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tes. Il serait superflu de revenir sur cette question, et j'aborde immédiatement l'exposé de la grammaire de Joinville. Les deux cas qui se sont conservés jusqu'au commencement du quatorzième siècle dans un grand nombre de mots de notre vieux français, étaient usités surtout pour les substantifs masculins, et calqués sur le nominatif et l'accusatif de la seconde déclinaison en us.

On écrivait peuples avec s finale: 1o au sujet singulier à cause de populus, 2o au régime pluriel à cause de populos; on écrivait peuple sans s finale: 1° au régime singulier à cause de populum, 2o au sujet pluriel à cause de populi.

La même orthographe s'appliquait à des substantifs masculins qui suivaient en latin une déclinaison tout à fait différente ainsi on écrivait freres au sujet singulier avec une s dont frater était dépourvu, et frere au sujet pluriel sans l's du latin fratres.

D'autres substantifs masculins, dont le nominatif singulier avait en latin une syllabe de moins que l'accusatif, avaient trois formes différentes : une pour le sujet singulier cuens, hons, lerres (en latin comes, homo, latro); une pour le régime pluriel: contes, homes, larrons (en latin comites, homines, latrones); une pour le régime singulier et le sujet pluriel, conte, home, larron (en latin comitem et comites, hominem et homines, latronem et latrones). La forme des sujets singuliers hons et lerres prouve que, conformément à la règle ordinaire, ces mots pouvaient prendre une s finale quoique les nominatifs latins homo et latro en fussent dépourvus; mais à cause de l'étymologie latine, on pouvait aussi, sans ajouter cette s; écrire hom ou hon et lerre. Au contraire, le sujet pluriel restait toujours dépourvu de cette finale, malgré la forme des nominatifs pluriels comites, homines, latrones.

Quelques substantifs masculins restaient invariables parce que leur radical se terminait par s ou z, comme cas, mois, palaiz, sens.

Les substantifs féminins terminés par un son plein pre

ET LA LANGUE DE JOINVILLE.

XIII

naient l's finale au sujet singulier (raisons) et la perdaient au régime (raison); mais au pluriel I's finale s'employait pour le sujet comme pour le régime.

Quant aux substantifs féminins terminés par un e muet, ils se comportaient déjà comme aujourd'hui, n'ayant qu'une forme pour le singulier (chose) et une autre pour le pluriel (choses), sans distinction du sujet et du régime.

Il y avait aussi des substantifs féminins qui restaient invariables parce que leur radical se terminait par s ou z, comme crois, foiz, pais.

Enfin, dans le texte de Joinville, certains substantifs féminins se présentent sous une seule forme au singulier, quoique leur radical ne les empêchât pas d'en avoir deux : ainsi gent et riens restaient invariables au singulier quoiqu'il eût été plus régulier de mettre (ce qui se rencontre dans certains textes) gens au sujet, et rien au régime.

Les adjectifs, les participes passés et les participes présents (qui étaient restés variables comme en latin) suivaient les règles applicables aux substantifs de leur genre. Mais il faut savoir que les adjectifs qui avaient en latin une forme unique pour les deux genres (comme grandis) ne prenaient pas l'e muet au féminin; on disait donc indistinctement: « de ses granz chevaleries et de ses granz faiz d'armes (§ 2) ». Ces sortes d'adjectifs, en tant que féminins, avaient une forme unique pour les deux cas du pluriel; en tant que masculins ils s'écrivaient grant au sujet pluriel et granz au régime. Au singulier, granz ou grans au sujet et grant au régime servaient pour les deux genres. De là grand mère, grand messe, qui subsistent dans la langue moderne, mais qu'on ne devrait pas imprimer grand' mère, grand'messe, puisque jamais on n'a dit grande mère, grande messe.

Le lecteur a pu remarquer que dans cette déclinaison à deux cas des substantifs masculins, il y avait presque toujours une forme servant à la fois pour le sujet singulier et le régime pluriel, puis une autre pour le régime singulier

et le sujet pluriel; mais la confusion qui pouvait en résul ter disparaissait toutes les fois que l'article était joint au substantif, parce que l'article masculin avait trois formes qui, en se combinant avec les deux formes des substantifs du même genre, produisaient quatre combinaisons distinctes. régime: le peuple.

Singulier, sujet : li peuples;
Pluriel, sujet li peuple;

régime: les peuples.

Au féminin, au contraire, il n'y avait, comme aujourd'hui, qu'un seul article pour le sujet et le régime, la au singulier, les au pluriel.

La contraction des articles le et les avec les prépositions de et à produisait au singulier dou et au; au pluriel, des et aus. Les mêmes articles se contractaient aussi avec la préposition en, et devenaient au singulier ou, eu et el; au pluriel es. L'article la ne se contractait jamais, tandis que les contractions du pluriel (des, aus, es) appartenaient au féminin comme au masculin.

Il serait superflu d'entrer dans les mêmes détails sur d'autres mots (adjectifs ou pronoms) dont la déclinaison pouvait se combiner avec celle des substantifs; je me contenterai de présenter le tableau de cette déclinaison, en le faisant suivre de quelques observations.

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L'a dans ma, ta, sa s'élidait devant une voyelle comme dans l'article la (m'escuele, s'arbaleste).

On rencontre une fois dans les chartes de Joinville le sujet singulier nostres avec l's finale; mais l'orthographe nostre y est plus fréquente. C'est la seule qui s'employàt au sujet pluriel masculin; au régime on préférait nos excepté après l'article: ainsi une charte de Joinville contient avec les nostres sees au lieu de avec nos sceaux. Néanmoins dans le Credo, Joinville a dit les nos chars. Mien, comme nostre, pouvait se joindre à un substantif: uns miens escuiers, un mien roncin (§ 229); mais on trouve aussi les pronoms la seue, li miens et les nostres non suivis d'un substantif (§ 37, 49 et 265).

Lour, au sens possessif, était invariable au treizième siècle, à cause de l'étymologie illorum.

Au régime masculin celi, les chartes permettent d'ajouter celui équivalent de cestui ; de plus elles contiennent pour le régime féminin (outre cele et celle qui servaient aussi pour le sujet), les formes celi, celli et iceli. Les régimes celi et iceli, qui dérivent par contraction de ecce illi, étaient communs aux deux genres, comme l'est encore. au

régime indirect notre pronom lui, dérivant de illi. Au 1 gime pluriel masculin ceus il faut ajouter, d'après les cha tes, les variantes ceux, celz, celx, cex, ces, ciaus, cia dérivant de ecce illos et se prononçant comme ceus.

L'autre adjectif démonstratif dérive de ecce combiné av iste; nous n'employons plus cesti, cestui, et cist; ma nous avons conservé ces pour le pluriel des deux genre ce au singulier masculin, cet (équivalent de cest, qui se devant les mots commençant par une voyelle), et cet (équivalant de ceste). Une charte prouve qu'au pluriel f minin cestes pouvait se mettre au lieu de ces.

Autrui était, comme aujourd'hui, un pronom propreme dit; il en était de même de nulli ou nullui, qui sont ho d'usage.

Je passe à d'autres mots qui ne sont pas compris dans l tableau précédent.

Notre mot tel, qui rentrait dans la classe des adjectif ayant une seule forme pour les deux genres, aurait fait a sujet singulier tels ou telz si le changement de ls et lz e x n'eût pas été habituel. En outre, les chartes de Joinvill prouvent que ce mot était un de ceux où l'on substituai volontier à l'e simple la diphthongue ei. On trouve donc au lieu de tex, dans les chartes teix, et dans le manuscri du quatorzième siècle tiex, soit pour le sujet singulier des deux genres, soit pour le régime pluriel masculin, soi pour le pluriel féminin sujet ou régime. La forme tel sert, d'une part, pour le sujet pluriel masculin, d'autre part pour le régime singulier masculin ou féminin: je n'ai pas maintenu les désinences féminines tele et teles, parce qu'elles devaient être de rares exceptions, sinon des fautes introduites par le copiste.

Il y avait alors, comme aujourd'hui, deux pronoms relatifs, lequel et qui. Dans le premier, l'article est combiné avec le mot quel sans rien perdre de la liberté de ses flexions, c'est-à-dire qu'il se décline exactement de même que s'il était joint à un substantif. Quant au mot quel, il

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