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perdu leurs chevaux rentrèrent à Ispahan. L'aile droite revint de Caschan au bout de deux jours, croyant trouver devant Ispahan les autres corps de l'armée également victorieux. Lorsqu'elle apprit leur défaite, les troupes qui la composaient se debandèrent (1).

Les Mongols qui, malgré leur victoire, avaient essuyé une perte plus considérable que celle des Musulmans, ne firent que se montrer aux portes d'Ispahan, et se retirèrent avec tant de précipitation qu'ils arrivèrent en trois jours à Raï (2), d'où ils se dirigèrent sur Nischabour. Dans cette marche rétrograde ils perdirent beaucoup des leurs, enlevés ou tués, et ils repassèrent le Djihoun en petit nombre.

Pendant huit jours on ignora ce qu'était devenu Djélal-ud-din. On alla le chercher parmi les morts sur le champ de bataille. On crut qu'il était tombé entre les mains de l'ennemi. Déjà l'on parlait à Ispahan d'élire un autre souverain et la populace voulait enlever les femmes et les bagages des Khorazmiens. Le Cadi parvint à persuader aux ha

(1) Nessaoui.
(2) Djouvéini,

bitants de cette cité d'attendre des nouvelles du sultan jusqu'à la fête de Beïram, qui devait être célébrée dans peu de jours; car la bataille avait été livrée le 22 du mois de Ramazan. Ce magistrat convint avec les Grands qui se trouvaient dans la ville, que si le sultan n'avait pas reparu le jour de la fête, à l'heure de la prière, ils placeraient sur le trône l'Atabey Togan Taïssi, qui, par ses vertus, était le plus digne du rang suprême. Malade le jour de la bataille, il n'avait pu sortir de la ville (1).

Au moment où le peuple d'Ispahan se rendait, le jour de la fête, à la place de l'Oratoire, le sultan qui, après la bataille, craignant d'être assiégé dans Ispahan, s'il y rentrait, avait pris la route du Louristan, arrive et assiste à la prière, causant par sa présence une joie universelle. Il s'arrêta quelques jours dans la ville pour y attendre le retour des fuyards et récompensa les généraux de l'aile droite, en conférant le titre de Khan à ceux qui étaient Mélik (2). Il promut à ces grades élevés de simple soldats, qui s'étaient distin

(1) Nessaoui. (2) Nessaoui.

gués dans la bataille; mais aussi plusieurs généraux furent, en punition de leur mauvaise conduite, promenés dans toute la ville, la tête couverte d'un voile de femme (1).

Ghiath s'était retiré dans le Khouzistan, et cherchait à s'assurer de la protection du Kaliphe pour recouvrer ses États. L'animosité qui existait entre les deux frères avait été reveillée à l'occasion d'un meurtre commis par Ghiath. Mohammed fils de Kharmil, issu d'une famille illustre parmi les Gours, était en grande faveur auprès du sultan, qui charmé de la grace de ses manières et des agréments de sa conversation, l'admettait à toutes ses parties de plaisir. Peu de jours avant la bataille, ce Mohammed prit à son service plusieurs gardes du corps de Ghiath, qui l'avaient quité parce qu'ils ne recevaient point leur solde. Un soir qu'ils se trouvaient ensemble à un banquet chez le sultan, Ghiath, la tête échauffée par la boisson, apostrophant Ibn-Kharmil, lui demanda s'il ne lui renverrait pas ses gardes. « Ces gens là,

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répondit Mohammed, servent ceux qui les << nourrissent et ne savent pas endurer la

(1) Raschid.

<< faim. >>> A ces mots Ghiath fut outré de colère, et le sultan, qui s'en apperçut, ordonna à son favori de sortir, lui disant qu'il était ivre. Mohammed obéit; mais peu d'instants après, Ghiath le suivit, pénétra dans sa maison et lui donna un coup de poignard, dont Mohammed mourut au bout de quelques jours. Le sultan ressentit un vif chagrin de la perte de son favori; dans sa douleur il fit dire à Ghiath: « Tu m'avais juré d'être l'ami de «< mes amis, l'ennemi de mes ennemis, et tu «< as tué injustement le plus fidèle, le plus «< chéri de mes amis. Tu as violé notre pacte <«<et ton serment; je n'ai plus d'obligations << envers toi. Je laisse aux lois à te juger, « si le frère de ta victime requiert la peine « du talion; » et le sultan ordonna que le convoi funèbre d'Ibn-Kharmil passât deux fois devant la porte de son assassin.

Ulcéré de cet affront public, Ghiath s'en vengea le jour de la bataille. Du Khouzistan, où il s'était retiré, il envoya son vézir annoncer à la cour de Bagdad qu'il avait quité son frère; il rappela les preuves d'amitié que pendant son règne il avait données au Khaliphe, et cita, en parallèle, la conduite de Djélal-ud-din, qui avait mis à feu et à sang le territoire de Bagdad. Il

demandait l'assistance du pontife pour recouvrer ses États, promettant une entière soumission à l'autorité kaliphale. Cet ambassadeur fut reçu avec distinction et rapporta de Bagdad un subside de trente mille dinars; mais après la retraite des Mongols, Ghiath ne se crût plus en sûreté contre son frère dans le Khouzistan (1).

Cependant Djélal, après avoir envoyé d'Ispahan un corps de troupes qui suivit les traces des Mongols jusqu'au Djihoun, se rendit à Tébriz. Il jouait au mail sur la grande place de cette ville, lorsqu'on vint lui annoncer que son frère se dirigeait vers Ispahan. Il jette aussitôt le mail qu'il tenait à la main, et part pour cette ville. Apprenant en route que son frère voulait passer dans le pays des Ismaïliyens, il change de direction pour le suivre, et envoye sommer le prince des Ismaïliyens de lui livrer Ghiath, qui s'était réfugié dans la forteresse d'Alamout. «<< Votre frère, lui répond ce chef, est venu chercher un asyle «< auprès de nous; il est sultan, fils de sultan; <«< nous ne saurions le livrer; mais nous le re<< tiendrons chez nous, et il ne pourra vous

«

(1) Nessaoui.

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