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Il paraît que M. de Piis, encouragé, peut-être même lassé des succès que lui ont valu ses nombreux Opéras en vaudevilles, veut quitter ce genre et essayer son talent dans une carrière où il faut pour réussir quelque chose de plus que de jolis tableaux et quelques couplets agréables. Ces mêmes ressources avaient pourtant obtenu une sorte de faveur à son drame mythologique des Trois Déesses rivales, mais cette faveur n'a pas duré long-temps, et celle de la Fausse Paysanne ne paraît guère plus assurée.

Le fonds de cette comédie a paru trop romanesque, trop peu vraisemblable pour inspirer un véritable intérêt; ce qui ajoute encore à ce défaut essentiel, c'est une foule de détails étrangers et minutieux qui retardent la marche de l'action et la rendent souvent assez obscure, au moins fort embarrassée.

le

Quant à la musique, elle confirme tristement peu d'espérance que nous avions conçue du talent de M. Propiac, lorsque nous eûmes l'hon

neur de vous rendre compte de la musique des Trois Déesses rivales; celle de cet ouvrage n'offre ni plus d'invention, ni plus de variété.

Il y eut encore une séance publique de l'Académie française, le jeudi 12 mars, pour la réception de M. de Nicolaï, premier président de la chambre des comptes, élu à la place de M. le marquis de Châtellux (1). Le récipien

(1) Il ne l'a emporté que d'une seule voix sur son concurrent, M. Garat, professeur au Lycée, auteur de plusieurs éloges couronnés par l'Académie.

daire, après avoir parlé avec beaucoup de modestie de l'honneur qu'il venait d'obtenir, après avoir jeté un coup-d'œil rapide sur l'esprit du siècle, sur les progrès de l'opinion, après avoir distribué beaucoup de louanges, à l'Académie en général et à plusieurs de ses membres en particulier, s'est attaché à rendre à la mémoire de son prédécesseur tous les hommages dus à sa passion pour les sciences et pour les arts, à l'amabilité de son caractère, à la facilité de son esprit, à l'étendue et à la variété de ses connaissances, à ses succès militaires en Allemagne et dans l'Amérique septentrionale, etc.; enfin il a caractérisé le mérite de ses différens écrits, dont les principaux sontun Traité de la Félicité publique, un ouvrage sur l'Union de la Poésie et de la Musique, l'Éloge du baron de Closen, celui d'Helvétius, ses Voyages en Amérique, etc., etc. Ce discours, assez long par lui même, l'a paru davantage encore par l'extrême lenteur avec laquelle il a été prononcé.

C'est M. de Rhulière qui a été chargé de lui répondre en qualité de Directeur de l'Académie. Il s'est étendu d'abord avec beaucoup de complaisance sur cette longue succession d'une même dignité, une des plus belles du Royaume, transmise de génération en génération, et sans aucun intervalle, des ancêtres de M. de Nicolaï jusqu'à lui. «Comment et par quel art, s'est-il écrié avec assez d'emphase, dans une Nation si mobile, au milieu de tant de Cours orageuses et

quelquefois au milieu des plus sanglantes dissensions, sous tant de règnes, tantôt défians et sévères, tantôt fermes et superbes, tantôt faibles et agités, s'est maintenue dans ce calme toujours égal cette élévation (de premier Président de la Chambre des Comptes) toujours la même, que rien jamais n'a pu ébranler!...» On a été dédommagé de cet ample et magnifique pathos par l'anecdote qui le termine et qui nous paraît trop intéressante pour être oubliée. On commençait le siége de Valenciennes; cette ville faisait prévoir une longue résistance; les Mousquetaires sollicitaient d'être envoyés seuls à l'attaque d'un ouvrage extérieur où déjà l'élite des autres troupes avait été repoussée. Louis XIV apprit alors que le fils aîné du premier Président de la Chambre des Comptes, destiné à cette même place, venait de mourir à Paris; il fit appeler le jeune Nicolaï, qui servait dans une de ces compagnies si célèbres à cette époque, l'instruisit du malheur de sa famille, lui ordonna de partir aussitôt pour aller consoler la vieillesse de son père, et daigna pour première consolation lui en assurer la survivance. Le jeune homme tombe aux pieds du Roi et s'écrie: «Sire, dans quelque état que je serve Votre Majesté, elle ne peut pas vouloir que j'y entre déshonoré. » Le Roi applaudit. à ce sentiment, et le jeune Nicolaï, déjà premier Président, fut un de ceux qui attirèrent le plus les regards de toute l'armée, dans un assaut à jamais mémorable....

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ciétés; le premier le fondait tout entier sur la bonté des mœurs publiques, l'autre sur les progrès nécessaires de l'esprit, des sciences et des arts. Ce fut un modèle peut-être unique d'une querelle littéraire, car les deux ouvrages polémiques publiés en opposition l'un de l'autre ne laissent rien pénétrer de cette intention particulière. Pour relever le parallèle de ces deux athlètes, M. de Rhulière n'a pas craint d'y joindre encore un troisième, cet homme célèbre qui soutint avec toute la force de l'éloquence, toute l'adresse de la plus subtile dialectique, que nos institutions sociales ne sont que la corruption des sentimens naturels, nos arts les plus nécessaires l'altération de nos facultés physiques, etc. «Rousseau, dit-il, détracteur de la société, misanthrope par l'excès même de son amour pour le bonheur des hommes, annonce l'inévitable ruine, la subversion instante et prochaine de tous les Royaumes, Républiques et Empires..... Mably, plaçant le bonheur dans l'état d'une société simple et bien ordonnée, croit que d'utiles réformes peuvent encore renouveler le destin des Empires; il cherche la méthode de procéder à ces réformes; ses dernières prédictions furent cependant celles d'un citoyen découragé..... Il semble aujourd'hui que le marquis de Châtellux aura porté sur l'avenir un regard plus perçant, et qu'en cette occasion du moins il aura eu sur ces deux sages célèbres le double avantage d'avoir mieux présagé les événemens et d'avoir joui d'a

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