Imatges de pàgina
PDF
EPUB

l'Imam, réputé infaillible à tout âge, devait être religieusement obéi. Quoiqu'il fit, on ne pouvait le reprendre; on n'osait pas même lui donner d'avis (1).

Dans l'enfance d'Alaï-ed-din Mohammed, la cour d'Alamout eut des démêlés sérieux avec le sultan Djélal-ud-din. Ce prince, à son retour de l'Inde, avait donné le gouvernement du Khorassan au général Orkhan. Comme le lieutenant de ce gouvernenr mettait à feu et à sang les districts du pays Ismaïliyen limitrophes de sa province, tels que le Noun, le Caïn ou le Couhistan, un envoyé d'Alaï-ed-din arriva à la cour du sultan, pendant son séjour à Khouï, pour se plaindre de ces actes d'hostilités. Le sultan ordonna à son vézir Schéréf-ul-Mulk de faire venir chez lui Orkhan et l'envoyé d'Alamout, et d'appaiser le différend. Orkhan, ayant entendu le discours de l'envoyé, qui faisait des menaces, tira de ses bottes et de sa ceinture plusieurs poignards qu'il jeta devant lui,

(1) Djouvéini, tom. II.

[ocr errors]

---

Mirkhond, tom. IV. Tarikh Monédjim Baschi, tom. II. Tévarikh Al Seldjouc. A'mad-ud-din d'Ispahan, Histoire des vézirs des Sultans Seldjoucides. Nigaristan de Gaffari.

disant: «Voici nos poignards, et nous avons « des sabres encore plus affilés et plus poin«tus, ce que vous n'avez pas. » L'envoyé s'en retourna, sans avoir pu rien obtenir; mais peu après Orkhan fut assailli, près de Gandja, par trois Bathiniens qui le tuèrent; ces assassins entrèrent dans la ville, tenant à la main leurs poignards sanglants, et criant Vive Alaï-ed-din; ils pénétrèrent jusque dans l'hôtel du Divan, pour y poignarder Schéréf-ulMulk, qu'ils ne trouvèrent pas; ce vézir était alors au palais du sultan; ils blessèrent un de ses concierges; puis ils sortirent, poussant leur cri d'armes, et célébrant l'action qu'ils venaient de faire. Mais ils furent lapidés par les habitants du haut des toits, et rendirent l'ame en disant: Nous sommes les victimes de notre seigneur Alaï-ed-din.

Un second envoyé d'Alamout, nommé Bedrud-din Ahmed, se rendait auprès du sultan Djélal-ud-din, lorsqu'il apprit, Baïlecan, ce qui venait de se passer à Gandja. Il ne sut s'il devait continuer son voyage ou rebrousser chemin; mais Schéréf-ul-Mulk, auquel il écrivit l'embarras où il se trouvait, l'invita à venir, par l'effet de la peur que lui avait laissée l'entrée des sicaires dans son hôtel pour le poignarder. Il voulait faire

avec lui un pacte qui le garantît du sort d'Orkhan; il le pressa d'arriver et l'assura que les affaires dont il était chargé seraient accomodées au gré de ses désirs. Les Ismaïliyens demandaient qu'on laissât leur pays en paix. Le sultan revendiquait Damegan, dont ils s'étaient emparés à l'époque de l'invasion des Mongols. Il fut convenu qu'ils paieraient, pour la cession de cette ville, trente mille dinars au trésor du sultan. Djélal-ud-din étant parti pour l'Azerbaïdjan, l'envoyé du prince d'Alamout accompagna le vézir dans ce voyage. Admis dans la société intime de ce ministre, il lui échappa de dire, dans un banquet, la tête un peu échauffée par le vin : « Nous avons dans votre armée « un bon nombre de fidayis. Il y en a méme parmi les domestiques des généraux. Vous en «avez, dit-il au vézir, dans vos écuries; « d'autres sont au service du chef des tchaouschs (huissiers) du sultan. » Schéréf-ul-Mulk le pressa de les faire venir, désirant les voir, et lui donna son mouchoir, comme un gage de sa promesse qu'il ne leur serait fait aucun mal. L'envoyé en fit venir cinq. L'un d'eux, Indien, homme robuste et déterminé, dit an vézir: « J'aurais pu vous expédier tel jour en « tel endroit, si je n'eusse dú attendre des or

[ocr errors]
[ocr errors]

« dres ultérieurs. » A ces mots le vézir, jetant sa tunique de ses épaules, et restant assis en chemise, leur dit : « Et pour quelle « raison? que veut de moi Ala-ud-din ? qu'aije fait pour qu'il soit altéré de mon sang? « Je suis son esclave comme celui du sultan. « Me voici entre vos mains. Faites de moi ce

[ocr errors]

« que vous voudrez, >> et il continua longtemps sur ce ton pitoyable. Le sultan instruit de cette scène, se mit fort en colère contre son vézir, de ce qu'il s'était humilié à ce point, et lui envoya l'ordre de faire brûler vifs les cinq fidayis devant sa tente. Le vézir alléguait des excuses; alors, par l'ordre du sultan fut allumé un grand brasier devant la tente du ministre, et l'on y jeta les cinq Bathiniyens, qui au milieu des flammes proferèrent jusqu'au dernier soupir: « Nous som«mes les victimes de notre seigneur Ala-ud« din.» Ensuite le sultan fit mourir le chef de ses Tchaouschs, pour avoir eu l'imprudence de prendre à son service de pareils gens.

Djélal-ud-din étant parti pour l'Irac, Schéréf-ul-mulk demeura dans l'Azerbaïdjan, et tandis qu'il séjournait dans la ville de Berda'a, il vit arriver un envoyé du prince Ismaïliyen, qui lui dit : « Vous avez fait brúler cinq fidayis ; « si vous souhaitez de conserver la vie, vous

[ocr errors]

paierez pour chacun deux mille dinars. » Le vézir fut atterré. Il combla l'envoyé de caresses et de marques de distinction, et ordonna au chancelier Mohammed de Nessa, qui dans sa vie de Djélal-ud-din a transmis ces détails, de dresser un écrit, constatant que que le tribut annuel de trente mille dinars, que le prince Ala-ud-din s'était engagé à payer au trésor du sultan, serait réduit de dix mille dinars, et cet acte fut signé par le vézir.

Après la bataille d'Ispahan, le sultan Djélalud-din se trouvant à Raï, tandis que ses troupes poursuivaient les Mongols vers le Khorassan, y reçut un ambassadeur du prince Ala-ud-din, lequel était accompagné de neuf fidayis. Pour prouver au sultan l'amitié de son maître, cet envoyé le pria de lui indiquer les ennemis dont il voudrait se défaire. Le sultan tint conseil sur cette proposition avec ses principaux officiers, dont la plupart furent d'avis qu'il fallait l'accepter et désigner les victimes; mais Schéréf-ud-din, substitut du vézir dans l'Irac, observa que le but d'Ala-ud-din ne pouvait être que de pénétrer les sentiments secrets du sultan, afin d'abuser de sa confiance, en avertissant ceux qu'il lui indiquerait comme ses ennemis. D'après

« AnteriorContinua »