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offrit une coupe de vin, contre l'usage des sultans khorazmiens, qui n'admettaient jamais les vézirs à leurs banquets. Schéréf-ul-Mulk se crut au comble de la faveur; il ne tarda pas à être désabusé. Quoiqu'il suivit le sultan, qui continua sa route vers l'Arran, il n'eut plus de part aux affaires.

Le mauvais état de la fortune de Djélal fit éclore les dispositions secrètes des esprits dans les deux provinces nouvellement conquises. A Tébriz la populace, excitée par ceux mêmes qui y commandaient au nom du sultan, fut sur le point de massacrer, pour s'en faire un mérite auprès des Mongols, tout ce qui s'y trouvait de Khorazmiens. Des révoltes éclatèrent dans plusieurs endroits de l'Arran et de l'Azerbaïdjan. On tuait les gens du sultan et l'on portait leurs têtes à l'ennemi.

Djélal, voulant envoyer quelqu'un dans l'Arran pour faire marcher les troupes cantonnées dans cette province, dit à son chancelier, qu'il avait besoin pour cette mission, d'une personne qui put inspirer de la confiance aux Turcmans, et ne fut pas avide de leurs biens; « mais, ajouta-t-il, je ne puis « me fier pour cela à aucun des Turcs qui << sont auprès de moi. » Il revint plusieurs fois sur ce sujet, et Mohammed de Nessa,

qui vit bien que son maître désirait qu'il se chargeât de cette commission, mais hésitait à la lui proposer, croyant qu'elle ne lui serait pas agréable, lui dit enfin qu'il était prêt à exécuter ses ordres et il partit dans la nuit même. Lorsqu'il avait dirigé un corps de troupes vers le quartier de Djélal-ud-din, il se rendait par les montagnes, à un autre cantonnement, et par ses soins, dans peu de temps ce prince se vit entouré de forces considérables. Sur l'avis de cette réunion, une division mongole, qui avait pénétré dans l'Arran, se replia sur le gros de l'armée, resté à Odjan.

Un émissaire, envoyé par les Mongols au gouverneur de Baïlecan, pour le sommer de se rendre, ayant été conduit au camp de Djélal, ce prince ordonna à son secrétaire de l'interroger sur la force de l'armée de Tchormagoun, et de lui promettre la vie sauve s'il disait la vérité. C'était un Musulman, attaché comme intendant au service de Taïmaz, l'un des chefs mongols. Il déclara que cette armée, lorsque Tchormagoun l'avait passée en revue près de Bokhara, était, suivant les rôles, forte de vingt mille combattants. Djélal-ud-din fit tuer cet homme sur le champ, de peur que ses troupes

venant à connaître le nombre des ennemis, n'en fussent découragées.

Le sultan craignait que Schéréf-ul-Mulk, ne le quitât pour aller exciter les peuples à la révolte. S'étant rendu, suivi de cet ancien vézir, à Djarapert, près de Gandja, dans les montagnes d'Artsakh (1), il ordonna au commandant de cette forteresse, vieillard turc, dûr et méchant, de l'arrêter et de le mettre aux fers, au moment où le sultan en partirait. Peu de temps après il envoya six de ses gardes pour lui ôter la vie. En voyant paraître ces satellites, le vézir connut son sort. Il les pria de différer quelques instants afin qu'il pût recommander son ame à Dieu. Il fit ses ablutions, dit son Namaz, lut un morceau du Coran, et permit ensuite aux gardes d'entrer. «< « Voici, leur dit-il, la récompense << de quiconque se fie à la parole d'un ingrat. Ils lui demandèrent s'il voulait périr par le cordon ou par le sabre; il dit : « par le sa<< bre. » « Il n'est pas d'usage, reprit l'un « d'eux, que les Grands soient décapités, et « par le cordon la mort est plus douce. » ——

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(1) Mémoires sur l'Arménie, par Mr. St.-Martin, , pag. 152.

tom. 1

er

« C'est votre affaire; répondit-il, faites ce « que vous voudrez. » Ils l'étranglèrent.

Le sultan se rendit à Gandja, pour y étouffer une révolte qui avait commencé par le meurtre de tous les Khorazmiens dans cette ville. Il campa sous ses murs et s'efforça de ramener les séditieux à la soumission par des messages pleins de douceur; mais les gens du peuple n'en devinrent que plus insolents, et sortirent de la ville pour l'assaillir. Le sultan les fit charger. Ils prirent soudain la fuite; les troupes khorazmiennes les poursuivirent, et entrèrent pêle-mêle avec eux dans Gandja. Elles voulaient la piller; le sultan les en empêcha, et se contenta de demander aux principaux habitants quels étaient les chefs de la révolte; on lui en désigna trente; il leur fit trancher la tête.

Djélal demeura quinze jours à Gandja, délibérant sur ce qu'il devait faire. Il se décida à demander encore du secours au prince de Syrie. Cette démarche lui répugnait; mais il céda aux conseils de ses entours. Aschraf, apprenant que ses ambassadeurs étaient en route, passa en Égypte. Ils durent s'arrèter à Damas, où le prince de Syrie les amusa par des lettres qui annonçaient sa prochaine arrivée avec des troupes, pour secourir leur

maître; enfin Djélal fut assuré par ses ambassadeurs qu'il n'avait rien à espérer d'Aschraf, lequel paraissait décidé à ne revenir d'Égypte qu'après l'issue de la lutte entre le sultan et les Mongols.

Alors Djélal-ud-din envoya son chancelier à Mozaffer Gazi, qui avait reçu de son frère Aschraf la principauté de Khelatt, pour l'inviter à venir avec ses troupes se joindre au sultan et lui amener les princes d'Amid et de Mardin. Le sultan disait qu'avec leur secours il pourrait se passer de celui du prince Aschraf. I ordonna à son envoyé d'assurer le prince Mozaffer Gazi, que si Dieu leur accordait la victoire contre les Tatars, il le mettrait en possession d'un pays auprès duquel Khelatt et son territoire n'étaient rien. Tel fut le message dont Djélal-ud-din chargea son secrétaire, en présence de ses généraux; mais lorsqu'il fut seul avec Mohammed de Nessa, il lui dit : « Je n'ai pas plus de confiance en «< ceux-là; mais ceux-ci, désignant les géné<«<raux turcs, ne se repaissent que de chimè<«< res et ne cherchent qu'à éviter les combats; « c'est ainsi qu'ils ont dérangé tous mes projets, et je vous ai choisi pour cette mis«<sion, afin que vous rapportiez une réponse « qui leur ôte tout espoir d'assistance. » Le

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