Imatges de pàgina
PDF
EPUB

uns portant les attributs de leur profession, les autres déguisés en sauvages armés de massues.

Vers 1816, les maîtres bouchers se firent un honneur de fournir le bœuf pour la promenade. Cette émulation gagna les herbagers, et le choix du bœuf gras fut l'objet d'une sorte de concours. Ce furent alors les maîtres bouchers eux-mêmes qui demandèrent l'autorisation de faire promener leur bœuf gras, et cette permission leur fut accordée par le préfet de police sur l'avis du syndicat.

L'administration, pour encourager l'apport des bestiaux de choix sur les marchés, fit insérer dans trois journaux, à partir de l'année 1821, une note dans laquelle étaient mentionnés les éleveurs et les bouchers acquéreurs, qui trouvaient dans cette satisfaction d'amour-propre une compensation aux sacrifices qu'ils s'étaient imposés.

Vers la même époque, un jury fut organisé au marché de Poissy pour désigner l'animal qui devait figurer dans la cérémonie. Ce jury se composait des préposés de l'administration, des membres du syndicat et de quelques bouchers et herbagers; il a fonctionné en se régularisant jusqu'en 1848. Rien ne fut négligé pour augmenter autant que possible une émulation favorable à l'agriculture. Les bouchers fournisseurs étaient souvent autorisés, malgré l'établissement des abattoirs généraux, à conserver, jusqu'au jour de la promenade, dans des écuries près de leur étal, les bœufs choisis, afin qu'ils fussent exposés plus longtemps aux yeux du public.

Le concours de Poissy, institué en 1843, doit avoir de meilleurs résultats que le choix seul du bœuf gras dont la fourniture était en quelque sorte devenue, pendant vingt années consécutives, le privilége exclusif de MM. Cornet, père et fils. Tout l'honneur rejaillissait sur l'éleveur préféré, et les accessits restaient à peu près inconnus du public.

La décision du jury d'examen n'était pas toujours basée sur l'état d'engraissement et sur le rendement présumé des animaux présentés, mais sur leur taille et leur apparence. Quelquefois des bœufs d'une qualité supérieure se trouvaient rejetés, parce que ceux qu'on leur opposait étaient plus propres à la marche, plus élégants de forme et d'une plus belle robe. La promenade, interrompue en 1848 par suite des événements politiques, puis suspendue en 1849 par décision ministérielle, a reparu en 1850 à la suite de l'intervention du syndicat. En 1851, ce fut le directeur de l'Hippodròme, M. Arnault, qui en fit les frais. Depuis l'année 1805, ces frais avaient été supportés presque en totalité par la compagnie des bouchers. Cependant, en 1810, l'Empereur avait fait don d'une somme de 600 francs aux garçons conducteurs du cortége.

L'administration de la police, qui fait surveiller les préparatifs de ce divertissement par l'inspecteur général des marchés, accorde, depuis 1834, une allocation annuelle de 2,000 francs pour aider à combler le déficit existant entre les recettes et les dépenses occasionnées par la promenade du bœuf gras.

L'ensemble de ce cortége, qui se rend habituellement au château des Tuileries, dans les divers ministères, aux préfectures de police et de la Seine, s'est augmenté d'une manière notable depuis quelques années.

Il y a trente ans, le pauvre bœuf, portant un enfant habillé en amour, n'était escorté que de quelques individus déguisés. Ce fut en 1855 que le cortége eut le plus d'éclat. On y remarquait une musique militaire, de magnifiques costumes de guerriers grecs ou romains et de chevaliers du moyen âge. Sur un char richement orné et pavoisé de drapeaux et de banderolles aux mille couleurs était traîné triomphalement le héros de la fête, destiné au sanglant sacrifice.

La plupart des améliorations qui ont été apportées à l'ordonnancement de cette promenade du bœuf gras ont été motivées par un certain nombre d'accidents : c'est ainsi qu'en 1812 l'animal s'échappa et blessa grièvement trois personnes qui ne purent éviter sa poursuite précipitée. En 1821, il renversa l'enfant qui représentait l'Amour: aussi, à partir de cette époque, le palanquin que portait le bœuf fut remplacé par un char élégant où se pavanaient les principales divinités de l'Olympe. Enfin, à plusieurs reprises, le bœuf gras avait été reconnu mal à pied, c'est-à-dire on avait constaté qu'il ne pouvait suivre le cortège, et l'on éprouvait certaines difficultés à le remplacer. Pour obvier à cet inconvénient, il fut placé sur un char.

Pendant les carnavals de 1825, 1826 et 1827, chacun des

229

boeufs choisis pour Paris a pesé environ 1,500 kilogrammes. Le plus bel animal qui ait été promené a été le bœuf de 1842, dont le poids était de 1,900 kilogrammes. En 1826, un éleveur avait amené un mouton pesant 138 kilogrammes. Cette promenade du bœuf gras a donc une certaine utilité au point de vue de l'agriculture, et la mascarade qui l'accompagne est un genre de divertissement goûté des Parisiens, si l'on en juge par l'affluence de spectateurs que rencontre le cortége lorsqu'il parcourt les rues pendant les jours gras.

C'est depuis quelques années seulement que l'on a pris l'habitude de donner un nom au bœuf gras. Les appellations qu'il reçoit ont rapport tantòt à des événements politiques, tantôt à des succès littéraires. En 1845, c'était le père Goriot; en 1846, Dagobert, un des personnages du Juif errant d'Eugène Sue; et 1847 vit promener César et Monte-Cristo.

Voici la nomenclature exacte des bœufs gras, depuis 1851 :
1851. Liberté.
Manlius.

1852.

1853.
1854.

du nom).
1855.

1856.

Le père Tom.

D'Artagnan, Porthos, Aramis et Dagobert (deuxième

Sébastopol, Bomarsund, Trébizonde.

Sébastopol (deuxième du nom), Malakoff, Bomarsund (deuxième du nom).

1857. - Le duc Guillaume, Prétendant, Succès, Progrès, Qu'en dira-t-on?

1858.

- Turlututu, pesant 1,330 kilogrammes; Sarlabot, bœuf sans cornes.

1859.

Bastien.

Le père Cornet, Turin, Faust, le Bayeusain, Fanfan,

[blocks in formation]

Vaugirard, ville supprimée, dont la mémoire sera perpétuée parce que son nom se rattache à un grand arrondissement de Paris, contribuait, dans les premiers siècles de la monarchie, à l'approvisionnement de cette capitale, en bestiaux. Nous avons eu occasion de signaler l'étrange altération que subissent les substantifs à mesure qu'ils s'éloignent de leur point de départ : par exemple, Lourcine est une corruption de Locus cinerum; de même Valboitron, première appellation de Vaugirard, dérive de Vallis bostaroniæ, qui indique une vallée riche en påturage et en étables. Les endroits où les bœufs étaient réunis s'appelaient en grec ẞováciov; les Romains avaient combiné les deux mots bos (buf), et stare (résider, s'arrêter), et ils en firent Bostar et Bostarium. Ce mot est employé dans le poëme d'Abbon, sur le siége de Paris par les Normands et dans plusieurs autres auteurs que mentionne le dictionnaire de Ducange.

L'abbé Lebeuf, auquel on doit l'histoire ecclésiastique de la banlieue de Paris, n'a pas hésité à reconnaître que Valboitron venait de Vallis bostaroniæ. « La vallée, dit-il, ayant été propre à faire paitre le long de la Seine et à mettre à couvert les bestiaux durant la nuit, je ne chercherais point ailleurs d'où lui serait venu ce nom primitif. Mais ce nom ne passa pas le x siècle. Gérard de Moret, qui fut abbé de Saint-Germain depuis l'an 1258 jusqu'en 1278, s'attacha singulièrement à rebâtir ce lieu; il y construisit une maison pour servir à retirer les religieux après leurs maladies; il y ajouta un cloitre régulier avec une chapelle de Saint-Vincent, afin que les moines, quoique convalescents, y observassent la règle. Tant de notables changements méritèrent bien qu'en place de l'ancien nom de Val Boitron, ce lieu fut appelé Val Gérard, du nom du restaurateur. Telle fut l'origine de cette dénomination, et l'on ne peut pas la faire remonter plus haut. Ainsi, c'est une méprise dans M. Grancolas, d'avoir insinué en son Histoire de Paris, que le Gerardi villa, où fut d'abord porté le corps de sainte Honorine, est ce Gerardi vallis, confondant avec Vau Girard, Girard-ville, que l'on a abrégé en Graville, et qui est situé en Normandie. »

L'abbé Gérard ne fut pas le seul qui prit ce lieu en affection: dans le siècle suivant, l'abbé Jean de Précy fit entourer de murs tout le clos de Vaugirard; il comprit dans cette enceinte même un moulin qui existait alors. Ces améliorations successives lui occasionnèrent moins de frais que l'on ne l'aurait supposé. En effet, les habitants d'Issy, qui avaient besoin à cette époque d'un terrain pour agrandir les dépendances de leur église l'obtinrent à la condition de se charger de l'établissement du mur de cloture. Les habitants de Vaugirard et d'Issy contribuèrent à ces dépenses, car on n'avait pas encore érigé de cure à Vaugirard, et tous faisaient partie de la même paroisse.

La population de Vaugirard ayant pris un accroissement considérable, les habitants obtinrent de l'abbé Jean de Précy la permission d'y bâtir une chapelle. Elle fut érigée en paroisse, en 1342, par Foulques de Chanac, évêque de Paris, à la condition de payer au curé d'Issy 10 livres de rente à titre d'indemnité, 40 sols à la fabrique et 20 livres de rente au nouveau curé. La chapelle, devenue paroisse, était placée sous l'invocation de la Vierge; mais, en 1453, les reliques de saint Lambert, évêque de Maestricht, y ayant été déposées, ce fut lui qui devint le second patron de Vaugirard. A cette occasion, le concours des fidèles fut si considérable que, en 1455, une confrérie fut formée en l'honneur du pieux évêque. Le jour de sa fête avait été fixé au 17 septembre de chaque année.

Sous le règne de François II, de violentes persécutions furent exercées contre les huguenots. Voici dans quels termes l'historien Garnier en parle : « Le peuple de Paris, dit-il, éveillé par les récompenses promises aux délateurs, alléché par le pillage des maison abandonnées, et ameuté par quelques moines enthousiastes, mettait son étude et sa gloire à exterminer, sans miséricorde, une engeance qu'on lui peignait comme ennemie de Dieu et des hommes. Entre autres moyens qu'on mit en usage pour découvrir ceux qui dissimulaient, celui-ci parut efficace comme on connaissait leur horreur pour le culte des images, on plaça au coin des rues et sur la porte des maisons les plus apparentes, de petites statues de la Vierge ou de quelque saint.

« On dressait au pied une table en guise d'autel, sur laquelle on mettait des cierges allumés. Si quelqu'un passait sans s'être agenouillé, ou, du moins, sans avoir dévotement salué l'image, des gens cachés dans des boutiques voisines couraient après lui, le forçaient de remplir ce devoir, ou le traînaient chez un commissaire. Pour fournir à l'entretien du luminaire, on avait fabriqué une sorte de boite qu'on nommait tirelire; on la présentait effrontément au premier que l'on rencontrait : et quiconque refusait d'y jeter quelque pièce de monnaie était injurié, battu et en danger d'être assommé. »

Les mécontents qui avaient été maltraités par des fanatiques se réunirent dans une maison de Vaugirard et y préparèrent la conspiration d'Amboise. De vieux proverbes se rattachent à Vaugirard. Un de ses curés ayant eu la réputation d'un buveur émérite, on disait, pour désigner une grande bouteille : « C'est la burette du curé de Vaugirard. » Le village, ne se composant que de quelques maisons, et ayant toutefois des prétentions justifiées par la richesse de son territoire, envoyait des représentants aux puissances du jour; mais comme il était arrivé, aux avénements des rois, aux naissances des dauphins ou dans d'autres occasions solennelles, que l'unique et humble représentant de Vaugirard se trouvât en présence de députations compactes, ses rivaux, plus heureux, s'écriaient dédaigneu

sement:

[blocks in formation]

ticuliers; le deuxième (rive gauche), sur l'ancienne voirie des Fourneaux et sur des terrains privés. Par suite de cette ordonnance, un traité fut passé le 18 août 1847 entre la ville de Paris et MM. Heullant et Goulet. L'art. 14 de ce document dispose qu'à partir du jour de l'ouverture des abattoirs autorisés par l'administration municipale, les soumissionnaires percevront pendant six années, à leur profit, à titre de droit d'abat, deux centimes par kilogramme de viande, panne, graisse, gras de porc et ratis fondus ou non, entré dans chacun de ces établissements... Il est dit, art. 15: En outre, l'administration tiendra compte aux concessionnaires de un centime et demi par kilogramme de viande, panne, gras de porc et ratis fondus ou non, venant du dehors et introduits dans Paris. Art. 17. La concession faite par la ville de Paris cessera de plein droit à l'expiration des six années calculées du jour de l'ouverture des abattoirs, et la ville entrera en pleine jouissance des abattoirs, ainsi que des droits abandonnés jusque-là aux concessionnaires; elle entrera aussi et gratuitement en pleine jouissance et propriété des objets mobiliers. - Ces deux établissements ont été construits sous la direction de M. Picard, architecte. La dépense qu'ils ont occasionnée à la ville de Paris s'est élevée à la somme totale de 1,214,263 fr. 83 c.

Ils occupent une superficie totale de 23,271 mètres, savoir: Celui de Château-Landon.. 14,564 8,704

Celui des Fourneaux.

Leur ouverture a eu lieu le 31 octobre 1848, en vertu d'une ordonnance de police du 27 du même mois, qui a réglé aussi la police de ces deux abattoirs. L'expiration de la concession a eu lieu le 30 octobre 1854.

[merged small][ocr errors][merged small]

Vers le milieu du xvre siècle, on établit à Vaugirard une communauté de jeunes filles et de dames veuves, sous la direction de Mme de Villeneuve. Cette institution fut autorisée par une ordonnance royale, que le parlement enregistra le 3 septembre 1646. On adjoignit cet établissement un hospice destiné à recevoir les pauvres. Au mois de décembre 1669, l'archevêque de Paris ordonna que l'institution tout entière serait transférée au faubourg Saint-Germain, et lui assigna pour procuratrice la dame Hélène de Voluyre de Russer du Bois de la Roche.

A cette époque, le village de Vaugirard commença à prendre une certaine importance. «Cependant, » dit M. Dulaure, « alors comme aujourd'hui (1838), Vaugirard n'était guère composé que de cabarets; et, en 1709, on n'y comptait encore que quatre-vingt-dix-huit feux; il n'y en avait que cent quinze en 1745; mais on voit que la population suivait une progression croissante qui a toujours continué depuis.

Ce fut à Vaugirard qu'eurent lieu, vers 1642 ou 1648, les premiers exercices du séminaire qui a donné naissance à celui de la place Saint-Sulpice en 1860.

En 1728, les théatins de Paris avaient un hospice dans la partie du village de Vaugirard contiguë au territoire d'Issy.

En 1760, Lenoir, lieutenant général de police, ouvrit, dans la grande rue de Vaugirard, près de l'église paroissiale un hospice pour les femmes enceintes, les nourrices et les enfants, mais seulement dans le cas où elles seraient attaquées de la maladie qu'on traite actuellement à l'hôpital du Midi. La Nouvelle description des environs de Paris, par Dulaure (Paris, 1786, in-18), donne de très-curieux détails sur le régime de cette maison, dont les habitants appartenaient généralement à une classe peu morale:

« Le lever des femmes grosses sera fixé à cinq heures et demie en été, et à sept heures en hiver; et le coucher à neuf.

« Aussitôt après le lever, on fera la prière; on pourvoira ensuite à la propreté; on fera les lits; on balayera les dortoirs, et on renouvellera l'air en ouvrant une ou plusieurs croisées, suivant la grandeur du dortoir.

« La prière du soir se fera à huit heures et demic, après laquelle les femmes grosses se coucheront; pendant la nuit, un réverbère sera allumé dans chaque dortoir.

1

[ocr errors]

«Les femmes nourrices auront pareillement dans leurs chambres un réverbère, afin qu'elles puissent donner à leurs enfants tous les secours dont ils auront besoin.

"

L'espace qui se trouve entré le déjeuner et le dîner, le goûter et le souper, sera divisé de manière qu'il y ait après chaque repas une heure de récréation; le reste sera employé au travail par les femmes grosses qui ne seront pas malades. «Ce travail sera analogue aux besoins de la maison. On pourra les occuper à la couture ou au tricot. On ne contraindra aucune d'elles; mais on les engagera par une récompense pécuniaire, qui sera proporti nnée à l'ouvrage qu'elles feront; et qui sera toujours le cinquième du produit de la main

d'œuvre.

« Les femmes, lorsqu'il fera beau, passeront le temps de la récréation, après le diner, dans les jardins; les autres heures de récréation se passeront ou dans les dortoirs, ou dans les salles d'assemblée, ou même au jardin, suivant la saison et au gré du directeur. Elles y seront toujours accompagnées d'une surveillante, qui aura l'œil à ce qu'elles ne courent pas les unes après les autres, et à ce qu'elles ne s'amusent à aucun jeu qui puisse exposer leur santé, et enfin, à ce qu'elles ne causent aucun dommage. Il leur est expressément défendu de se répandre dans la cour, dans la cuisine, ou dans les bâtiments extérieurs.

On ne laissera entrer dans l'hospice aucun étranger, qu'avec un billet signé du magistrat, ou des officiers de santé

et du directeur. »>

Les établissements fondés à Vaugirard y attirèrent la population, et vers la fin de l'Empire, le village était presque une ville. Il souffrit, en 1815, des exactions de troupes prussiennes et anglaises qu'on y cantonna; mais ces malheurs passagers furent promptement oubliés. Vaugirard grandit par l'industrie. De nombreuses fabriques sont venues successivement s'y établir, et la plupart sont dans un état de prospérité. Nous indiquerons entre autres des manufactures de carton-pâte, de chandelles, de chassis et coffres à l'usage des jardiniers, de bougies, d'allumettes chimiques, de cuir verni, de toiles cirées, de briques et faîtières, d'instruments de chirurgie, de produits pharmaceutiques. La maison de La Crétaz et Fourcade, établie rue Croix-Nivert, a mérité, par ses produits chimiques, une médaille de bronze en 1839, des médailles d'argent en 1844 et 1849, une mention honorable à l'Exposition universelle de Londres en 1851, et une médaille de première classe à l'Exposition universelle de 1855.

Il y a encore à Vaugirard des constructeurs de machines, des fabricants de meules artificielles, des serruriers-mécaniciens, des fabricants de pianos, de limes, de grillages en fil de fer, de fécules, de guêtres pour la troupe, de balances, etc.

C'est à Vaugirard que s'est fixé M. Perrot, inventeur et constructeur de la perrotine, machine à imprimer les tissus, d'une machine pour l'impression des papiers de tenture et d'une machine à lithographier, d'une arme de guerre à air comprimé, de deux machines à graver.

C'est encore sur le territoire de cette ancienne commune que MM. Besnard et Gaensly ont fondé la plus belle taillerie de diamants qui soit en France.

L'antiquité ignorait complétement l'art de tailler le diamant. Un jeune gentilhomme de Bruges, Louis de Berquem, ayaut remarqué que deux diamants frottés l'un contre l'autre s'usaient mutuellement, conçut l'idée d'appliquer cette observation pour modifier leur forme, augmenter leur transparence et multiplier leurs feux. Les résultats répondirent à son espérance; le dia! mant brilla d'une splendeur nouvelle : le secret de sa taille était trouvé. Ce fut Charles le Téméraire qui porta le premier diamant ainsi transformé.

La taille du diamant s'établit aussitôt dans les villes industrieuses du nord de la Flandre, d'où elle ne tarda pas à se concentrer dans Amsterdam qui, jusqu'à nos jours, avait eu le monopole exclusif de cette industrie active et féconde. Quelques chiffres suffiront pour faire connaître son importance. Les cinq établissements spéciaux que possède la capitale de la Hollande tiennent en mouvement plus de huit cent cinquante meules qui taillent annuellement près de trois cent mille karats de diamants. Le mouvement de capitaux que réalise ce commerce n'est pas inférieur à cent millions de francs. Dix mille individus y prennent part.

On conçoit que de tels résultats étaient de nature à provoquer une vive concurrence. La France et l'Angleterre tentèrent

plusieurs reprises de s'approprier cette industrie. Mazarin en entoura l'importation de tous les encouragements que pouvait lui donner le pouvoir; de Calonne renouvela cette tentative sous le règne de Louis XVI; mais ses efforts, d'abord heureux, finirent toujours par s'évanouir dans un complet insuccès. Quelle qu'en fût la cause, la Hollande était restée en possession de son privilége. Qu'elles nous parviennent des Indes orientales, du Brésil ou de Russie, ces pierres précieuses, auxquelles la supériorité incontestable de nos joailliers donne presque exclusivement des montures dignes par la perfection du travail, de leur rayonnement et de leur haut prix, devaient d'abord être envoyées à Amsterdam, pour être confiées plus tard au travail de nos artistes. Cette perte de temps et ces frais de déplacement n'étaient pas les seuls inconvénients de ce monopole. Le défaut de concurrence en avait produit un beaucoup plus grave.

Les fabriques hollandaises avaient profité de leur privilége pour élever leurs profits; elles avaient fini par chercher bien moins à donner de la perfection à la taille qu'à conserver aux pierres un poids plus considérable; aussi les nouveaux diamants étaient-ils tombés, relativement aux anciens, dans une infériorité qui se révélait d'une manière évidente par les prix.

Les efforts tentés par MM. Gaensly et Besnard, efforts qui ont été couronnés du plus heureux succès, constituent un véritable service rendu à la France et à l'industrie. Leur belle usine, consacrée à la taille du diamant, construite dans de larges proportions, a inauguré une ère de progrès pour cette branche si importante de notre commerce.

C'est avec un vif intérêt et guidé par un sentiment de curiosité bien justifié que nous avons suivi les divers travaux auxquels se livrent les ouvriers de MM. Gaensly et Besnard.

Que de zèle, de patience, d'efforts lontemps soutenus pour obtenir de ce cristal terne, grisà re et terreux, l'éblouissante pierre qui reflète avec un éclat inimitable les mille feux de la lumière! Telle est l'œuvre qui s'accomplit pour ainsi dire journellement dans cet établissement.

La première opération est le debrutage; dans cette opération, l'ouvrier a deux espèces de manches en bois, à l'extrémité desquels se trouve une calotte de mastic ferme; dans chacune de ces têtes il enchâsse un diamant à débrutir, et tous deux sont travaillés à la fois l'un par l'autre; car, on le sait, il n'y a d'action sur le diamant que par le diamant.

Parlons d'une opération qui parfois précède le débrutage: Lorsqu'une pierre est défectueuse, il est nécessaire d'en détacher certaines parties: on y parvient en faisant une petite entaille avec un diamant; cette entaille doit être dans le sens et dans le fil même des lames du diamant; on y place une lame de rasoir, et un coup sec détache la partie désignée. Cette opération s'appelle le clivage.

Tout diamant, si petit, si imperceptible qu'il soit, doit avoir, ainsi que les plus gros, soixante-quatre facettes parfaitement régulières. On comprend l'habileté et le soin qu'exige ce travail, quand on songe, dit M. Paulin dans une Notice intéressante qu'il a publiée sur la taillerie de diamants de MM. Gaensly et Besnard, « quand on songe, que souvent un diamant à l'état brut n'est pas plus gros qu'une tête d'épingle, et qu'alors le détail de ces merveilleuses perfections de la taille ne peut être apprécié qu'au microscope. »

Le mérite de la taille consiste dans la régularité des facettes; le premier point, c'est que la culasse soit bien au milieu de la table. Il faut que le diamant taillé ne soit ni trop mince ni trop épais; trop mince, il ne retient et ne réfléchit qu'imparfaitement la lumière; trop épais, il la décompose mal, et dans les deux cas il jette peu d'éclat.

Ce travail de la production des facettes, qu'on appelle le polissage, s'exécute sur le plat de meules en fonte douce disposées horizontalement.

L'ouvrier enchâsse son diamant dans une calotte de plomb fondu, qui remplit une petite cuvette en cuivre, maniable au moyen d'une pince fixe, puis il l'applique sur la meule enduite de poudre de diamant imbibée d'huile qu'il renouvelle presque incessamment.

Les meules sont mises en mouvement par une machine à vapeur, et font 2,500 tours à la minute.

Deux ou trois diamants sont appliqués en même temps sur la même meule et surveillés par le même ouvrier: le temps nécessaire pour produire une facette varie d'une demi-heure à trois heures.

[graphic][ocr errors][merged small]

Le premier progrès réalisé par la taillerie de MM. Gaensly et Besnard, progrès tout commercial, c'est la suppression de frais et de délais inutiles. Désormais le diamant brut, arrivé directement du Brésil à Paris, est taillé et vendu sur place.

Au moment de l'annexion, la commune de Vaugirard comptait plus de 30,000 habitants. Elle s'était fait construire une église et une mairie, qui est devenue celle du XVe arrondis

sement.

Vaugirard n'eut longtemps qu'une chapelle, érigée par les soins du sire de Bucy. Elle fut érigée en cure de deuxième classe le 4 juillet 1827, et élevée à la première classe le 28 octobre 1828. Il fallait un nouvel édifice à cette paroisse dont l'importance croissait avec la population, mais la commune, dont la prospérité était de fraîche date, reculait devant la dépense.

Cependant, grâce aux efforts du curé, M. Hersen, des fonds furent votés, le 22 août 1846. Un vieux moine de l'ordre de Saint-Benoît, retiré à Vaugirard, et deux autres habitants, MM. Guillot et Fenoux, donnèrent le terrain. Un arrêté signé Ledru-Rollin, et contre-signé Jules Favre, à la date du 18 mars 1848, affecta à la construction de la nouvelle église des revenus extraordinaires et le produit des matériaux devant provenir de la démolition de l'ancienne église. L'entreprise des travaux fut adjugée à M. Houel, dans les bureaux de la sous-préfecture de Sceaux, le 23 juin, au bruit lointain du tocsin, de la fusillade et du canon.

La nouvelle église, dont M. Naissant fut l'architecte, fut consacrée le 19 juin 1854; elle est sur une petite place, en face de la grande rue. Un perron, dont les balustrades sont découpées en ogives, et auquel on monte par plusieurs marches, règne autour de la façade. Dans le tympan du portail, M. Toussaint a sculpté le Christ, ayant à sa droite la Vierge, et à sa gauche un ange qui tient une cassette. Une flèche couronne l'édifice.

A l'intérieur, on lit sur une plaque de marbre, au-dessus de la porte principale:

Élevée

à la gloire de Dieu,

par la piété des habitants de Vaugirard,
M. Hersen étant curé de la paroisse,
Cette église fut votée le xx11 août MDCCCXLVI
Par le Conseil municipal,

présidé par M. Brûlé, maire; M. Ganda, adjoint. Commencée le XXIII juin MDCCCXLVIII sous l'administration

de M. Thibouméry, maire; MM. Beaumont et Fremont, adjoints. Ouverte au culte le XXIX mai MDCCCLIII. Consacrée solennellement le XIX juin MDCCCLVI par Monseigneur Marie Dominique Auguste Sibour, archevêque de Paris, en présence de MM. le baron Haussmann, préfet de la Seine, et Léon Lambert, sous-préfet de l'arrondissement de Sceaux.

C. Naissant, archit.

Les chapelles sont décorées de fresques dont les sujets sont indiqués par des légendes:

EXPIATION.

Je porterai le poids de la colère du Seigneur parce que j'ai péché. Mich. 7.

ESPÉRANCE.

Il y aura pour l'impie un châtiment sans mesure, et la clémence du Seigneur sera grande envers les bons. Ps. 31. Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur, leurs œuvres les accompagnent. Apoc. 14.

Dans la chapelle de la Vierge on remarque une ancienne statue qui était vénérée dans l'église primitive et qui a subi bien des vicissitudes. Brisée par les hébertistes, dépouillée de sa peinture et de sa dorure, elle avait été enclavée dans la maçonnerie qui bouchait la baie d'une porte condamnée. On

[graphic][merged small]

ignore si on l'avait mise là pour la soustraire aux profanations ou si les débris en avaient été employés simplement comme des pierres ordinaires; retrouvée au moment de la démolition de l'antique église, elle a été rendue aux fidèles le 15 août 1854, et l'archevêque Sibour avait permis qu'elle fût honorée d'un culte spécial et qu'on la nommât Notre-Dame-du-Pardon.

Sous l'église de Saint-Lambert s'étend une crypte où se réunit chaque mois une société de piété et de bienfaisance, dite de Saint-François-Xavier; ses réunions ont été inaugurées, le 28 avril 1857, par le cardinal Morlot.

Une succursale de Saint-Lambert a été établie à Plaisance, sous le vocable de l'Assomption.

Indépendamment de ses écoles communales, Vaugirard possède un collége fondé par l'abbé Poiloud, et tenu actuellement par les jésuites.

Vaugirard avait un cimetière très-étendu où, pendant vingtcinq ans, on inhuma les habitants de la partie méridionale de Paris, et les individus qui mouraient dans les hôpitaux. Ce cimetière, qui renfermait les tombeaux de La Harpe, du sculpteur Chaudet, du chancelier de Barentin, a été supprimé au mois de juillet 1824.

[blocks in formation]

chapelle, la messe était dite les dimanches et les jours de fêtes par un prêtre de la paroisse de Saint-Étienne-du-Mont, de laquelle dépendaient le manoir, la ferme et les maisons voisines. L'enceinte fortifiée du château s'étendait probablement au nord jusqu'à la barrière de la Cunette, puisque le mot cunette désigne un fossé rempli d'eau pratiqué au milieu du fossé sec d'un rempart.

Grenelle vient de granelle (granella), qui avait la même signification que gravelle, sable ou plaine sablonneuse. Ce mot est employé par Bernard le Trésorier, qui écrivit une Chronique des croisades, de 1095 à 1230. Nous n'en n'avons pas sous les yeux le texte original; mais nous lisons dans la traduction qui en fut faite de la langue d'oil en latin, par François Pépin Colligitur in illis hortis granella quædam, ex quo fit vitri species (on recueille dans ces jardins une sorte de grenelle, avec laquelle on fabrique une espèce de verre.) Une plaine, dont le sol était arénacé, s'appelait granelle, grenelle, ou gravelle, comme le prouve ce passage du Roman d'Athis:

Athis et tous ses compaignons Furent issus tous ès sablons; En la gravelle furent tuit, Pleurant de joie et de déduit.

La plaine de Grenelle acquit subitement de la célébrité. Après 1792, la France, menacée par l'Europe entière, établit dans cette plaine déserte une poudrière qui suffit longtemps seule à fournir de poudre cette foule innombrable de volontaires, que l'enthousiasme de la liberté faisait voler avec tant de dévouement à la défense des frontières. Le chimiste Chaptal, que le gouvernement républicain avait mis à la tête de cet établissement, était parvenu, par une nouvelle application de son art, à fabriquer, dans cette manufacture, des quantités de

« AnteriorContinua »