'irrévérence avec laquelle on y parle du bon homme (1) qui a couru quelques risques dans la Révolution, quoiqu'il prétende y avoir contribué plus que personne par son opéra de Tarare; cette scène n'est pas une des moins heureuses de la pièce.

La comtesse Almaviva, sa fille et Suzon arrivent au commencement du troisième acte. Le comte presse le mariage qu'il a projeté, mais il y trouve une grande opposition de la part de sa femme et de sa fille; la jeune personne a un amant qu'elle adore, et cet amant c'est le fameux Chérubin. Ce charmant filleul de la comtesse est aujourd'hui colonel; depuis dix ans on ne l'avait vu paraître au château d'Aguas Frescas, mais il passe ses hivers auprès de celui où le comte a relégué sa femme et sa fille. C'est ainsi que l'auteur justifie l'apparition subite de Chérubin, qui, vêtu comme Figaro, n'est reconnu ni par lui, ni par son maître. Le comte accepte le faux Figaro pour domestique; celui-ci s'excuse d'avoir pris ce hom sur la brillante réputation dont il jouit; au reste, il était libre, dit-il, de le prendre ainsi que son premier titulaire, étant comme lui un enfant anonyme, épithète qu'il emploie dans l'accep

tion que

Beaumarchais lui a donnée.

Figaro se méfie de son cadet. Ce dernier lui annonce franchement qu'il n'est venu que pour

(1) Le peuple s'est 'porté plusieurs fois à la maison de Beaumarchais pour y chercher des blés et des armes qui n'y étaient pas; il eut même une fois l'intention de le pendre, ce que nous nous glori fions d'avoir heureusement empêché le 28 août 1789.

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