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A son tour, Schems-ud-din sut engager un neveu même de Madjd-ul-mulk à l'accuser d'une correspondance secrète avec Argoun. Ce neveu, nommé Sa'd-ud-din, avait été destitué par Madjd-ul-mulk de la place de tréso rier, à cause de ses infidèlités. Animé contre son oncle, restant sans emploi, il se laissa aisément séduire par les agents de Schemsud-din, qui le lui amenèrent, et ce vézir le gagna par la promesse d'un emploi dans l'lrac.

Le sultan Ahmed commença par faire rendre à Alaï-ud-din tout ce qu'on lui avait confisqué; mais le gouverneur ne voulut rien reprendre de ces richesses et les livra au pillage. Ahmed chargea ensuite deux grands officiers, Sougoundjac Aca et Ourouk d'informer contre Majd-ul-mulk. Dans la visite qu'ils firent chez lui, ils trouvèrent parmi ses hardes un morceau de peau de lion, sur laquelle il y avait des caractères inconnus, jaunes et rouges. Ayant, comme tous les Mongols, grande peur des maléfices, ils attachèrent beaucoup d'importance à cette écriture, sur laquelle ils multiplièrent leurs interrogatoires. Les Bakhschis et les Cames voulaient que ce talisman fut trempé dans l'eau, et qu'on fit boire à l'accusé le liquide qui en serait exprimé, afin que le maléfice retombât

sur lui; mais Madjd-ul-mulk s'y refusa, sachant bien que c'était le scheïkh Abd-ourrahman, ami du vézir, qui avait glissé cette peau parmi ses hardes, et persuadé qu'il voulait lui jouer encore un plus mauvais tour. Il fut enfin jugé coupable; mais Sougoundjac, quelque instance qu'on lui fit, ne voulut pas lui appliquer la peine de mort; malheureusement pour le condamné, ce général fut, à cette époque, retenu chez lui par un mal de pied. Abd-our-rahman alla lui rendre visite, et le pressa si vivement, qu'il finit par le faire consentir à l'exécution de Madjd-ulmulk. Alors le sultan Ahmed délivra l'ordre de remettre le criminel au pouvoir de ses ennemis. Dès que cet arrêt fut connu, beaucoup de gens, tant Mongols que Musulmans, s'assemblèrent devant la prison, armés de sabres et de couteaux. Le vézir Schems-ud-din voulait sauver la vie de son ennemi; mais ses deux frères, Alaï-ud-din et Haroun, s'y opposèrent (1). On le fit sortir de prison, et la populace le mit en pièces dans un clin

(1) Raschid. Selon Vassaf, ce fut Alaï-ud-din qui, par excès de générosité, voulut pardonner à son ennemi, mais les employés du fisc s'y opposèrent.

d'œil; c'était la nuit du mercredi, 14 août. 8 dj.-1. Ses membres furent envoyés dans les provinces; on suspendit sa tête dans Bagdad. Alaï-ud-din recouvra ses biens séquestrés; le sultan lui rendit en outre le gouvernement de Bagdad (1), le fit revêtir de l'une de ses robes, lui donna une patente d'immunités (païzé), et le força, par toutes ces marques de bienveillance et une réparation aussi éclatante, de renoncer à la résolution qu'il avait prise de se retirer des affaires; mais cet administrateur ne jouit pas long-temps de sa fortune rétablie.

Le vézir Schems-ud-din et le scheïkh Abdour-rahman conseillaient au sultan Ahmed de nouer, à la faveur de son zèle pour le mahométisme, des relations d'amitié avec le sultan d'Égypte, lui exposant les avantages qui en résulteraient et pour ses sujets et pour lui-même. Son union avec ce prince voisin rassurerait ses partisans, intimiderait ses ennemis, et lui procurerait un soutien, en cas d'événements imprévus. (2) Le scheïkh Abdour-rahman, né à Moussoul, dans une classe commune, placé auprès d'Ahmed depuis sa

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première jeunesse, exerçait beaucoup d'ascendant sur l'esprit de ce prince, qui lui était fort attaché et lui donnait le nom de père [baba] (1). Ahmed avait un autre favori, nommé Minguéli, religieux mahométan, qu'il appelait son fils. I passait une partie du jour chez ces deux docteurs, à écouter leurs leçons, et s'occupait peu du gouvernement. Sa mère

(1) Selon Bar Hebræus (pag. 575), Abd-our-rahman était fils d'un domestique ou esclave du Khalife Mosta'ssem, et roumien de nation. Échappé du massacre de Bagdad, il passa à Moussoul, où il exerça quelque temps la profession de menuisier; de là il se rendit à A'madiyah, et fit accroire à Yzz-ud-din, seigneur de ce château, que des esprits lui avaient révélé l'art de la magie. Ce seigueur le mena à la cour d'Abaca. Admis devant ce souverain, il lui dit, que s'il voulait le faire conduire au château de Tala, où étaient déposés les trésors de la couronne, il montrerait ce qu'il savait faire. Arrivé à Tala, il se mit à mesurer le sol de côté et d'autre; puis il indiqua un endroit où l'on devait creuser, et se tint lui-même à quelque distance. En creusant on trouva un anneau, où il y avait une pierre d'un grand prix; on le porta à Abaca. Ce fait ayant confirmé les paroles du prétendu magicien, on ajouta foi à tout ce qu'il disait; à l'entendre, il avait le pouvoir de chasser les démons, et connaissait leurs secrets. Il jouit dès-lors d'un grand crédit, et l'administration de tout le royaume lui fut confiée, pendant le court règne d'Ahmed.

Coutouï Khatoun, femme de beaucoup d'esprit, allait l'y trouver, et c'était dans cette petite réunion que se décidaient les affaires d'État. Ahmed négligeait Schingtour noyan et Sougoundjac aca, aux soins desquels il devait le trône (1). Il avait confié au scheïkh Abd-our-rahman l'administration générale des Wakfs dans son royaume, ordonnant que les revenus de ces dotations pieuses fussent exclusivement appliqués à leur destination primitive, et qu'on effaçât du registre de leurs dépenses les pensions ou honoraires des médecins et astrologues chrétiens et juifs, qui y avaient été portés par la protection des précédents administrateurs; les mêmes sommes devaient leur être payées des deniers du fisc. On fit les dispositions nécessaires pour la marche des caravanes de pélerins vers la Mecque, et l'envoi de provisions destinées pour la Ca'ba. En même temps Ahmed avait ordonné que les temples d'idoles et les églises fussent converties en mosquées (2).

(1) Raschid. Selon l'auteur de la vie de Kélavoun,

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Coutouï était chrétienne.

(2) Vassaf, t. I.

Ce fait est confirmé par Haïton.

Il dit (chap. 37): « Tagoudar avait été baptisé dans sa jeu

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