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cuments concernant l'organisation et le service des Archives, de la minute des ouvrages publiés par l'administration des Archives, des inventaires des documents contenus dans les divers dépôts d'archives appartenant à l'État, aux départements et aux communes. L'enregistrement, le classement et la conservation des dépêches; l'expédition et la transmission des réponses; la réception et l'enregistrement des demandes de renseignements; le scellement et la délivrance des expéditions; le service de la salle du public, de la bibliothèque, de la comptabilité, du matériel; le travail journalier avec le directeur général.

La section historique préside à la conservation du trésor des chartes installé dans la vaste salle des gardes du duc de Guise, longue de 24 mètres et large de 10. Les plus anciennes remontent aux rois mérovingiens; une d'elles, relative à une donation faite à l'église de Paris par Childebert Ier, date de l'an 528. A cette section se rattache une collection de sceaux, originaux ou moulés, au nombre d'une quinzaine de mille. La section administrative comprend les ordonnances royales, les lettres patentes, les bons et brevets du roi; les actes émanés du conseil d'État, du conseil de Lorraine, des États provinciaux, de la chambre des comptes de France, du bureau de la ville de Paris; les archives de la couronne; les papiers relatifs aux domaines des princes et aux apanages, aux séquestres et confiscations; les versements des ministres de l'intérieur, de la guerre, de l'instruction publique et des cultes, de l'agriculture, du commerce et des travaux publics.

Dans les attributions de la section législative et judiciaire sont les expéditions et copies authentiques des lois et décrets rendus depuis l'Assemblée constituante de 1789 jusqu'en l'an Ix; minutes et copies authentiques des procès-verbaux de l'Assemblée des notables et des États-Généraux de 1789; minutes des procès-verbaux, etc., des Assemblées nationales. Grande chancellerie; secrétaires du roi, prévôté et requêtes de l'hôtel, grand conseil, conseil privé, commissions extraordinaires; parlements et conseils supérieurs; Châtelet de Paris; cour des aides; cour des monnaies; eaux et forêts; amirauté; connétable; bureaux des finances; bureaux de la ville de Paris ; grenier à sel; chambre des bàtiments; des décimes; officialité; justice seigneuriale, etc.; tribunaux extraordinaires; versements du ministère de la justice.

Aux Archives est annexé une bibliothèque, fondée par Daunou, le 17 octobre 1808, et qui met à la disposition des employés seulement vingt mille volumes de paléographie, de jurisprudence; et la collection Rondonneau, apportée en 1848 du ministère de la justice, réunit une foule d'actes officiels et d'ouvrages sur la législation française.

C'est dans l'ancien salon du rez-de-chaussée de l'hôtel Soubise que MM. Lacabanne, Jules Quicherat, Guessard, de MasLatrie, Vallet de Viriville, Bourquelot, Borel d'Hauterive, Tardif, font les cours de l'École des chartes. Cette pépinière de savants, fondée en 1821, a pour objet l'enseignement des sources de notre histoire et la mise en œuvre des matériaux de tout genre que nous ont laissés les siècles antérieurs. Les élèves y suivent, sous la direction de sept professeurs, un cours d'études qui dure trois années. Les détails de l'enseignement sont la lecture et le déchiffrement des chartes et monuments écrits, l'archéologie figurée, embrassant l'histoire de l'art, l'architecture chrétienne, la sigillographie et la numismatique; l'histoire générale du moyen âge appliquée particulièrement à la chronologie, à l'art de vérifier les dates des titres et leur authenticité; la linguistique appliquée à l'histoire des origines et de la formation de la langue nationale; la géographie politique de la France au moyen âge; la connaissance sommaire des principes du droit canonique et du droit féodal. L'école est destinée à former des archivistes et des bibliothécaires; mais en aucun cas elle ne leur garantit ces fonctions. Le titre auquel ils ont droit, leurs examens subis, est celui d'archiviste paléographe. Pour suivre les cours à titre d'élève, il faut être français, âgé de 18 à 24 ans, bachelier ès-lettres, et se faire inscrire (gratuitement) à la rentrée annuelle des vacances, dans le courant de novembre. Le régime de l'école est l'externat; dans chaque promotion, les trois premiers élèves prennent le nom de boursiers, du prix de 600 fr., qui leur est accordé par l'État. Les cours sont publics et gratuits pour le public comme pour les élèves.

Avant d'être à l'hôtel Soubise, l'École des chartes se trouvait à la Bibliothèque impériale, qu'elle quitta à la fin de 1846.

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Presqu'en même temps que le prince de Soubise, le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, faisait bâtir un hôtel contigu. Les plafonds en étaient peints par Gaëtan Brunetti et par Huet, artiste qui excellait dans la composition des arabesques et dans les chinoiseries. Le Lorrain y fit plusieurs statues et un admirable bas-relief, Phaethon demandant à son père de conduire le char du soleil.

C'est dans ce magnifique hotel, dont la cour a reçu au centre la statue de Gutenberg par David d'Angers, qu'a été placée l'Imprimerie impériale. Peut-être conviendrait-il mieux de l'appeler Imprimerie nationale ou Imprimerie de l'État, car elle a vécu sous toutes les formes de gouvernement. Son fondateur fut le cardinal de Richelieu. Toutefois, avant lui, Claude Garamond, graveur et fondeur de caractères d'imprimerie, avait obtenu des encouragements de François Ier, qui l'avait chargé de graver les caractères grecs dont Robert Étienne se servit dans ses belles éditions. Il y eut dès lors une petite imprimerie particulière du roi et qui n'était pas soumise au règlement de la librairie et de la typographie.

En 1640 Richelieu conçut la pensée d'étendre les relations de la France avec l'Orient, et à cet effet il fit imprimer des livres pour être remis gratuitement aux missionnaires. L'Imprimerie royale, qui occupait un petit coin du pavillon de la reine aux Tuileries, fut établie beaucoup plus largement sous la grande galerie du Louvre. L'entrée était située près du guichet qui fait face au pont des Saints-Pères. On y réunit différents types français et étrangers, et des presses de l'établissement sortirent successivement deux ouvrages attribués à Richelieu : les principaux points de l'Église catholique et l'instruction du chrétien; une édition latine de l'Imitation de Jésus-Christ; une Bible, des éditions de Virgile, d'Horace et de Térence; une collection des conciles en 37 volumes in-folio. « Tous ces ouvrages, dit Sauval, étaient d'un caractère très-gros, très-net et très-beau, et surtout le plus fin papier, le plus fort et le plus grand dont on se soit servi. Et comme le soin qu'on en prit ne fut pas moindre que la dépense, on ne doit pas s'étonner qu'un si riche travail ait porté l'imprimerie à son plus haut point de perfection. Ses premiers produits ravirent toute la terre. Les Anglais, les Allemands, les Italiens proclamèrent la supériorité des Français dans cet art. » L'honneur de ce succès doit revenir à Sébastien Cramoisy, qui fut directeur jusqu'en 1669, à Trichet du Fresne, correcteur, et à Sublet des Noyers, surintendant et ordonnateur général des bâtiments et manufactures du roi. Les successeurs de Sébastien Cramoisy furent son petit-fils, la veuve de celui-ci, puis, en 1691, Jean Anisson, imprimeur lyonnais. A leur garde étaient confiés des poinçons et matrices de caractères français, grecs, arabes, syriaques, persans, arméniens, samaritains. Les types fondus par Garamond, malgré l'accroissement des richesses de l'Imprimerie royale, étaient célèbres entre tous, et l'université de Cambridge en demanda une fonte que Louis XIV voulut bien accorder, à la condition qu'on mettrait en tête de chaque volume imprimé avec ces caractères: Characteribus græcis e typographio regio parisiensi. L'orgueil britannique recula devant cette clause, qui était cependant de toute justice. En 1692, Louis XIV, qui ambitionnait en toute chose la supériorité, nomma une commission chargée de fixer, d'après les principes de la géométrie, le bon goût et les saines traditions, quelle était la meilleure forme des lettres. La question fut examinée pendant plusieurs années par Jean Anisson, l'abbé Bignon, Jaugeon, membres de l'Académie des sciences; Filleau des Billettes, Truchet, religieux de l'ordre des Carmes, et les graveurs Simonneau et Philippe Grandjean. Les caractères qui furent gravés et fondus à la suite de cette enquête servirent à imprimer des chefs-d'œuvre de typographie dont la perfection n'a point été dépassée. Par un esprit de monopole ou pour éviter la contrefaçon, on imagina des déliés, des traits presque imperceptibles au moyen desquels on peut encore reconnaitre, à première vue, pour peu qu'on ait l'expérience de la typographie, un livre sorti de l'Imprimerie royale.

LE TEMPLE.

Tous les gouvernements favorisèrent cette institution. Sous Louis XV, on y grava pour la première fois des caractères chinois. Jamais ils n'avaient passé les mers pour venir en Europe; toutes les nations avaient reculé devant cette écriture compliquée, qui compte presque autant de signes que de choses à exprimer, et les difficultés de sa reproduction typographique étaient si considérables que l'impression du dictionnaire chinois du P. Ba ile, interrompu en 1742 par la mort de l'orientaliste Fourmont, après vingt-sept ans de travaux, ne fut reprise qu'en 1811 et achevée seulement en 1813.

Au règne de Louis XVI appartient la publication des œuvres complètes de Buffon et de Lacépède; des notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque. Après la Révolution, en vertu d'un décret du 19 août 1792, l'imprimerie de l'État composa et mit au jour les innombrables décrets des Assemblées et les proclamations officielles. Par un décret du 14 frimaire an 11, la Convention ordonna l'organisation immédiate d'une imprimerie spéciale, régie aux frais du budget, pour le service du Bulletin des Lois; en dehors subsista une imprimerie des administrations nationales, ainsi qu'une imprimerie scientifique dont la direction était confiée à Philippe-Daniel-Dubois Laverne.

Les trois services furent réunis sous le nom d'Imprimerie nationale, dans le vaste hotel bâti, en 1620, par Mansard pour le duc Penthièvre et le comte de Toulouse. Quand on y plaça la Banque de France, l'imprimerie de l'État trouva un refuge dans le palais d'Armand-Gaston, cardinal de Rohan, qu'elle n'a pas quitté depuis. Elle s'est enrichie sans cesse de nouvelles frappes, et son importance s'est constamment accrue. D'après le compte rendu du mois de mars 1788, l'État ne consacrait à son imprimerie qu'une somme annuelle de 90,000 fr. Un décret de la Convention, en date du 16 ventòse an 11, affectait un million aux seules dépenses de l'Imprimerie des administrations nationales.

Dans le budget de 1860, l'Imprimerie impériale figure pour 3,820,000 fr. de dépenses, et 3,853,900 de recettes, dont 253,000 fournis par la vente du Bulletin des Lois.

L'Imprimerie impériale compte un directeur, un secrétaire, un inspecteur et un correcteur pour les textes orientaux, un agent comptable, six chefs de service, cinq sous-chefs, vingt et un commis divers, un correcteur en chef, cinq correcteurs, dix protes, quatre chefs d'ateliers; quant aux ouvriers, leur nombre varie en raison de la quantité des travaux. Une somme de 1,900,000 fr. figure pour les achats de papier, 60,000 fr. pour encre et accessoires, 140,000 pour la reliure; 10,000 fr. sont destinés à l'achat de caractères chinois.

A l'Exposition universelle de 1855, le jury international constata que l'Imprimerie impériale, riche en caractères étrangers de toutes sortes, possédant un matériel immense dont elle pouvait tirer parti avec une merveilleuse rapidité, était le plus grand établissement typographique de France, et probablement du monde entier. La grande médaille d'honneur lui fut décernée pour une splendide édition de l'Imitation de JésusChrist, dont la perfection était due simultanément à l'art, au gout, à la science et au travail. Pour cette édition, exécutée dans un laps de temps très-court, des types spéciaux avaient été gravés et fondus; des planches dessinées et gravées sur bois; et l'on avait tiré en noir, en couleur et en métaux sur un papier expressément fabriqué. Pour la reproduction de certains ornements, il avait fallu obtenir électro-chimiquement des planches en relief avec des moules pris sur des gravures sur bois à l'aide de la gutta-percha. Dans l'encadrement du grand titre, trente teintes avaient été mises en usage, et avaient nécessité l'emploi de trente planches en cuivre correspondantes.

Ouvrant ses portes aux innovations, l'Imprimerie de l'État avait appliqué les impressions en couleur à des cartes géologiques, dont elle avait su, toutefois, rendre le prix accessible à tous les savants. Elle avait encore substitué avec succès à la gravure à l'eau-forte la gravure par l'électricité, en faisant mordre la planche au pòle positif d'une pile dans une dissolution saline, telle que celle du sulfate de cuivre, au moyen de l'acide apporté par le courant.

L'Imprimerie de l'État a été attaquée à plusieurs reprises, en raison même de l'impulsion qu'elle a donnée à la typographie; ce qu'elle seule faisait à sa naissance, tous les imprimeurs qui tiennent à s'élever au-dessus de la foule l'obtiennent aujourd'hui. Ils prétendent que si l'on confiait à l'industrie particulière telles publications de luxe qui excitent l'admiration, elle les réaliserait aussi facilement que l'Imprimerie impériale, et à des condi

tions beaucoup plus modérées. Nous croyons, pour notre part, qu'il n'est pas inutile qu'un établissement modèle, qui n'a pas à s'inquiéter des dépenses, se tienne en avant d'une grande et utile industrie, et montre constamment la route du progrès. Il y a des essais que peut tenter seulement une institution nationale. Qui s'aviserait, par exemple, d'obtenir des gravures sur bois au moyen de l'électrotypie et de la galvanoplastie, des caractères chinois, phéniciens ou palmyréniens.

CHAPITRE VIII.

Physionomie du IIIe arrondissement. - Industries parisiennes.
Les Folies-Nouvelles. -Les Madelonnettes.

Le III arrondissement a plusieurs physionomies distinctes, suivant les quartiers. Dans les rues droites et tranquilles du marais de grands et des petits rentiers habitent les vieux hôtels de l'aristocratie nobiliaire. Entre la rue Saint-Martin et la rue du Temple, se tiennent les marchands de meubles d'occasion chez lesquels on peut trouver au rabais des armoires, des bibliothèques, des comptoirs et même des escaliers. Aux environs du Conservatoire des arts et métiers se groupent des industries parisiennes, au milieu desquelles l'amélioration de ces quartiers a jeté quelque perturbation. Là sont des bijoutiers en or, bijoutiers en argent, bijoutiers-garnisseurs, bijoutiers en doré; lapidaires, bijoutiers-chainistes; des doreurs en cuivre et en bois, des batteurs d'or, des tourneurs, repousseurs, acheveurs en cuivre, ciseleurs, graveurs, estampeurs, reperceurs, polisseurs, émailleurs, des bimbelotiers, tabletiers, vernisseurs sur métaux, brunisseurs; des fabricants de têtes pour modistes, de perles fausses, de bronzes, de poupées, de polichinelles, de fouets d'enfant, de porte-plumes, de cartonnages, de fioles pour niveaux, de tambours, de peignes, de chapelets et objets religieux, d'accessoires de billards, de bourses, de portemonnaie, de grelots, de buscs, de ressorts pour jupes, de brosses, de mouvements de pendules, d'objets en nacre; des marchands de cornes, des sculpteurs en ivoire, des bombeurs de verres, etc., etc.

Le long des boulevards, ce sont des cafés dont la clientèle est de vieille date, le café du Géant, le café du Hameau, le Jardin Turc; mais le III arrondissement ne possède qu'un seul théâtre, les Folies-Nouvelles. En 1842, il fut créé sous le nom de Folies-Meyer; on y chantait des chansonnettes. Hervé en fit les Folies-Concertantes. MM. Louis Huard et Altaroche le prirent en 1854, et dépensèrent 130,000 fr. à la décoration de la salle, dont se chargea M. Édouard Renaud. Les FoliesNouvelles devinrent à la mode : la musique joviale de Laurent de Rillé et de Pilati, le talent mimique de Paul Legrand, la vertigineuse prestesse des danseuses espagnoles, ne contribuèrent pas seulement à attirer la foule: d'élégantes pécheresses du quartier Bréda se donnaient chaque soir rendez-vous aux Folies, et se pavanaient dans les loges ou dans le foyer au milieu d'admirateurs empressés. L'ouverture de salles de spectacle ou de concert plus centrale fit brusquement disparaître cette clientèle. Les Folies-Nouvelles se moralisèrent et reçurent les paisibles bourgeois du Marais On mena les lycéens qui avaient eu des prix et les petites filles qui avaient été sages voir Cendrillon, Barbe-Bleue et Pierrot-Robinson. En 1859, le privilége fut cédé à Mile Déjazet, qui repar it toujours jeune, en dépit de son acte de naissance, dans les Premières armes de Figaro. Depuis cette époque, les Folies-Nouvelles ont pris le titre de Théâtre-Déjazet.

Le III arrondissement s'embellira par l'ouverture d'une grande voie qui, s'embranchant sur la rue du Temple, près de son débouché sur la ligne des boulevards, viendra aboutir à la pointe Saint-Eustache, vers la rue médiane des Halles centrales. Elle traversera les rues Montmartre, Montorgueil, Rambuteau, de la Grande-Truanderie, Verderet, Mondétour, des Pèlerins-Saint-Jacques, Mauconseil, Saint-Denis, boulevard de Sébastopol, la rue du Petit-Hurleur, le passage de l'Ancre, les rues des Gravilliers, Aumaire, l'ancien marché Saint-Martin, les Madelonnettes, les rues Sainte-Elisabeth, du Vert-Bois, Notre-Dame-de-Nazareth et du Temple. L'exécution de ce projet, dont les plans ont été déposés à la mairie de l'ancien VI arrondissement, dès le 10 décembre 1858, entraînera la démolition de la prison des Madelonnettes.

Affectée aux jeunes détenus, et parfois aux détenus poli

tiques, cette prison fut jadis un couvent d'une espèce toute particulière. Le père Mol, capucin, avait été saisi de pitié à la vue de la misère et de la dépravation des femmes de mauvaise vie. Il entreprit d'en arracher quelques-unes à la perdition, et s'associa un riche marchand de vins, Robert Martruy, et le sieur Dufresne, officier des gardes du corps. On recueillit quelques malheureuses dans des chambres louées au faubourg Saint-Honoré; puis, Robert Martruy donna aux pénitentes une maison qu'il possédait au carrefour de la Croix-Rouge; elles trouvèrent un appui plus puissant encore en la personne de Marguerite-Claude de Gondi, veuve de Florimond d'Haluyn, marquis de Mégnelay. Le 16 juillet 1620, elle leur acheta un terrain pour construire un monastère où se logèrent trente religieuses de l'ordre de Saint-Augustin, placé sous l'invocation de sainte Madeleine, la patronne de toutes les pénitentes. La fondatrice légua à la maison nouvelle une somme de 106,000 livres, à laquelle Louis XIII ajouta 3,000 livres de rente perpétuelle. En 1648, Anne d'Autriche assista à la première messe dans la chapelle des Madelonnettes, ou filles de la Madeleine, chapelle exactement copiée sur celle que l'on montre à Lorette, dans la Marche d'Ancone, et où l'on prétend que la Vierge a jadis habité. Les Madelonnettes furent d'abord sous la direction des religieuses de la Visitation, parmi lesquelles on remarque Marguerite L'Huillier et Marie Bollain. Elles abandonnèrent la place à des Ursulines, auxquelles succédèrent des Hospitalières de l'ordre de la Miséricorde de Jésus, qui avaient pour protecteur le cardinal de Noailles, archevêque de Paris. Enfin, en 1720, des religieuses de l'ordre de Saint-Michel furent placées à la tête de la communaut, qui n'était pas toujours facile à conduire. Elles se divisaient en trois congrégations, toutes recrutées parmi les femmes ou les filles qui s'étaient signalées par l'irrégularité de leurs moeurs; il était sévèrement interdit d'y admettre une honnête femme. Dans la première classe, consacrée à la Madeleine, étaient les pénitentes, qu'on admettait à prononcer leurs vœux après les avoir soumises à une série de rigoureuses épreuves.

La seconde classe, placée sous le patronage de sainte Marthe, était une sorte de purgatoire où les pénitentes dont la vocation commençait à se dessiner attendaient qu'elles fussent complétement dignes de passer dans une sphère supérieure.

La troisième classe n'était sous l'invocation d'aucune sainte; celles qui en faisaient partie portaient un costume monastique et une coiffe de taffetas noir; mais bien qu'on leur proposat pour but la vie claustrale, elles tournaient souvent les yeux vers le monde, et ne pouvaient s'empêcher de rêver le renouvellement de leurs plaisirs passés.

Le despotisme monarchique détourna l'œuvre pieuse de sa louable destination, et les Madelonnettes devinrent prison d'État. Des lettres de cachet la peuplèrent de femmes ou de filles détenues par ordre du roi, sur la demande des maris ou des parents, ou par l'injonction des magistrats, qui faisaient emprisonner d'office. Comme les victimes appartenaient généralement à des familles riches, on exigeait pour elles une forte pension de ceux qui voulaient s'en débarrasser.

Quoiqu'en partie maison de force, l'établissement des Madelonnettes avait conservé le nom de couvent. Il fut, en cette qualité, déclaré propriété nationale après que l'Assemblée constituante (13 février 1790) eut supprimé les vœux monastiques. Le couvent, aussitôt vidé, resta trois ans sous la main de l'État. Au commencement de 1793, on en fit officiellement une prison, et, le 4 avril de la même année, quatre détenus politiques l'inauguraient. Le 6 mai suivant commencèrent les emprisonnements par nombre. Suspects, accusés de propos incendiaires, de rassemblement, d'attroupement, citoyens des sections de la Montagne, du Contrat social, des Marchés, etc., vinrent successivement occuper deux étages des Madelonnettes, pendant que les pailleur, ou criminels, occupaient un autre étage.

Les principaux détenus des Madelonnettes furent Angrand d'Alroy, ancien lieutenant criminel; Eoulain Flurieux, ancien ministre de la marine; Sobron, ancien colonel de cavalerie; le général Lanoue; Lecamus de Laguibourgère, ancien conseiller au parlement de Paris. Saint-Prix, Dazincourt, Fleury, SaintPhal, Vanhove, et autres artistes du Théâtre-Français furent enfermés aux Madelonnettes en 1794. Dazincourt, qui s'était acquis une réputation méritée par la manière dont il jouait les Scapin, les Mascarille, les Crispin et les Frontin, disait à ses compagnons d'infortune: Ne doit-on pas être surpris de me trouver ici? Qu'on y retienne des empereurs, des rois, des

marquis, cela se conçoit; mais moi, qui ne suis qu'un pauvre valet, faut-il que je me trouve en leur compagnie? »

Les détenus de la Madelonnette, pendant la Terreur, eurent le bonheur de trouver en leur concierge, nommé Vaubertrand, un homme plein d'humanité, qui s'attachait à adoucir leur triste sort. C'est peut-être le seul geolier en l'honneur duquel ont rimé ceux qu'il mettait sous les verrous. Une pièce de vers signée « Coittant », et insérée dans le Tableau des prisons, vante les vertus de ce geolier exceptionnel, de sa femme et de son fils. L'auteur, qui paraît n'avoir pas été poëte par vocation, mais auquel la reconnaissance tenait lieu de muse, écrit à Saint-Prix :

Je me souviens qu'en ton loisir
Tu dessinas la symétrique arcade
De Tirrégulier bâtiment

Où demeurait notre concierge,
De son épouse encore amant,

Mais aussi chaste qu'une vierge;

Et toi, joli petit enfant,

Qui m'aimais et que j'aimais taut :
Longtemps gravé dans ma mémoire,
Bon et sensible Vaubertrand,
Vous resterez fidèlement.

Un autre prisonnier fit le couplet suivant sur l'air : Jeunes anants, cueillez des fleurs:

On voit l'amour et la beauté
En voyant le fils et la mère;
De même on voit l'humanité
En voyant le fils et le père.
O mes amis, qu'on est heureux
De trouver en lui le bon frère,
L'ami sincère et généreux,
Qui souffre de notre misère!

En 1795, la maison des Madelonnettes cessa d'être affectée aux détenus politiques, et devint une prison de femmes, celle de Saint-Lazare s'étant trouvée insuffisante. Ni le rapporteur Paganel ni la Convention n'ayant prévu la nécessité de cette annexe, on fut forcé d'admettre les détenues sans règles et sans catégories. En 1798, le conseil des Cinq-Cents, sur le rapport de Pollard, prit une résolution pour rendre plus salubre et plus sûre « la maison d'arrêt des Madelonnettes ». Par suite des travaux d'appropriation, les batiments se composèrent de deux corps de logis parallèles, unis par une traversée intermédiaire produisant deux préaux séparés. Les escaliers demeurèrent affreux; mais l'infirmerie, disposée pour contenir quarante lits, fut belle, aérée et commode. On régla aussi l'ordre et la condition des détenues. Les prisonnières pour dettes eurent un corridor séparé et jouirent d'un préau particulier pour la promenade. Si elles avaient pour nourriture la soupe et les légumes des condamnées, elles pouvaient améliorer leur sort au moyen des vingt-cinq francs par mois que les créanciers étaient tenus de déposer. Les détenues par voie de correction paternelle étaient obligées au travail, logées dans un corridor séparé, et n'avaient aucune communication avec les autres détenues; une surveillante les faisait travailler à la couture et leur montrait à lire et à écrire. Au-dessous de seize ans, elles ne pouvaient être retenues que pendant un mois, a moins d'un nouvel ordre du tribunal de première instance; a plus de seize ans, elles pouvaient être retenues pendant six mots. Les parents étaient toujours les maîtres d'abréger le temps de la détention. Les prévenues de délit avaient également leur quartier séparé. Leur nourriture de chaque jour était un pain mi-blanc de vingt-quatre onces et une ration de bouillon maigre. On avait créé un atelier pour l'épluchage du coton. Les prévenues étaient libres d'y travailler, et le gain qui résultait de leur travail leur était remis sans aucune retenue. Toutes les condamnées à plus de trois mois de prison étaient tenues de travailler, soit à la couture, soit au tricot les agées et les infirmes en étaient seules dispensées.

Jusqu'en 1828, la moyenne des détenues ne dépassa jamais 300. Mais à cette époque un grand changement s'opéra. Aux prévenues des Madelonnettes on substitua les femmes publiques détenues à la petite Force, et le nombre des pensionnaires s'augmenta ainsi notablement. Un état authentique, en date du 14 septembre 1829, fournit le tableau suivant : condamnées aux travaux forcés à perpétuité, 3; à la réclusion, 1; condamnées correctionnellement, 20; femmes publiques détenues ad

LE TEMPLE.

ministrativement, 535. Total: 589. Des ateliers furent alors ouverts dans la prison, et le même document divise ainsi les femmes aux travaux du linge, 136; aux travaux des cardes, 66;. aux travaux de la gomme, 17; non occupées, 86; à l'infirmerie des syphilitiques, 86; à celle des fiévreuses, 54; à celle des galeuses, 11.

En 1831, les femmes quittèrent les Madelonnettes pour être transférées à Saint-Lazarre. La prison devint alors l'asile des jeunes détenus, qui étaient emprisonnés à Sainte-Pélagie avec les condamnés politiques, formant une catégorie à part. En 1836, et le 11 septembre, nouveau changement. Les jeunes détenus quittèrent les Madelonnettes et furent transférés à la petite Roquette, établie pour leur spécialité. Les Madelonnettes devinrent alors une succursale de la Force. Le 1er janvier 1838, cette prison fut constituée en maison d'arrêt. Elle reçut alors les hommes prévenus, ceux condamnés à moins d'un an, les adultes et les enfants condamnés correctionnellement. A l'exception des enfants, qu'on ne reçoit plus depuis 1853, cette destination n'a plus changé jusqu'à ce jour. Ajoutons qu'en 1842, le directeur, M. Villars, détenu politique sous la Restauration, et jeté à Poissy parmi les voleurs, remédia à un inconvénient qu'il avait douloureusement apprécié en créant des catégories dont on se trouva fort bien. Des réformes introduites par ce sage administrateur, les ateliers, la séparation des politiques des détenus ordinaires, celle des prévenus d'avec les condamnés, ont seules subsisté.

Depuis 1848, la prison des Madelonnettes a reçu bon nombre de politiques, les uns au couloir dit de faveur, les autres dans un pavillon spécial; entre autres, MM. Cabet, Sarrans jeune, Germain Sarrut, Buvignier, ancien représentant; les journalistes Charles Paya et Victor Borie.

Quant aux détenus ordinaires, les Madelonnettes ont renfermé en divers temps les plus grandes célébrités dans le crime.

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Les églises du III arrondissement sont au nombre de quatre. L'église paroissiale de Saint-Nicolas des Champs n'était qu'une simple chapelle, qui fut d'abord érigée en cure vers l'année 1184; deux siècles après, on reconstruisit l'édifice primitif, qui a été l'objet de réparations exécutées avec beaucoup d'intelligence. L'intérieur présente un beau vaisseau, fermé par une nef, et deux bas côtés autour desquels ont été élevées de nombreuses chapelles. Dans quelques-unes, sous des couches de badigeon, on a découvert des traces de peintures murales. L'autel d'une des chapelles de gauche est surmonté d'un beau tableau de Léon Cogniet, Saint Etienne distribuant des secours à une famille pauvre.

L'église Sainte-Élisabeth, dans l'intérieur de laquelle l'administration a fait faire de grands travaux de décoration, était celle d'un couvent du tiers-ordre de Saint-François, établi, en 1604, par le père Mussard, en Franche-Comté. Les religieuses qui suivaient cet institut à Paris placèrent leur couvent sous le vocable de sainte Élisabeth, reine de Hongrie, dont M. de Montalembert a écrit la biographie. Marie de Médicis, qui s'était déclarée fondatrice de cette communauté, en 1614, posa, en 1618, la première pierre de l'église et du monastère, qui furent terminés deux ans plus tard. L'église fut bénite et consacrée, le 14 juillet 1646, par le cardinal de Retz, coadjuteur de Paris.

Sur les dépendances du couvent supprimé en 1790, on ouvrit la petite rue de Sainte-Élisabeth, qui met la rue des Fontaines en communication avec celle de Vert-Bois.

Après avoir servi de magasin à fourrages, l'église fut rouverte comme succursale de Saint-Nicolas des Champs. Elle occupe une superficie de 1,637 mètres, et le presbytère 494. Près de l'église de Sainte-Élisabeth, sur une étendue de 1,351 mètres, se développent les écoles communales du quartier. Au coin des rues Saint-Louis et Saint-Claude est une église qu'on appelle indifféremment Saint-Denis du Marais ou SaintDenis du Saint Sacrement. Elle fut construite en 1828, et quoiqu'elle présente à l'extérieur l'aspect d'un moellon grossièrement sculpté par Devor, elle contient quelques tableaux

recommandables d'Abel de Pujol, de Decaisne, de Picot et d'Eugène Delacroix : ce dernier a représenté La Vierge éplorée devant le corps inanimé de son fils. Sa composition, dont les détails sont loin d'être irréprochables, est d'un ensemble harmonieux et mérite d'être étudiée par les artistes.

L'église de Saint-François-d'Assise, située rue du Perche n° 15, occupe la place d'un ancien jeu de paume. En 1622, un capucin nommé Athanase Molé, et père du premier président Mathieu Molé, y établit un couvent qui fut supprimé en 1790, et dont l'église fut rachetée en 1811 par la ville de Paris. On remarque dans ce modeste édifice un Baptême du Christ, de Paulin Guérin, et un Saint Louis visitant les soldats malades de la peste, par Ary Scheffer. Parmi les églises de ce quartier, on remarquait avant la révolution la chapelle des Enfants-Rouges. Elle appartenait à un hôpital qu'avait créé Marguerite de Valois. Son frère, François Ier, par lettres patentes du mois de janvier 1538, avait donné à la fondation nouvelle trois mille six cents livres provenant d'une taxe imposée sur les usuriers de Paris. Le choeur de l'église était enrichi de magnifiques vitraux représentant François Ier, sa sœur, Jean Briconnet, et le: Sinite venire ad me parvulos. On élevait dans cet hôpital quatre-vingts orphelins, fils de maîtres artisans de Paris. Ils étaient admis à l'âge de sept ans et recevaient un premier subside de quarante et une livres après avoir appris le catéchisme et l'arithmétique. Ils étaient congédiés à l'àge de quinze ans, avec une gratification de trente-six livres. L'uniforme était de couleur rouge, couleur adoptée comme symbole du feu de la charité chrétienne.

Cet hôpital fut supprimé en 1772; mais le nom d'EnfantsRouges fut conservé à un marché dont l'établissement avait été autorisé par des lettres patentes du mois de mars 1615, et confirmé plus de cent après, en 1776. Ce marché, qui occupe une superficie de 1,207 mètres, a 67 places couvertes et 44 places foraines. Il est le chef-lieu du quartier du III arrondissement.

Le quartier Saint-Avoie ne doit également sa désignation qu'à des souvenirs. Au xur° siècle, une communauté de femmes veuves s'établit sous le vocable de saint Avoie et sous la direction du chevecier de Saint-Merri. La femme d'un conseiller au parlement, Mme de Sainte-Beuve, proposa à ses veuves d'adopter la règle et la constitution des Ursulines, et signa avec elles un contrat que l'évêque de Paris homologua le 4 janvier 1622. Cette maison, qui avait peu d'importance, et dont l'église était au premier étage, disparut en 1790.

Une autre église, démolie en 1805, dépendait du monastère des Minimes. Ces religieux, qui s'intitulaient ainsi par un excès d'humilité, étaient venus en France en l'année 1482, à la suite de saint François de Paule, dont Louis XI avait réclamé les prières aux approches de la mort. Après un court passage au château de Plessis-les-Tours, ils se fixèrent à Paris, rue Saint-Honoré, à l'endroit où a été construit Saint-Roch, mais Olivier Chaillon, chanoine de Notre-Dame, et descendant d'une sœur du fondateur des Minimes, entra dans l'ordre, auquel il abandonna tous ses biens. Les moines achetèrent des terraius dépendant du château des Tournelles, et, en 1609, Marie de Médicis eut la générosité de leur rembourser le prix de l'acquisition. Le cardinal Henri de Gondi posa la première pierre de leur église, dont François Mansard dessina le portail. Elle était richement décorée de statues, de bas-reliefs et de tableaux. Les bâtiments conventuels ont été achetés par la ville, le 30 octobre 1823, et transformés en caserne.

Dans le III arrondissement, rue Notre-Dame-de-Nazareth, est la Synagogue des Israélites.

C'est une nef entourée d'une triple rangée de tribunes que supportent des arceaux de style byzantin; au-dessus de la porte d'entrée est une large tribune, où le jour pénètre à travers les vitraux coloriés d'une rosace. C'est dans cette tribune que sont les orgues et que se tiennent les choristes d'élite dont les chants accompagnent toujours la voix de l'officiant. Ce temple est garui de bancs parallèles dans toute la longueur de la nef; ils sont exclusivement réservés aux hommes, et les femmes se placent dans les tribunes supérieures, car les lois du culte hébraïque exigent que les deux sexes soient séparés pendant les offices.

Derrière l'autel, qui est en chêne et en marbre, douze marches de marbre blanc conduisent au sanctuaire, tout resplendissant de marbres multicolores et de tentures de velours cramoisi brodé d'or. En soulevant une portière, on aperçoit une

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salle demi-circulaire qu'éclaire une lampe perpétuellement entretenue. Au fond, à hauteur d'appui, sont les séphères, livres de la loi, soigneusement enveloppés dans la soie et le brocart; près du sanctuaire, sont deux gigantesques candélabres en argent massif.

La Synagogue de la rue Notre-Dame-de-Nazareth a été construite aux frais des Israélites; c'est le temple au service duquel assistent le grand rabbin du Consistoire central et le grand rabbin de Paris.

Nous aurons occasion de parler d'une autre Synagogue située rue Lamartine; mais nous ne saurions quitter le temple consistorial des Juifs, sans jeter un coup d'œil sur cette race si longtemps proscrite. Qu'ils sont loin les jours où les Juifs étaient maudits, rançonnés, parqués dans des quartiers dont le chrétien ne parcourait les rues qu'en frémissant! Qu'ils sont loin les jours où, aux applaudissements de l'historien Rigord, Philippe-Auguste expulsait les juifs de ses domaines, et libérait les chrétiens des dettes contractées envers eux, sauf un cinquième qu'il se réservait! Que de tortures et de persécutions! que d'accusations ridicules lancées contre ces malheureux parias! A Rouen, à Metz, ils avaient envoûté des évêques, c'est-à-dire qu'ils avaient percé de coups des images fabriquées en cire, à l'effigie des prélats. A Paris, ils avaient crucifié un enfant; à Bray-sur-Seine, un chrétien couronné d'épines; et l'on affirmait que tous les ans, le jour de Pâques, ils mettaient un catholique en croix, pour s'en partager le cœur, quand il avait expiré dans les souffrances. Pour que les Juifs pussent recevoir sans cesse les cruels témoignages de l'horreur qu'ils inspiraient, les conciles de Latran, en 1215, et d'Arles, en 1234, leur avaient enjoint de porter une marque apparente. Une ordonnance de l'an 1268 exige d'eux qu'ils aient sur le devant et le derrière de leurs surcots un morceau de feutre ou de drap écarlate en forme de roue (videlicet: unam rotam de feutro seu panno croceo, in superiori veste consutam ante pectus et retro, ad cognitionem. Cujus rotæ latitudo sit in circumferentia quatuor digitorum, concavitas autem contineat unam palmam). En cas d'infraction, le coupable devait payer une amende de 10 livres, et son surcot était remis au dénonciateur. Philippe le Hardi les obligea à porter une corne à leur bonnet. Après le grand affranchissement accompli par la Révolution, les Juifs évitaient encore de se mêler à la société chrétienne, d'où les écartaient leurs préjugés. Ils furent réconcilié avec le reste du monde par les décisions que le grand sanhedrin rendit en 1807. Cette assemblée déclara :

Que la religion juive défendait à jamais la polygamie; Qu'elle tolérait le divorce quand il était permis par la loi civile du pays;

Que les mariages avec des chrétiens, adorateurs comme eux d'un seul Dieu, ne pouvaient être regardés comme défendus par leur religion;

Que les lois de la fraternité unissent les Juifs à leurs frères et à leurs semblables de toutes les croyances;

Que les actes de justice et de charité dont les Livres saints leur prescrivent l'accomplissement sont, envers leurs frères de toutes les religions, les devoirs essentiellement inhérents à leur croyance;

Que la France est leur patrie, qu'ils doivent la servir, la défendre, et obéir à toutes ses lois;

Qu'un vrai Israélite doit toujours élever ses enfants dans des professions utiles ou dans des états honorables;

Enfin que le prêt à intérêt usuraire, soit à des Israélites, soit à des non Israélites, est un crime également abominable aux yeux de leur religion.

Toutes ces décisions ont paru appuyées sur le texte des Écritures et des traditions saintes, et elles ont été adoptées par presque toutes les synagogues et communautés juives du monde.

Aujourd'hui les Israélites occupent une place importante dans la société parisienne; tout les monde connait le noms de Rothschild, Émile et Isaac Peireire, Mirès, Solar, Millaud, Salvador, Norzy, Rodrigues. Mais à côté d'eux il y a encore une foule de banquiers de premier ordre qui sont juifs, et la bourse regorge de fils d'Israël, dont la prodigieuse activité semble multiplier le nombre sous l'œil qui les suit. M. Achille Fould, ministre d'État, est israélite. Au Corps législatif, siégent MM. Léopold Javal et Koenigswarter; siégent à l'Institut MM. Franck, Munck, Halevy. Dans les sciences, les lettres, la médecine, l'armée, les intendances, on compte un grand nombre d'Israélites, tels que MM. Dennery, Jules Salvador, Isidore Cahen, Jules Cohen, Alexandre Weill. Au culte hébraïque appartiennent Anspach, conseiller à la cour de Paris, Alcan, professeur au Conservatoire des arts et métiers, Maurice Meyer, inspecteur des écoles primaires, professeur d'allemand à l'École polytechnique, l'avocat Crémieux, Michel Lévy, médecin du Val-deGrace. La musique compte Meyerbeer, Offenbach, Seligmann, Jules Cohen, et de nombreux lauréats qui obtiennent chaque année de légitimes succès. Daus les beaux-arts se distingent Adam Solomon, Ulmann; sur la scène, Miles Judith, Fix, Fereira, Vertheimber, et la famille de cette Rachel qui ressuscita la tragédie. Enfin, en dehors des affaires ou des arts, on cite les Gunsburg, les Joest, et autres grandes familles connues dans le High life.

Sous la direction de M. Albert Cohn, la communauté juive a organisé un comité de bienfaisance qui, en distribuant des secours matériels à ses coreligionnaires, s'occupent en même temps de leur moralisation.

D'après la loi organique qui régit le culte israélite en France, il existe à Paris un Consistoire central, formé des délégués des divers consistoires départementaux. Ces délégués, ainsi que les membres des consistoires, sont élus pour un temps déterminé par la voie du suffrage universel.

Les grands rabbins et rabbins ordinaires sont aussi nommés par voie d'élection par les consistoires. Seulement ils doivent être pourvus de diplomes délivrés par le Séminaire israélite.

Ce Séminaire, qui est la pépinière des pasteurs israélites, était établi à Metz sous le nom d'Ecole centrale rabbinique. Il vient d'être transféré à Paris en vertu d'une décision récente. Il est sous l'administration du Consistoire de Paris. Subventionné par l'Etat, ses professeurs sont nommmés par le gouvernement. Les élèves y apprennent la théologie pure, l'histoire, la littérature israélite, l'éloquence, la philosophie générale, l'exégèse biblique et diverses connaissances profanes. Le Séminaire israélite a été provisoirement installé rue du Parc-Royal, 10. Les élèves ont un uniforme noir avec un palmier violet brodé sur le col de l'habit ou de la redingote.

FIN DU TROISIEME ARRONDISSEMENT.

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