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On a vu que dans le sac de Bagdad, les chrétiens furent épargnés. Ils étaient ouvertement protégés par Docouz Khatoun, épouse de Houlagou, née au sein du christianisme, dans le centre de la Tartarie. Houlagou fit donner au patriarche des Nestoriens l'hôtel du petit Dévatdar dans Bagdad. Malgré ces marques de bienvaillance, le prince mongol traita avec la dernière rigueur, les habitants chrétiens d'une petite ville de l'Irac Aréb. Lors du sac de Bagdad, les chrétiens de Tacrit avaient obtenu, par l'intermédiaire du patriarche, qu'on leur envoyât un préfet, qui pût les protéger. A la même époque les seigneurs mahométans domiciliés dans cette dernière ville, ayant été mis à mort par les Mongols, les chrétiens qui, pendant ces exécutions, étaient restés enfermés, près de six semaines, dans une église, furent accusés, par un Mahométan, d'avoir recelé beaucoup de richesses qui appartenaient aux suppliciés. Interrogés par le gouverneur, ils ne purent nier le fait, et lui remirent tout ce qu'ils avaient reçu en dépôt. Sur son rapport, Houlagou, ne consultant que la loi mongole, prononça l'arrêt de mort des chrétiens de Tacrit. Un officier supérieur eut l'ordre de s'y rendre avec ses troupes. A son

arrivée, les chrétiens furent conduits à la citadelle, une vingtaine après l'autre, sous le prétexte qu'ils devaient travailler à sa démolition, et tous y furent tués; il n'y eut d'épargné que des personnes agées des deux sexes, ainsi que les garçons et les filles, que les Mongols emmenèrent en captivité. Alors les Mahométans s'emparèrent de nouveau de la cathédrale de Tacrit; mais le dénonciateur des chrétiens ne tarda pas à être mis à mort, par un chrétien nommé Behram, qui était devenu préfet de cette ville (1).

L'année même de la prise de Bagdad, la famine et la peste firent de grands ravages dans l'Irac Areb, la Mésopotamie, la Syrie et le Roum (2). La chûte du trône des Abbassides avait retenti dans le monde mahométan. Il était disparu le pouvoir spirituel et temporel que ces monarques, vicaires de Mahomet, avaient exercé, pendant cinq siècles, sur de vastes contrées. Les Musulmans orthodoxes avaient perdu à la fois leur chef suprême et l'élite de leur clergé, immolé avec Mosta'ssim. Ces calamités tournèrent à l'avantage des

(1) Bar Hebræi Chron., pag. 530. (2) Ibid, pag. 529.

chrétiens orientaux, que l'Islamisme, dès ses premiers triomphes, avaient fait passer sous le joug de la servitude.

A l'époque de la conquête, par les Arabes, de la Syrie, de l'Égypte, de la Chaldée, sous le règne du Khalife Omar, les chrétiens de ces contrées qui refusèrent d'embrasser l'Islamisme, durent racheter leur vie et leurs propriétés, en se soumettant aux conditions les plus humiliantes. Afin que les tributaires pussent être distingués à la simple vue des Musulmans, il fut ordonné aux chrétiens de porter des turbans bleus, aux Juifs, des turbans jaunes, d'une forme différente de ceux des Mahomé-. tans; il ne leur était pas permis de se laisser croître, comme eux, les cheveux du devant de la tête; ils devaient se les faire raser. Il leur était enjoint de se ceindre extérieurement d'une ceinture particulière nommée zonar. Lorsqu'ils entraient dans un bain public, ils devaient porter au cou, soit une clochette, soit un anneau de plomb ou de cuivre. Les femmes des tributaires étaient également tenues de se faire reconnaître par des signes extérieurs; au bain, elles devaient porter, outre la ceinture (zonar), sur la jupe ou la chemise, un collier de plomb, et afin qu'il leur restât toujours une marque distinctive,

l'une de leurs chaussures devait être noire et l'autre blanche. Il ne leur était pas permis d'avoir sur elles des pierres gravées en caractères arabes.

Le port d'armes était défendu aux tributaires; on ne leur permettait pas d'aller à cheval; ils ne pouvaient monter que des ânes, et même la selle leur était interdite; ils devaient être assis de côté, sur un bât sans ornements et de peu de valeur. Ils devaient laisser aux Musulmans le milieu de la voie publique, se lever lorsque des Musulmans paraissaient dans leurs réunions, et leur céder leurs places; ils devaient se garder de les saluer les premiers, d'élever la voix au-dessus de la voix des Musulmans. Il ne fallait pas que leurs maisons excédassent en hauteur celles des vrai-croyants; elles pouvaient tout au plus les égaler; ni que leurs temples eussent rien qui les distinguât à l'extérieur. Il leur était interdit de sonner les cloches, d'allumer des feux dans les endroits habités par des Musulmans, de montrer leurs croix, d'exposer en public leurs statues et images, ou autres objets de leur dévotion; de pousser des lamentations à leurs enterrements, d'ensevelir leurs morts près des cimetières mahométans. Il ne leur était pas permis de bâtir

de nouvelles églises, ni de nouveaux monastères; à peine leur accordait t-on la faculté de réparer les anciens édifices sacrés. Chercher à faire des prosélytes parmi les Musulmans, cacher dans sa maison un Musulman esclave, ou le captif d'un Musulman; acheter des esclaves parmi les captifs que les guerriers musulmans se sont déjà partagés, leur était sévèrement défendu, ainsi que de faire apprendre à leurs fils le Coran, de porter des cachets gravés en caractères arabes, d'employer des Musulmans à des travaux pénibles. Le commerce d'un Chrétien ou d'un Juif avec une femme mahométane, était puni de mort (1).

(1) Novaïri, Annales égyptiennes, sous l'année 700 (1300-1). Voici à quelle occasion cet auteur traite des restrictions auxquelles la loi mahométane sonmet les tributaires qui vivent parmi les Musulmans. Dans l'année susdite arriva au Caire le vézir du souverain du Magreb, c'est-à-dire, de l'Afrique, se rendant en pélérinage à la Mecque. Étonné des libertés et des avantages dont jouissaient les tributaires en Égypte, il exposa, dans ses entretiens avec les Oméras, à quel degré d'infériorité et d'abjection étaient réduits les sujets tributaires dans le Magreb, où on ne leur permettait de monter ni chevaux ni mules, où ils étaient exclus de toutes fonctions publiques, et s'étendit fort au long sur ce sujet. Ses discours éveillèrent l'attention de l'autorité suprême. Il fut

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