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entre tout essouflé, couvert de ses armes, et après avoir baisé la terre, dit: « Seigneur, << votre royaume est inondé de troupes en<< nemies; une armée innombrable, descendue « du Derbend, a mis toutes vos provinces << occidentales à feu et à sang; elle a enlevé << vos Ordous et les familles de vos géné«raux. Tout est perdu, seigneur, si vous ne << retournez au plus vite. » A cette nouvelle, les généraux consternés, se désespèrent sur le sort de leurs femmes et de leurs enfants. Abaca se reproche d'avoir abandonné ses Ordous au pouvoir de l'ennemi, pour sauver la province de Hérat. Il veut partir, dans la nuit même, pour repousser l'ennemi, sauf à revenir contre Borac, dès qu'il sera délivré d'un danger plus pressant. Il calcule que dans dix jours il pourra être à Tébriz. Aussitôt on Aussitôt on sonne les tymbales, et l'armée se met en marche pour le Mazendéran, abandonnant son camp et ses bagages. Au moment de partir Abaca ordonne à un de ses officiers de faire mourir les trois espions; mais il lui dit tout bas d'en laisser échapper un. Le lendemain il s'arrête dans la plaine de Djiné, choisie pour champ de bataille, et mande au cadhy de Hérat, de ne pas ouvrir les portes de la ville à Borac.

Cependant l'espion qu'on avait relâché, sautant sur le premier cheval qu'il rencontre, s'éloigne à toute bride, ne se sentant pas d'aise, et court annoncer à Borac cette joyeuse nouvelle; il lui raconte, d'une manière facétieuse, la fuite soudaine de l'ennemi; il dit que la plaine est couverte de tentes et de bagages. Mourgaoul et Djélaïrtaï accourent féliciter leur maître. On s'aborde, on s'annonce cet heureux événement. Le lendemain matin, toute l'armée se mit en marche. Lorsqu'elle fut près de Hérat, Mass'oud-Bey partit en avant, et surpris d'en voir les portes fermées, il fait appeler le cadhy Schems-uddin. Ce gouverneur lui crie, du haut de la muraille, qu'en partant, Abaca lui avait confié la défense de la ville, et qu'il avait juré de ne pas la rendre. Mass'oud-Bey s'en retourne, après avoir fait de vaines menaces, et Borac ne veut pas s'arrêter pour le moment à assiéger cette ville.

Après avoir passé la rivière de Hérat, l'armée de Borac aperçut avec joie le camp abandonné de l'ennemi, et se livra au pillage. Lorsqu'elle fut rassasiée de butin, elle s'arrêta au midi de la ville de Hérat, et passa le reste du jour dans l'allégresse et la débauche. Le lendemain elle continua sa marche; au

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bout de deux heures, elle vit tout-à-coup une vaste plaine couverte de guerriers. Borac consterné rangea son armée en bataille sur le bord de la rivière de Hérat.

A l'apparition de l'ennemi Abaca appela ses généraux et les exhorta à faire leur devoir. « J'ai attiré, leur dit-il, Borac dans le piége; «< c'est à vous maintenant de signaler votre << valeur. Songez que vous allez combattre « pour l'honneur et la vie, pour vos fem<< mes et vos enfants, pour votre souverain << dont les ancêtres vous ont comblés de bien<«< faits. Soyez unis, et avec l'aide de Dieu la « victoire est à nous. » Les généraux lui répondirent par une acclamation et se rendirent à leurs postes.

Abaca donna le commandement de l'aile droite à son frère Boutchin, auprès duquel il plaça le noyan Samagar; celui de l'aile gauche, au prince Yschmout, qui avait sous lui les généraux Sounataï, Mingtour noyan, Bouroultaï, Abd-oullah Aca et Argoun Aca. Ce dernier avait dans sa division les troupes du Kerman et du Fars, commandées par le sultan Hadjadj et l'Atabey Youssoufschah. Le noyan Abataï conduisait le centre.

Dès le commencement de l'action, le général Mourgaoul, combattant avec valeur, tomba

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percé d'une flèche. Craignant que sa mort ne décourageât les troupes, Djélaïrtaï demanda à Borac la permission de charger l'ennemi. Il fond sur l'aile gauche, la rompt, la met en déroute et la poursuit, avec un grand carnage, jusqu'à Pouschenk, à quatre lieues de Hérat. Cependant le centre et l'aile droite d'Abaca tenaient ferme. Ce prince ordonne à Yschmout de passer à la gauche pour rallier les fuyards. Dans l'ardeur de la poursuite, les escadrons du corps d'armée de Djélaïrtaï, s'étaient mis en désordre; ce général ne put jamais les former en bataille; lorsqu'il revint il se trouva coupé, et fut obligé de prendre la fuite. Mais la victoire n'en penchait pas moins du côté de Borac. Voyant les troupes d'Abaca repoussées, le noyan Sounataï, général âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, descendit de cheval et s'assit sur un tabouret au milieu du champ de bataille. « C'est le jour, dit-il aux offi«< ciers qui l'entouraient, c'est le jour de re«< connaître ce que nous devons à Abaca. La << victoire ou la mort. » Les troupes reviennent à la charge; elles font des prodiges de valeur; au troisième choc, elles rompent la ligne de Borac et mettent son armée en fuite. Entraîné dans la déroute générale, ce prince tomba de cheval. Il criait aux officiers qui passaient

près de lui, dans leur fuite: « Je suis Borac, << votre souverain; donnez moi un cheval. » La peur les rendait sourds à sa voix; enfin un cavalier qui le reconnut, lui donna son cheval et lui demanda quelques flèches, que Borac lui jeta, en partant comme un éclair. L'armée d'Abaca poursuivit les fuyards, ne donnant pas de quartier. Ils auraient presque tous péri, sans le courage et la présence d'esprit de Djélaïrtaï, qui les rallia et les poussa dans le désert d'Amou, protégeant leur retraite à la tète d'un corps de troupes, qui faisait volte face pour combattre et arrêter l'ennemi, lorsqu'il les serrait de trop près. Ce général sauva par cette manoeuvre les débris de l'armée, qui purent repasser le Djihoun. Des soldats s'étaient réfugiés dans un Keoschk; Abaca y fit mettre le feu et tous périrent dans les flammes (1).

Borac arriva avec cinq mille hommes à Bokhara. Atteint de paralysie, par suite de sa chûte de cheval, il était conduit en litière. De retour à Bokhara, il se fit mahométan, et prit le titre de Soltan Ghiath-ud-din. Plusieurs des princes et des généraux qui l'avaient

(1) Raschid.

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