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La désignation du Xe arrondissement est remarquable en ce qu'elle n'est empruntée qu'à des souvenirs. L'enclos SaintLaurent, qu'elle rappelle, a disparu entièrement pour faire place à la belle gare du chemin de fer de Strasbourg; à la rue de Strasbourg, qui fut ouverte par des particuliers en 1826, et qu'un décret impérial du 1er juillet 1854 classe au nombre des voies publiques; aux rues de Metz et de Nancy; enfin à diverses constructions.

L'enclos Saint-Laurent jouait un rôle important dans la vie parisienne: il s'était formé autour de l'église de ce nom, qui est restée une des paroisses de Paris.

Grégoire de Tours, au chapitre Ix du livre VI de son histoire, mentionne une abbaye de Saint-Laurent, qui avait été dirigée sous le roi Clothaire par Domnol, évêque du Mans (Domnolus, Cenomannorum episcopus, tempore Chlothacharii regis, apud Parisios, ad basilicam Sancti Laurentii, gregi monasteriali præfuerat). Elle fut probablement détruite pendant les invasions des Normands. Sous Louis VI, ce monastère n'existait plus. Il s'était établi, sous l'invocation de saint Lazare, un asile où étaient recueillis les lépreux, dont le nombre était alors si considérable. Louis le Gros permit à cette communauté d'ouvrir

Paris.

une foire pendant un jour de chaque année. En 1181, PhilippeAuguste racheta ce droit, moyennant la somme de 300 livres, pour le transférer aux halles de Paris; mais il ne tarda pas à le rendre à la maison de Saint-Lazare.

Ce fut vers la même époque que l'église Saint-Laurent fut rebâtie. On la restaura de nouveau au xve siècle, et la dédicace en fut faite, le 19 janvier 1429, par Jacques Du Châtelier, évêque de Paris. On l'augmenta en 1548; elle fut reconstruite en grande partie en 1595; enfin, en 1622 on y fit des réparations, et on ajouta le portail qui existe aujourd'hui. La chapelle de la Sainte-Vierge, disposée en rotonde et dont l'architecture est d'assez mauvais goût, est d'une époque plus récente encore. L'église Saint-Laurent portait, en 1793, le nom de temple de l'Hymen et de la Fidélité. C'est du nom de cette vertu dernière, sous l'invocation de laquelle le nouveau temple avait été placé, que deux rues voisines de l'église Saint-Laurent prirent leur appellation actuelle.

Lorsque l'église fut rendue au culte et érigée en paroisse du Ve arrondissement, elle se trouvait dans un état de délabrement auquel on a remédié à partir de la fin du règne de LouisPhilippe. Les bas côtés, qui menaçaient ruine, furent rétablis. On construisit, dans le style ogival du xve siècle, une grande chapelle destinée aux catéchismes. Des verrières, exécutées sur les cartons de M. Galimard, furent placées dans les grandes baies ogivales du chœur. M. Brémond peignit à fresque des chapelles, et l'on mit à l'extrémité du transsept une grande composition de Marcel Verdier, représentant saint Laurent qui montre aux émissaires de l'empereur les véritables trésors de l'Eglise :

Imprimerie de J. Claye, rue Saint-Benoit, 7.

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Au temps où cette paroisse ne comptait qu'un petit nombre de fidèles, et que la cure était à la nomination du prieur de Saint-Martin-des-Champs, elle avait toutefois, grâce à la foire, une célébrité qui s'étendit dans toute la France. L'enclos auquel elle donnait son nom, et qui appartenait à la maison de SaintLazare, se couvrait annuellement de baraques. La durée de la foire, d'abord limitée à vingt-quatre heures, fut portée à huit jours, puis à quinze. Quand les prêtres de la mission se furent installés à Saint-Lazare, des lettres patentes, du 30 janvier 1663, leur confirmèrent le privilége de leurs devanciers, et la foire SaintLaurent devint plus que jamais à la mode. Elle commençait le 10 août, jour de la fête patronale, et se prolongeait jusqu'à la Saint-Michel, le 29 septembre. En 1664, suivant le témoignage du gazetier Loret, elle consistait en :

Quatre assez spacieuses halles,

Où les marchandes, les marchands, Tant de la ville que des champs, Contre le soleil et l'orage

Avaient le couvert et l'ombrage.....

Le rimeur ajoute ces détails:

Je fus en carrosse à la foire

De Saint-Laurent, et dit l'histoire,
Environ cinq jours il y a
Où l'on voit mirabilia,
Savoir, avec leurs indiennes,
Quantité d'aimables chrétiennes ;
Voire même de qualité.

Et comme à présent c'est l'été,
Les plus mignonnes, les plus belles,
N'y vont que le soir aux chandelles...
Outre les animaux sauvages,
Outre cent et cent battelages,
Les fagotins et les guenons,
Les mignonnes et les mignons;
On voit un certain habile homme.
(Je ne sais comment on le nomme)
Dont le travail industrieux,
Fait voir à tous les curieux,
Non pas la figure d'Hérodes,
Mais du grand colosse de Rhodes,
Qu'à faire on a bien du temps mis,
Les hauts murs de Sémiramis,
Où cette reine fait la ronde;

Bref, les sept merveilles du monde,
Dont, très-bien les yeux sont surpris,
Ce que l'on voit à juste prix.

Dès la fin du xvI° siècle s'étaient organisées, à la foire SaintGermain, des troupes de comédiens que le lieutenant civil avait autorisées par sentence du 5 avril 1595, à la charge de payer une redevance de deux écus par an aux confrères de la Passion. Elles jouaient des pièces mêlées d'ariettes, premiers rudiments de l'opéra-comique. Les règlements de police les obligeaient à ne pas recevoir plus de 12 sous aux premières places, et 5 sous au parterre; à ne rien jouer ni chanter sans le visa du procureur du roi; à terminer le spectacle à quatre heures et demie du soir. Les entrepreneurs exploitèrent tour à tour la rive gauche et la rive droite; et bientôt Saint-Laurent n'eut rien à envier à Saint-Germain.

Il était d'ailleurs impossible que les deux foires se fissent concurrence, puisque la dernière s'ouvrait le 3 février, pour durer tantòt quinze jours, tantôt plus d'un mois. Aux troupes foraines françaises se joignirent des Italiens, qui se firent expulser de Paris au mois de mai 1697 pour avoir simplement annoncé une farce intitulée la Fausse prude, qu'on prétendait être dirigée contre Mae de Maintenon. Après leur départ, les

troupes foraines des frères Allard, de Maurice et d'Alexandre Bertrand, s'emparèrent de ce qu'il y avait de mieux dans les compositions dramatiques qu'ils avaient importées d'Italie. Un acteur, nommé Tremblotin, eut tant de succès, que son directeur lui accorda des appointements de 20 sous par jour, et la soupe toutes les fois qu'il jouait.

Les comédiens français, qui se voyaient délaissés, se plaignirent au lieutenant de police, et obtinrent des arrêts qui faisaient défense aux forains de donner aucune comédie par dialogue.

Les condamnés en appelèrent, et continuèrent provisoirement leurs représentations, mais en donnant des scènes détachées. Sur de nouvelles réclamations de la Comédie-Française, le Parlement, en 1707, interdit encore ce genre de spectacle; mais les opiniâtres forains ne se tinrent nullement pour battus. Ils jouèrent des pièces dans le genre de l'Arlequin Ducalion, de Piron; un seul personnage y parlait; les autres s'exprimaient par gestes; quelquefois un des acteurs était l'interpréte de tous ses camarades, qui lui murmuraient à l'oreille un ròle qu'il débitait ensuite tout haut. On imagina aussi de faire rentrer l'acteur, aussitôt qu'il avait parlé, dans la coulisse, d'où son interlocuteur sortait pour parler à son tour. A la foire Saint-Laurent de 1709, on donna des parodies de diverses pièces de la Comédie-Française, en imitant les gestes des acteurs et en prononçant des mots sans aucun sens qui se mesuraient comme des vers alexandrins. Le chef-d'œuvre de ce genre bizarre, intitulé les Poussins de Léda, par Lenoble, est une parodie des Tyndarides, tragédie de Danchet.

De pareilles pièces étaient inévitablement peu compréhensibles, et l'on eut recours à un plus heureux subterfuge. Sur des écriteaux fut imprimée en gros caractères l'explication som maire de ce qui ne pouvait être traduit par la mimique avec une lucidité suffisante. Chaque acteur avait dans sa poche droite un certain nombre d'écriteaux, classés conformément à l'ordre dans lequel se succédaient ces explications graphiques; il prenait le premier rouleau, le montrait au public et le mettait dans sa poche gauche, et ainsi de suite jusqu'à la fin du

ròle.

La prose n'étant pas assez récréative, on lui substitua des couplets sur les airs des vaudevilles les plus populaires. L'acteur étalait son écriteau; l'orchestre jouait l'air; des compères disséminés dans la salle chantaient le couplet, et tous les assistants le répétaient en chœur. Ce devait être un terrible charivari; et l'on se demande comment ont pu être exécutées ainsi des œuvres dramatiques d'une certaine longueur, par [exemple Arlequin, roi de Serendib, qui est en trois actes. Dans cette pièce, de Le Sage, représentée pour la première fois en 1713, on vit pour la première fois des écriteaux descendre des frises portés par des enfants habillés en amours qui étaient suspendus en l'air au moyen d'un contre-poids.

Comme la combinaison des écriteaux épargnait de la peine aux acteurs et mettait une notable partie du rôle à la charge des spectateurs, ne serait-elle pas la source de la locution vulgaire Faire chanter?

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D'autres fois, pour rompre la monotonie des parades mimées et des monologues, on les assaisonnait de scènes en baragouin. Dans l'Ile du Gougou, pièce de d'Orneval, représentée le samedi 3 février 1720, Léandre et Arlequin ont fait naufrage dans une ile, dont les habitants se disposent à les livrer en pâture au gougou, espèce de crocodile sacré. L'exécution est suspendue par l'arrivée d'un eunuque de la princesse Tourmentine. L'EUNUQUE.

« Arrêtic! arrêtic! L'infantic Tourmentinic desiric parlic à Léandric; le regardic de son balconic, voulic l'empêchic d'estric mangic. >>

Léandre est conduit devant la princesse; mais l'amour qu'il a pour Argentine, et l'extrême laideur de Tourmentine, font qu'il refuse de l'épouser.

TOURMENTINE, à Léandre.

« Voulic m'épousic? (Léandre secoue la téte.) Ah! ah! méprisic charmic, insolentic? Seric devoric. (A la cantonade., Amenic crocodilic. »

ARLEQUIN, à genoux, devant Tourmentine.

« Appaisic coleric! Donnez-lui le temps de se reconnaitre, il vous aimera peut-être à la fin. »

TOURMENTINE.

Nic voulic attendric. »

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Quelqu'étrange que fût cette littérature, l'Opéra-Comique prospéra. Il fut servi par des auteurs dont le défaut était d'écrire au jour le jour, mais dont la verve, la facilité et la gaieté ne sauraient être contestées. Tels furent Panard, dont quelques chansons méritent de servir de modèles : Autreau, Laffichard, Louis de Boissy.

La Comédie-Italienne, qui débuta à la foire Saint-Laurent, le 18 mai 1716, rivalisa avec l'Opéra-Comique. Une singularité digne d'être relevée, c'est que la troupe donnait 20 sols par jour aux cordeliers pour se faire dire une messe, et que ses registres commencent par ces mots : Au nom de Dieu, de la Vierge Marie, de saint François de Paule et des âmes du purgatoire.

Boissard de Pontau obtint pour la seconde fois le privilége de l'Opéra-Comique, à la foire Saint-Laurent, le 26 juin 1734, et y continua ses représentations jusqu'en 1742. Modet, qui lui succéda, fit réparer la salle et enrola d'excellents acteurs, entre autres Préville, qui remplit à la satisfaction de tous les auditeurs le rôle de Colas dans la Servante justifiée. Vadé introduisit à ce théâtre les pièces poissardes, qui réussirent, en dépit du bon goût. Anseaume, auteur du Tableau parlant, douna dans la salle Saint-Laurent plusieurs opéras-comiques qui méritaient d'être applaudis. Le directeur fit graver son portrait avec cette devise ambitieuse: Mulcet, Movet, Monet. Mais le public avait oublié le chemin de ses faubourgs, quoiqu'ils fussent en réalité le berceau du vaudeville et de l'opéra-comique. Des dissensions avec les grands théâtres ne laissèrent à la foire Saint-Laurent que des funambules, des acrobates et des montreurs de curiosités.

En 1778, la foire Saint-Ovide fut supprimée. Pour la remplacer, le lieutenant de police Lenoir autorisa le sieur l'Écluse, ancien acteur de l'Opéra-Comique, à monter à la foire SaintLaurent un théâtre de vaudevilles, pièces poissardes, pantomimes à spectacle et divertissements. M. Lenoir et son gendre Nanteuil honorèrent de leur présence, le 17 août, la première représentation donnée par la troupe des Associés, et les personnages des pièces d'ouverture vinrent successivement chanter des couplets en l'honneur de leurs protecteurs.

LA FOIRE PERSONNIFIÉE. Je revois la clarté du jour,

Et mon cœur se rouvre à l'amour;
Affreuse lethargie,

Je brave ton pouvoir !
Ne crois pas que j'oublie
Lenoir; vive Lenoir !

MONT D'OR.

Themis protége nos essais,
Amis, soyons sùrs du succès;
Nanteuil daigne y sourire;
Pour nous quel doux espoir!
Ne cessons de redire:

Vive, vive Lenoir!

LE CHARBONNIER.

Le feu qui nous brûle en ce jour Vaut mieux que celui de l'Amour:

Si la reconnaissance

Devient notre premier devoir,

Le cœur fait dire d'avance :
Vive, vive Lenoir !

PREMIERE POISSARDE.

Des rubans que j'aimons le mieux

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Pour nous parer sont d' ruban bleux.

Si Jérôm' veut me plaire,

Si Jérôm' veut m'avoir,

Je voulons qu'il préfère
Lenoir, vive Lenoir!

DEUXIÈME POISSARDE.

Je n'oublions jamais qu' c'est lui
Qui nous a fait r'venir ici;

L' portrait d' sa ressemblance

Cheu nous voulons l'avoir,
J'ons dans le cœur sa présence,
Vive, vive Lenoir!

En l'année 1779, le quart des pauvres, prélevé sur les recettes des théâtres forains, s'éleva à 200,000 livres, ce qui suppose un produit de plusieurs millions, car les directeurs ne se faisaient aucun scrupule de dissimuler une partie de leurs bénéfices.

De 1781 à 1783, Barré et de Piis dounèrent à la foire SaintLaurent des pièces, dont les principales sont : Cassandre oculiste, Aristote amoureux, les Vendangeurs, Cassandre astrologue, les Étrennes de Mercure, la Matinée et la Veillée villageoises; compliments prononcés à la clôture du ThéâtreItalien, le Printemps, les Deux porteurs de chaises, les Amours d'été, le Gâteau à deux fèves, le Mariage in extremis, comédie; l'Oiseau perdu et retrouvé, les Voyages de Rosine, les Quatre

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A l'attrait qu'offraient les représentations dramatiques s'ajoutait celui des exercices pratiqués par un grand nombre de saltimbanques; celui des cafés; celui des marchandises étalées par des forains de toute espèce; celui des danseurs de corde du sieur Nicolet.

En 1783, on construisit dans l'enclos Saint-Laurent une Redoute chinoise, ou Pavillon chinois. On y trouvait, suivant les expressions d'un auteur contemporain, des jeux de bagues, des jeux de l'amour pour les messieurs et pour les dames; des jeux de bataille, de trou-inadame, de thermomètre hermomé-, nique; deux escarpolettes, dont une double; enfin un kiosque au-dessus de la porte d'entrée, et un salon chinois pour la danse, dont le dessous formait une grotte occupée par un café; dans cette grotte étaient pratiqués des escaliers qui conduisaient au salon supérieur, et de là à une terrasse qui donnait sur le préau de la foire. Des bâtiments dans le genre chinois servaient à un restaurateur, chez qui l'on trouvait à dîner. Il en coûtait 1 livre 16 sols par personne pour entrer dans ce pavillon chinois, construit sur les dessins de M. Mellan, architecte, avec des peintures exécutées par M. Munich.

La foire Saint-Laurent avait quatre issues: la principale était rue du faubourg Saint-Denis ; près de celle-ci était placée, à l'angle de la rue Saint-Laurent, une fontaine d'eau des prés Saint-Gervais; deux autres issues aboutissaient à cette dernière rue, et la quatrième donnait dans la grande rue du faubourg Saint-Martin.

L'ouverture de cette foire se faisait le 1er juillet, et elle durait jusqu'au 3 septembre.

L'établissement des théâtres des boulevards nuisit à la foire Saint-Laurent. L'autorité exigea d'eux qu'ils allassent donner des représentations dans l'enceinte privilégiée des prètres de la Mission; mais ils y attiraient si peu de monde qu'en l'année 1785 le lieutenant de police leur permit de la quitter dès le 20 août. La fermeture des salles accrut la solitude de la foire; les marchands qui s'y étaient installés refusèrent de payer leurs loyers, attendu qu'un cas de force majeure les privait de ressources; et la Redoute Chinoise ferma ses portes, ruinée par la concurrence du Vauxhall d'été, qui s'était créé près du boule- · vard du Temple.

Après la révolution, la liberté des théâtres acheva de perdre la foire Saint-Laurent, et le terrain qu'elle occupait resta vague jusqu'en 1826. La baronne de Bellecôte, qui en était propriétaire, y ouvrit, sans aucune espèce d'autorisation administrative, les rues Neuve-Chabrol et du Marché-Saint-Laurent. En 1835, une compagnie se forma pour créer sur cet emplacement un marché que rendait nécessaire l'accroissement de la population.

M. Philippon, architecte, dirigea la construction d'une halle qui fut inaugurée le 9 août 1836, et que surmontait de vastes ateliers servant aux peintres décorateurs.

En 1853, l'ouverture du boulevard de Strasbourg a entraîné la suppression de ce marché public. Il en est résulté pour l'approvisionnement du quartier des difficultés qu'il importait de faire disparaître aussi promptement que possible. Une société, qui avait fait construire sur des terrains qui lui appartiennent un vaste bâtiment présentant deux façades, l'une sur la rue du Château d'Eau, l'autre sur l'impasse de la Pompe, a proposé à la commission municipale d'affecter cette construction nouvelle à un marché appelé à remplacer celui qui venait d'être supprimé par suite du percement du boulevard de Strasbourg. La commission municipale ayant donné son approbation à ce projet, elle a autorisé M. le préfet de la Seine à traiter avec la société aux conditions suivantes :

La société soumissionnaire a dû abandonner immédiatement à la ville de Paris la propriété des terrains et des constructions dépendants du marché; en retour, la ville lui a concédé pendant quatre-vingts années, la jouissance du droit de location des places à percevoir dans le marché, d'après un tarif qui ne pourra excéder 40 centimes par mètre et par jour pour les places destinées aux marchands sédentaires, et 25 centimes pour celles qui sont réservées aux marchands forains. Les appropriations intérieures du nouveau marché ayant été terminées, la vente y a commencé, sans toutefois qu'il y ait eu d'inauguration officielle. Le nouveau marché du Château-d'Eau, construit en pierres de taille avec une couverture en verre, occupe une superficie de 2,380 mètres. Il présente un double accès favorable à tous les arrivages et aux besoins d'un quartier aussi popu

leux.

CHAPITRE V.

Les Incurables.

Lorsque l'on suit la rue du faubourg Saint-Martin, en se dirigeant vers l'extrémité de Paris, on trouve un peu au-dessus de l'église Saint-Laurent, du côté opposé, la rue des Récollets, par laquelle on pénètre dans l'hôpital des Incurables (hommes). L'emplacement de cet établissement se prolongeait autrefois jusqu'à l'angle formé par la rue du Faubourg-Saint-Martin et la rue des Récollets. Sa superficie totale est de 4 hectares 51 ares, 13 mètres carrés.

L'origine de la maison des Incurables se lie intimement à l'institution des religieux réformés de l'ordre de Saint-François, connus sous le nom de Récollets. Ils furent ainsi appelés parce qu'ils n'admettaient dans leur ordre que ceux qui avaient l'esprit de recueillement. Cette congrégation, qui prit naissance en Espagne vers l'an 1484, fut introduite en Italie en 1525, et en France en 1592.

En 1602, le sieur Jacques Cottard et la dame Anna Josselin, sa femme, firent don aux révérends pères Récollets d'une place au faubourg Saint-Laurent, où l'on bâtit d'abord une chapelle. La première pierre en fut posée par la reine Marie de Médicis. Elle fut dédiée à l'Annonciade. On ne connait pas l'étendue de cette place. Il y aurait lieu de croire que les Récollets l'augmentèrent en y ajoutant des propriétés voisines. Le 1er mai 1619, sous Louis XIII, Jean de Bron, archidiacre du monastère de Cluny, posa la première pierre du couvent. Les bâtiments qui le composèrent figurèrent pour première fois dans le plan de Paris en 1643. En 1653, quelques années avant sa mort, saint Vincent de Paul reçut d'une personne qui ne voulait pas se faire connaître une somme destinée à être employée en œuvres de bienfaisance. Il l'utilisa charitablement par la fondation d'une maison de retraite appelée Saint-Nom-de-Jésus, et située à peu de distance de la rue actuelle des Récollets. Elle était destinée à recevoir quarante vieillards, vingt hommes et vingt femmes.

Elle fut administrée par les Lazaristes et desservie par des sœurs de charité. L'admission était gratuite, à la condition toutefois d'avoir atteint l'âge de soixante ans.

Si l'on ajoute foi à ce que raconte Loret dans la Muse historique, pendant longtemps les Récollets durent, bon grẻ mal gré, observer trop rigoureusement le vœu de pauvreté : les commencements de l'institution furent pénibles. En 1664, le naïf et spirituel auteur de la Gazette en vers fait appel à la charité des âmes compatissantes en faveur des Récollets, qui étaient loin

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