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chissant le genou, répondit qu'il ne se croyait coupable d'aucune faute; qu'il avait fait ce qui lui était possible, et conquis le Roum; mais qu'il n'avait pas entrepris le siége de Bagdad, à cause de la population et de la force de cette ville, ainsi que de la difficulté des chemins qui y conduisent; qu'au reste, il était dévoué aux ordres de son maître.

10 ram.

655.

1257.

Houlagou fit partir une ambassade pour Bagdad, avec une sommation au Khalife Mos- 21 sept. ta'ssim. Ce souverain pontife, qui occupait le trône depuis quinze ans (1), était bon et pieux; mais il avait peu de jugement et manquait d'énergie. Abandonnant à ses ministres les soins du gouvernement, il passait sa vie dans les occupations les plus frivoles, passionné pour la musique, le spectacle des baladins et des joueurs de gobelets, et tous les divertissements de ce genre. Son orgueil éga

(1) Son père Mostanssir était mort le 20 djomada 2 640. (12 déc. 1242). C'était un prince habile et courageux. Il avait un frère nommé Khafadji qui était aussi très-brave. Après la mort de Mostanssir, le Devatdar et l'Echanson craignirent son énergie, et préférèrent de mettre sur le trône le fils du Khalife, prince borné. (Zéhébi).

lait sa nullité. Les princes même qui venaient à Bagdad lui rendre hommage, n'étaient pas admis en sa présence; ils devaient se contenter de porter à leurs lèvres une pièce d'étoffe de soie noire, représentant le pan de la robe du Khalife, laquelle était suspendue à la porte du palais, et ils se prosternaient pour baiser une pierre placée sur le seuil de cette porte, à l'instar des pélerins de la Mecque qui vont adorer la pierre noire et le voile du Ca'aba. Lorsque, dans les jours solennels, il sortait à cheval avec un cortège magnifique, son visage était couvert d'un voile noir (1)

Le Khalife, chef suprême des Musulmans, considérait comme ses délégués tous les souverains qui professaient la foi orthodoxe, et exerçait son droit de suzeraineté, en les investisant de leurs États. Ces grands vassaux, soit qu'ils prissent le titre de Sultan, de Mélik ou d'Atabey, notifiaient à la cour khalifale leur avénement au trône et lui demandaient l'investiture. Le souverain pontife faisait partir avec l'envoyé du prince vassal, un ambassadeur, qui était d'ordinaire un homme

(1) Vassaf, tom. I.

de loi vénérable, Cadhy ou Scheïkh, chargé de lui porter l'acte d'investiture (Taclid), qui lui conférait la souveraineté de son pays, et lui retraçait, d'une manière étendue, les devoirs imposés par la loi à tout souverain mahométan (1). Il lui envoyait, avec ce diplome, une robe royale, un turban, un sabre, une bague, et lui faisait présent d'une mule qui avait des fers d'or et dont la housse et la bride étaient parsemées de pierres précieuses. Cet ambassadeur était reçu, en arrivant à la dernière station, par les Cadhis, les Imams, les Scheïks, et les notables; le nouveau souverain allait lui-même à sa rencontre avec un brillant cortège, et lui baisait la main. Un ou deux jours après son entrée solemnelle, l'ambassadeur, invité au palais, revêtait le sultan de la robe khalifale, lui posait sur la tête le turban monté à Bagdad, et lui répé tait trois fois : Soyez juste; ne transgressez pas la loi. Il lui permettait ensuite de s'as

(1) On trouve dans l'ouvrage de Novaïri le texte de deux diplômes d'investiture, l'un envoyé, en 630, (1233) par le Khalife Mostanssir au sultan d'Égypte Kamil, et le second, remis en 659, (1261) par un autre Khalife Mostanssir au sultan Beïbars.

seoir sur le trône. On amenait la mule envoyée par le Khalife, et le prince lui baisait le pied publiquement. Alors l'envoyé de Bagdad faisait jeter au peuple des poignées de monnaies, et le sultan traversait la ville à cheval, accompagné de l'ambassadeur, précédé de l'étendard royal, de la musique militaire, et à l'abri d'un parasol (tchéter) qu'on lui tenait sur la tête (1).

Les grands vassaux donnaient pareillement l'investiture à leurs feudataires, et même à leurs grands fonctionnaires. Ceux qui reconnaissaient la suprématie de Mosta'ssim étaient les sultans d'Égypte et de Roum, les Atabeys de Fars et de Kerman, les princes d'Erbil, de Moussoul, et quelques autres moins puissants; mais déjà le Roum, le Fars, le Kerman', étaient devenus tributaires des Mongols.

(1) Lorsqu'il arrivait un ambassadeur du Khalife, à d'autres occasions moins solemnelles, sa mule était introduite dans la salle du trône, et conduite jusque sur l'estrade où était le siége royal; on baissait un rideau, et le sultan se levait pour aller baiser le pied de la mule, en présence de l'ambassadeur, qui le revêtait ensuite de la robe et du turban envoyés par le Khalife, et lui donnait la main pour le reconduire à sa place.

Les dignitaires auxquels Mosta'ssim avait confié son autorité étaient Soleïman-schah, généralissime de ses armées, composées, dit-on, de soixante mille cavaliers soldés, le grand Dévatdar (1) ou chancelier, le petit Dévatdar, ou vice-chancelier, le Scharabi ou échanson, et le vézir Mouayyad-ed-din Mohammed, fils d'El-Alcamiyi, qui occupait le ministère depuis treize ans. Zèlé sectateur d'Ali, ce vézir venait d'être témoin d'un événement qui avait rempli son cœur d'amertume. Des troupes, envoyées, à ce qu'on croyait, par le prince Ahmed, fils aîné du Khalife, étaient entrées dans un quartier de la ville de Bagdad, nommé Carkh, habité par des Alévis, l'avaient pillé, y avaient commis des meurtres, arraché de leurs maisons et emmené captifs plusieurs Seyids ou descendants d'Aly. On avait vu des soldats placer sur la croupe de leurs chevaux, les fils et les filles de ces illustres Haschemites, têtes et pieds nuds, et les conduire en cet état à travers la place publique. Le vézir conçut de ces outrages un profond ressentiment contre le Khalife; il s'en plaint avec douleur dans une lettre qu'il adresse

(1) Dévatdar signifie proprement Porte- écritoire.

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