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conde pendule, dont le socle était surmonté d'une urne, marquait l'heure de la mort : quatre heures dix minutes.

Après avoir contemplé ces objets commémoratifs, dont la vue ravivait leur désespoir, les membres de la famille royale remontèrent en voiture et reprirent le chemin de Neuilly. Sur leur passage, la foule était respectueuse et sympathique. Toutes les passions politiques se taisaient; ceux même qui n'aimaient ni Louis-Philippe ni son gouvernement étaient émus de la douleur de cette famille, si cruellement atteinte dans ses affections, si déçue dans ses espérances.

La chapelle Saint-Ferdinand est dans la zone des terrains militaires, à quelques pas des remparts. Le plan est une croix latine; la partie supérieure est occupée par l'autel principal, dédié à la Vierge, et derrière l'autel on descend dans la sacristie, qui se trouve placée en dehors de la croix. Au côté droit de la croix est une chapelle dédiée à saint Ferdinand; au coté gauche, sur un sarcophage, la statue du prince revêtu des habits d'officier général et dans la position où il se trouvait au moment de sa mort. Au-dessus de la tête du duc d'Orléans, prie un ange à genoux, œuvre de la princesse Marie. L'ange et la statue sont en marbre blanc.

La statue du prince a été exécutée par Triquetti, d'après les dessins d'Ary Scheffer. Sur la face principale du sarcophage, l'artiste a représenté la France, sous la forme d'un génie, dans l'attitude de la douleur, déplorant la perte qu'elle vient de faire. Elle tient une urne; le drapeau français est étendu à ses pieds.

La partie inférieure et le centre de la croix sont destinés aux assistants. Les chiffres que l'on voit sur les parois des murs intérieurs de la chapelle sont ceux de l'infortunée vi time.

Les trois roses circulaires de la chapelle sont occupées par les trois vertus théologales, de sorte que la Foi se trouve audessus de la porte d'entrée, la Charité du côté de la chapelle Saint-Ferdinand, et l'Espérance dans la partie de la croix occupée par le monument représentant les derniers moments du prince.

Cette chapelle, du style roman ou lombard, est surmontée d'une croix en pierre; elle rappelle, par sa forme, celle des anciens tombeaux.

Intérieurement elle a environ 5 mètres de hauteur, 14 de longueur et 11 de largeur. La croix qui surmonte le monument a environ 3 mètres 70 centimètres de hauteur; la proximité des fortifications a empêché de donner à cette chapelle une plus grande élévation.

Derrière l'autel principal, et dans une niche pratiquée extérieurement à la chapelle, est placée une statue en marbre blanc représentant la Vierge tenant dans ses mains l'EnfantJésus. Les fenêtres de cette chapelle sont au nombre de dix et ornées de vitraux peints, représentant quatorze saints et saintes (patrons et patronnes du roi, de la reine et des membres de la famille royale), ainsi disposés, savoir: sept à droite de la Vierge et sept à gauche.

A la droite de la Vierge sont placés dans l'ordre suivant : saint Philippe, saint Louis, saint Robert, saint Charles Borromée, saint Antoine de Padoue, sa.nte Rosalie, saint Clément d'Alexandrie; à gauche de la Vierge sainte Amélie, saint Ferdinand, sainte Hélène (faisant face à la statue du prince), saint Henri (derrière l'ange qui est à genoux au-dessus de la tête du prince), saint François, sainte Adelaide, saint Raphaël.

Le carrelage est en marbre bleu turquin et noir, avec encadrement de marbre blanc.

La rosace, au milieu de la croix, est aussi en marbre blanc d'Italie et en marbre noir de Belgique.

Les autels de la Vierge et de Saint-Ferdinand sont en marbre blanc et noir, avec ornements en bronze.

Le tabernacle de l'autel de la Vierge est à l'endroit même où reposait la tête mutilée du duc d'Orléans quand il expira. Ingres a dessiné les cartons des vitraux, qui sortent de la manufacture de Sèvres.

L'enclos qui environne la chapelle est planté d'arbres funéraires. Dans l'hémicycle du centre, a été ménagé un espace vide pour la circulation des voitures.

L'enceinte est séparée de la grande route de la Révolte par un mur dans lequel on a pratiqué deux grilles, l'une servant a l'entrée, et l'autre à la sortie des voitures.

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En mémoire de ce douloureux événement, les habitants des Ternes ont consacré leur église à saint Ferdinand, et donné aux rues voisines les noms de Ferdinand, de la reine Amélie, d'Hélène, duchesse d'Orléans, et du comte de Paris.

D'anciennes cartes indiquent les Ternes, non comme un village, mais comme une simple ferme. Le père de l'auteur du Lutrin, Gilles Boileau, greffier de la grand' chambre du Parlement, y eut une maison, où il mourut le 14 avril 1676. Au xvu siècle, le marquis de Galifet s'y fit planter de beaux jardins, et la population s'accrut lorsque le faubourg du Roule eut été englobé dans Paris.

Les Ternes apportent à la capitale un contingent de dix mille âmes; une belle maison de santé où l'hydrothérapie a été essayée avec succès; des fabriques de linous, d'orgues, de bimbeloterie, de couleurs et vernis, de couteaux, de mouchoirs, de chocolat; des teintureries et blanchisseries; des établissements pour l'apprêt et le gaufrage des étoffes; des jardins où la culture des fleurs se perfectionne chaque jour. Un horticulteur des Ternes, M. Lierval, a seul obtenu une trentaine de variétés de phlox.

Monceaux a moins d'importance, quoique beaucoup plus ancien.

Ce nom de Monceaux, en latin Monticellum ou Monticelli, est très-répandu en France. Il y en a cinq dans l'Aisne seulement Monceau-les-Neuf, Monceau-le-Wast, Monceau-lèsLoups, Monceau-sur-Oise;

Deux dans le Calvados : les Monceaux, près de Lisieux, et Monceaux, près de Bayeux;

Trois dans Seine-et-Marne : Monceaux-lès-Provins, Monceaux-lès-Bray, Monceaux, dans l'arrondissement de Meaux; Deux dans Saone-et-Loire : Monceau, près Chalons, et Monceaux-l'Étoile;

Deux dans l'Oise : Monceaux, arrondissement de Clermont, et Monceaux-l'Abbaye;

Deux dans le Nord, transformés en Moncheaux pour la prononciation locale.

Il y a encore des Monceaux, des Moncheaux, des Monceau, ou des Moncel, dans la Corrèze, la Cote-d'Or, le Nord, la Meurthe, les Vosges, l'Orne, la Nièvre, l'Ain, l'Aube, le Puyde-Dome, le Pas-de-Calais et la Seine-Inférieure.

Dans l'intérieur même de Paris étaient un Monceau, près du Palais-Royal, et un Monceau, près l'église Saint-Gervais. Le village compris dans les limites du XVIIe arrondissement existait dès le IXe siècle.

L'abbé Lecanu, dans son Histoire de Clichy, prétend que Camulogène y campa avec l'élite des Gaulois, quand Labienus assiégea Lutèce; c'eût été une combinaison stratégique peu heureuse pour arrêter une armée qui venait de Melun par la Seine.

Il est positif que Monceaux existait du temps des Carlovingiens; qu'une partie de son territoire était plantée en vignes, dont les produits étaient consommés par les moines de SaintDenis. Charles le Chauve, dans une charte qui date de 850, donne aux religieux les vigues de Monceaux, près Paris, afin qu'ils en boivent le vin à leurs repas quotidiens, comme ils out coutume de le faire depuis longtemps in potum quotidianæ refectionis, concedimus vineas in pago Parisiaco sitas, sicut ab antiquo eas ipsi fratres habere consueverunt quæ conjacent in Monticellis. Guy, abbé de Saint-Denis en 1363, était né à Monceaux, et ajoutait à son nom celui de ce hameau, ainsi que l'attestent les Grandes Chroniques. Quand Jeanne Darcq vint assiéger Paris, le 4 septembre 1429, elle campa à Monceaux. Le chemin qu'elle suivit est ainsi tracé par Martial d'Auvergne, dans les Vigiles de Charles VII :

Puis le roy vint à Saint-Denys,

Qui lui rendit obéissance,
Laigny avec le plat pays,
Dépendances et l'adjacence.

Outre, en procédant plus avant,
Son ast tira à La Chappelle,

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La Chronique de la Pucelle, quoique ne nommant point Monceaux, confirme l'itinéraire de l'armée royale. « Alors commencèrent de grandes courses et escarmouches entre les gens du roi estants à Saint-Denys, et les Anglais et autres estants lors dans Paris. Puis quand ils eurent esté par aucuns temps à Saint-Denys, comme trois ou quatre jours durant, le duc d'Alençon, le duc de Bourbon, le comte de Vendosme, le comte de Laval, Jehanne la Pucelle, les seigneurs de Rays et de Boussac, et autres en leur compagnie, se vindrent loger en un village qui est comme à mi-chemin de Paris à Saint-Denys, nommé La Chapelle. Après quoy, le lendemain commencèrent de plus grandes escarmouches, et plus aspres qu'auparavant; aussi estoient-ils plus près les uns des autres. Et vindrent lesdits seigneurs aux champs vers la porte Saint-Honroré, sur une manière de butte ou de montagne, qu'on nommoit le Marché-aux-Pourceaux; et firent assortir plusieurs canons et couleuvrines, pour jetter dedans la ville de Paris, dont il y cut plusieurs coups de jettés. »>

Partie de Saint-Denis, l'armée royale fait une première station à La Chapelle, d'où elle s'approche de Montmartre, dont, selon tout vraisemblance, l'extrémité occidentale est désignée par ces mots qu'exigeait la rime : le moulin à vent. Les Anglais battent en retraite, et se renferment dans la ville. Avant d'engager l'action, les assiégeants choisissent un quartier général, comme nous l'avons dit dans le chapitre II du présent ouvrage. Ils menaçaient toute la portion des murailles comprise entre la porte Saint-Denis et la porte Saint-Honoré. Ils agirent judicieusement, en plaçant leur réserve sur le plateau de Monceaux, d'où s'élancèrent, guidés par Jeanne Darc, les détachements qui vinrent dresser leurs batteries sur la butte du Marché-aux-Pourceaux, appelé depuis butte des Moulins.

Dès les temps les plus reculés, Monceaux eut une chapelle qui dépendait de la paroisse de Clichy, et qui, entièrement rebâtie, fut consacrée de nouveau, le 26 mars 1529, par Guy, évêque de Mégare in partibus infidelium, sous le vocable de saint Étienne; c'était le patron du seigneur de Monceaux, Etienne Des Friches, dont l'héritier Germain Des Friches vendit le fief à Jean de Charon, valet de chambre du roi, en 1569. Ses héritiers le possédèrent jusqu'en 1746, époque à laquelle il fut vendu avec la seigneurie de Clichy, à Gaspard Grimod de La Reynière, fermier général.

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Tout vous charme à la fois. Là, bravant les saisons,
La rose apprend à naître au milieu des glaçons;
Et les temps, les climats, vaincus par des prodiges,
Semblent de la féerie épuiser les prestiges.

Plusieurs recueils du xvIe siècle sont remplis de descriptions pompeuses des jardins de Monceaux, ils étaient à cette époque considérés comme l'archétype du genre dit anglais, bien qu'il fût modifié par les plus étranges fantaisies.

« Le jardin de Monceaux, dit Thirey, renferme quantité de choses curieuses, et n'est fermé du côté des champs que par un fossé, moyen peu dispendieux d'agrandir ses possessions, puisqu'il semble joindre les espaces extérieurs au terrain qu'on occupe.

«En face de l'entrée principale est une espèce de portique chinois, qui sert d'entrée au jardin. Sous ce portique, on communique à gauche au pavillon du prince par une petite galerie couverte. Pareille galerie sur la droite rend au pavillon bleu, d'où l'on passe à une autre galerie qui mène à un pavillon dont tous les objets sont en transparents, puis à un pavillon jaune, de là aux serres chaudes que l'on traverse, et au bout desquelles on trouve un petit pavillon chinois orné de glaces peintes en arabesque, etc. Une de ces galeries s'ouvrant par le moyen d'un bouton, vous entrez dans le jardin d'hiver, fabriqué dans une vaste et immense galerie. La porte, cintrée, est décorée de deux cariatides qui soutiennent un entablement dorique. Derrière les arbres placés près de cette porte une statue de Faune, tenant deux torches, éclaire l'entrée d'une grotte formant cabinet à l'anglaise. L'eau tombe en cascade sur les rochers qui sont auprès. Parmi les arbustes groupés sur ces rochers sont des raquettes et des coraux factices, dont les tubes creusés servent à placer des bougies le soir.

«Toute cette galerie, garnie d'un sable fin et rouge, est remplie d'arbres et d'arbustes en fleurs tout l'hiver, comme lilas, vigne de Judée, aburnum, noyers des Indes, bananiers, palmiers, cerisiers, cafiers, thés, cannes de sucre, etc., chargés de fleurs; de l'autre côté, sont de pareils arbres; leurs troncs sculptés et colorés servent de supports aux vitraux, et leurs branchages s'étendent pareillement sur la voûte peinte en ciel. De distance en distance sont des lanternes de cristal censées suspendues à leurs rameaux.

« Vers les deux tiers de cette galerie, on voit à gauche, une grotte extrêmement profonde; une espèce d'antre, formé par des rochers, placés dans le fond de cette grotte, s'ouvre; vous passez sous une petite voùte, au bout de laquelle, en montant trois marches, une porte vous introduit dans une petite pièce appelée le pavillon blanc, cette pièce ressemble à l'intérieur d'une tente, et est tendue de même en toile de coton blanche bordée de perse : l'on y jouit d'une vue fort agréable. Rentrant dans la grotte, vous trouvez dans une de ses cavités, à gauche, un tour par où se fait le service des cuisines, lorsque le prince donne à souper dans cette grotte. Par le moyen d'un cordon, les musiciens, qui sont dans la pièce qui est au-dessus de cette grotte, sont prévenus d'exécuter des symphonies dont les sons mélodieux, pénétrant dans cet endroit par les lézardes de la roche qui en forme la vote, viennent surprendre agréablement les convives, et semblent être produits par les prestiges de la féerie. Une fontaine, coulant sur des rochers, fixe encore vos regards avant de quitter ces lieux enchanteurs.

« Sur la droite de la cour, où vous vous trouvez en sortant, est un jardin fleuriste. Dans le fond, la pompe à feu. Les bâtiments de la gauche contiennent des serres chaudes, servant à la culture des plantes exotiques, et des arbustes et fleurs pour renouveler le jardin d'hiver. Tout près est la cour et la maison du jardinier, à droite de laquelle est un cabaret. Le chemin, qui se présente en face, conduit aux ruines du temple de Mars, dont les colonnes sont d'ordre corinthien: leur disposition annonce que ce temple était de forme carrée, et orné d'un péristyle, dont on retrouve encore deux parties. La statue de Mars, qui était au milieu, étant trop mutilée, on y a substitué celle de Persée, qui est antique. Après ce temple, vous trouvez une prairie où serpente une rivière; vous traversez une petite ile formée par des rochers pour passer dans la prairie opposée, où un sentier sur la droite vous conduit au moulin à vent hollandais, qui fait mouvoir une pompe dont le produit fournit une partie de la cascade du rocher placé dans la pièce d'eau qui est au bas du moulin: près de là est un réservoir entouré de rochers servant à recevoir les eaux de Chaillot. Cette pièce

d'eau, ainsi que le réservoir, étant dans l'endroit le plus élevé
de ce jardin, ils servent à fournir les rivières et fontaines qui
en sont l'agrément.

« Derrière le moulin à vent est la maison rustique du meunier; son intérieur, revêtu de marbre blanc, forme une charmante laiterie, dont tous les vases sont de porcelaine. Auprès est un jardin fleuriste bordé sur la droite par un petit ruisseau provenant d'une fontaine située à gauche du bassin du rocher. En suivant ses bords, on arrive à la montagne, sur le sommet de laquelle on a élevé un petit pavillon rond dans le genre gothique. Là, dominant sur tout ce qui nous environne, la vue n'est bornée que par l'horizon; vous découvrez à droite Montmartre, les hauteurs de Belleville, tout Paris, l'Observatoire, Vanvres, Issy, Meudon, Bellevue, Sèvres, Saint-Cloud, le MontValérien, les hauteurs de Marly, Saint-Germain, celles de Sannois, Saint-Prix, Montmorency, Écouen, Épinay, Saint-Denis; puis l'on retrouve Montmartre.

«En descendant vous trouvez à droite un antre formé par des rochers, et qui sert d'entrée à la glacière, pratiquée sous cette montagne. En face est la melonnière, derrière laquelle est la ferme.

Traversant le ruisseau sur la gauche, et côtoyant le jardin fleuriste, vous arrivez au bois des Tombeaux, composé de peapliers d'Italie, de sycomores, de platanes, de cyprès et de thuyas de la Chine. Le premier objet qui frappera vos yeux sera le tombeau d'une jeune fille dont la figure, couchée et mutilée, est en pierre de touche. Vous découvrirez à droite une pyramide imitée de celle de Caius-Sextius à Rome, mais portant le caractère égyptien. Deux cariatides soutenant le marbre d'une table vert antique annoncent l'entrée de ce monument, fermé par une porte de fer. L'intérieur est décoré de huit colonnes imitant le granit, et enterrées d'un tiers : leurs chapiteaux, formés par des têtes égyptiennes, soutiennent un entablement de granit et de bronze. La voûte, en forme de calotte, est peinte en caissons avec rosaces de bronze. A droite et à gauche, sont placés deux tombeaux de marbre noir antique. Les niches des angles sont occupées par des cassolettes de bronze. Dans une autre niche, en face de la porte, est une cuvette de marbre vert antique, sur laquelle une figure de femme accroupie sur ses talons, en se pressant les mamelles, en fait sortir l'eau qui retombe dans la cuvette. Cette figure, du plus beau noir, a pour coiffure un bandeau et des bandelettes d'argent.

« Sur la droite de ce tombeau est une urne de bronze posée sur un piedestal de marbre blanc, et élevée sur trois marches. En passant derrière la pyramide, vous trouverez à votre gauche une fontaine, et un peu plus loin un tombeau sur lequel est une pyramide ronde ruinée. Un sentier, placé près de ce tombeau, vous conduira aux deux pavillons recouverts en treillages et joints ensemble par un berceau. Après vous y être reposé un moment, vous longerez extérieurement le bois des Tombeaux sur votre droite, et vous apercevrez bientôt la vigne italienne, empressée de gravir le coteau sur lequel elle est située; une statue antique de Bacchus, placée au milieu, réveillera votre âme encore attristée de la scène précédente. Vous serez étonné de voir des poteaux de sept pieds de haut plantés en quinconces servant d'échalas à cette vigne, et soutenant des berceaux qu'elle couvre de ses rameaux et de ses fruits.

à

« Après avoir traversé cette vigne et le ruisseau qui est derrière, vous entrerez dans le bois qui est sur la rive opposée. Un chemin irrégulier vous conduira à un point de repos, sur la droite duquel vous admirerez une belle statue antique de Mercure en marbre blanc, et le petit autel antique qui est en face. Continuant ensuite votre route, vous arriverez près de deux monuments ruinés, dans l'un desquels est la grande pompe feu, et au rez-de-chaussée une petite chambre décorée à la chinoise. En avançant encore quelques pas, vous entrerez dans une petite place occupée par un bassin de marbre blanc, au milieu duquel est un charmant groupe de M. Houdon, sculpteur du roi, représentant une superbe figure de marbre blanc; prenant un bain derrière elle, une autre femme, exécutée en plomb et peinte en noir, figure une négresse tenant d'une main une draperie de marbre blanc, et de l'autre une aiguière d'or, dont elle répand l'eau sur le corps de sa maîtresse, d'où elle retombe en mappe dans le bassin. Une porte ruinée, en face de ce groupe, vous conduit à la colonnade qui entoure une partie de la naumachie formée par un vaste bassin ovale. Sur les rochers groupés dans le milieu est un obélisque de granit

chargé d'hieroglyphes. Après avoir admiré les restes de la colonnade corinthienne dans l'eau, dont elle décore les bords, et, suivant ce bassin, sur la droite, vous rencontrerez un pout de bois peint en gris et en noir, de dessus lequel vous apercevrez la tente tartare, le petit temple de marbre et le jeu de bague chinois.

«En tournant à gauche, au sortir de ce pont, vous entrerez dans le jardin botanique, composé d'arbres, arbustes et plantes tant indigènes qu'exotiques. Regagnant ensuite le pont, un chemin élevé sur le bord de la rivière vous conduira à la fontaine de la Nymphe qui lui sert de source, puis à la tente tartare, où le chemin, faisant la fourche, mène à droite au jeu de bague et à gauche à la statue antique du berger Pâris, devant lequel le chemin se bifurquant encore conduit à droite au temple de marbre, et à gauche au château ruiné. Des fragments d'un escalier vous permettent de monter dans les ruines de cet ancien fort, et d'arriver sur la plate-forme d'un bâtiment carré et à créneaux. Par le moyen d'un escalier placé dans une tour antique, vous monterez sur la partie la plus élevée de ces ruines, et vous découvrirez tout l'ensemble de ce jardin. Au bas de cet endroit, les caux, qui viennent de plus loin, forment cascade sur des rochers près de l'arche principale d'un pont construit en pierres meulières et briques, rompu en partie, et tenant à ce château antique. Un autre pontrempart vous conduira dans un bois agreste, sur la droite duquel vous irez gagner le temple de marbre blanc; c'est une rotonde sans calotte composée de douze colonnes corinthiennes, entre lesquelles sont des bancs de marbre. Un autel, placé au milieu, sert de piédestal à une statue antique et en marbre représentant une des compagnes d'Ulysse lorsqu'il était chez Lycomède. Du temple on arrive, à travers d'un bois agreste, à la partie du pavillon du prince, exposée au levant; une bascule, placée entre les deux croisées du milicu, sert à monter extérieurement au premier étage; sur la gauche est une fontaine, au bas d'un bassin pratiqué sur une terrasse contigué à la salle de bains, placée de côté. Traversant le bosquet de la balançoire, qui est à droite, vous arriverez à la façade principale du pavillon.

«Le milieu de cette façade est orné d'un porche soutenu par des pilastres carrés dont les bossages sont peints en marbre jaune de Sienne, et les tables, en marbre de Languedoc. Leurs chapiteaux, bosses et ornements, imitent le bronze antique; la couverture est aussi peinte en jaune, et les guirlandes en bronze.

«En avant de ce pavillon est un bassin qui s'étend circulairement autour du jeu de bague chinois et le renferme dans une ile. Trois pagodes chinoises portent un grand parasol qui couvre ce jeu. Ces pagodes, appuyées sur une base horizontale, meuvent avec le plancher qui est sous leurs pieds. La méca nique qui les fait tourner est mise en mouvement par des hommes dans un souterrain pratiqué au-dessous. Des bords du plancher partent quatre branches de fer, dont deux soutiennent des dragons sur lesquels les messieurs montent à cheval. Sur les deux autres branches sont couchés des Chinois qui soutiennent d'un bras un coussin sur lequel s'assoient les dames; ils tiennent d'une main un parasol garni de grelots, et de l'autre un second coussin servant à poser les pieds. Aux bords du grand parasol sont suspendus des œufs d'autruche et des sonnettes. A droite et à gauche de ce jeu de bague, du côté du pavillon, sont des bancs-ottomanes placés dans des enfoncements de verdure. Ces bancs sont en pierre et imitent des carreaux de Perse; au-dessus sont des draperies rayées de violet, d'aurore et de blanc, soutenues par des bâtons. C'est où se tient la compagnie pour voir courir la bague. De droite et de gauche de ces ottomanes sont des roses ou cassolettes imitant le bronze rouge; leurs guirlandes et ornements sont dorés.

« Sur la gauche du jeu de bague, vous apercevrez une niche entre deux colonnes de proportions doriques, ornées de bossages, et soutenant un entablement. Cette niche est occupée par une superbe statue de marbre blanc, copiée par le célèbre Bouchardon d'après le Faune antique et dormant qui est à Rome, dans la vigne Borghèse.

« Un sentier qui se présente sur la droite de cet intéressant morceau vous conduira sur le bord d'un fossé qui servait autrefois de clôture au jardin de ce côté vous pénétrerez dans l'agrandissement que le prince s'est procuré au delà par un petit pont ployant qui se baisse et sé relève contre le mur de

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clôture. L'abreuvoir que vous trouverez dans ce nouveau terrain est destiné aux bestiaux de la ferme; de l'autre côté est un petit tertre nommé le tertre de Diane.

« Revenant sur vos pas, vous irez voir les appartements du pavillon, meublés galamment, dans le genre anglais. »

Quel étrange amalgame de verdure et de marbre, de vérité et de convention, de beaux arbres et de laides imitations de l'antique, de la nature de France et des importations exotiques! En se bornant à marier des arbres d'essences diverses, à contourner les allées, à exhausser et niveler le sol, à combiner les éléments formés par la terre et les eaux, il eût été facile d'obtenir les ombrages les plus frais et les sites les plus pittoresques; mais c'eût été du dernier bourgeois! Les grands seigneurs qui portaient des perruques poudrées et des talons rouges faisaient à la nature une toilette en harmonie avec la leur. Il leur fallait de fausses ruines grecques, de fausses pagodes chinoises, des moulins et des laiteries postiches, tout une boutique de jouets d'enfants.

Les paysans de Monceaux devaient voir avec dédain ces belles inventions du duc de Chartres: c'étaient des gens routiniers, attachés à leurs usages et à leurs champs, et qui se souciaient peu du progrès. Le duc de Chartres voulut faire disparaître une mare infecte dont les émanations répandaient la fièvre à la ronde. Le populaire se fàcha: il tenait à cette flaque d'eau saumâtre, dont les bestiaux se contentaient, et où les lavandières jaunissaient le linge sous prétexte de le blanchir. La force armée dut protéger les ouvriers qui travaillaient au desséchement.

Les habitants de Monceaux ne furent nullement ébranlés dans leur foi par les édits philosophiques de 1789. Comme pour affirmer leurs croyances religieuses en face du philosophisme, le 29 octobre 1790, ils replantèrent solennellement sur leur place publique une ancienne croix renversée par

accident vingt ans auparavant. Le 27 mars 1791, un Te Deum, avec salut solennel du Saint-Sacrement, fut chanté à Clichy. Les habitants de Monceaux demandèrent qu'il fût répété dans leur chapelle, où ils se rendirent accompagnés de membres du conseil municipal et de gardes nationaux de la commune de Clichy; mais le desservant refusa ses services en alléguant qu'il n'avait point d'ordres. La multitude irritée le malmena; il était fortement question de le lapider, lorsqu'il prit le sage parti de s'enfuir. Les assistants, oubliant leur fureur, se consolèrent en chantant seuls à pleins poumons un Te Deum, un Domine, salum fac regem, un Domine, salvam fac gentem, et un Domine, salvam fac legem!

Presque déserts, les plateaux de Monceaux et de Batignolles étaient propres aux manoeuvres militaires. Nous lisons dans les journaux du 21 octobre 1815:

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« Toutes les troupes, infanterie. cavalerie et artillerie composant la garnison de Paris, ont offert avec une précision admirable le spectacle d'une petite guerre dans la plaine de Monceaux. Les manoeuvres étaient exécutées par deux corps d'armée, l'un commandé par Mgr le duc d'Angoulême, et l'autre par Mgr le duc de Berri.

« Les évolutions ont commencé vers une heure, et ont fini à cinq heures. S. A. R. Mme la duchesse d'Angoulême les a honorées de sa présence et en a paru très-satisfaite.

«Tous les spectateurs ont admiré l'air martial et la belle tenue des troupes. Partout la foule s'est portée sur le passage de Madame, et l'a saluée des acclamations de Vive le roi! vive madame la duchesse d'Angoulême!

«S. E. le comte Dupont, ministre de la guerre, faisait partie de l'armée de Mgr le duc d'Angoulême, dont la cavalerie et la réserve d'infanterie étaient commandées par S. A. R. le duc d'Orléans.

«S. E. le comte Maison, gouverneur de la première division

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Aucun arrondissement ne prête mieux que le XVII aux dissertations savantes, précisément par la raison qu'il paraît de fondation toute récente, et qu'on sait gré aux auteurs des efforts même infructueux qu'ils tentent pour combler une lacune en reliant le présent au passé.

Une charte, publiée successivement par Mabillon et Pardessus, a fait croire généralement que les Batignolles avaient existé dès le vir siècle. Nous pensons qu'il est inutile d'en reproduire l'effroyable latin, que les amateurs fanatiques d'archéologie trouveront dans le tome second du recueil intitulé: Diplomata, charta, epistolæ, leges, aliaque instrumenta ad res gallo-francicas spectantia.

La pièce elle-même a été intitulée par ses éditeurs : Diploma Theodorici III, regis francorum, quo villam de BACTILIONE VALLE adjudicat Almagario, Achilde partem hujus frustra reclamante.

«Charte de Théodoric ou Thierry III, roi des Francs, qui adjuge à Amalgar la terre du val Bactilion, dont Achilde réclamait à tort une partie. »

Il y a de leur part une erreur. Nous avons étudié attentivement la charte en question; elle concerne non pas la terre du

valjde Bactilion, mais une métairie située dans la villa royale de ce nom. Ces villas, qui étaient d'une étendue considérable, comprenaient des terres administrées en régie, des domaines affermés, et d'autres que les colons possédaient héréditairement, à la condition d'acquitter certaines redevances et d'être fidèles à leur seigneur. La métairie litigieuse faisait partie de la villa du val de Bactilion.

Voici les faits de la cause. Théodoric tenant sa cour à Compiègne, une femme, nommée Achilde, vient demander justice; elle déclare que sa mère, propriétaire d'une portion qu'elle tenait héréditairement dans la villa du val de Bactilion (portione de bartone, in villa nuncubanti Bactilione valle), en a confié l'exploitation à des hommes liges, qui l'ont méchamment gardée. Ce texte est plein d'intérêt au point de vue de l'histoire; car c'est une preuve de plus que, contrairement au texte formel de la loi des franks saliens, les femmes commençaient à hériter même des biens immobiliers.

Le prévenu, qui s'appelle Amalgar, comparaît devant le roi, à Luzarches, en l'an 680. Il dit que la terre qu'on lui réclame, située au lieu du val de Bactilion (in prædicto loco), a été occupée par lui et par son père Gueltramm; qu'ils la tiennent des prédécesseurs du roi depuis au moins trente et un ans. Encore un détail intéressant qui ressort de notre charte, savoir que la prescription était admise chez les Franks. Ce qui suit n'est pas moins curieux.

à

Le roi défère le serment aux défendeurs. Deux jours avant les calendes de juillet, Amalgar, avec sept hommes de sa condition, se présente dans l'oratoire du palais de Luzarches, et tous jurent sur la chape de saint Martin, en se portant cautions les uns des autres, qu'Amalgar et son père occupent leur manse depuis trente et un ans. Le 2 des calendes de juillet, Amalgar et ses amis se présentent au palais de Luzarches. Le comte du palais, Dructoald, rend témoignage en leur faveur,

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