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seoir sur le trône. On amenait la mule envoyée par le Khalife, et le prince lui baisait le pied publiquement. Alors l'envoyé de Bagdad faisait jeter au peuple des poignées de monnaies, et le sultan traversait la ville à cheval, accompagné de l'ambassadeur, précédé de l'étendard royal, de la musique militaire, et à l'abri d'un parasol (tchéter) qu'on lui tenait sur la tête (1).

Les grands vassaux donnaient pareillement l'investiture à leurs feudataires, et même à leurs grands fonctionnaires. Ceux qui reconnaissaient la suprématie de Mosta'ssim étaient les sultans d'Égypte et de Roum, les Atabeys de Fars et de Kerman, les princes d'Erbil, de Moussoul, et quelques autres moins puissants; mais déjà le Roum, le Fars, le étaient devenus tributaires des

Kerman,

Mongols.

(1) Lorsqu'il arrivait un ambassadeur du Khalife, à d'autres occasions moins solemnelles, sa mule était introduite dans la salle du trône, et conduite jusque sur l'estrade où était le siége royal; on baissait un rideau, et le sultan se levait pour aller baiser le pied de la mule, en présence de l'ambassadeur, qui le revêtait ensuite de la robe et du turban envoyés par le Khalife, et lui donnait la main pour le reconduire à sa place.

Les dignitaires auxquels Mosta'ssim avait confié son autorité étaient Soleïman-schah, généralissime de ses armées, composées, dit-on, de soixante mille cavaliers soldés, le grand Dévatdar (1) ou chancelier, le petit Dévatdar, ou vice-chancelier, le Scharabi ou échanson, et le vézir Mouayyad-ed-din Mohammed, fils d'El-Alcamiyi, qui occupait le ministère depuis treize ans. Zèlé sectateur d'Ali, ce vézir venait d'être témoin d'un événement qui avait rempli son cœur d'amertume. Des troupes, envoyées, à ce qu'on croyait, par le prince Ahmed, fils aîné du Khalife, étaient entrées dans un quartier de la ville de Bagdad, nommé Carkh, habité par des Alévis, l'avaient pillé, y avaient commis des meurtres, arraché de leurs maisons et emmené captifs plusieurs Seyids ou descendants d'Aly. On avait vu des soldats placer sur la croupe de leurs chevaux, les fils et les filles de ces illustres Haschemites, têtes et pieds nuds, et les conduire en cet état à travers la place publique. Le vézir conçut de ces outrages un profond ressentiment contre le Khalife; il s'en plaint avec douleur dans une lettre qu'il adresse

(1) Dévatdar signifie proprement Porte- écritoire.

au Seyid Tadj-ud-din Mohammed, alors Reïs ou maire du bourg de Hillé, dans laquelle il lui mande que le Khalife, après avoir entendu ses représentations sur ces violences, ne lui avait répondu autre chose sinon, qu'il fallait exterminer les Schiyis; et le vézir laisse entrevoir au descendant d'Ali qu'il méditait des projets de vengeance (1). On rapporte qu'après la conquête du pays des Ismaïliyens, Ibn-Alcamiyi fit parvenir secrètement à Houlagou, une lettre où il l'assurait de son dévouement, traitait avec peu de respect la personne du Khalife, et s'étudiait à faire envisager comme facile la conquête de Bagdad. On dit que Houlagou ne se fia pas entièrement à ses paroles, ayant une haute idée de la force de Bagdad et de la puissance du Khalife, dont les troupes avaient battu deux fois celles du général Tchormagoun; néanmoins il lui fit une réponse bienveillante, et lui demanda des preuves de sa sincérité. Ibn Alcamiyi lui adressa successivement plusieurs lettres, lui exposant toujours la faiblesse du

(1) Le texte de cette lettre, dont une partie est en vers, se trouve dans l'histoire de Vassaf, tom. I.

gouvernement khalifal, et le pressant de marcher sur Bagdad.

On ajoute qu'en même temps, ce vézir représentait à son maître, que tous les princes musulmans étant ses vassaux et tenant à honneur de lui consacrer leurs vies et leurs trésors, il était inutile de dépenser chaque année des sommes énormes pour solder tant de troupes. Il lui proposa de diminuer l'armée que son père le Khalife Mostanssir avait mise sur un pied respectable, et de donner aux principaux officiers des commandements dans les provinces. Le Khalife, uniquement occupé de ses plaisirs, lui abandonna le soin de cette réforme, et les troupes étaient déjà dispersées, lorsqu'on apprit à Bagdad la marche de Houlagou (1).

D'autre part, le petit Dévatdar était à la tête d'une faction qui, réunissant plusieurs des principaux seigneurs, voulait déposer le Khalife et mettre sur le trône un autre prince Abbasside. Mosta'ssim, instruit de ce complot par son vézir, manda le Dévatdar, lui répéta l'avis qu'il venait de recevoir, et ajouta que sa confiance en lui l'empêchait

(1) Vassaf, tom. I.

d'ajouter foi à une pareille accusation; qu'il soupçonnait que c'était une trame du vézir pour le perdre, et qu'il n'avait pas voulu la lui laisser ignorer. Eibeg paraissant vivement touche de la bienveillance du Khalife, lui présenta sa tête et son sabre, se livrant à sa justice, s'il était coupable. Il accusa, à son tour, le vézir de s'être laissé égarer par l'esprit infernal jusqu'à se donner aux Mongols; il soutint que Ben Alcamiyi avait inventé cette calomnie pour détourner les soupçons qui planaient sur ses propres complots; qu'on n'ignorait pas qu'il méditait de livrer le Khalife à Houlagou, avec lequel il entrenait une correspondance secrète. Mosta'ssim le congédia, en l'assurant de la continuation de ses bontés.

Cependant le Dévaldar, entouré jour et nuit des chefs de la faction, était sur le point d'exécuter son dessein. Alors, le Khalife effrayé, lui opposa des troupes, et Bagdad devint le théâtre d'une guerre civile; puis, sentant sa faiblesse, Mosta'ssim fut réduit à chercher les moyens d'appaiser le rébelle. Il lui écrivit, de sa propre main, une lettre où il déclarait que les bruits répandus sur les projets du Dévatdar étaient de pures calomnies; qu'il avait toujours en lui la plus haute

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