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ment peindre l'homme, l'homme de tous les auquel on a contesté jusqu'à la paternité de son temps et de tous les climats. Aussi, son héros chef-d'œuvre. Bruzen de la Martinière, Voltaire (si l'on peut appeler de ce nom le neveu de Gil- après lui, et plus récemment l'auteur de l'HisPerez), est-il de naissance fort ordinaire et fort toire de l'Inquisition espagnole, Llorente, ont commune. C'est un homme de très-humble prétendu que Gil-Blas était entièrement tiré bourgeoisie, tiré de la moyenne de la société, de l'espagnol Voltaire assurait même que ce et merveilleusement placé, par conséquent, roman n'était qu'une traduction de la Vie de l'épour fronder les travers des grands comme ceux cuyer Obregon, par Espinel. D'un autre côté, du peuple. C'est aussi un homme d'esprit, « né le P. Isla, jésuite espagnol, mort à Bologne en » pour le bien, mais facilement entraîné vers le 4784, laissa une traduction du Gil-Blas qui pa> mal; profitant de l'expérience qu'il acquiert à rut en 1787, sous ce titre : « Les Aventures de » ses dépens pour tromper, à son tour, les hom-» Gil-Blas de Santillane. volées à l'Espagne » mes qui l'ont trompé; se livrant, sans trop de par M. Le Sage, et restituées à leur patrie et » scrupule, à cette représaille, et quittant vo-» à leur langue naturelles par un Espagnol zélé >> lontiers le parti des dupes pour celui des fri-» qui ne souffre pas qu'on se moque de sa na>pons; capable, cependant, de repentir et de» tion. » Cette traduction est précédée d'une >> retour; conservant jusqu'au bout le goût préface dans laquelle on soutient, sans aucune » de la probité, et se promettant bien de re- preuve du reste, l'existence d'un manuscrit » devenir honnête homme à la première occa- primitif dont Le Sage, qui n'a jamais mis le pied » sion. » (1). en Espagne, serait parvenu à dérober une copie. A cette occasion, tous les biographes de Le Sage n'ont pas manqué de s'escrimer contre la mauvaise foi ou l'ignorance du P. Isla. La vérité est cependant que le jésuite espagnol est parfaitement innocent de toute cette supercherie. Sa traduction parut sept ans après sa mort, et par conséquent sans sa participation. Ce n'est pas lui, mais un sot et avide éditeur qui, pour donner plus de vogue et de débit à la version espagnole, l'annonça avec la préface et le titre fanfaron dont nous venons de parler.

Voilà le portrait de Gil-Blas tracé par un ingénieux écrivain ; j'ajouterai volontiers: Voilà celui de l'homme livré à tous les penchants de

sa nature.

Une foule innombrable de personnages et de figures accessoires, d'épisodes, d'observations piquantes, de scènes d'un comique parfait, se pressent et se déroulent autour de cette figure principale. Que de peintures achevées, depuis celle du mendiant implorant la charité publique au bout de son escopette, jusqu'à l'amour-propre d'auteur du bon archevêque de Grenade! Et, dans tous ces types, qui, pendant les douze livres de Gil-Blas, passent sous les yeux du lecteur avec une magnifique profusion, brigands, poètes, chanoines, licenciés, comédiens, duègnes, soubrettes, médecins, intendants, vieux capitaines, ministres et premiers commis, quelles vérités saisissantes! quelle verve satirique quels traits à la fois déliés et profonds!

!

Du reste, toutes ces accusations de larcin et de plagiat ont été victorieusement réfutées par M. François de Neufchâteau, dans deux dissertations lues à l'Académie française, et par M. Audiffret, dans la Biographie universelle (t. XXIV, p. 252, et LXXII, p. 53), et dans une notice plus étendue qu'il a donnée pour l'édition des œuvres de Le Sage, publiée en 1822 par Renouard. Il serait hors de propos Ajoutons que tout cela est revêtu de cette for- de donner ici les détails de cette controverse, me simple et naturelle, tempérée dans son élé- et nous devons nous contenter de renvoyer aux gance, qui était celle de la seconde moitié du travaux que nous venons de citer ceux de nos XVIIe siècle, et qui fait du Gil-Blas un des li- lecteurs qui voudraient en prendre une connaisvres les plus classiques de notre littérature. sance plus étendue. Disons seulement que VolDans ce roman, ainsi que dans le Diable boi-taire avait quelques raisons personnelles de déteux, qui en est l'esquisse, le style de Le Sage nigrer Le Sage, qui s'était permis de s'égayer aux est empreint au plus haut degré de ces qualités dépens du patriarche du philosophisme dans le de justesse, de clarté, de précision, de propriété Temple de Mémoire, une des nombreuses pièces dans les termes, sans lesquelles on n'ecrit rien de son théâtre de la foire, et dans la personne du de durable en France, qui sont à la fois le pri- poète Triaquéro, « dont les vers mal rimés, les vilége et les conditions essentielles de notre fan-» caractères mal formés et mal soutenus, et les gue, et qui l'ont rendue merveilleusement pro- » pensées souvent très-obscures, font pourtant pre à servir d'outil universel, comme dit préci- » fureur à Valence. » Le public avait voulu resément dans Gil-Blas le poète Fabrice, à expri- connaître Voltaire dans ce personnage, et Volmer les idées de tout le monde, à peindre les taire avait eu le tort de faire comme le public. caractères généraux et les passions de l'humanité.

Tant de mérites réunis devaient faire des envieux; aussi n'ont-ils pas manqué à Le Sage,

(1) M. Patin, Eloge de Le Sage.

Il était, du reste, difficile que la malignité ne s'exerçât pas à propos d'un ouvrage rempli de fines observations de caractères et de mœurs. Tout lecteur voulut saisir une allusion dans chaque aventure, et mettre un nom contemporain au dessous de chaque portrait. On fit la

clef de Gil-Blas, comme on avait fait celle de Pantagruel et du livre des Caractères.

rurent en 1745. Le troisième fut édité en 1724, le quatrième en 1735, c'est-à-dire vingt ans Des critiques fort distingués ont cherché à après les deux premiers et onze ans après le combattre cette tendance du public, en lui di- troisième. Le Sage n'écrivait qu'avec peine, et sant que l'auteur avait trop le sentiment et la il travaillait beaucoup ceux de ses écrits qu'il dignité de son art pour individualiser des types jugeait dignes de lui et de la postérité. Mais. créés pour tous les siècles et pour tous les pays; besoigneux et père de famille, il se voyait souque cet artifice convient tout au plus à la mé- vent forcé, par les nécessités journalières de la diocrité maligne et jalouse; que Le Sage avait vie, de jeter au public des ouvrages qui se resd'ailleurs pris soin de prémunir ses lecteurs con- sentaient de la rapidité de leur composition. tre toute espèce d'allusion par la déclaration si C'est ainsi que dans l'intervalle de la publication précise de Gil-Blas en tête du livre. En dépit de son Gil-Blas, il fit paraître successivement : des critiques et de la déclaration elle-même, le La Nouvelle traduction de Roland l'A moupublic s'est toujours obstiné à saisir des rap-reux de Mathéo Meria Boïardo, comte de Scanprochements satyriques dans un ouvrage où la diano, 2 vcl. in-12, 1717.

Les Aventures de Robert Chevalier, dit de Beauchène, capitaine de flibustiers dans la Nouvelle-France, 2 vol. in-12, 1732.

L'Histoire d'Estévanille de Gonzalès, surnommé le Garçon de bonne humeur, écrite par lui-même en espagnol et traduite, 4 parties. in-12, 1734.

personnalité avait sí beau jeu, et peut-être n'a- L'Histoire de Guzman d'Alfarache, traduite vait-il pas tout-à-fait tort. Il est certain, par et purgée des moralités superflues, 2 vol. in-12, exemple, que l'aventure de don Valerio de Lu-1732. na, rapportée au livre VIII, était arrivée à un fils de Ninon de Lencios. Le célèbre docteur Sangrado est, non point Helvétius, comme on l'a dit, mais le janséniste Hecquet, auteur d'un Traité sur la Saignée. La marquise de Chaves est le portrait de la marquise de Lambert. Le vieux militaire privé d'un bras, d'une jambe et d'un œil (2) est le masque du maréchal de Rantzau. Les novateurs contre lesquels l'auteur s'élève (3) étaient Lamotte, Fontenelle, Marivaux, Berruyer et Hauteville. Il nous serait facile de multiplier ces rapprochements, déjà signalés par plusieurs biographes; mais nous aimons mieux consigner ici un fait entièrement inédit, qui prouve, à l'encontre des critiques que nous avons cités ci-dessus, que Le Sage ne dédaignait pas toujours de descendre des hauteurs de sa vaste épopée, pour lancer contre un de ses ennemis un trait caustique et mordant.

Une Journée des Parques, songe, divisé en 2 parties, 1735.

On sait que Le Sage travailla aussi pour le Théâtre de la Foire auquel il fournit, de 1712 à 1738, plus de cent pièces qu'il avait faites presque en totalité, en collaboration avec d'Orneval et Fuselier (1). C'était là son pain quotidien. Il y trouvait chaque soir succès et profit. et il était si bien parvenu à se pénétrer du goût de son public, qu'aucune de ses pièces ou de celles auxquelles il mit la main n'essuya d'échec. Quelques-unes même eurent un succès étonnant, et, plus d'une fois, les grandes dames du faubourg Saint-Germain se rencontrerent avec leurs valets aux tréteaux de la Foire, pour applaudir aux vives saillies que l'auteur de Turcaret prodiguait chaque jour dans ces improvisations.

à

Il existait à Sarzeau une famille de procureurs attachée à la barre royale de Rhuys, qui entretenait contre la famille Le Sage une de ces rivalités locales qui se perpétuent souvent avec les générations. Cette famille, encore existante aujourd'hui, et qui, depuis, a fini par tomber à peu près dans la classe des paysans, portait L'année même où il cessa de travailler pour le nom de Rolando. Un de ses membres sou- le Théâtre de la Foire (1738), Le Sage donna tint et gagna un procès qui fut peut-être la pre- le Bachelier de Salamanque, œuvre de vieillesse mière cause de la ruine de Le Sage. Celui-ci laquelle il tenait beaucoup, assure-t-on. Bien s'en est souvenu en écrivant Gil-Blas, et il a que plusieurs pages de ce roman ne semblent donné le nom de Rolando à son chef de voleurs. pas indignes de son chef-d'œuvre, et que le C'est là, si l'on veut, une vengeance singulière; récit en soit presque toujours facile et amusant, mais à ceux qui seraient tentés de la trouver on y trouve des traces trop évidentes de faiblesse mesquine et puérile, nous rappellerons que Dante a, plus d'une fois, fait figurer dans son Enfer ses persécuteurs et ses ennemis personnels. Après un tel précédent, on ne saurait reprocher à Le Sage d'avoir placé les siens dans une caverne de bandits.

Les deux premiers volumes de Gil-Blas pa

(1) Liv. IV, chap. VIII. (2) Liv. VII, chap. XII. (3) Id. chap. XIII.

et de déclin. Depuis Gil-Blas, du reste, où il avait atteint le point parfait de l'observation, Le Sage alla toujours en se relâchant et en se répétant, jusqu'à la Valise retrouvée (1740) et les Mélanges de saillies amusantes (1743), qui ressemblent singulièrement, il faut le dire, aux

(1) On en trouve la liste chronologique et parfois historique à la suite de la notice biographique placée en tête des œuvres de Le Sage. Paris, El. Ledoux, 1828, 12 vol. in-8°.

dernières homélies de l'archevêque de Grenade.

Le Sage eut, toutefois, la sagesse de ne pas attendre du public l'avertissement qu'il fait donner par Gil-Blas au bon prélat. Il comprit bientôt que l'heure de la retraite avait sonné pour lui, et il sut en prendre son parti en homme d'esprit et en philosophe. Pendant les dernières années de son séjour à Paris, il habitait dans le faubourg Saint-Jacques une maison sur la quelle un voyageur anglais, Joseph Spence, donne des détails assez curieux :

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Le Sage fut amplement dédommagé de tous les chagrins qu'il éprouva à cette occasion par la tendre affection de sa fille et du second de ses fils. Celui-ci avait embrassé l'état ecclésiastique et obtenu un canonicat à Boulogne-surMer. Son esprit, ses vertus et son dévouement à servir ses proches le rendirent bientôt cher à son évêque, à ses confrères et à la société boulonaise, auprès de laquelle il jouissait d'une haute considération. Il prépara, par une ingénieuse médiation, la rentrée en grâce de Montménil, que son père avait cessé de voir depuis « Elle est exposée, dit-il, à l'air de la cam- son engagement à la Comédie-Française. Cette › pagne. Le jardin se présente de la plus jolie réconciliation eut lieu de la manière la plus > manière que j'aie vue pour un jardin de ville. touchante, et Montménil, devenu le plus inIl est aussi joli qu'il est petit, et quand Le time ami de son père, entraînait souvent le bon > Sage est dans son cabinet du fond, il se vieillard à la représentation de Turcaret et de > trouve tout-à-fait éloigné des bruits de la Crispin, dont il jouait certains rôles avec une > rue et des interruptions de sa propre famille. véritable supériorité. La mort de ce fils, arri› Le jardin est seulement de la largeur de la vée subitement vers la fin de 1743, fut un coup > maison, laquelle donne d'abord en une sorte douloureux pour Le Sage, qui, sentant le ter› de terrasse en parterre, plantée d'une variété me de sa carrière approcher, prit le parti de se > de fleurs des plus choisies. On descend de là retirer à Boulogne-sur-Mer, chez son fils le > par un rang de degrés de chaque côté dans un chanoine. Il y vécut avec sa femme et sa fille, berceau. Ce double berceau conduit à deux des modiques ressources du canonicat de son > chambres ou cabinets d'été tout au bout du fils, auquel la reine Marie Lecsinska accorda en » jardin. Ils sont joints par une galerie couverte outre, peu de temps après, une pension sur un dont le toit est supporté par de petites colon- bénéfice. Cette pension fut sollicitée par le >nes, de sorte que notre auteur peut aller de comte de Tressan, alors commandant en Bou> l'une à l'autre, toujours à couvert, dans les lonais et Picardie, et qui, lié avec l'abbé Le > moments où il n'écrit pas. Les berceaux sont Sage, était chaque jour témoin de sa piété fi> couverts de vigne et de chèvre-feuille, et l'in-liale et de ses vertus. Homme lettré lui-même, tervalle qui les sépare est arrangé en manière ⚫ de bosquet. C'est dans le cabinet de droite en > descendant qu'il a écrit Gil-Blas...... (1). » Le Sage trouva, dans ce gracieux réduit, toutes les jouissances que procurent la culture des lettres et la paix du foyer domestique. Adoré de sa femme, dont il avait eu trois garçons et une fille, plein de tendresse pour ses enfants, il partageait tous ses soins entre ses travaux et << M. Le Sage, dit-il, se réveillant le matin leur éducation. Rien n'eût troublé le calme et » dès que le soleil paraissait élevé de quelques la sérénité de ses vieux jours si l'aîné de ses » degrés sur l'horizon, s'animait et prenait du fils, qu'il destinait au barreau, emporté par une » sentiment et de la force, à mesure que cet passion dont il ne put se rendre maître, n'eût » astre approchait du méridien; mais, lorsqu'il embrassé la profession pour laquelle son père» commençait à pencher vers son déclin, la avait peut-être le plus d'aversion, celle de co- » sensibilité du vieillard, la lumière de son esmédien; sous le nom de Montménil, il débuta » prit et l'activité de ses sens diminuaient en sur la scène française, le 28 mai 1726, par le » proportion, et dès que le soleil paraissait rôle de Mascarille dans l'Etourdi. Il ne tarda » plongé de quelques degrés sous. l'horizon. pas à devenir un des premiers acteurs du Théâ- » M. Le Sage tombait dans une sorte de létre-Français, où l'on s'est long-temps souvenu » thargie dont on n'essayait pas même de le de la manière dont il jouait principalement les » tirer (1). » rôles de paysans, de valets et de financiers. Entraîné par l'exemple de son frère, le troisième fils de Le Sage, François-Antoine, s'engagea aussi dans la carrière théâtrale. Il joua plusieurs années en province sous le nom de Pitennec, mais il n'y obtint que de médiocres succès.

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(1) Spenc's anecdotes, published by S. Weller Singer. London, 1820.

et membre de l'Académie française, le comte de Tressan éprouvait un charme infini à visiter Le Sage, sur les dernières années duquel il nous a transmis des détails pleins d'intérêt. Dans ses visites, il eut occasion de faire une remarque singulière, c'est que le cours du soleil influait d'une manière sensible sur les organes du vénérable vieillard:

Une autre infirmité attristait la vieillesse de Le Sage. Il était devenu, déjà depuis quelques années, d'une surdité presque complète. Cette surdité, cependant, ne l'avait pas empêché de suivre la représentation de ses pièces, dont il ne perdait presque rien. Il disait même qu'il n'avait jamais mieux jugé du jeu et de l'effet des

(1) Lettre du comte de Tressan du 20 janvier 1783.

acteurs que depuis qu'il n'entendait plus leurs | espagnoles, qui en ont été faites sous les tiparoles. Il était néanmoins obligé, pour conver-tres de Romans, Théâtre et OEuvres. A l'aide ser, de se servir d'un grand cornet qu'il saisis- de ce travail, qui a dû exiger de longues resait avec empressement pour communiquer avec cherches, le moindre opuscule de Le Sage est les gens d'esprit, mais qui demeurait immobile fidèlement inventorié. Nous ne pouvons qu'y sur sa table, toutes les fois qu'il redoutait une renvoyer les bibliophiles et les bibliographes conversation ennuyeuse ou sotte. qui voudront apprécier le plus ou moins de sucLe Sage mourut à Boulogne, le 17 novembre cès qu'a obtenu telle ou telle production de no1747, dans sa quatre-vingtième année. Le comte tre auteur. Nous nous bornerons à citer, pour i de Tressan, en assistant solennellement à ses le Gil-Blas, l'édition de Paris, 1747, 4 vol. obsèques, avec les principaux officiers placés in-12, regardée comme la première bonne édisous ses ordres, rendit un hommage mérité à tion du chef-d'œuvre de Le Sage; c'est d'après un écrivain qui sut honorer les lettres par un elle qu'ont été faites toutes les réimpressions talent hors ligne, et sa propre vie par de fortes estimées. L'édition de Londres, 1809, 4 vol. et simples vertus. Le Sage, en effet, pendant grand in-8°, est aussi très-estimée à cause des sa longue existence littéraire, n'oublia jamais vingt-quatre gravures qui l'accompagnent, grales enseignements des pieux instituteurs du vures exécutées d'après les dessins de Smirke. collége de Vannes. Il pratiqua tous les préceptes Il en est de même de l'édition publiée avec un de la religion, et si parfois son pinceau, forcé discours préliminaire et des notes par M. le de tout exprimer, s'est arrêté sur des tableaux comte François de Neufchâteau. Paris, Lefèd'une nudité un peu crue, on doit néanmoins vre, 1820, 3 vol. in-8°, avec 9 fig. On a suivi, lui rendre cette justice qu'il n'a pas laissé dans cette édition, le texte de celle de 1747. Le échapper un seul trait immoral. Modeste et savant éditeur démontre très-bien, dans son sans prétentions, il ne voulut jamais prendre à Discours préliminaire, que le su et et les détails l'Académie française une place qui lui apparte- de Gil-Blas appartiennent en entier à Le Sage. nait à bien des titres, et il se refusa toujours, On peut encore mentionner comme digne d'atmalgré les vives instances de son ami Danchet, tention l'édition publiée avec des notes histoaux sollicitations de rigueur pour obtenir les riques et littéraires par M. le comte François de suffrages. Après une vie de constants travaux Neufchâteau (et une notice biographique par et la publication d'ouvrages dont quelques-uns M. Patin). Paris, Lefèvre, 1825, 3 vol. grand suffiraient aujourd'hui pour assurer une for- in-8°, pap. vél. cav., avec un portrait gravé par tune considérable, l'auteur de Gil-Blas est Roger, et une carte par Barbie du Bocage. Les mort dans une honorable, mais complète pau- éditions des autres romans de Le Sage sont, en vreté. Sa veuve et son fils le chanoine ne tar- général, très-ordinaires. Quant au Théâtre de la dèrent pas à le suivre dans la tombe, et sa Foire, auquel, nous l'avons vu, Le Sage a fourni fille, Marie-Elisabeth, se trouva dans un tel une si large part, il n'embrasse pas moins de dénuement après la mort de tous les siens, 10 vol. in-12, publiés de 1721-1737, chez Et. qu'elle alla finir ses jours à l'hôpital. Ganeau, veuve Pissot et P. Gandoin. Parmi On montre encore à Boulogne, dans la haute les éditions des OEuvres choisies de Le Sage, ville, la maison étroite et modeste où Le Sage nous citerons: 1° celle de Paris, Genets jeune, passa ses derniers jours, et à Sarzeau, l'on con- 1818-1821, 14 vol. in-12, fig., ou 26 vol. serve avec un intelligent respect celle où il est in-18, fig., publiée avec une notice sur l'auteur né. Cette dernière, construite par le père d'Alain- par M. Beuchot; - 2o l'édition précédée d'une René, porte le millésime 1653; mais aucune notice de M. Audiffret. Paris, A. A. Renouard, inscription, aucun signe extérieur n'y rappel-1822, 12 vol. in-8°; -3° l'édition de Paris, lent la grande illustration littéraire qui a vu le Et. Ledoux, 1828, 12 vol. in-8°, fig. Une notice jour sous son humble toit. Depuis long-sur Le Sage, placée en tête de cette édition, est, temps la petite ville de Sarzeau attend qu'une dit le libraire éditeur, à quelques passages près, statue de Le Sage perpétue, au milieu de ses de M. Beuchot, c'est-à-dire que c'est la notice habitants, le souvenir de celui qu'ils ont eu de l'édition de 1818-1821, mais altérée et tronl'honneur d'avoir pour compatriote. Espérons quée. M. Beuchot a désavoué la notice telle que ce vou, souvent exprimé, sera enfin en- qu'elle est imprimée dans cette nouvelle éditendu, et que la France entière s'associera dion, et a déclaré n'avoir eu aucune part à cette à un hommage dont est digne celui qui se nouvelle collection. Gs C-1. trouve aujourd'hui classé, dans l'esprit des hommes de goût, entre Molière, La Bruyère, Fielding et Beaumarchais.

M. Quérard (France littéraire, t. V) a consacré douze colonnes très-compactes à l'énumération des œuvres partielles ou complètes de Le Sage, minutieusement détaillées, ainsi que les nombreuses traductions, la plupart

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LE SAGE (HERVÉ-JULIEN), né le 27 avril 1754 à Uzel, diocèse de Saint-Brieuc, entra à la fin de sa vingtième année, et après de brillantes études au collège de Saint-Brieuc, dans l'abbaye de Beauport, ordre des Prémontrés, l'une des plus considérables de Bretagne, soit par le nombre de religieux, soit par les qua

torze belles cures attachées à cette maison, sé-en chaire, il le consacrait à la lecture des liminaire de pasteurs pour plus de trente-cinq vres de sa bibliothèque, composée de trois mille mille âmes. Ordonné prêtre, le 22 décembre volumes d'ouvrages rares et excellents. Il les 4784, il fut pourvu, le 17 mai 1783, par M. Le lisait avec fruit, favorisé qu'il était par une méMintier, évêque de Tréguier, du prieuré-cure moire qui lui avait permis de retenir et de cide Bocquiho, lequel, après avoir été jusque làter à propos jusqu'aux classiques, objets de ses à la présentation de l'abbé de Beauport, était premières études. devenu de droit, par suite d'un accident, à la disposition du prélat.

Lors des contestations que souleva, en 1790, le serment exigé des ecclésiastiques, l'abbé Le Sage publia une Lettre d'un curé qui ne jurera pas d'un curé qui a juré. Cette lettre était adressée à M. Delaunay, prieur-curé de PlouagatChâteleaudren, religieux prémontré et membre de l'Assemblée constituante.

Parvenu à l'âge de soixante-quinze ans, l'abbé Le Sage avait conservé toute sa vigeur de corps et d'esprit, lorsqu'il lui survint à la lèvre inférieure une tumeur qui parut d'abord peu inquiétante, mais qui prit bientôt un caractère fâcheux. Il supporta avec courage et résignation les incommodités de ce mal, envisagé comme irremédiable. Une opération ayant été jugée nécessaire, il s'y décida résolument, et se Forcé de quitter la France pour refus de ser- rendit à Paris, à l'hospice de la Charité, afin ment, il gagna par mer la Belgique, où, quinze d'être plus à portée des soins d'un chirurgien mois avant la déportation. son abbé- général, habile. L'opération avait parfaitement réussi; d'accord avec son évêque, déjà fugitif à Jer- mais le choléra survint pendant le traitement, sey, avait obtenu pour lui un généreux asile et les progrès en furent si rapides qu'on n'eut dans la célèbre abbaye de Tongerloo, apparte- que le temps d'administrer l'extrême-onction nant à son ordre. L'invasion des armées fran-au mourant, qui expira dans la nuit du 4 au çaises le contraignit ensuite de fuir jusqu'en Si-5 septembre 1832.

lésie, où l'ordre des Prémontrés avait plusieurs De tous ses travaux, l'abbé Le Sage n'a livré maisons. L'abbaye de Saint-Vincent de Bres- à l'impression que quelques sermons et dislaw lui offrit une retraite honorable. Il ne la cours de circonstance. En 1804, il rédigea une quitta que pour aller dans celle de Czanowentz, Lettre pastorale de l'Evêque de Saint-Brieuc où il passa le reste du temps de son émigration. au clergé et aux fidèles du diocèse, pour l'étaC'est là qu'il entreprit la traduction dont il a pu- blissement d'un séminaire diocésain. La même blié plus tard une partie sous le titre d'Exposi- année, il publia une brochure de 80 pages intion de la Morale de la Religion.chrétienne. 12, intitulée : Prières pour les stations et InRentré en France en 1802, il fut aussitôt structions en forme de catéchisme, à l'occasion nommé chanoine honoraire de Saint-Brieuc par de l'indulgence plénière, en forme de Jubilé, acMgr de Caffarelli, qui, prenant en considéra- cordée par le Pape Pie VII; en 1805, un Distion ses habitudes claustrales et ses goûts pour cours sur l'Association des Bienfaiteurs du Sél'étude, le pourvut, en 1806, d'un canonicat minaire; en 1817, un Discours pour la Solenen titre. Satisfait de cette position, l'abbé Le nité du XV août, prononcé dans la cathédrale Sage refusa successivement, en 1811, la place de Saint-Brieuc, et imprimé chez Prudhomme. de grand-vicaire que lui offrait le prince Mau- in-8° d'une feuille et demie; en 1823, un Fragment rice de Broglie, évêque de Gand; en 1813, une d'un Sermon sur la Prière; en 1830, une Allochaire de philosophie à Rennes, et en 1814, cution aux Fidèles de Plouha, dans la cérémoune chaire de théologie dans la même ville. Il nie des obsèques de M. L.-F. Clec'h, ancien préféra se vouer exclusivement à la prédica-chanoine régulier de l'abbaye royale de Beaution. Après avoir débuté à Saint-Brieuc, il fut appelé, en 1807, à Nantes, où Mgr Duvoisin l'arrêta pour 4809, et où il retourna depuis. Il s'était proposé de ne jamais sortir de sa province: il ne s'écarta de cette règle qu'en faveur de Bordeaux, où l'avait demandé le saint ar- L'Exposition de la morale de la religion chevêque d'Aviau. Il n'est point d'année où il chrétienne, qu'il publia en 1847, 2 vol. in-12, n'ait, jusqu'à 1831, prêché la station de Carê- à Lyon, chez Rusand, est traduite d'un oume dans les principales villes de la Bretagne vrage allemand composé par le bénédictin dom Morlaix, Vannes, Lorient, Hennebon, l'en- Hammer, sur l'ordre du prince-archevêque de tendirent successivement. Il prêcha quatre Ca- Saltzbourg. L'Exposition, traduite pour la prerêmes à Quimper, et il termina sa carrière évan-mière fois en français, sur la troisième édition gélique par une cinquième station, en 1831, dans les deux paroisses de Brest. Il se livra aussi aux travaux de différents Jubilés et à des retraites annuelles de religieuses, auxquelles le jeune clergé n'avait eu ni le temps, ni l'occasion de se former. Le temps qu'il ne passait pas

port; enfin, la même année, une brochure in12 de 38 pages, ayant pour titre : Observations d'un Chanoine de Saint-Brieuc sur une Lettre des Curés titulaires du même diocèse au rédacteur de la Revue catholique.

:

allemande de 1797. n'était qu'une partie d'un ouvrage dogmatique que l'abbé Le Sage se proposait de publier sous le titre de Manuel du catholique instruit des vérités et des devoirs de la religion, en 5 vol. in-12. Cette partie inédite est restée entre les mains de l'imprimeur Ru

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