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durent même restituer de fortes sommes. Keurgueuz protégea la vie et les biens des Persans contre la barbarie des officiers mongols, qui ne purent plus abattre des têtes, à leur volonté. Dans ses marches, le soldat n'osa plus vexer l'habitant paisible. Keurgueuz fut craint et respecté.

Il releva de ses ruines la ville de Thous, où il n'y avait que cinquante maisons habitées. Dès qu'il l'eut choisie pour sa résidence, les seigneurs persans y achetèrent des hôtels, et au bout d'une semaine, le prix des immeubles y fut centuplé (1).

La ville de Hérat renaissait aussi de ses cendres. Après le saccagement de cette cité, dans l'année 1222, ses ruines n'avaient été habitées, pendant quinze ans, que par un petit nombre d'individus; mais, en 1236, Ogotaï ayant ordonné que l'on prit les mesures nécessaires pour restaurer le Khorassan, on songea à repeupler Hérat. Un émir, nommé Yzz-ud-din, que Toulouï, avait fait transporter, avec mille familles, de Hérat à Bischbalik, reçut l'ordre de retourner avec cent familles, à Hérat. D'abord cette colonie eut

(1) Djouvéini.

de la peine à pourvoir à sa subsistance; faute de boeufs, les hommes de toutes classes indistinctement s'attelèrent, par couple, à la charrue; on sema du blé et du coton dans des pièces de terre qu'il fallut arroser à la main, les canaux étant obstrués. La première récolte faite, on choisit vingt hommes forts et agiles, qui, chargés chacun de vingt menns de coton, furent envoyés dans l'Afghanistan, d'où ils revinrent avec des instruments aratoires (1). En 1239, les chefs de cette population envoyèrent un député à la cour, pour demander de nouveaux colons, et, au bout de cinq mois, deux cent familles arrivèrent à Hérat. L'année suivante un dénombrement fit connaître que cette ville avait déjà six mille neuf cent habitants. Depuis lors sa population s'accrut de beaucoup d'individus qui vinrent s'y établir de diverses contrées (2).

Dès son arrivée à Thous, Keurgueuz avait

(1) Il y a dans le texte et avec des diraz dunbal, ce qui signifie en persan, de longues queues; peut-être l'auteur du Raouzat a-t-il voulu indiquer une espèce de

moutons.

(2) Raouzat-ul-Djennat.

fait mettre la cangue à Schéréf-ud-din. Il tira de son ennemi des aveux qu'il manda à la cour. Son messager apprit en route la mort d'Ogotaï. Keurgueuz était parti luimême pour rendre compte à l'empereur du systême d'administration qu'il venait d'établir en Perse. En passant par la Transoxiane, il se prit de querelle avec un officier de la maison de Tchagatai. Menacé par celuici d'une accusation devant la veuve de ce prince, il répondit qu'il ne s'en souciait guère. Ce propos rapporté à la princesse excita son ressentiment. Inquiet des suites de cette avanture, instruit de la mort d'Ogotaï, privé de ses protecteurs, Keurgueuz jugea à propos de retourner sur ses pas. Cependant la femme de Schéréf-ud-din avait envoyé des messagers aux princes du sang pour implorer leur protection en faveur de son époux. Plusieurs de ces émissaires avaient été saisis en route; mais l'un d'eux parvint à la cour d'Ouloug Iff (1). Les femmes et les fils de Tchagataï firent partir Argoun, avec l'ordre de leur amener Keurgueuz de gré ou de force. Averti de cet arrêt, Keurgueuz, qui avait déjà livré son ennemi

(1) C'était le nom de la résidence de Tchagataï.

au préfet de Sebzevar, avec l'injonction de le faire mourir, lui manda promptement de suspendre l'exécution.

A l'approche d'Argoun, Keurgueuz s'enferma dans un magasin, qu'il avait fait construire à Thous, contre l'usage des Mongols. Comme il refusait de se rendre, Argoun demanda main forte aux chefs militaires, qui obéirent avec joie, haïssant Keurgueuz à cause de sa juste sévérité. Ce gouverneur, sur le point d'être forcé, fit ouvrir la porte, disant qu'il n'était pas un ennemi. Il fut arrêté avec son vézir Ousseil-ud-din Rogdi. Ce fut le signal d'une nouvelle anarchie dans le Khorassan et le Mazendéran.

Keurgueuz, conduit à la résidence des enfants de Tchagataï, après y avoir subi un interrogatoire, fut envoyé à la cour de Tourakina, régente de l'empire. Il n'y trouva plus son protecteur Tchincaï, qui s'était lui-même soustrait, par la fuite, au ressentiment de cette princesse, excitée contre lui par des intrigues. Pour comble de malheur Keurgueuz était sans argent; il ne put donc prouver son innocence, et fut reconduit, par l'ordre de la régente, à la résidence des fils de Tchagataï, pour y être jugé. Dans le nouvel interrogatoire que ces princes lui firent subir, il répondit sans ména

gement. Le prince Cara-Houlagou ordonna qu'on le fit mourir, en lui remplissant la bouche de terre. Keurgueuz avait, dans les derniers temps de sa vie, abjuré le bouddhisme, pour embrasser la religion mahométane (1).

Argoun Aca se rendit à la cour impériale, et fut nommé, par la régente Tourakina, gouverneur de la Perse. Lorsqu'il était encore dans l'âge de l'adolescence, son père, un homme du commun de la tribu ouïrate, l'avait cédé, pendant une disette, pour un quartier de bœuf, à un officier djelaïre, qui était le gouverneur d'Ogotaï. Placé par cet officier dans la garde de l'empereur, son mérite lui fit obtenir de l'avancement (2). Comme il savait écrire en caractères ouïgours, il entra dans la chancellerie de l'empereur Ogotaï, qui le chargea, avec Coban, d'une mission importante en Chine. Nommé commissaire pour l'examen des différends qui s'étaient élevés

(1) Djouvéini. (2) Raschid.

Selon Djouvéini, il était fils d'un chef de mille de la tribu ouïrate, l'une des plus considérées, ajoute-t-il, parmi les Mongols, à cause de ses nombreuses alliances avec la famille de Tchinguiz-khan.

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