Imatges de pàgina
PDF
EPUB

l'épithête arabe de Molahidés, qui signifie égarés. Hassan venait de divulguer la doctrine secrète des Ismailiyens. On enseignait, comme il a été dit, dans le dernier degré de l'initiation, qu'il fallait attacher un sens allégorique aux dogmes de la résurrection, du paradis et de l'enfer. C'est que les Bathiniyens avaient adopté cette opinion de plusieurs philosophes grecs, que le monde n'a pas eu de commencement et n'aura pas de fin. Selon eux, la fin du monde n'était que le dernier terme d'une grande époque de l'univers, à laquelle succédait une autre époque dont la durée était également déterminée par la révolution des astres. Or, par résurrection on devait entendre la présence des hommes devant Dieu à la fin d'une époque, et, ce terme arrivé, toutes les pratiques du culte étaient abrogées, parce qu'il ne s'agissait plus, pour les hommes, que de rendre compte de leurs œuvres.

Hassan alla plus loin encore; il se donna pour l'Imam, le vicaire de Dieu, et voulut établir par une fable, qu'il était petit-fils de Nézar, fils du Khalife fathimite Mostanssir (1). La plupart des Ismaïliyens attri

(1) Ce Khaliphe avait désigné pour son successeur son

buèrent dès-lors à leur chef une nature 1166. divine. Hassan mourut poignardé par le frère de sa femme. Son fils et successeur Mohammed fut encore plus zèlé pour la doctrine de la résurrection, plus hardi prétendant à l'Imamat, favorisé dans ses vues am1171. bitieuses par la destruction, à cette époque, de la maison des Fathimites en Égypte, victime de la perfidie de Saladin; le prince d'Alamout devenait le chef spirituel de tous les Ismaïliyens.

Ceux du Deïlem étaient regardés par les bons Mahométans comme d'abominables hé

fils Nézar; mais, après la mort de Mostanssir, à la fin de l'année 1064, son généralissime Afzal jugea plus conforme à ses propres intérêts de mettre sur le trône un fils en bas âge du Khalife défunt, lequel reçut le surnom de Mostéali. Nézar refusa de prêter foi et hommage à son frère, et se retira à Alexandrie; cependant le généralissime ne tarda pas à se rendre maître de sa personne, et Nézar disparut. Alors, nouveau schisme parmi les Ismaïliyens; beaucoup d'entre eux prétendirent que Nézar était, en vertu de l'institution de son père, son véritable héritier, et s'appelèrent Nézaréens. Or, Hassan se faisait passer pour le petit-fils de cet Imam et de son successeur, tous deux invisibles, et se prétendait en même temps l'héritier de leur caractère divin.

rétiques. Le premier docteur de la loi qui les déclara impies, par Fethva, fut l'Imam Fakhr-ul-islam, de Rouyan. Il délivra cette sentence à Cazvin, et recommanda aux habitants de n'avoir aucunes relations quelconques avec les Bathiniyens; « car, disait-il ce sont « des gens rusés; si vous communiquez avec «< eux, ils séduiront quelques-uns d'entre vous <«< et bientôt vous serez en proie à la discorde. » Ils suivirent son conseil, tuant tout ce qui venait du pays de Bathiniyens; mais lorsque le docteur retourna à Rouyan, ville située dans les montagnes du Mazenderan, y fut assassiné (1).

il

Un autre docteur orthodoxe, contemporain de Mohammed, fut traité avec plus de ménagement. Le célèbre Imam Fakhr-ud-din qui professait la théologie à Raï, sa ville natale, ne manquait jamais, lorsqu'il avait occasion de réfuter, dans ses leçons publiques, les doctrines des Ismaïliyens, d'ajouter, chaque fois qu'il prononçait leur nom: « Que Dieu les maudisse et les anéantisse! » Mohammed donna ses instructions à l'un de ses fidayis ou affidés, qui partit pour Raï,

1108.

(1) Cazvini, Kitab Assar-ul-Bilad Zéhébi.

prit l'habit d'étudiant, et suivit le cours du docteur, épiant une occasion favorable de

[ocr errors]

remplir sa mission. Enfin il le surprend seul dans son cabinet, ferme la porte, et tirant un poignard, le met sur la poitrine de l'Imam, qui, saisi d'effroi, lui demande ce qu'il lui a fait. Pourquoi, lui dit le si<«< caire, maudissez vous sans cesse les Ismaï«<liyens et leur doctrine?» L'Imam fit serment de ne plus parler d'eux. «Mais ce ser«ment le tiendrez yous?» reprit le Bathiniyen. Ayant alors reçu du docteur les assurances les plus solemnelles, il lui dit, en retirant son poignard. « Je n'avais pas l'ordre de vous << tuer; sinon rien n'eut pu m'en détourner. <«< Sachez que mon maître, Mohammed, fils de << Hassan " vous envoye son salut, et vous mande, qu'il ne craint pas les discours du vulgaire ; mais qu'il redoute les paroles sor«ties de la bouche d'un docteur de votre réputation, puisqu'elles restent gravées dans «< la mémoire des hommes; il vous prie de <«< vous rendre auprès de lui, désirant vous << témoigner en personne sa haute estime. »> Fakhr-ud-din s'en excusa; mais protesta de nouveau qu'il ne dirait plus rien qui put offenser son maître. Le Fidayi posant alors auprès de lui une bourse de trois cent mis

cals d'argent, lui dit qu'il recevrait, tous les ans, pareille somme, et lui apprit qu'il lui avait apporté deux tuniques de Yémen, le priant de les envoyer chercher dans son logement; puis il disparut. Quelque temps après un disciple de l'Imam Fakhr-ud-din lui demanda pourquoi il ne maudissait plus les Ismaïliyens. « Que faire ? lui répondit le docteur, ils ont des arguments si tranchants (1).

Les Ismaïliyens s'étaient emparés de nuit, 1198. et par surprise, du château d'Arslan - Kuschad, situé sur la cîme d'une haute montagne, à deux lieues de Cazvin. Désolés de ce dangereux voisinage, les habitants de cette ville supplièrent plusieurs princes de les en délivrer; ce fut en vain. Alors un de leurs Scheïkhs, nommé Ali le Jonien, qui jouissait d'une grande réputation de sainteté, s'adressa au sultan Khorazmien Tagasch, et sut engager ce prince à les secourir. Le château fut assiégé; il capitula et reçut une bonne garnison; mais à peine les troupes khorazmiennes furent elles parties, que les Ismaïliyens y rentrèrent de nuit, par une voie souterraine qu'ils avaient pratiquée, à l'insu de

(1) Nigharistan de Gaffari,

« AnteriorContinua »