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leur temps et leurs veilles à maintenir, de concert avec la garde nationale, l'ordre et la tranquillité dans les campagnes.

L'assemblée délivrée pour quelque temps de la crainte des grands mouvemens, s'occupa de la constitution; elle fixa les principes de la monarchie, tels qu'ils étoient demandés par les cahiers, et tels qu'ils lui paroissoient convenir à un pays qui renferme vingt-sept millions d'habitans sur vingt-six mille lieues carrées d'étendue. Mais lorsqu'on en vint à discuter la part que le roi auroit dans la législation, il s'eleva une lutte dans l'assemblée. Alors une grande scission fut prononcée ; le président voyoit à sa droite et à sa gauche les deux partis, tous deux exagérés dans leurs prétentions: et cette scission passa dans tout le royaume. L'assemblée agitoit cette question, d'où dépendoit, comme on le verra par la suite, la destinée du trône ; savoir, si le roi pourroit, par un seul acte de sa volonté, arrêter une loi rendue par le corps législatif, et si ce refus du roi dureroit toujours, ou s'il ne subsisteroit que pour un temps limité. Ce refus s'exprime par ce mot latin usité en Pologne, veto: il signifie, je m'y oppose. Les plus grandes villes du royaume se prononçoient fortement contre le veto royal. Le roi lui-même refusa le veto absolu et indéfini; et l'assemblée décréta que le veto du roi n'auroit lieu que pendant deux législatures, et. ne seroit que suspensif: quelque temps après, elle décréta la permanence du corps législatif, et son renouvellement tous les deux ans, sous le titre de législa ture. Elle passa ensuite à la discussion des autres articles constitutionnels.

L'assemblée nationale avoit ce désavantage terrible, et qui l'a long-temps contrariée, de constituer une monarchie ayant déja le monarque. Il en résultoit que ses ennemis, en profitant de son aveu, que nulle loi n'existe sans la sanction du roi, prétendoient que le roi

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pouvoit arrêter les décrets de l'assemblée. Les autres, au contraire, prétendoient que la loi sur la sanction ne regar doit que l'état futur des choses, que le roi ne devoit pas sanctionner la constitution, mais l'accepter. La vérité étoit que le pouvoir du roi se trouvoit suspendu dans le temps où les représentans du peuple faisoient la constitution; mais l'assemblée n'osa jamais convenir de cette dangereuse vérité. Cependant le nom imposant de roi, la suite même des sacrifices que la constitution sembloit exiger de Louis XVI, la douleur de voir faire des lois sans lui, le préjugé de l'obéissance servile, furent autant de moyens employés par les partisans des anciens abus pour arrêter l'acceptation des décrets du 4 août. Le roi en effet n'en accepta d'abord qu'un certain nombre, et fit des observations sur les autres; mais, d'après les représentations de l'assemblée, accepta purement et simplement.

Au milieu de cette désorganisation générale, les recettes ne suffisoient plus aux dépenses; M. Necker proposa à l'assemblée de demander aux citoyens la contribution patriotique du quart de leurs revenus. L'assemblée en fut effrayée; mais Mirabeau la détermina à adopter cette mesure.

Cependant, tous les prétendus amis du trône qui vouloient soustraire le roi à la constitution, préparoient tous les moyens nécessaires à sa fuite; M. de Breteuil et M. de Mercy conduisoient l'entreprise. Paris étoit livré aux horreurs de la famine; on se battoit à la porte des boulangers pour avoir du pain; et des hommes visiblement payés pour occasionner du désordre, assiégeoient les boutiques, en enlevoient le pain, le jetoient dans la rivière, et retournoient recommencer ce manège. Les provinces étoient alarmées du bruit sourd de la fuite prochaine du roi, et d'une contre-révolution; et le parti qui la desiroit, s'en vantoit déjà hautement avec cette imbécille jactance qu'il a manifestée à chacun

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de ses nouveaux projets. Enfin, la capitale effrayés ne voyoit plus de termes à ses craintes, et sur la France, et sur ses députés, qu'en possédant l'assemblée nationale et le roi dans ses murs.

Telle étoit la situation des esprits, lorsque, dans un repas donné par les gardes-du-corps, le premier octobre, aux officiers de Flandres, la cocarde nationale fut foulée aux pieds: misérables folies qui alloient irriter la France entière contre la cour et cinq ou six cents imprudens! Cette scène scandaleuse fut répétée trois jours après; la reine fut soupçonnée de l'avoir commandée. Dès-lors, on ne douta plus qu'elle ne fût à la tête du projet formé pour enlever le roi. A la nouvelle du repas des gardes-du-corps, l'émotion devint générale à Paris; on proscrivit toute autre cocarde que celle de la nation. On s'écrioit que le complot étoit visible; que le mépris de la cocarde nationale étoit une véritable déclaration de guerre, qu'il étoit temps de terminer tant d'inquiétudes; et que, puisqu'on vouloit enlever le roi pour le mettre à la tête d'un parti, il n'y avoit qu'à prendre le devant et l'emmener à Paris. A ces mouvemens se joignirent ceux du peuple qui, las de souffrir la faim, étoit persuadé que la présence du roi à Paris raшéneroit l'abondance. Vouloir et exécuter furent l'affaire d'un jour. Presque toute la population de Paris se mit en route pour Versailles. On remarquoit une multitude de femmes dirigées par un nommé Maillard, et un nombre considérable d'hommes armés de piques, de hâches, de bâtons pointus, et qui se répandoient en invectives contre la reine et les gardes-du-corps; parmi eux se trouvoient des individus de figures étranges et qui sembloient y avoir été appelés exprès. Ces bandes farouches avoient précédé la garde nationale, dont il faut bien les distinguer, car ils causèrent tout le désordre, le lendemain; On avoit rassemblé autour du château les forces militaires de Versailles. Il s'éleva, entre les troupes et les

Béditieux, des querelles qui firent tirer des coups de fusils. La garde nationale se croit trahie; et la fureur s'emparant des esprits, on braque les canons, lorsque M. de la Fayette arrive à la tête de quinze mille hommes de garde nationale parisienne. Sur ces entrefaites, la cour entreprend de faire fuir le roi; mais les voitures, préparées à cet effet, sont arrêtées par la garde nationale de Versailles, et le roi refuse absolument de partir. Cette détermination du roi sauva la France; il paroît qu'on avoit eu intention de profiter de la terreur du moment pour engager le roi à fuir, et que toutes les dispositions étoient faites, afin d'avoir des forces suffisantes pour l'escorter.

M. de la Fayette, après avoir tranquillisé l'assemblée et le roi, se retira à cinq heures et demie du matin, dans son hôtel, pour écrire à la municipalité de Paris ce qui se passoit.

Sur les six heures, les brigands inondoient les cours du château; on vouloit leur en défendre l'entrée, et un homme fut tué. Cette bande dévastatrice se jette avec fureur sur les gardes-du-corps qui se replient sur les appartemens, décidés à faire la plus vive résistance. Les brigands proféroient mille imprécations contre la reine, et l'espoir du pillage annonçoit leur fureur; ils attaquoient toutes les portes au hazard. Le roi et la reine se cherchoient avec une égale inquiétude; mais le zèle et la prudence des gardes-du-corps les rapprochèrent. La reine n'eut que le temps de mettre quelques habits et de passer chez le roi. Cette sédition, où plusieurs gardes du roi furent blessés, fut prompte et rapide.

M. de la Fayette en est instruit; il envoie sur-lechamp ses aides-de-camp pour rassembler la garde nationale et vole lui-même auprès d'elle. Bientôt les citoyens soldats entrent dans le château, s'en emparent, chassent les brigands au moment où ils en

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foncent l'appartement du roi, dispersent ceux qui se livroient au pillage; et le calme est rétabli.

Au-dehors, les brigands s'étoient emparés de deux gardes-du-corps; ils leur coupèrent la tête malgré les efforts de la garde nationale pour leur arracher ces malheureuses victimes. Enfin, elle parvint à chasser de Versailles les brigands, qui reprirent la route de Paris, portant en signe de victoire les deux têtes qu'ils venoient de couper.

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Avec eux disparoît toute l'horreur de ces scènes sanglantes. Les soldats parisiens et les gardes-du-corps s'embrassent; ceux-ci prêtent le serment militaire. Le roi reçoit les hommages des gardes nationales qui remplissent ses appartemens, et leur recommande ses gardes; passc à son balcon pour se montrer au peuple, il est accueilli par les cris de vive le roi. La reine y paroît à son tour, et reçoit les mêmes hommages. Enfin, éclate ce cri général : le roi à Paris. Le roi déclare qu'il ira à Paris, à condition que ce sera avec sa femme et ses enfans. Alors, l'ivresse devient universelle: officiers soldats, gardes du roi, gardes nationaux, tous se félicitent et s'embrassent; les gardes du roi changent de cocarde ils jettent leurs baudriers aux grenadiers na tionaux, et ceux-ci les reçoivent en échange de chapeaux et d'épée; et tout prouve que ce n'étoit pas la garde nationale qui en vouloit aux gardes-du-corps. L'assemblée, qui avoit envoyé une députation au roi pour entourer sa personne, qui, sur le bruit de son départ, avoit délibéré qu'elle étoit inséparable de la personne du roi, lui envoya une nouvelle députation pour lui porter cet arrêté; on en décréta une troisième pour l'accompagner à Paris.

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Malgré toutes ces apparences d'égards et de dévouement, il n'en existoit pas moins dans l'assemblée un parti puis

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