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tre autres un long mémoire relatif à la Bretagne, particulièrement à l'histoire de Belle-Isle. Ce manuscrit, dont il s'occupait lorsque la mort est venue le frapper, était presque terminé et pourrait facilement l'être à l'aide des matériaux qu'il avait rassemblés. La publication de ce travail, désirée des Bretons, serait un juste hommage à la mémoire de son auteur.

P. L...t.

> une des occupations favorites de M. de La > Touche... Il a un cachet à lui; mais l'expres>sion et la pensée distinguent ses jugements; > sa manière toute naturelle lui appartient en > propre... Je ne me permettrai point de louer > la sagesse de ses principes, la solidité de ses > appréciations. J'ai cité de M. de La Touche > des réflexions générales sur les historiens; j'ai > à vous citer ses réflexions sur un point d'histoire. Il a fait l'éloge des deux peuples dont > les Français tirent leur origine, ou plutôf il a LA TOUR-D'AUVERGNE (HENRI-THEO> saisi quelques traits saillants des mœurs et PHILE-MALO CORRET DE KERBAUFFRET » du caractère des Gaulois et des Francs. Il a DE), descendait de la fameuse maison prin> surtout considéré à la tête du premier de ces cière de ce nom, mais par une branche illégi> peuples les Druides, comme dignes de fixer time. Né à Carhaix, le jour de Noël 1743, il › de plus en plus l'attention, par leurs doctri- fut destiné, par sa famille, à la carrière mili>nes, leurs acquisitions dans les sciences et taire, où son entrée fut aussi tardive que ses > le grand ascendant qu'ils exercèrent. Il a re- services furent brillants. Après avoir fait des > cherché ensuite ce que les Gaules durent à études sérieuses au collège de Quimper, il en> la Grèce, dans les arts, et ce qu'elles firent dossa l'uniforme de mousquetaire à peu près » pour la conservation de l'éloquence, à l'épo- à vingt-quatre ans (1767), et, quelques mois > que où l'éloquence s'altéra dans Rome. A ce après, il reçut son brevet d'officier. > moment, M. de La Touche a fait paraître les Le jeune Corret (il n'était guère encore connu > hommes célèbres qu'elles fournirent aux let- que sous ce nom), vécut d'abord quelque temps > tres, et il a fixé ses regards particulièrement de la vie de garnison; mais il s'y trempa et ne > sur Eumène; il a indiqué les défauts et les s'y amollit point. Il passait tout son temps à > qualités de cet auteur, analysé quelques-uns lire les meilleurs stratégistes de l'antiquité et » de ses discours, entre autres, le panegyrique des âges modernes. L'un d'eux fut pour lui une > de Constantin, et terminé par la traduction révélation: c'étaient les Commentaires de Céde la lettre de Constance Chlore à Eumène, > nommé chef des écoles mœniennes >>

sar, où le jeune officier puisa le germe de cette passion des antiquités nationales et des origines celtiques, qui l'a suivi jusqu'à son dernier jour. Dans quelques détails de mœurs et de race sur les clans d'Armorike, le studieux soldat avait trouvé sa plus chère vocation.

Indépendamment des travaux déjà mentionnés de La Touche, nous connaissons de cet écrivain: I. Dans le compte-rendu des travaux de la société des sciences, arts et belles-lettres de Mâcon, 1823, p. 107 et suiv., des Notes sur Cependant l'état de l'Europe, remise en feu quelques monuments de la Bretagne. Il y parle, par la guerre de 1776, allait utiliser bien des d'une manière intéressante, de Carnac, du épées depuis treize ans inactives. Corret solliMont-Saint-Michel, des pierres branlantes, des cita l'honneur de prendre part à la lutte peu dolmen, de la Roche-aux-Fées d'Essé, d'un enthousiaste des guerres dynastiques et diplotumulus dans la forêt du Teil; enfin, des sta- matiques, il aspirait à défendre la cause de l'intues de Quinipily et de Locminé. II. Considé- dépendance américaine, qui enflammait alors rations sur les services que les Grecs ont rendus tous les cœurs généreux et toutes les têtes de aux lettres depuis la fondation de Constanti-vingt ans. Sa demande n'eut aucune suite; il nople par Constantin, en 328, jusqu'à sa prise por Mahomet II, en 1453 (Lycée armoricain, t. VII, p. 344-376). Ce travail, quoique succinct, est très-approfondi; par les notions exactes qu'il renferme sur le mérite des écrivains grecs du ive au xve siècle, c'est un véritable résumé de la littérature grecque durant le Bas-Empire, résumé écrit avec chaleur et élégance. III. A M. l'Editeur du Lycée armoricain (ibid., t. IX, p. 491-196). C'est un examen critique de l'opinion émise pr MM. Athenas et de Penhouet, dans le même recueil, sur la signification des mots mare conclusum, employés par César dans ses Commentaires.

L'Impartial de Dinan, du 30 juin 1848, auquel nous avons emprunté quelques-uns des détails de la vie de La Touche, nous apprend qu'il a laissé plusieurs travaux manuscrits, en

fut envoyé à l'armée d'Espagne, sous les ordres de Crillon, qui le distingua de bonne heure et en fit un de ses aides-de-camp. Il avait mérité cette faveur par quelques actions d'éclat. Ainsi, un jour que son régiment avait été repoussé, s'apercevant qu'un de ses amis blessé était resté sur le champ de bataille, il retourna sur ses pas, le chargea sur ses épaules, et le rapporta sous un feu des plus nourris.

Charles IV, roi d'Espagne, remarqua aussi le jeune Français et lui envoya, fort courtoisement, la croix de son ordre et le brevet d'une pension de mille écus. Corret accepta la décocepta ration, mais refusa obstinément la pension, ne croyant pas, disait-il, qu'il lui fût convenable d'être le pensionnaire d'un gouvernement étranger.» (1783.)

La révolution éclata à six ans de là. Elle sur

prit notre héros au milieu de ses chères études | gne. Servan forma, de toutes les compagnies celtiques, faites de concert avec son ami Le Bri- de grenadiers décimées, une colonne de huit gant, illustre et systématique philologue, mais mille hommes, qu'il confia au héros du val åme virile en amitié. Corret n'hésita pas; il aimait la révolution, il croyait en elle; il croyait, surtout, à l'inflexibilité de son devoir de soldat. Il reprit donc immédiatement du service.

Envoyé à l'armée des Alpes, il prit part à l'affaire des Marches, et, à la tête de ses grenadiers, il tourna les positions piémontaises, culbuta les troupes qui les défendaient, prit leur artillerie, et prépara ainsi le gain de la bataille et la soumission, ou plutôt l'adhésion de la Savoie, qui en fut la suite.

d'Aran. Cette colonne ne tarda pas à conquérir chez les Espagnols le nom de Colonne infernale. Elle débuta par se présenter devant SaintSébastien. La place était forte, le commandant un brave soldat, mais déjà à demi-démoralisé par tout ce qu'il avait appris sur le compte des assaillants. Aux premières ouvertures que lui fait le commandant républicain, il hésite, et finit par déclarer qu'il se rendra volontiers, mais à la condition qu'il y aura un semblant d'attaque et un échange de coups de canon. Cité pour cet acte de vigueur, il fut désigné « Qu'à cela ne tienne », dit Corret, et il fit pour prendre part, six mois après, à la rude percher sur une colline peu éloignée un maucampagne des Pyrénées. Le général Servan le vais canon qui se trouvait là on ne sait comme. chargea d'enlever le val d'Aran, clé du bassin La pièce envoie quelques boulets à la place, de la Garonne, et porte perpétuellement ouverte celle-ci répond par un magnifique feu roulant. à l'Espagne sur nos départements du Midi. Le et toutes apparences ainsi sauvées, le brave casval d'Aran est une miniature de la Bohême tillan capitule. sous le rapport de la configuration géographique; il est séparé de notre territoire par une chaîne de montagnes ardues et neigeuses, qui laissent passer le torrent de la Garonne par une profonde coupure, presque inaccessible en hiver. La Tour-d'Auvergne fit pratiquer un sentier par des pionniers infatigables, passa avec ses grenadiers, et balaya les Espagnols, stupéfiés de son audace.

Malgré cet exploit, la prise de plusieurs importantes fonderies navarraises, et celle de plus de sept mille Espagnols, un représentant, mal informé, voulut destituer La Tour-d'Auvergne. s'émurent, et cette malencontreuse idée n'eut comme suspect de royalisme. Les grenadiers pas de suite. Du reste, La Tour-d'Auvergne mit dans ses rapports avec les représentants en Le col et le fort de Maya furent enlevés de d'abnégation personnelle. Un d'eux voulut le mission autant de dignité que de déférence et même, sans artillerie. A quelque temps de là faire citer pardevant lui pour répondre à je ne les Espagnols, par une marche habile, surpri-sais quelles accusations. L'envoyé trouva La rent le camp de Sarre et l'enlevèrent, sans au-Tour-d'Auvergne sur le point de marcher à tre résistance que celle de La Tour-d'Auvergne l'ennemi. « Dites au citoyen représentant, réqui, à la tête de cent cinquante hommes, arrêta pendant plusieurs heures des forces deux pliqua-t-il, que vous m'avez trouvé à mon poste, fois décuples. Les Français, dispersés, se rallie- que la charge sonne, et que mon devoir mordonne de marcher en avant. » rent à la faveur de cette lutte intrépide, et l'ennemi dut battre en retraite.

Le Val-Carlos fut témoin d'une action encore plus merveilleuse. Les Espagnols l'avaient occupé; on ne pouvait songer à les déloger sans artillerie. Un jour l'ennemi, qui préparait une attaque, se vit foudroyé par des batteries presque invisibles là où, jusqu'alors, n'avaient guère pénétré que les aigles et les izards; c'était l'œuvre de quelques compagnies basques, dirigées par La Tour-d'Auvergne. L'ennemi s'enfuit en désordre, abandonnant ses armes, ses munitions, et force prisonniers (23 mai 1793).

Un autre lui faisait les offres de services les

plus chaleureuses. « Puisque vous avez tant de crédit, répondit le héros, je veux vous demander..... Parlez: un régiment? Non : une paire de souliers. >>

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L'enthousiasme de ses grenadiers pour leur chef n'était égalé que par son attachement pour eux. Combattu entre ce sentiment et l'amour du pays natal, il demandait quelquefois un congé pour retourner dans sa famille, et il finissait toujours par n'en pas profiter. C'était le vrai type de l'officier populaire, d'une bravoure et d'un sang-froid tempérés par ces saillies qui ont tant d'action sur le moral du soldat. Ün jour que la disette régnait au camp, l'ennemi, sur la rive opposée de la Bidassoa, s'occupait, sous les yeux des Français, des préparatifs d'un repas qui faisait endurer à nos malheureux toutes les tortures de Tantale. La Tourd'Auvergne paraît sur la berge, l'épée à la main : « Qui veut dîner me suive » ! dit-il gaieMais nos régiments avaient horriblement ment, et il se jette à la nage, suivi de ses Bassouffert durant cette belle et rude campa-ques. L'Espagnol est culbuté en un tour de

Ce fut encore notre héros qui affaiblit les résultats désastreux de l'affaire de Castel-Pignon (6 juin), et qui décida la victoire dite du Camp de Louis XIV. Il attaqua une maison crénelée, d'où partait un feu meurtrier, battant lui-même la porte à coups de tête, de poing et de pied, comme un autre Duguesclin. Les Espagnols, fusillés à travers leurs propres meurtrières, posèrent les armes (7 juin).

main, et la friande cuisine change immédiate- | son compte l'éternelle fable des érudits roma ment de propriétaires.

nistes sur l'origine de Carhaix (Ker-aës), ville d'Aétius, lequel Aétius ne mit pas plus le pied sur les bords de l'Hières que le Troyen Corinous sur ceux de l'Odet.

Ainsi se passa l'année 1793. La campagne suivante fut plus décisive. Elle s'ouvrit par l'attaque du camp français par les Espagnols, qui y furent battus, et, le 23 juin. ils ne furent Il voulut profiter de la paix pour revoir sa fapas plus heureux à la Croix-aux-Bouquets, où mille, et s'embarqua pour les côtes de Bretales grenadiers de La Tour-d'Auvergne firent gne. Mal lui en prit. Un navire anglais aborda merveille. Le 9 juillet, Moncey enleva la posi-et prit celui sur lequel était notre héros, qui, tion d'Arquinzun, après l'avoir fait tourner par notre héros, qui, à la fin du même mois, enleva la position fortifiée du village d'Eratzu par le procédé qu'il avait inauguré l'année précédente, en hissant de l'artillerie sur les pics les plus ardus. Il commanda, en qualité de chef de brigade, l'infanterie légère, et contribua puissamment à faire balayer la vallée de Bastan, dont la conquête décida l'Espagne à la paix.

sommé de livrer sa cocarde aux couleurs natio nales, l'enfonça fièrement jusqu'à la garde de son épée et en présenta la pointe à l'ennemi. S'il ne put se garantir de la captivité, il sut du moins imposer aux vainqueurs et se garder de leurs outrages.

Pour un esprit comme le sien, la captivité ne pouvait être inutile. Il fut enfermé dans une place de guerre du comté de Cornwall, au miCette campagne, heroiquement accomplie lieu d'un petit peuple breton dont la langue napar les deux peuples belligérants, valut à La tionale venait, depuis dix ans à peine, de disTour-d'Auvergne une réputation militaire dont paraître par extinction, mais dont les mœurs, il eût pu, s'il avait été moins désintéressé, pro- la tradition, la littérature même, étaient pour fiter largement pour son avancement. Bien qu'il lui un précieux anneau de la chaîne qu'il esn'eut voulu constamment d'autre, grade que sayait de renouer entre toutes les épaves dispercelui de capitaine, sa voix était souvent pré-sées de la grande race celtique. pondérante au conseil supérieur, et ses avís ne Sorti de prison par voie d'échange, il rentra furent jamais démentis par l'événement. Mais en France pour trouver la contre-révolution au au feu, en tête de soldats inexpérimentés, et pouvoir dans la personne des thermidoriens, dont le patriotisme avait besoin d'être appuyé terroristes avides et corrompus. Dans la curée par l'exemple, il était surtout soldat. Dans les effrénée des emplois et des grades qui suivit ce dangereux défilés pyrénéens, il marchait en revirement, le héros des Pyrénées-Occidentatête de sa colonne, son chapeau et son man-les, trop fier pour solliciter près d'hommes qu'il teau sur le bras gauche, point de mire des mi- méprisait, n'avait d'autres titres que son méquelets embusqués, sans cesse criblé de balles, rite; il fut naturellement oublié. On lui alloua Il ne fut jamais blessé il charme le feu, di- cependant une solde de 400 fr. au ministère de saient les grenadiers, avec la naïveté des su- la guerre : il en prit 420 en disant : « S'il m'en perstitions militaires. » faut davantage, je reviendrai. »

La paix rendit le jeune commandant à ses Il se retira à Passy, et y vécut en anachorète loisirs, c'est-à-dire à ses études. Il n'avait point du produit d'une pension de retraite qui finit attendu ce moment pour lancer son premier par lui être liquidée, Sur cette même pension, livre. En entrant en campagne, il faisait impri- il trouvait moyen d'en faire une de 600 fr. à mer à Bayonne (1792) ses Nouvelles recherches une pauvre femme dénuée de ressources, et il sur la langue, l'origine et les antiquités des consacrait son temps à des démarches de tout Bretons, etc. Il est vrai que, mécontent de son genre en faveur de tous ceux qui s'adressaient œuvre, il la jeta au pilon pour quelques années. à lui. Le reste de ses moments etait employé à C'était, avec plus de critique, le développe-la préparation d'une nouvelle édition complétée ment très-savant des opinions de Le Brigant de ses Origines gauloises, qui parurent à Paris sur les origines celtiques et sur les affiliations (an V), et le placèrent du premier bond dans le de cette race mystérieuse. Les deux érudits monde le plus érudit. celtologues pressentaient ce que les études sur l'Inde ont mis hors de question depuis vingt ans, l'intime connexion des Celtes et des IndoGermains. Seulement, ils étaient trop portés à s'exagérer, en quelque sorte, le droit d'aînesse d'une race qui n'a qu'une importance limitée dans le grand élément indo-germanique.

Un Précis sur Ker-aës (Carhaix) accompagnait cette première et très-rare édition. L'annaliste avait mis à profit, avec plus de zèle peutêtre que d'intérêt, les récits épars du chanoine Moreau sur les faits de guerre dont la petite ville cornouaillaise fut le théâtre. Il reprenait pour

Ce qu'il voulait, c'était « démontrer les rapports physiques et moraux des Bretons de l'Armorique avec les anciens Gaulois; établir l'identité de la langue de ces deux peuples....; extraire des monuments de l'histoire ancienne tous les passages cités comme gaulois, les expliquer et les éclaircir par le bas-breton; chercher dans des étymologies puisées dans notre langue la solution d'un grand nombre de problêmes intéressants de l'histoire et de la théogonie des païens; ressusciter la langue des Celtes, nos ancêtres....; rétablir enfin sur la liste des nations les Gaulois, ce peuple célèbre qui

semble en avoir été effacé, tandis qu'il existe argument en faveur de l'antiquité d'un idiome, encore avec gloire dans les Bretons de l'Armo- à notre avis, c'est la richesse et la simplicité rique et dans (les Gallo-Franks) les Français, des radicaux. Nous n'avons pas besoin de déleurs originaires descendants. » montrer que les langues qui ont le meilleur cachet d'antériorité sont les langues monosyllabiques. Le celtique primitif, même ses dialectes modernes, n'ont guères de rivaux en ce genre.

que l'hébreu soit une langue composée; le contraire est parfaitement établi aujourd'hui; et nous voudrions, pour la plus grande gloire de notre philologue, retrancher de son livre les contes ridicules sur Adam, Eve, et les noms propres de la Bible, qui ont fait des celtomanes les parias mérités des dédains et des dérisions de la science sérieuse,

Vaste plan, comme on le voit, mais dont le soldat historien s'est tiré avec plus d'honneur qu'on n'en pouvait attendre des instruments imparfaits de critique qu'il possédait. Le premier chapitre s'ouvre par des généralités sur Naturellement La Tour-d'Auvergne comTes Gaulois, les Bardes et les Druides. Suit mence par le grec. Il invoque le témoignage de une dissertation dont nous ne saisissons guère Platon, de Plutarque, etc., pour prouver que le rapport avec le sujet, sur la parenté ethno-les Hellènes se regardaient eux-mêmes comme graphique des Gaulois et des Scythes; mais un peuple moderne. Ses preuves grammaticales l'auteur rentre plus pleinement dans la question aux mots op xvwv, sont inattaquables; les en prouvant la filiation des Bretons modernes autres sont trop rares, et il y a une lacune exet des Gaulois, par la similitude des mœurs,pliquée en partie par l'exiguïté du cadre. des traditions et des usages. Puis il passe à l'hébreu, où il trouve beaucoup Dans le chapitre suivant, l'écrivain déve-plus de racines communes. Nous avons remarloppe la même thèse au point de vue de la lan-qué parmi les plus frappantes: bagad, une gue. La chose était facile, et il a eu le mérite foule; avel, vent; rhedeg, courir; adare, ende réunir en quelques pages les arguments phi-core; maga, nourrir; ker, ville; tal, haut. lologiques qui sont, depuis soixante ans, le Mais nous ne pouvons accorder à notre auteur champ de bataille de nos celtographes. Il ne faisait, il est vrai, que succéder à des érudits presque aussi patients qué lui, comme on peut le voir dans les pages préliminaires de d'Argentré mais ila, le premier, dépouillé sa thèse du pédantesque attirail qui, chez ses devanciers, la rendait mabordable et ridicule. Lui-même, cependant, ne s'est pas toujours gardé d'une furie de conjectures aventureuses Je ne sais pourquoi, La Tour-d'Auvergne ne qui a compromis son autorité de critique, sur- dit mot des Germains, des Slaves, des Finnois. tout dans les passages où il.tient à établir que Il démontre, sans nécessité, que les Gallois et la langue des Bretons se trouve conservée les Erses sont Celtes; il cherche, sur la foi dans celle des divers peuples de l'Europe et de trompeuse de Bochard, le celtique dans le rol'Asie, au milieu desquels les Celto-Scythes manisch des Alpes, patois italien très-corrompu ou Gaulois formèrent des établissements. >> par le voisinage des Barbares; mais il retrouve Un grand point en faveur de La Tour-d'Au- avec sagacité des indices d'origine celtibérienvergne, c'est d'avoir pris pour base avérée l'o-ne chez les modernes Aragonais. Un excellent rigine indo-germanique de ce qu'il appelle les chapitre, c'est celui où il fait justice de la préCelto-Scythes, et qui représentent dans la lan- tendue consanguinité des Celtes et des Basgue ethnographique, les races slaves, fin-ques. Il croit avec raison ces derniers descennoises, germaniques et celtiques. Il dit formel-dants des Ibères, et n'est pas éloigné de les relement que ces peuples vinrent de la Haute-garder« comme une colonie étrangère transAsie par la Bactriane, l'Hyrcanie, le Caucase, plantée en Europe. Il avait beaucoup étudié peupler les vastes déserts de notre continent. les Basques durant la campagne du Bastan, et Traversèrent-ils les mers sans autres guides se louait beaucoup des intrépides montagnards que les étoiles du pôle. ou vinrent-ils en Eu- qui avaient combattu sous lui. rope par la Moscovie et la Pologne? C'est sur quoi nous n'avons aucune notion exacte... » Il constate seulement que ces migrations précédèrent les premières olympiades.

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Nous passons sur cinquante pages des plus hasardées, destinées à démontrer que la langue celtique est la clef de toutes les mythologies anciennes et des mots élémentaires des preEntrons dans le détail. L'auteur veut établir mières langues. A côté d'erreurs nombreuses, la suzeraineté du celtique sur les autres langues- il y a pourtant des choses intéressantes quand mères de 1 Europe. Le point est très-contesta-il traite de la cosmogonie celtique. Il oublie ble, car ou peuvent être les signes qui établissent une priorité? Des mots communs aux diverses langues; mais laquelle a donné, laquelle a reçu? La perfection même d'une langue n'est point un argument; plusieurs de nos langues, les plus parfaites aujourd'hui, ne sont, en ethnologie, que des langues bâtardes. Le grand

trop souvent que les noms, en quelque sorte liturgiques d'un peuple, sont un mystère trèspersonnel dont il ne faut point demander l'explication à un idiôme étranger.

Même remarque pour les noms nationaux. Exact quand il traduit par le gaulois, les noms des tribus, des fleuves de la Gaule et des îles

britanniques, il erre à plaisir dès qu'il en sort. dire avec ce dernier que les druides abrutisSavez-vous l'étymologie du mot athos? La voici: saient les populations pour les soumettre plus ato, toujours, c'est-à-dire, toujours la même sûrement à leur pouvoir despotique et sanglant. montagne. L'Armagnac, cette belle plaine aqui--Il n'est plus permis de méconnaître, au nom tanique d'Auch et de Mirande, est pour lui ar de la philosophie, comme au nom de la relimene, la montagne. Le Tage, c'est le fleuve gion, les hommes qui ont pressenti le chrisétranglé (thaged); l'Ister, le fleuve des huîtres tianisme et les grands dogmes philosophiques, (istri); la Tamise, un morceau de la rivière en enseignant l'unité de Dieu et l'immortalité Isis (tam-isis). Soyons respectueux pour le de l'âme. sommeil d'Homère, même pour ce chapitre consacré à l'importance du cheval chez les Celtes. Ab equo principium: pour l'ardent celtologue, tout sort du cheval (march), et les marsh ou marais germaniques, et les marches ou frontières du moyen-âge.

Tel qu'il était, le livre fit du bruit. Il apporta un renfort inespéré à la jeune école Le Brigant, Eloi Johanneau, Gebelin, école pleine de ferveur et patriotiquement bénédictine. I valut à son auteur une auréole scientifique qui ceignait à peine son front lorsque vint le surNous saisissons avec quelque peine la syn- prendre la douleur de son vieux compatriote thèse de ce livre, que termine un spécimen de Le Brigant. Celui-ci avait donné tous ses fils à glossaire polyglotte dont s'occupait l'auteur. Il la patrie, moins un que la conscription lui eny donne la lettre A, c'est-à-dire, les radicaux levait justement cette année. La Tour-d'Auverceltiques compris dans cette lettre, comparés àgne, qui venait de faire radier le duc de Bouilquarante-une langues ou dialectes de notre lon, son parent, de la liste des émigrés, et de continent. Ce spécimen est faible, mais il four- refuser 10,000 fr. de rentes que lui offrait le nit à La Tour-d'Auvergne l'occasion d'exposer duc reconnaissant, avait assez de crédit pour ses idées sur la classification des langues. Ces faire exempter le jeune homme; mais son riidées sont erronées, mais elles sont aussi justes gorisme de soldat lui défendait d'enlever un qu'elles pouvaient l'être avant l'apparition d'A-combattant à son pays. Il partit, lui-même, delung, le père de l'ethnologie. comme simple grenadier, à 53 ans, en remplaLes langues-mères, pour La Tour-d'Auver- cement du fils de Le Brigant. Par suite de la gne, étaient, en Europe: le germain; le même rigidité de principes, il paraît qu'il refusa scytho-celtique. Sa classification des langues le grade d'officier; mais il en eut les priviléges à germaniques est irréprochable. Quant au scy- table et au conseil. Il fit ainsi les campagnes de tho-celtique, il en fait sortir le breton, le gal- 1796, 1797 sur le Rhin, et de 1799 contre les lois, l'erse et le slave, sans compter les lan-Russes en Suisse. gues italo-grecques, qu'il semble en faire des dérivés indirects.

Il prit une part très-active à la victoire de Zurich, et entra, comme d'habitude, un des Il reconnait, en outre, en Europe. des lan- premiers dans les rues étroites de la ville, ou il gues d'importance secondaire qui sont le li- sabra les ennemis. Ces colosses du Nord, qui thuanien, le finnois, le hongrois, le turc. On n'avaient appris ni à faire-ni à recevoir de quarsait aujourd'hui que le turc est une langue tier sous leur féroce Souwaroff, se battirent en asiatique; que le hongrois (magyar) est un dia- désespérés et semblaient ne rien comprendre lecte finnois; enfin, n'en déplaise au slave Sa-aux sommations du vainqueur. Un petit tamfarik, le lithuanien (lotva) est un slave cor-bour, surtout, battait sa caisse avec rage, et rompu. La pierre d'achoppement de notre éru- criait à ses compatriotes de lutter jusqu'à la dit. est donc, pour nous résumer, dans cette malheureuse hypothèse qui tendrait à fondre ensemble des Scytho-Slaves et des Gallo

Kimris.

mort. La Tour-d'Auvergne saisit le belliqueux enfant par l'oreille et le fit taire avec une brusquerie paterne qui provoqua le rire des vaincus, leur imposa confiance, et ils mirent bas les armes.

Ce que nous regrettons chez La Tour-d'Auvergne, qui avait si patiemment étudié les Après la campagne, pendant laquelle il avait sources de notre histoire celtique, c'est qu'il sacrifié, comme toujours, à ses goûts d'érudit, ait adopté le préjugé accrédité par l'ignorance en collectionnant des médailles romaines à Winbanale et étourdie sur le druidisme et ses mi- disch, il retourna dans sa province. Invité à nistres. Aujourd'hui qu'à l'étude des anciens représenter le Finistère au Corps-Législatif, il (des Grecs surtout) est venue se joindre l'in-refusa ce mandat, ombre de pouvoir parlementerprétation des traditions bardiques de Galles taire, incompatible avec ses opinions républiet de Bretagne, après Thierry, Owen, La Vil-caines. Le besoin d'isolement des fonctions pulemarqué, après surtout l'éclatant livre de Jean Reynaud sur l'Esprit de la Gaule, qu'un critique éminent a appelé « de l'histoire lyrique, il n'est plus permis de répéter les vulgarités dont se défiait déjà le bénédictin D. Martin, long-temps avant La Tour-d'Auvergne, et de

bliques semblait devenir de plus en plus impérieux chez lui, à mesure que la corruption des moeurs et de l'esprit public amenait la ruine des libres institutions qu'il avait défendues.

'Brumaire eut lieu. Le premier Consul, désireux de faire de la popularité militaire par des

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